Le Lac Chen rutilait comme un millier de joyaux. Lisse et paisible dans la clarté aveuglante de cette glorieuse matinée, il venait jouer avec les orteils de Rilend qui sourit du contact froid et revigorant. Assise sur une petite plage de sable, les bras entourant ses genoux, la jeune femme admirait cette mer d'huile et d'eau douce où se mirait le ciel d'un bleu déjà bien pur pour une heure si matinale. Nul son ne courait sur sa surface parfaite, nul bruit, nul clapotis et le premier bruit fut celui produit par les pieds nus de Rilend dans le sable tandis qu'elle se redressait et s'étirait voluptueusement. Puis, fermant les yeux, la jeune femme enchaîna lentement les gestes qui étaient, au fil des ans, devenus un véritable prolongement d'elle-même. Depuis la première fois qu'elle avait pratiqué la gestuelle marchombre, suivant l'exemple d'Erwan, à ce petit matin, l'élève avait grandi et ses tentatives étaient plus abouties désormais, sa conscience de l'instant présent et de ses mouvements plus prégnantes, ses gestes plus centrés et ouverts tout à la fois. C'était là un art, une danse dans laquelle elle avait encore à progresser, et dans laquelle elle avait encore de quoi progresser toute une vie durant. Tant mieux !
Rilend rouvrit les yeux et tourna les talons pour retourner vers l'auberge où elle avait passé la nuit, la dernière avant un long moment. Libertée l'avait laissée libre de choisir le jour de son départ, et aujourd'hui était le jour qu'elle avait choisi. Aujourd'hui commençait son voyage vers le Rentaï.
Quand la jeune femme laissa le lac derrière elle, un sourire courut sur ses lèvres. L'air était frais, le monde était lumineux et brillant, infiniment vivant, les nuages se doraient paresseusement au soleil et la horde de siffleurs qu'elle croisa au détour d'un bosquet s'éloigna en grands bonds exubérants. C'était une bien belle journée pour débuter sa route !
Ne possédant pas de cheval, la jeune femme avait choisi de voyager à pied. Certes, le chemin n'en serait que plus long à parcourir, mais après tout Rilend n'était pas pressée et ces lieues de marche lui permettraient de s'offrir un luxe dont elle n'avait guère eu le temps de profiter au cours de l'année écoulée : seule avec elle-même et le monde, elle éprouvait l'envie de tirer comme un bilan, un dessin de sa progression récente et de ce retour sur la Voie, après sa longue absence. Un instant, au début de son trajet, l'envie avait traversé son cœur de rendre visite à la famille de fermiers qui l'avait recueillie, devenue sa famille, et de goûter à la chaleur des retrouvailles, au plaisir qu'on a à revoir ceux qui nous sont chers et dont le cadre de vie nous est familier. Mais cette idée s'était évanouie aussi vite que disparaissait la buse qui venait de traverser le champ de vision de la jeune femme. Ce voyage n'était pas un voyage d'agrément, et Rilend sentait bien qu'il y avait là quelque chose de spécial, un sens, une signification – qui n'était que celle qu'elle voulait lui donner – et la nécessité d'une certaine solitude.
Elle avait donc pris la direction du Désert des Murmures, seule sur son chemin. Seule sur sa Voie, et le sourire aux lèvres.
Seule ?
Voyage et chasse !La Panthère s'était éveillée, heureuse de l'aubaine, de ce voyage qui lui permettrait peut-être de goûter plus fréquemment à la fraîcheur du vent et aux multiples odeurs de nouveaux territoires. D'un naturel casanier, le félin n'avait cependant d'autre choix que de suivre Rilend puisque toutes deux partageaient un seul corps et presque un bout d'esprit. Mais si son terrain de chasse et de cœur demeurait celui de l'Académie, l'animal savait aussi être mû par la curiosité et pour l'heure, sa bonne humeur portait Rilend en avant.
*
* *
*
Au bout de deux semaines de marche, l'élève marchombre sentit qu'elle approchait du Désert des Murmures. Le climat avait changé, les nuits auparavant clémentes se rafraîchissant à l'inverse des journées, et le sol sous ses pieds muait de la riche terre arable aux terrains plus secs et parfois pierreux. La région, infiniment moins peuplée que les secteurs qu'elle avait autrefois connus, ceux d'Al-Far, d'Al-Jeit ou même les alentours de l'Académie, était presque sauvage, et sauvages étaient les hommes, qui considéraient l'étrangère avec méfiance quand d'aventure ils croisaient son chemin. Mais Rilend n'en avait cure ; vigilante, comme elle l'avait appris, et attentive à son environnement, elle ne réagissait qu'en cas d'intentions belliqueuses et ces dernières étaient fort rares, pour ne pas dire quasi-inexistantes.
Redressant la tête, la jeune femme confirma mentalement ce que son horloge interne lui avait soufflé : la nuit n'était plus loin, et déjà le ciel se teintait d'un bleu d'encre à l'est, tandis que le soleil semblait sombrer sur l'horizon opposé. Il était temps de chercher un abri pour la nuit...au cours des premières nuitées, Rilend avait perdu du temps à trouver une grotte, un point en hauteur et suffisamment discret pour être à l'abri à la fois des brigands et des grands prédateurs qui parcouraient Gwendalavir. Puis, l'idée lui était venue au retour d'une chasse avec la Panthère que son alter-ego félin pouvait s'avérer, dans ce voyage solitaire, un véritable avantage. Un fauve peut dormir en bien des endroits différents et impraticables pour un humain, et il est bien plus rare qu'il se fasse attaquer par un brigand un peu trop imprudent...alors, Rilend, après quelques hésitations, avait pris l'habitude de dissimuler son paquetage chaque soir. Ne conservant sur elle que ses vêtements et ses armes, la jeune femme laissait alors la Panthère prendre le dessus et l'entraîner dans une de ses effrénées parties de chasse, dont elle ressortait si souvent victorieuse. Comme perdue dans la brume qui l'envahissait toujours quand la Panthère était maîtresse de son corps, Rilend laissait sa compagne forcée chasser et se restaurer, puis se trouver un arbre au sommet duquel le grand fauve se juchait pour sommeiller, repu et vigilant.
Au matin, l'animal cédait la place à la femme, comme elles l'avaient toujours fait depuis qu'elles s'étaient, en quelque sorte, réconciliées ou plutôt depuis qu'elles avaient appris à fonctionner de concert, et Rilend, après quelques étirements et gestuelle marchombre, se laissait glisser de l'arbre ou du rocher. Fréquemment, la jeune femme profitait de l'occasion pour dépecer rapidement sa proie de la nuit et en cuire grossièrement la viande, suffisamment pour s'assurer deux jours d'autonomie au cas où la chasse de la Panthère serait infructueuse. Puis, plus ou moins rapidement selon le chemin parcouru par sa compagne à quatre pattes, elle retournait récupérer son paquetage et reprenait son chemin.
Quoique étrange, l'arrangement fonctionnait bien et au fond d'elle, Rilend était de plus en plus heureuse de ce voyage très imprévu qui lui permettait d'en découvrir toujours plus sur la Panthère, et de s’accommoder de plus en plus facilement de sa présence. C'est ainsi qu'elle pénétra dans le désert des Murmures. Quand ses pieds foulèrent un sol rocailleux et aride, puis le sable, et qu'elle put embrasser, émerveillée, l'immensité d'un horizon ocre d'un seul coup d'oeil, la jeune femme marqua une pause et, inspirant profondément, écarta les bras. Yeux clos, elle tenta de se concentrer sur son environnement, d'entendre jusqu'au plus infime chant de dune et de sentir l'odeur du sable chaud et du vent tiède, de percevoir, surtout, le rythme du désert. L'endroit était magique, enivrant et immense, et au terme de la première journée de traversée il émerveillait déjà Rilend.
Majestueux le jour, le sable devenait oppressant la nuit. La Panthère s'agitait, nerveuse, et refusa de prendre la place de Rilend le premier soir. Sans doute trouvait-elle le monde trop plat, trop exempt de cachette pour ses habitudes de prédateur des forêts et la jeune femme n'insista pas, se contentant de ses provisions. Heureusement, elle avait fait preuve de prudence et songé que le désert serait probablement peu giboyeux. C'est pourquoi elle avait, depuis quelques jours, séché plus soigneusement la viande chassée de nuit pour se constituer une réserve à la fois légère, nourrissante et...fort peu goûteuse.
La première nuit fut étrange.
Allongée sur le dos, la tête posée sur son sac et les mains croisées sous le cou, Rilend contemplait les étoiles que jamais elle n'avait vues si brillantes, si proches et si froides à la fois. La nuit manquait de chaleur et, si elle se félicitait d'avoir pensé à se munir d'une couverture, la jeune femme regrettait néanmoins l'absence de la fourrure qui enveloppait si douillettement la Panthère. Roulant sur le flanc en quête d'une position confortable – on ne croirait pas que le sable est si dur -, Rilend se prit soudainement à douter. Les choses allaient si vite...il y avait un an à peine, elle n'avait pas entendu parler de la Greffe, ou simplement par allusions, et n'avait jamais été témoin de son fonctionnement. Il y a un an à peine, elle avait oublié jusqu'au nom de Marchombre. Et puis Libertée lui avait parlé de ce don du Rentaï, sans s'appesantir sur le sujet mais en lui expliquant rapidement les tenants et les aboutissants de cette particularité marchombre. Et puis Rilend avait passé son Ahn-Ju, l'esprit tout entier à sa formation et au plaisir qu'elle éprouvait à retrouver la Voie. Et puis Libertée lui avait dit qu'il était temps de partir. Elle se rappelait lui avoir bêtement demandé :
« Partir pour où ? ». La réponse l'avait laissée bouche bée. Quoi ! Partir pour
le Rentaï, maintenant, si inexpérimentée encore ! C'était si tôt...n'était-ce pas trop tôt ? Etait-elle réellement capable d'y arriver, avait-elle le droit de solliciter une Greffe, elle qui avait dérapé et laissé la Voie de côté deux années durant – certes pas de son propre chef -, elle qui avait à peine obtenu son Ahn-Ju et ne savait, finalement, que pas grand-chose encore ?
C'est l'esprit plein d'interrogations que la jeune femme reprit sa route le lendemain. Au soir du second jour, elle constata avec plaisir que se dessinait sur l'horizon une immense silhouette, une silhouette de montagne, de pic, une imposante masse rougeoyant dans le ciel sans nuages. Elle sentait très clairement que c'était là sa destination, l'endroit où elle devait aller et qui l'appelait comme un phare sur la mer. C'est d'ailleurs face au Rentaï qu'elle se coucha, et elle ne put fermer les yeux, cette nuit-là, que lorsque sa silhouette se fondit dans la nuit d'encre. L'excitation du moment avait fait fondre ses questionnements de la veille et Rilend dormit d'un sommeil heureux, paisible et aussi profond qu'il pouvait l'être en un lieu si riche de vie nocturne et de bruits infimes qu'elle avait appris à percevoir.
*
* *
*
Elle se remit en route sous le soleil levant le lendemain matin, impatiente d'arriver au pied du Rentaï. Consciente néanmoins de l'importance de conserver ses forces, elle s'interdit d'avancer à grands pas comme elle en ressentait l'envie, de forcer l'allure dans le sable et de fatiguer ses articulations à se battre contre un désert qui, de toute manière, ne la laisserait avancer qu'à son rythme à lui. Ce n'était qu'un exercice de plus, comme de nager dans la rivière, comme de marcher prudemment sur le sol de la maison branlante. Plus elle progressait, plus Rilend se disait qu'il était possible d'aller partout, en tout lieu, pourvu qu'on trouve le chemin et l'allure adéquats, et que ce n'était qu'une question de rythme et d'accord au temps propre de l'endroit. Forte de cette supposition, elle reprit le pas souple qu'elle avait adopté après quelques heures de marche dans le sable meuble, avançant d'un pied aussi léger que possible et en foulées raisonnables pour ne solliciter ni ses muscles, ni ses tendons, ni ses articulations fatigués par la longue route parcourue.
Le Rentaï grandissait à vue d'oeil, et, alors que Rilend s'attendait à dormir un soir encore dans le sable, elle parvint au pied de l'imposant édifice géologique en début d'après-midi. L'ombre du Rentaï était alors minime et la jeune femme, pour prendre le temps d'une pause, dut s'installer au plus près du rocher, le dos calé contre la paroi tiédie par le matin. Tirant de son sac ses provisions de viande, Rilend dévora de bon cœur, mais ses yeux demeuraient rivés sur le roc et sur les hauteurs qui la surplombaient, tant ce colosse de pierre obnubilait son esprit et son corps. Elle avait envie de grimper. Elle en avait tant envie qu'elle avait l'impression d'en avoir besoin, et elle dut se faire violence pour contourner le mastodonte en quête d'une source pour remplir sa gourde.
Chanceuse, elle trouva rapidement ce qu'elle cherchait et but quelques gorgées, puis remplit à nouveau le récipient qu'elle accrocha à sa ceinture. Avant de revenir à son point de départ et de tout déposer, gourde et armes, au pied du Rentaï, sous son sac, l'ensemble enterré à faible profondeur. Elle pressentait que tout cet attirail qu'elle avait soigneusement réuni et préparé la veille de son départ serait inutile. C'était une affaire entre elle et la montagne.
Rilend éleva la main, laissant ses doigts frôler la roche dont elle aima le contact. C'était une pierre douce et ferme, franche, délicatement rugueuse et ciselée par le temps, contre laquelle elle se plaqua quand elle commença à s'élever, une prise après l'autre, patiemment mais aussi efficacement que possible. L'impatience quasi-inextinguible qui la tenaillait depuis qu'elle s'était assise au pied du roc commença à s'apaiser tandis qu'elle prenait de l'altitude, et si la lumière déclina, la jeune femme n'en eut pas réellement conscience. Toute entière dédiée à son escalade, elle calait ses pieds, se hissait puis tendait la main et se hissait encore, éprouvant une agréable sensation qu'elle n'avait jusqu'ici connu que sur le dos d'un cheval – après quelques heures de pratique. C'était l'impression de toucher à un but, à une évidence, l'impression d'être là où elle se sentait bien.
Un passage difficile accapara toute son attention et Rilend le négocia attentivement. C'est alors qu'elle crut percevoir un son, une vibration inconnue qui la fit s'immobiliser pour jeter un regard alentours, s'attendant presque à rencontrer quelque chose ou quelqu'un. Mais rien, personne d'autre que cet immense rocher sous ses doigts. Alors, la jeune femme continua à s'élever et plus elle montait, plus le son se fit audible. L'impression qu'il lui laissait, tout d'abord étrange, prit peu à peu une couleur agréable, chaleureuse, comme diffusant une énergie nouvelle dans ses membres fatigués et Rilend poursuivit sa route le sourire aux lèvres, bercée par cette drôle de vibration.
Plus elle grimpait, plus le murmure devenait chant et plus le cœur de la jeune femme s'accordait sur ce compagnon de route, plus elle se sentait bien, heureuse et sereine, satisfaite et paisible, à sa place surtout. Elle suivait une voie d'escalade comme si elle la connaissait alors qu'elle n'était jamais venue, et cette étrange sensation, cette impression que le chant la guidait et la prenait par la main pour lui montrer le chemin, comme le faisait sa mère quand elle était enfant, ne la quittait pas. Rilend avait, en son temps, bombardé Libertée de questions sur le Rentaï et sur le désert des Murmures, mais la femme habituellement si loquace s'était contentée de sourires sibyllins, sans un seul mot. Rilend n'avait pas compris. Mais maintenant, elle voyait très bien pourquoi.
Comment décrire un instant si magique ? Comment utiliser les mots justes quand il n'existait rien pour dépeindre cette sensation, cet instant dont elle savait déjà que, quoi qu'il se passe, elle ne l'oublierait jamais ? Comment poser sur un moment aussi délicat des syllabes qui l'alourdiraient forcément, le videraient de tout son sens et l'affadiraient par la magie du langage ? Nulle métaphore, nulle figure de style, nulle poésie même marchombre ne saurait jamais rendre la complétude dans laquelle baignait Rilend tandis qu'elle se coulait contre le roc comme un poisson dans l'eau, si sensible au murmure qu'il lui semblait parfois qu'il émanait d'elle et non de cette immense personnalité de pierre, au cœur du désert. Son univers se réduisait au Rentaï et à elle-même, au murmure qui semblait fusionner avec elle et pourtant Rilend ne s'était jamais sentie une si forte appartenance au monde et une telle conscience.
Le sol était bien loin à présent.
Le monde était bien proche.
Le murmure aussi.
*
* *
*
Il y avait comme une faille sur la plateforme sur laquelle elle s'était arrêtée. Rilend ne se posait plus de questions à présent : baignée par le chant, elle le laissait guider ses pas et c'est tout naturellement qu'elle se coula dans la fente, si étroite que son haleine embuait le roc et que ses hanches frôlaient la paroi tiède, presque chaude. Sous ses doigts, la pierre était douce comme une fourrure de chat, lisse, presque lustrée et l'odeur minérale et riche l'emplissait toute entière. Une fraîcheur bienfaisante baignait la fissure, pourtant la paroi sous ses doigts et contre sa peau devenait de plus en plus chaude, presque aussi chaude qu'un corps humain, tandis que le passage s'élargissait légèrement et que Rilend, subjuguée, continuait sa progression.
La faille s'élargit encore. La lumière du jour, derrière elle, avait déjà disparu dans les circonvolutions du chemin, mais une duce clarté baignait la petite salle où la jeune femme se trouvait désormais, une salle presque ronde, une salle au sol doux et incurvé comme le creux d'une main, aux parois lisses et mates, au plafond bas. D'ordinaire sujette à une légère claustrophobie, Rilend ne ressentait nulle gêne mais ne s'en étonna pas : elle n'était pas dans l'état d'esprit qui permet de s'étonner de quoi que ce soit, et toute entière tournée vers ce chant avec lequel il lui semblait dialoguer, comme s'il était une réponse sans mots à une question qu'elle ne savait pas formuler mais qu'elle avait néanmoins formulé, elle avança jusqu'au centre de ce cercle. Le Murmure, ici, était intense, immense, majestueux et amical à la fois, aimant et tendre tout autant qu'impérieux, mais Rilend était heureuse, profondément heureuse de suivre ce que lui suggérait le chant. Dans quelques gestes doux, elle se dévêtit, laissant glisser sa tenue sur le sol et quand ses pieds nus touchèrent le roc, une chaleur bienfaisante remonta le long de ses jambes, les délassant de la fatigue qu'elle n'avait pas senti jusqu'alors. Le Murmure chantait toujours, si intense qu'il en devenait presque visible, une brume légère et immatérielle qui enveloppait Rilend mieux que n'avaient jamais su le faire l'eau, l'air ou les bras d'un compagnon.
Et puis, de réponse, le chant devint questionnement. A moins que ce ne soit d'elle-même que provenait la question, elle n'aurait su le dire et ne s'attarda pas sur ce détail, tant cette interrogation qui se dessinait et se clarifiait doucement au gré du chant du Rentaï lui paraissait, en cet instant précis, naturelle et légitime.
Tout autant que sa réponse.
« Moi ? Rilend Ansakh...je suis Marchombre. »Moi. Marchombre.Le mot n'avait jamais eu tant de force, le murmure n'avait jamais résonné si fort tandis que Rilend, allongée sur le sol qui moulait la forme de son corps sans qu'elle se soit sentie y tomber, voyait la clarté dorée de la petite salle s'affadir et se diluer tandis qu'elle s'enfonçait, sans peur aucune et pleine d'une étrange exaltation, dans la roche. Elle avait cette impression, merveilleuse.
Le sentiment de toucher à un but jusqu'ici méconnu.