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 Rilend Ansakh

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MessageSujet: Rilend Ansakh   Rilend Ansakh Icon_minitimeVen 11 Nov 2016, 16:03



Dernière édition par Rilend Ansakh le Lun 28 Nov 2016, 00:55, édité 14 fois
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MessageSujet: Re: Rilend Ansakh   Rilend Ansakh Icon_minitimeVen 11 Nov 2016, 16:09

CHAPITRE 1 : L'enfant des mers pirates
Rilend Ansakh Ocean10
Protagonistes: Rilend, Astyr, Elaine et Luthiak Ansakh.

Âge : De la naissance à 8 ans.

Lieu : Océan du Sud et bateau pirate aline.

C'est un matin. Un matin frileux, sur la mer qui gronde contre la coque, et les embruns chatouillent le visage des imprudents qui se perchent sur la rambarde. Ou se penchent par-dessus pour vomir, car le peuple des pirates Alines n'est pas davantage marin que les autres et il existe, là aussi, des malchanceux dont l'estomac ne tolère pas les ondulations de la mer...

Frileusement, dans la cale, les prisonniers sont blottis les uns contre les autres, mais ils font cercle et ménagent un espace de deux mètres de diamètre, dans lequel une femme est assise, pâle, tremblante, mais souriante. Dans ses bras, elle tient un bébé qui gémit, dérangé par une déferlante plus violente que les autres, puis reprend sa tétée avec cet air sérieux qu'ont les nouveaux-nés qui se nourissent. Au-dessus de la femme, un homme se penche, des larmes plein les yeux, et la cale est pleine d'un silence respectueux et ému. L'homme, la quarantaine, les cheveux noirs et les yeux marrons, déglutit:

"Une fille...une petite fille. Je ne sais pas comment j'ai pu mériter un bonheur pareil.
- Papa!"


Un petit cri coupe le silence comme une lame de couteau et apparaît, au bord du cercle, une gamine, cinq ans tout au plus, peut-être six, qui tient la main d'une femme entre deux âges. L'enfant observe le bébé avec de grands yeux, puis piaille à nouveau:

"Papa! Je suis là! Miranda m'a dit que je devais venir et me réveiller!
- Viens par là, ma puce, sourit l'homme. Viens voir ta petite soeur, qui est née cette nuit, mais sans bruit. Il ne faut pas qu'on la dérange, tu sais.
- Elle est toute fripée, grogne la fillette.
- Elle va se déplier, rit Luthiak en serrant sa fille contre lui.
- Elle s'appelle comment?
- Eh bien...
- Astyr, souffle la femme. Elle s'appelle Astyr."


Luthiak rit, pose sa main sur l'épaule de sa femme Elaine, et prend sa fille dans l'autre bras:

"Voilà, Rilend. Ta petite soeur s'appelle Astyr."

Autour d'eux, les prisonniers, capturés ici et là par la pirates Alines qui veulent les réduire en esclavage, ne pipent mot tandis que l'enfant fait connaissance avec sa petite soeur, indifférente, qui s'agrippe au sein d'Elaine comme si sa vie en dépendait.

Astyr était un bébé, et un bateau de prisonniers n'est pas un bon endroit pour qu'un bébé grandisse. Une fièvre maligne s'empara de l'enfant, qui s'étiola et mourut après quelques nuits de pleurs; un voile de tristesse tomba sur le bateau et même les rudes pirates Alines, touchés, laissèrent la mère envelopper son enfant mort dans un linceul et le jeter à l'eau, comme font les communautés de pêcheurs du sud, avec quelques mots de circonstance. Tandis qu'Elaine se réfugiait en sanglotant dans les bras de Luthiak, Rilend, du haut de ses six ans perchés sur la rambarde, indifférente aux armes des pirates qui veillaient, regardait disparaître au gré des vagues ce petit paquet de linge blanc. Elle ne comprenait pas. Comment sa soeur avait-elle pu mourir alors qu'elle-même, née sur ce bateau, avait survécu si longtemps, transbahutée d'île en île, persuadée de ne jamais revoir la terre d'où venaient ses parents, ce grand continent du Nord, Gwendalavir?


Dernière édition par Rilend Ansakh le Ven 11 Nov 2016, 16:44, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Rilend Ansakh   Rilend Ansakh Icon_minitimeVen 11 Nov 2016, 16:14

CHAPITRE 2 : Un armurier de talent
Rilend Ansakh Il_57010
Protagonistes: Rilend, Elaine et Luthiak Ansakh, Kefira, les villageois.

Âge : De 8 à 11 ans.

Lieu : Un village du Sud.

"Papa! Regarde mon couteau!"

Rilend pointe vers son père un outil de bois, maladroitement sculpté et Luthiak interrompt son travail pour sourire à sa fille unique. L'entourant de ses bras, il l'amène près de la forge et lui montre comment il touche, cisèle et martèle les métaux pour qu'ils prennent la forme désirée. Il est en train de travailler sur une lame, longue, effilée, brillante, et il en sculpte la poignée avec adresse. Les yeux de Rilend brillent autant que le métal en fusion:

"Tu m'apprendras?
- Quand tu seras assez grande pour panser le dos du cheval du vieux John sans avoir besoin de tabouret!"


Rilend rit, et son père l'imite. Ils ont eu une chance incroyable, tous les trois...Vendus par les pirates à un marchand peu scrupuleux, déterminé à les revendre, peut-être, à d'autres navires pirates faisant voile plus à l'Est, les malheureux parents et leur petite fille ont réussi à s'échapper. Un village leur a offert l'asile et, quoique méfiants, ses habitants ont reconnu l'intérêt du savoir-faire de Luthiak, armurier avec quelques notions d'orfèvrerie. Alors, l'homme façonne des poignées et des gardes, vend des lames, tandis que sa fille court de maison en maison, rend de menus services et, quand elle s'en lasse, part jouer dans la forêt aux côtés de Kefira. Kefira qui, d'ailleurs, attend au seuil de l'atelier, ses yeux jaunes et pâles rivés sur l'enfant. S'il était un chien, et non pas un loup ramassé par hasard dans une tanière désertée, l'animal battrait de la queue. Mais les loups ne remuent pas la queue et seuls les yeux de Kefira disent son attachement pour sa meute humaine.

* *
*
Ce n'est que quelques années plus tard que Rilend obtient de son père un cadeau magnifique. L'enfant a près de onze ans, et Luthiak lui offre une dague d'une vingtaine de centimètres sur laquelle un loup et une panthère s'entrelaçent au-dessus d'une poignée couverte de cuir et autour d'un quartz violacé, trop peu coloré pour être une améthyste, trop beau pour aller au rebut. Rilend tourne et retourne sa lame, hypnotisée, quand une rumeur grandissante dans la rue l'intrigue: l'enfant se lève et sort de la maison. Elle découvre alors son père, entouré d'une foule que, avec sa sensibilité de gamine, elle devine hostile. Luthiak s'écrie, désespérément:

"Mais puisque je vous dis que je n'ai pas volé ce collier!
- Et où est-il, alors, hein? Le noble voyageur qui l'a perdu assure que c'est toi!
- Fouillez donc les autres maisons!
- Non. Mes compatriotes sont au-dessus de tout soupçon, et si on veut éviter que l'affaire remonte à la capitale, il nous faut faire quelque chose...Luthiak, rend ce collier, tu connais la peine infligée aux voleurs, n'est ce pas?"

Luthiak blêmit. Dans ce petit village, un peu rude, on punit officiellement les voleurs, et officieusement, on s'y prend d'une façon quelque peu barbare: à coups de pierre ou de couteaux, jusqu'à ce qu'il ne reste...plus grand chose. Rilend aussi comprend le danger, et elle court vers l'homme, juché sur son cheval bai, qui épie la scène:

"Mais monsieur, vous êtes sûr que vous n'avez pas perdu ce collier? Votre femme l'a peut-être laissé glisser dans la rivière, quand vous êtes allés vous baigner hier, non?"

L'homme baisse un regard méprisant sur l'enfant et, sans répondre, talonne son cheval pour contourner la foule, qui se resserre autour de Luthiak. Un animal pénètre soudain le cercle et montre les crocs dans un grognement parfaitement audible.

Pauvre Kefira, qui voulait défendre son maître; il sera la première victime. Rilend pousse un hurlement en voyant deux hommes se ruer sur le loup. La bête se défend, certes, mais que peut un loup contre des hommes armés et déterminés, quand il est acculé dans un cercle d'humains? L'animal ne tient pas longtemps; ses yeux clairs perdent peu à peu leur clarté et se figent dans un regard d'outre-tombe, une dernière lueur quand il voit Rilend courir vers lui en pleurant, puis plus rien. Ce grand vide des yeux morts.
Et c'est Luthiak qui, maintenant, pousse un cri de douleur. En entendant cette voix chérie pousser un tel hurlement, Rilend se fige. Elle n'a que onze ans, elle est perdue, elle ne sait plus quoi faire et elle éclate en sanglots quand une main saisit la sienne, dans le vacarme de cette horde humaine et surexcitée.

"Viens!"

L'enfant sèche ses larmes et voit le visage de sa mère, penchée sur elle. Rilend gémit et sa mère insiste:

"Viens, maintenant! Il faut partir...On ne peut pl...on ne peut rien faire. Il faut fuir."

Elaine court, la petite à la suite; la femme part sans rien, à part une bourse remplie de menue monnaie. L'enfant n'a que Talisman à la main et elle serre ses doigts autour de la poignée de cuir tiède.


Dernière édition par Rilend Ansakh le Ven 11 Nov 2016, 16:44, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Rilend Ansakh   Rilend Ansakh Icon_minitimeVen 11 Nov 2016, 16:24

CHAPITRE 3 : La ville des rebuts
Rilend Ansakh Sans_t10
Protagonistes: Rilend et Elaine  Ansakh, Cara, Skif.

Âge : De 11 à environ 16 ans.

Lieu : Al-Far, quartiers pauvres.

Elles ont choisi de fuir vers Al-Far: Al-Jeit semble être le fief du noble, et Elaine a peur de cet homme qui a ordonné la mort du sien. La femme voyage longtemps, usant de caravanes et d'autres convois pour atteindre sa destination, la ville du nord, aussi belle et prospère que la capitale, un village devenu ville en pleine expansion. Elle trouve après quelques déboires un lieu de vie et s'y établit, se faisant blanchisseuse, ravaudeuse, en un mot spécialiste en vêtements. Rilend se fait des amis, et est souvent invitée chez eux.
L'enfant grandit.

Elle a douze ans, et trouve le comportement de sa mère étrange. Elaine rentre tard, pleure sur son sort, pleure sur leur sort et pleure son mari des heures durant. Elle travaille de moins en moins, se lève alors que le soleil est à son zénith, parle souvent d'Astyr, vide de plus en plus de verres qui ne sont pas verres d'eau. Elle se met peu à peu à délirer, à tituber, reconnaît sa fille la plupart du temps...mais pas toujours. Les connaissances de Rilend invitent toujours l'enfant, mais évitent la mère.

Rilend a treize ans, et elle est assez grande pour connaître ces liqueurs et ces alcools dont l'usage détraque non seulement le corps mais aussi l'esprit. Assez grande pour comprendre ce qui va, tôt ou tard, se passer. Comme elle a faim, elle vole, sur le marché, de quoi compléter l'ordinaire dont la monnaie passe dans la boisson. Elle s'invite chez ses amis, elle mange chez eux...elle mendie chez eux. Et le jour où un sergent de la ville lui annonce qu'on a retrouvé sa mère, morte, sur un pavé gelé par une nuit d'hiver, elle n'est même plus étonnée.

* *
*

Elle vit chez les uns et les autres, mange chez les uns et les autres, y apprend ses lettres, et puis erre dans la rue la plupart du temps. Elle dort chez ses amis, parce qu'on ne laisse pas un enfant dehors, mais elle sent aussi une vague désapprobation grandir autour d'elle...Elle n'est plus une enfant, et les parents voient en elle une future voleuse, une future femme de mauvaise vie, une créature maudite et perdue dont l'influence risque de détourner leurs propres rejetons des projets qu'ils ont pour eux. Alors, une à une, les portes se ferment et les amis changent. D'enfants des familles d'Al-Far, ils deviennent enfants des rues d'Al-Far. Rilend se mêle à eux, vole avec eux et galope dans les rues à leurs côtés.

L'un d'eux, en particulier, Skif, devient son meilleur ami. Il a quatorze ans, elle aussi, et ils volent ensembles, ils jouent ensembles, ils courent ensembles; la ville devient leur terrain de jeu. Leur intimité est telle qu'elle exclut parfois les autres membres de la bande et c'est chez Skif, chez sa mère, Cara, prompte à serrer contre elle cette petite fille demeurée enfant par certains aspects et qui l'attendrit, que Rilend s'endort le plus souvent. Ils ne sont pas vieux, mais plus des enfants non plus, et ce d'autant plus que les enfants des rues grandissent vite...Alors, les relations entre Skif et Rilend évoluent doucement, d'amitié en une sorte de flirt amical, de flirt en gestes plus osés, en rigolades à corps perdus dans les coins les plus obscurs des ruelles, en sorties de nuit, en jeux plus ou moins innocents. Avec lui, elle découvre des sentiments nouveaux et des gestes inédits, et plus tard, vers son quinzième ou seizième printemps, elle ne sait plus, elle découvre bien plus. Ils vivent toujours chez Cara, partagent le plus souvent le même lit et dessinent force projets: ils vivront dans un palais, ou ils voyageront jusqu'aux frontières du monde...Projets de gamins perdus qui ne rêvent que d'envol;

Rilend et Skif volent. Beaucoup. Au nez et à la barbe des gardes, et la jeune fille acquiert une certaine habileté dans ce domaine, qui lui vaut le surnom de "Chat de Maraude", en référence à son habitude de fuir par les toits, comme une flèche. L'adolescente n'a révélé son véritable nom qu'à Skif et Cara, pour les autres, elle est "le Chat" ou Astyr. C'est comme une façon de ramener sa petite soeur à la vie, d'effacer l'injustice terrible qui a fait d'elle un simple souvenir dans l'esprit de Rilend...

Un jour, elle croise ce noble, dont elle n'a pas oublié le visage, cet homme qui, pense-t-elle, a fait accuser Luthiak de la perte du collier de sa femme. Rilend ne réfléchit pas longtemps. Talisman dans sa main droite, elle se tapit derrière l'homme, le suit, longtemps, très longtemps...saute, frappe, et s'enfuit tandis que le coeur de l'homme ralentit puis s'arrête. Elle essuie ses larmes d'un revers de main, sachant bien qu'elle devrait être heureuse que son père soit vengé, mais...elle a le coeur gros, ce soir.


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MessageSujet: Re: Rilend Ansakh   Rilend Ansakh Icon_minitimeVen 11 Nov 2016, 16:33

CHAPITRE 4 : La Panthère et la Marchombre
Rilend Ansakh Black-11
Protagonistes: Rilend Ansakh, Helyn, Erwan Narcos, La Panthère

Âge : D'environ 16 à 26 ans.

Lieu : Al-Far, puis l'Académie.

Rilend a seize ans. Loin d'être une splendide créature, aux charmes aguicheurs, comme celles qui appâtent le chaland dans les rues de la ville, elle est néanmoins devenue plus féminine. Elle a un corps de femme, des formes encore juvéniles mais des formes tout de même...et les regards qu'on pose sur elle changent. Ceux des gardes sont parfois concupiscents, comme ceux des passants. De son côté, elle apprend à gérer cette nouvelle attention, et à envoyer, quand la situation l'impose, coups de pieds voire de couteau.

Mais ce soir-là, elle s'est bêtement laissée prendre. Avec Skif, ils sont allés boire une bière dans un des vieux pubs de la ville. Comme des adolescents, des jeunes gens à qui le monde semble appartenir, ils ont beaucoup ri, beaucoup ricané, beaucoup gloussé. Skif était assis aux côtés de Rilend, ses amis avaient ramené des "amies" et l'ambiance était plus que détendue, presque grivoise, quoique ces jeunes gens soient encore assez timides dans leur volonté de "jouer aux hommes". Finalement, Rilend a décidé d'aller prendre l'air. Un baiser à Skif, une porte à pousser et l'obscurité malodorante mais fraîche de la rue s'offre à elle.

Elle réalise qu'elle est suivie. Trois, peut-être quatre personnes s'attachent à ses pas et la peur des animaux traqués déferle soudain sur la jeune fille, qui se perd dans les ruelles, tourne et pivote, fait tout ce qui en son pouvoir pour égarer ses suiveurs. Des suiveurs qui s'accrochent, encore et encore...et un cul-de-sac finit par se dresser devant Rilend dont le coeur rate un battement. Elle se retourne, vivement, et gronde doucement, comme par instinct.

Ils sont quatre, et ils se rapprochent lentement, souriant d'un air mauvais. Rilend gémit intérieurement: ils ne se contenteront probablement pas de la délester de sa bourse, bien vide au demeurant. Ce qu'ils veulent est d'une toute autre nature...Et quand le premier veut la saisir, pour l'immobiliser, la panique la renverse comme pourrait le faire une de ces déferlantes, sur le bateau pirate, les nuits de tempête. Rilend perd pied, s'entend pousser un grand cri de colère qui évolue et se modifie, une voix inhumaine, presque animale, un tourbillon de sensations, des chocs, des cris, l'odeur du sang, de la peur et de la souffrance, des gargouillements, des glapissements et...et une jeune fille recroquevillée dans un coin d'Al-Far, tremblante. Le coeur au bord des lèvres, du sang jusqu'aux oreilles, Rilend regarde les hommes, les corps plutôt, quatre corps plus ou moins éparpillés, dans une mare de sang dont l'odeur fade se mêle aux senteurs rances des ruelles qui souvent servent de latrines. Elle regarde ses mains, sans comprendre comment ces doigts blancs ont pu infliger ces blessures longues, profondes et suitantes qui coupent les hommes en deux. Elle pleure, sanglote, elle finit même par pousser un hurlement de terreur et de dégoût mêlés.

Puis prend une décision.

Rilend sait qu'elle doit quitter Al-Far, qu'une enquête aura lieu, qu'elle n'est pas en mesure d'y faire face, qu'elle risque de porter malheur à ses amis et surtout, surtout, à Skif et sa mère Cara. La jeune fille se relève, se débarbouille dans une fontaine proche dont elle tache l'eau de rose, se mire longuement dans l'eau calme et prend la résolution de partir, immédiatement et sans même revoir les siens. La peur la pousse en avant, et l'accule à la fuite.
Elle quitte Al-Far.

* *
*

La honte viendra plus tard, sur la route du Sud, très près d'Al-Far encore, car elle veut revenir dans des contrées plus clémentes pour les voyageurs. La honte, le regret, la peur mais cette fois-ci, la peur d'elle-même, qui la noient et la tourmentent tout au long de sa route. Jusqu'au jour où elle tombe -littéralement- sur une jeune femme muette, dont la beauté étrange, le calme, la sérénité et l'énergie la stupéfient. Elle aussi, elle en deviendrait presque muette.
La femme lui parle d'une école, une...Académie? Située non loin d'ici et Rilend comprend qu'elle l'enjoint à s'y rendre; elle l'accompagne. Elle la suit, jour après jour...et franchit les portes d'un vaste domaine dont elle ne soupçonnait même pas l'existence.

La suite se pare de nouvelles couleurs.

Bleu, un bleu profond, plus immense et brillant que celui de la mer du sud, l'été: les yeux de son maître, Erwan. Un calme intense dont elle se souvient encore, et qui provient de la certitude d'être là où elle doit être, de faire ce qu'elle doit faire, au cours de nombreux entraînements qui, étrangement, l'épuisent et la revigorent. Fatiguent son corps, et activent son esprit.

Une nuit, dans une forêt, où un jaguar et une panthère courent côte à côte et chassent ensembles, le coeur de Rilend gonflé de joie et de bonheur à l'idée qu'elle peut, à nouveau, se faire confiance, que cet animal qui a déchiqueté les hommes qui s'en prenaient à elle, c'est elle, c'est elle et personne d'autre, elle toute entière. Elle se redécouvre. Doucement. Parfois brutalement.

Elle demande quelques jours afin de remonter à Al-Far et de retrouver Skif, dont le sourire et les rires lui manquent, dont le contact et l'odeur lui manquent tout autant...Elle enfourche un cheval de l'Académie, promet de revenir dans quelques mois, probablement moins, et prend la route du Nord.


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MessageSujet: Re: Rilend Ansakh   Rilend Ansakh Icon_minitimeVen 11 Nov 2016, 16:43

CHAPITRE 5 : Une fermière du Nord
Rilend Ansakh Allier10
Protagonistes: Liana (Rilend Ansakh), La Panthère, Gervaise (Mam'), Freddy (Papet), Hilda, Ghislain, Julia, Tara, Robin, Thor, Yann, le marchombre, Bergerac, Satina.
Âge : D'environ 26 à 30 ans.

Lieu : Les collines du Nord et la route d'Al-Far.

   Elle gît contre un rocher, haletante, vaguement nauséeuse et surtout...incapable de dire ce qu'elle fait là. Oh, elle sait qu'elle est une humaine, elle a deux bras, deux jambes...un homme agenouillé devant elle. Il parle. Une langue qu'elle comprend, semble-t-il. Oui, elle la comprend. Pourquoi?

   "Mademoiselle, ça va aller?"

   Non, ça ne va pas. Mademoiselle, mademoiselle comment? Qu'est ce qu'elle fait là? Qui est-il? Les questions tournoient dans sa tête, incessantes, terribles, agaçantes et impérieuses. Elle se relève lentement et il lui demande son nom. La question la plus terrifiante de toutes remonte à la surface et son impact fait chanceler la jeune femme.

   Qui est-elle?

* *
*

   Ghislain n'est pas un mauvais homme et quand il comprend que cette jeune femme, apparemment tombée de cheval au vu de sa posture et de sa tenue, est amnésique, il l'emmène avec elle. A la nuit tombée, ils rejoignent une ferme, et Ghislain porte deux lièvres qu'il a pris au collet. Sonnée, elle marche à ses côtés.

   Des gens l'entourent, beaucoup de gens, curieux, parfois étonnés, juste dubitatifs et elle entend à peine Ghislain raconter comment, et où il l'a trouvée. Ah bon, elle serait tombée de cheval? La femme regarde le ciel, puis la plaine alentours. D'où vient-elle? Quand Hilda, la femme de Ghislain, la saisit dans ses bras après avoir confié sa toute petite fille à son époux, la jeune femme trébuche, s'évanouit. Et se réveille trois jours plus tard, reposée...mais toujours aussi amnésique.

   Alors, elle décide de rester sur place, de partager la vie de cette famille. Au début, maladroite, fatiguée, encore fragile, elle demeure à la maison et assiste Hilda dans les tâches ménagères, s'occupe aussi des enfants : Julia, la nouvelle-née, et puis Tara, dont les onze ans la rendent plus que remuante. Elle remet les choses au clair avec Robin et Thor, les jumeaux intenables de quatorze ans, qui prennent plaisir à taquiner les cadets...et à taquiner les employées dans la grange. Rilend les surprend, une ou deux fois, à jouer dans le foin avec les enfants des autres familles qui vivent dans cette grande ferme. Elle sourit, et referme la porte. Elle aussi, elle a été jeune, même si elle ne s'en souvient plus, pas vrai?

   Yann, l'aîné, semble proche de son âge, un peu plus jeune peut-être, une vingtaine d'années, mais c'est déjà un homme. C'est lui qui la convainc de laisser Hilda se débrouiller avec ses enfants et de venir l'aider, d'abord aux champs puis, quand il remarque que la jeune femme sait plutôt bien tirer à l'arc, à la chasse. Il lui présente un cheval et elle réalise qu'elle s'entend bien avec l'animal, et que lui semble l'apprécier...Alors elle enfourche l'équidé, et ils partent inspecter des champs plus éloignés.

   "Tu montes bien, pour quelqu'un qu'on a retrouvé à demi-morte...
   - C'est ça, fous toi de moi. Il est magnifique ce cheval, quel est son nom?
   - Magnifique? Un vieux pépère, moitié cheval de trait, oui! Il s'appelle Bergerac.
   - ...
   - Quoi?
   - Rien, je me disais quelque chose d'idiot.
   - Essaye toujours.
   - Lui au moins, il a un nom."


   Yann garde le silence quelques secondes, puis attrape sa compagne par le bras:

   "On peut en toucher deux mots à Mam', elle se fera un plaisir d'arranger ça!
   - Oui, mais les goûts de Gervaéise en matière de prénoms sont...
   - Sont formidables! C'est pas la mère de mon père pour rien, tu verras!"


   La joie de Yann est communicative et la jeune femme lui rend son sourire. Surprise par le léger rouge qui monte aussitôt aux joues du fils de Ghislain, elle talonne Bergerac qui consent à prendre un trot lent et chaloupé.

* *
*



   "Liana?
   - Hilda?
   - Tu peux mettre la viande à rôtir, s'il te plaît? Je vais m'allonger une minute.
   - Si il y a un morceau qui brûle, pense à moi!
   - Oui, Mam', je vous l'apporte. Tout de suite, Hilda."


   Liana s'éloigne d'un pas guilleret, pour aller faire rôtir le chevreau sauvage ramené par Ghislain, la veille. Elle rit du bon mot de Mam', dont l'amour pour la viandre grillée n'est pas une légende, tout en dépeçant l'animal tandis que Hilda, enceinte de sept mois, profite de l'occasion pour s'étendre un peu. Elle arrive au bout de son labeur quand un son et une variation de l'air, ou de l'ambiance, ou un instinct, elle ne sait trop comment l'expliquer, l'alerte, et elle lève les yeux juste à temps pour voir Yann, les jumeaux et deux employés surgir de derrière un bosquet proche. Liana leur adresse un signe enthousiaste, tout en surveillant la cuisson de la viande, jusqu'à ce que Freddy, l'oncle de Hilda, ne s'interpose:

   "Jeune femme, laisse moi gérer ça.
   - Ne faites pas tomber le chevreau en tremblant, Papet.
   - Jeune insolente!"

   Elle rit, et Freddy aussi. C'est un vieux sujet de taquineries entre eux. Yann, entre temps, s'est laissé glisser à bas de son cheval et rejoint Liana, qui s'éloigne vers la cuisine, pour attraper son épaule. Son sourire est, comme toujours, contagieux:

   "Comment va la plus jolie des cuisinières?
   - Arrête, Yann.
   - Et pourquoi? Je n'ai plus le droit aux compliments?
   - Tu ne comprends pas..."


   Liana est fatiguée d'avance d'entamer une discussion qu'elle mène presque chaque soir. Yann sourit, buté:

  "Je ne comprends pas quoi? Je ne te plais pas, peut-être? Menteuse...
   - Si, mais ce n'est pas...Je ne sais rien de moi, pas plus que toi. Je pourrais être mariée...mère...
   - Toi? Tu n'as pas le corps d'une femme qui a déjà eu des enfants! Même d'une femme très athlétique! Et tu n'as pas une tête à jouer à la bonne épouse mariée...je te vois mal en mère de famille ou femme au foyer, non?
   - Si je ne ferais pas une bonne épouse, je...
   - Je n'ai pas dit ça!
   - Tu es épuisant. Et moi, je ne sais rien, vraiment.
   - Tu sais ton nom.
   - Donné par ta grand-mère!"

   Yann lève les yeux au ciel, mais n'ajoute rien et attire Liana contre lui. Elle se laisse faire, comme toujours vaincue par le sourire et l'affection manifeste du jeune homme, dont elle sent les muscles jouer sous ses bras tandis qu'il la serre doucement. Liana étouffe un soupir contre la poitrine de Yann, qui reprend:

   "Je prends le risque."

   Liana se dégage vivement et s'éloigne d'un pas vacillant, laissant son compagnon immobile. Elle ne veut pas, elle ne peut pas s'engager dans une telle relation alors qu'elle ne sait même pas qui elle est...en tous cas, elle ne le devrait pas, et elle tente tant bien que mal de se convaincre que les nuits qu'elle a passées aux côtés de Yann ne sont que le reflet du besoin de compagnie qu'elle a, parfois.

* *
*


   Un soir, un homme accompagne les fermiers. Un homme, et une caravane, qui fait escale dans la ferme, chaleureusement accueillie par les enfants pour lesquels toute arrivée est une aventure en soi. Mais l'homme...Liana le dévisage longuement. Il n'est ni grand, ni fort, ni beau. Il n'a pas un cheval magnifique, ou de riches vêtements. Il a...autre chose. Quelque chose, une vigueur animale qu'il semble répandre autour de lui, mais aussi un calme profond, une grande sérénité qui prend sa source plus profondément que dans le simple bien-être. C'est un homme qui, songe Liana, semble être à sa place. Là où il doit être, au moment où il le doit. Un homme qui est dans son propre temps.

   Son temps.

   Liana sursaute, et le licol qu'elle tenait à la main tinte en heurtant le sol. Des souvenirs l'assaillent, violents, impétueux comme le torrent qui la renversait alors que, vaillamment, elle s'efforçait de demeurer debout. Elle se souvient du froid de l'eau qui la mordait alors qu'elle essayait, tremblante, de résister, de s'opposer au courant plus fort que tout. Plus fort que tout comme le tourbillon qui la balaie soudain. Elle trébuche, s'enfuit et échappe au regard des fêtards pour aller s'adosser à un mur de l'écurie. Bergerac lève les yeux et passe son museau par la porte, Liana le caresse, pensivement. Les chevaux l'ont toujours apaisée, et elle se souvient d'un petit cheval, peut-être roux, Roméo, un petit cheval dont elle avait dû...

   Percevoir le temps.

   Liana - Liana? - ferme les yeux dans un long gémissement et appuie sa tête sur l'encolure de Bergerac, qui se laisse faire. Dans l'odeur des poils de l'animal, l'odeur forte et entêtante du cheval, elle retrouve celle du petit cheval de l'Académie qu'elle avait enfourché un soir, pour tirer à l'arc. Un cheval. L'Académie.

   Les marchombres!

   Liana - non, pas Liana! - sursaute tandis que les souvenirs affluent. Des élèves, d'autres élèves, la marchombre muette, Erwan, Astyr, les chevaux, Al-Far, Skif, Yann, tout tournoie et se mélange tandis qu'elle se perd dans ses souvenirs avec, étonnament, la sensation de reprendre pied. Elle n'est pas Liana. Elle est Rilend. Elle est marchombre...ou en tous cas, elle le sera, elle le sait, elle le sent, c'est là sa place.
   Il faut encore l'annoncer aux autres.

* *
*

   Ghislain a parfaitement compris qu'elle leur fasse ses adieux et refuse l'argent qu'elle veut leur laisser. Il pleure un peu sur son épaule, en la serrant contre lui, puis il la laisse aller, comme Hilda dont le bébé, Ken, le dernier-né, hurle, sensible à la tension soudaine. Les deux jumeaux, maladroits, mal à l'aise, se contentent d'une phrase ironique et Rilend leur sourit, un sourire fragile mais rieur, soulagée et heureuse que ses proches ne la retiennent pas.

Parce qu'elle ne pourrait pas rester. Elle n'est pas ici.

   Il ne lui reste plus qu'un adieu à faire...Rilend trouve Yann dans le box de son cheval, une jument pie, Satina, dont il caresse machinalement l'épaule, tournant le dos à la jeune femme. Avec un soupir, dans un geste qu'elle ne s'était jamais autorisé pour ne pas encourager les avances de l'aîné de la famille, Rilend l'entoure de ses bras, et Yann ne dit rien, n'ajoute rien. Simplement, il tortille une mèche de crins de Satina, et souffle dans le poil de sa jument:

   "Rilend...ça sonne bien, hein? Ca sonne mieux que Liana. Rilend, marchombre...je suppose que les marchombres ne sont pas des fermiers."


   Elle ferme les yeux, appuie la tête sur son dos et en sent la musculature familière, mais Rilend sent que son coeur l'appelle ailleurs, que toute l'affection et l'attirance qu'elle a pour ce jeune fermier, plus proche d'une profonde amitié que d'un véritable amour, n'est rien devant l'appel puissant qui la tire en avant. Elle veut, elle doit retourner à l'Académie. Chez elle. Un léger tremblement des épaules de Yann lui apprend que le jeune homme pleure, et elle n'a pas le courage d'ajouter quoi que ce soit, alors, elle recule, le lâche doucement et s'éloigne. Yann la rattrape brutalement et l'attire contre elle, là encore elle ne proteste pas et accepte son baiser, le lui rend sans rien dire, s'agrippe à lui comme un noyé à un bout de bois, puis recule tandis qu'il la lâche. Il s'est aussitôt détourné, et sa voix résonne sous les voûtes de l'écurie, sur le pelage lustré de Satina:

  "Tu as raison. Marchombre, ça sonne mieux. Reviens me voir un de ces jours."

   Rilend hoche la tête sans rien dire, puis se détourne et rejoint la caravane. Les chemins du Sud s'ouvrent à elle, jusqu'à rejoindre l'Académie et, à nouveau, en franchir les portes...elle a le coeur gros de quitter ces gens, qui demeureront sa famille. Elle est attristée, mais pourtant, un sourire joue sur ses lèvres.

   Elle rentre chez elle.
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MessageSujet: Re: Rilend Ansakh   Rilend Ansakh Icon_minitimeVen 11 Nov 2016, 17:43

CHAPITRE 6 : Les ailes et les crocs.
Rilend Ansakh Aile10
Protagonistes: Rilend Ansakh

Âge : 32 ans.

Lieu : Al-Jeit.


Un jour, nous allons mourir.
Mais tous les autres jours, nous allons vivre.


Al-Jeit resplendit.
La ville-lumière, forte de son statut de capitale, s'étire paresseusement dans la lumière de midi, offre son ombre et son chatoyant aux passants pressés et aux étudiants en goguette. Les bâtiments flamboient doucement, comme des braises mourantes, à la clarté du jour. Sur un grand sablier de pierres larges et lisses, les rayons du soleil ondulent et dansent comme autant de serpents, effaçant toute trace du passage de l'ombre. Et de celui des ombres.

En haut de cette orgueilleuse bâtisse d'or, il reste une femme.
Une larme, quelques mots et des chaînes au sol.

Virevoltant, une autre femme.
Elle attrape une prise infime, du bout des doigts, se laisse glisser, se pose et s'envole à nouveau. Dans son sillage, elle ne suscite nul trouble. La pierre centenaire ne bronche pas. De roche en roche, elle se laisse tomber, comme une pierre ou un oiseau. Elle se ramasse, se plie, comme prête à bondir, se détend comme un chat après une souris et bondit d'un coup dans le ciel.

Les passants indifférents ne la voient pas se faufiler dans leur présente, frôler un rebord de fenêtre et toucher un toit pour courir sur son rebord, furtive et féline, comme le Chat de Maraude qu'elle a été en des temps reculés et malheureux. Elle allait sur les tuiles, affamée, souvent malade et grelottante, sans une plainte ni une larme.
Le vent de sa folle dégringolade a séché les larmes sur ses joues. Elle pleure. Elle va. Elle vit.
Ces adieux déchirants sont le plus bel envol de son existence.

Elle est adulte.
Femme, Panthère et surtout marchombre.
Marchombre accomplie. Elle l'a lu dans les yeux de son maître, restée là-haut sur la tour ou peut-être déjà partie. Elle l'a lu dans ses mots, dans ses larmes et elle les a partagées. La séparation fut tristesse, chagrin, chute vertigineuse.
Mais maintenant, elle vole.
Son chagrin a laissé la place à une exaltation furieuse et encore magnifiée par le pointe de solitude qui pulse sourdement dans son ventre. Après dix ans d'apprentissage et de découverte, à attacher ses pas à ceux de ses maîtres, dix ans pour devenir actrice de son existence et de la Voie, elle est seule pour la toute première fois. Elle est libre. Elle est triste.
Elle a faim de vivre et d'apprendre.
Une énergie féroce monte en elle.

Qu'avait-elle fait après que Libertée l'ait débarrassée de ses chaînes ? Rilend avait d'abord erré dans la ville, tout le jour durant, les larmes aux yeux, le sourire aux lèvres et la joie au coeur. Le monde s'éclairait d'un jour nouveau, au-delà du chagrin de ce jour d'adieux, et le somptueux crépuscule de la Porte d'Améthyste avait ravivé ses larmes.
Elle était perdue. Elle était seule.
C'était exaltant et terrifiant.
Après avoir fouillé dans sa bourse, Rilend s'était offert quelques nuits dans une auberge de bon aloi, et avait consacré les journées suivantes à réapprendre la façon d'avancer sans guide. Pierre après pierre, infiltration après escalade, chute après vol, la jeune femme s'était peu à peu aperçue qu'elle en était capable. Libertée avait eu raison. Rilend savait voler.
Alors, la marchombre - elle était marchombre désormais ! - avait assuré son sac sur son épaule, acheté un petit cheval, gris et racé, et pris la route au tout petit matin. Pour elle ne savait où.

Les rayons du soleil frappèrent son dos comme elle quittait Al-Jeit. Rilend pivota sur sa selle, apaisant sa monture intriguée d'une caresse, et regarda, loin derrière elle, la cité s'embraser d'une glorieuse aurore. Les yeux brillants d'émotion, elle avait formulé un remerciement aux nuages.
Et deux prénoms.
Puis, secouant la tête, la marchombre éclata de rire.

Après toutes ces embûches, tous ces déboires et ces écueils, elle était marchombre ! La Voie était toujours sous ses pieds et il ne tenait plus qu'à elle et elle seule de faire en sorte d'y rester. Le monde était là, il n'attendait plus qu'elle, elle et l'Harmonie qu'elle poursuivrait au bout du monde.
Tant de chasses et de curées, tant d'amour à faire et à apprendre, tant de combats à mener et d'ombres à provoquer ! Tant de nuits à venir, et les jours de route, les parois qui lui tendaient les mains, le vent à chevaucher et les flots à faire danser tournaient la tête à la marchombre enivrée. Le monde était tout neuf et brillant, coloré, vivant et vibrant. Le monde était à elle. Il suffisait de le prendre et de l'habiter, tout simplement.
Tout simplement !

Rilend serra les genoux et le petit gris se mit au galop avec une ruade de bonne humeur. La marchombre lâcha la bride et se dressa sur ses étriers, ouvrant grand les bras, serrant les jambes et goûtant le vent comme un prédateur ou un oiseau. Réceptif, le hongre allongea le galop sur la piste souple et de bonne facture qui quittait Al-Jeit vers l'est.
Où irait-elle ?
Voir l'Oeil d'Otolep, escorter une caravane du Nord, se glisser dans la Forêt Maison ou sur les Archipels Alines, goûter la neige à la Citadelle ? Le monde était immense, la nuit serait douce, la chasse fructueuse et la course infinie.
Le monde n'attendait que d'être parcouru.
D'être croqué à pleins crocs.
Et elle arrivait au grand galop.
Extatique.
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MessageSujet: Re: Rilend Ansakh   Rilend Ansakh Icon_minitimeVen 11 Nov 2016, 18:23

CHAPITRE 7 : La place des voyageurs.
Rilend Ansakh Rosesd10
Protagonistes: Rilend Ansakh, Tomas Debble, Alan Tajh.

Âge : 34 ans.

Lieu : La place des voyageurs à Al-Chen.
Etrange endroit que la place des voyageurs, à Al-Chen.
Dynamique, la ville était une véritable plaque tournante du commerce. De nombreux caravaniers en provenance du Nord embarquaient leurs marchandises pour descendre dans le Sud par la voie fluviale, infiniment moins hasardeuse que les pistes poussiéreuses. Certains préféraient le chemin inverse.

Partout, ce n'étaient que glapissements, appels enthousiastes ou colériques, claquements de cuir sur des croupes rebondies et fracas de caisses hissées à bord en ahanant. Partout, la rumeur confuse et la pagaille organisée des grands chargements, empilements de sacs de blé, rougeoyeurs en pot, chevaux nerveux tenus en longe et froufrous de tissus précieux. Et dans cette activité fourmillante, des passants à la mine plus ou moins patibulaire allaient et venaient, jaugeant du regard la richesse des caravanes et l'aspect des employés. Parfois, ils interpellaient l'un des hommes pour entamer d'étranges palabres, parfois courts, souvent longs et animés. L'échange se concluait par quelques pièces et un rendez-vous ou par un refus de la tête et un mercenaire déconfit.

Rilend avait déjà approché plusieurs caravanes, et essuyé, comme à l'accoutumée, quelques refus. Moins ouverts que leurs collègues du Sud, les caravaniers du Nord rechignaient à engager une femme, fût-elle aussi féline et dangereuse que la marchombre, et peu étaient prêts à payer le prix que coûtent les services d'un membre de la Guilde. Mais la jeune femme n'en avait cure. Elle n'était pas pressée et n'avait en aucun cas l'intention de se brader.
L'achat de Vaillant, puis la Fête de l'Eté avaient allégé sa bourse et elle préférait se montrer patiente pour trouver le meilleur parti. Ce n'était pas que la route soit si longue, ou si dangereuse, du Lac Chen à la cité du Nord, mais la marchombre avait envie de compagnie. Chevaucher auprès d'un convoi, en gardant à l'oeil les alentours, lui épargnerait de trop longues journées de solitude et surtout de réflexion.
Non pas qu'elle n'ait pas à réfléchir !

Sa rencontre avec Hièlstan l'avait plongée dans un abîme d'introspection, dont elle s'était extirpée la veille au soir en se noyant dans la frénésie prédatrice de la Panthère, puis dans un combat amical avec ce jeune homme, Narek, et son amie la Frontalière mutilée. Comme on pagaie en arrière pour éviter un écueil, Rilend s'abstenait pour l'heure de toucher aux plaies qu'elle croyait refermées et que la discussion avait ravivées.

En tournant, silencieuse et attentive, entre les chariots, la jeune femme croisa le regard d'un homme entre deux âges, grisonnant déjà mais séduisant encore. Il avait l'oeil vif, l'air alerte et la mine agréable, dirigeant ses ouailles sans hausser le ton. Des hommes et des femmes s'agitaient indifféremment sous ses ordres et, plus que la relative prospérité de la caravane, c'est ce dernier détail qui poussa la jeune femme à aborder le meneur.

De sa longue expérience de voyages, elle avait retenu qu'une caravane qui emploie des femmes est généralement digne de confiance. Elle aborda le quinquagénaire avec un sourire amène et une démarche tranquille, discrètement mais prenant soin de se faire voir et repérer avant de pénétrer son espace personnel. Le grisonnant tourna la tête et aperçut la jeune femme, puis répondit à son sourire, leva la main pour l'interrompre avant qu'elle ait parlé et glissa quelques mots à un barbu brun à sa droite. L'homme, peut-être son second, fila d'un bon pas, balançant ses larges épaules, et le patron de caravane s'adressa à la marchombre :

"Bonjour, jeune femme.
- Astyr Ansakh,
sourit la marchombre, se présentant sous le nom de sa soeur.
- Bonjour, Astyr. Que cherchez-vous par ici ?"


Il était direct quoique aimable. La jeune femme apprécia.

"Je souhaite rallier Al-Far, et ne souhaite pas le faire seule.
- Vous payez votre place ?
- Vous avez besoin de protection ?"


Le patron sourit et secoua la tête, désignant par dessus son épaule deux armoires à glace lourdement armées.

"Voilà ma protection. Hien et Alan sont des Thüls. Sans vouloir vous offenser, vous ne faites pas le poids."

Rilend sourit. Un sourire de chat.
Se faufilant un peu plus près, elle baissa le ton pour que l'homme, intrigué, se montre attentif. Ce qu'il fit. La jeune femme susurra, pleine d'une tranquille assurance :

"Les Thüls sont de merveilleux guerriers, mais parfois, la discrétion est de mise...
- Vous êtes...?
- Vous en doutiez ?"


Le patron secoua la tête en souriant.

"Vous n'avez aucune raison de mentir. Les vôtres sont rares dans nos convois.
- Comme je vous l'ai dit, je souhaite rallier Al-Far.
Sourire mutin.
- Et je te paye ta place ?"

Rilend rit et nota au passage que l'homme la tutoyait. C'était de bon augure. Tranquillement et sans hésiter, la jeune femme indiqua son prix et le quinquagénaire n'hésita qu'une seconde. Il était manifeste que son chargement et ses gens étaient précieux à ses yeux.
Ils se serrèrent la main, et Tomas indiqua à sa nouvelle employée l'heure et le lieu du rendez-vous.

"Tu seras à l'heure, hein ?"

Sourire malicieux.

"J'y serai avant toi."

Tomas secoua la tête en riant.

"Ca m'étonnerait."
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MessageSujet: Re: Rilend Ansakh   Rilend Ansakh Icon_minitimeVen 11 Nov 2016, 19:17

CHAPITRE 8 : Retour vers le Nord - Partie 1
Rilend Ansakh Carava10
Protagonistes: Rilend Ansakh, Tomas et Debbie Debble, Alan Tajh.

Âge : 34 ans.

Lieu : La route du Nord, d'Al-Chen à Al-Far.

Tout en guidant ses ouailles vers la porte Nord d'Al-Chen, Tomas repense à la jolie marchombre qu'il a engagé il y a trois jours de cela. Le rendez-vous est matinal ; la nuit, pas encore achevée. Le fond de l'air, frisquet, mordille les bras bien couverts.
La jeune femme sera-t-elle à l'heure ?
Au fur et à mesure que les chevaux dûment attelés progressent sur le chemin, Tomas distingue une silhouette, à quelques centaines de mètres, dans le noir. Un cavalier.
Une cavalière, réalise-t-il quand il approche.
C'est une femme, assez jeune mais adulte, juchée sur un grand cheval à la robe bicolore. Il fait trop sombre encore pour que Tomas identifie le cheval bai que la marchombre lui a décrit comme signe de reconnaissance. Mais l'animal est massif - certainement étalon - et d'allure altière.
Quand il parvient à hauteur de la cavalière, Tomas sursaute :

"Astyr !
- Tu es en retard, Tomas.
- Non, c'est toi qui es en avance ! J'avais dit cinq heures..."


Rilend plisse les yeux en souriant, espiègle :

"J'y serai avant toi..."

Et, rênes flottantes, elle serre les genoux pour faire pivoter Vaillant qui se met en marche aux côtés du chariot de tête, non sans un hennissement tonitruant à l'égard des juments du convoi.


* *
*


Avec un bon cheval et le juste repos, la route du Nord se parcourait en quelques jours à peine, tout au plus une dizaine. Au galop de Vaillant, Rilend ne doutait pas de pouvoir la boucler en une semaine, tout au plus. Mais un convoi, c'était autre chose...les chevaux s'ébranlaient dans un trot certes allègre, mais ils étaient chevaux de trait et non champions de course ou de bataille. Les lourds chariots, la longue installation du campement, tout ralentissait le voyageur pressé.
Tant mieux.
La marchombre n'était pas pressée.
Elle cheminait le plus souvent en tête de colonne, laissant aux Thüls le soin d'encadrer les flancs. Rênes longues sur l'encolure, souvent tête haute et naseaux curieux au vent, Vaillant se comportait comme un vieux briscard maître de lui et non comme le jeune étalon fougueux qu'il était, rendant le voyage fort confortable à sa nouvelle partenaire. Quand elle comparait le pied sûr, l'allégresse et la confiance du cheval bai à celle du jeune animal de guerre qu'elle avait essayé quelques longues semaines auparavant, Rilend ne regrettait pas d'avoir tant attendu pour l'enfourcher. Après leur coup de coeur mutuel, l'étalon et elle avaient appris à se connaître et s'apprécier en confirmant leur inclination l'un pour l'autre. A la différence du petit cheval gris que Rilend avait acheté à Al-Jeit, juste après que Libertée l'ait libérée de son apprentissage, et qu'elle avait fini par revendre à un marchand qu'elle savait sérieux, leur relation avait fonctionné et Vaillant s'était habitué à la Panthère. Il ne sursautait presque plus, sauf quand le fauve se rappelait vraiment trop vigoureusement à la marchombre.

Comme pour faire mentir sa maîtresse, l'étalon fouailla de la queue et tenta une cabriole qui ébranla Rilend jusqu'à la moëlle des os quand l'un des Thüls remonta la colonne jusqu'à elle. Tirant sur les rênes de sa jument rouanne, il la héla :

"Excuses, Astyr ! Je ne pensais pas qu'il était si nerveux !
- Il est étalon, Alan,
sourit Rilend. Cabotin et comédien. Qu'est ce que tu veux ?
- On se demandait, avec Hien. Pour une fois qu'on est trois sur une caravane, on fait quoi pour la nuit ? On se divise en trois ou on fait chacun une nuit complète ?"


Tandis qu'elle réfléchissait, la marchombre invita d'un signe de la main le mercenaire à la rejoindre. Alan talonna sa jument et, quand elle arriva à hauteur de Vaillant, le jeune mâle se mit à plastronner, élargissant les naseaux et remontant les genoux, jusqu'à ce qu'une caresse l'apaise. Il demeura néanmoins tendu et d'humeur démonstrative tandis que Rilend répondait à son aîné :

"Tu préfères quoi ?"

Alan fit la moue.

"Hien et moi, on n'est pas d'accord."

La marchombre secoua la tête et reprit sa réflexion. Se partager la veille de nuit en trois était une option séduisante, qui garantissait à chacun des veilleurs au moins quatre heures de sommeil ininterrompu, une manne inestimable. Mais pour la Panthère...comment se présenter à heures fixes quand on prévoit une chasse endiablée ? Comment assurer sa ronde à quatre heures, si le siffleur ne se laisse pas attraper ? Rilend secoua de nouveau la tête et répondit calmement :

"Même si c'est inhabituel, j'aime mieux qu'on fasse une nuit sur trois, chacun notre tour.
- Eh bien c'est Hien qui est d'accord avec toi,
bougonna le mercenaire.
- Deux nuit de sommeil, c'est appréciable. Même si je ne dors que d'un oeil quand je suis en charge de la protection d'une caravane...
- Tu as l'habitude ?"


Rilend laissa le silence se refermer sur eux. Alan demeura à ses côtés puis, de but en blanc :

"Tu penses à quoi ?
- Pas à toi.
- Tu es une marchombre, hein ?
- Je suis une employée de la caravane, comme toi...
- C'est pas courant, une femme employée comme mercenaire. T'es pas Thül et t'es pas Frontalière, ça se voit de loin. C'est rare, une femme qui voyage seule, et puis une femme qui va à Al-Far aussi...pourquoi tu vas à Al-Far, tu vas retrouver ton fiancé ?"


Rilend soupira. La remarque était coutumière, mais elle en avait plus qu'assez d'être sans cesse réduite à son sexe. Pour l'amour de la Dame, elle était une marchombre, puis un être humain avant d'être une femme !
Sa réponse fut plus sèche et ironique qu'elle l'avait voulu :

"Figure toi qu'il y a une semaine, j'ai rencontré un grand lapin blanc vêtu d'un haubert. Il agitait son targe et il a traversé la route à grand bonds en me criant : Va à Al-Far ! Va à Al-Far ! Trouve une caravane, et réponds aux questions des Thüls trop curieux !
- Ca va, pas la peine de te moquer, je demandais juste et puis un lapin blanc sérieux, où tu vas chercher ça, je posais une question en toute amicalité et voilà comment on me reçoit et puis..."


Le mercenaire continua à bougonner comme un enfant boudeur tandis que Rilend pinçait les lèvres sans répondre. Dieux, elle l'avait vu venir à des lieues, celui-là, avec ses questions et ses gros pieds dans le plat sur les femmes qui voyageaient seules...
Elle laissa à Alan le temps de se calmer avant de reprendre d'une voix radoucie :

"Alan ?
- Mhm.
- Les femmes ont des mains et des pieds, et un cerveau, et des dagues et des épées, comme toi.
- Tu me prends pour un demeuré ?
- Elles voyagent seules AUSSI. Sans aucun besoin de protection. Sans avoir besoin d'un homme au bout du chemin."


Ni pendant, ajouta-t-elle in petto.
Alan grogna mais ne répondit rien et tira sur les rênes de sa jument, qui ralentit l'allure pour revenir à sa place, sur le flanc droit de la caravane. Rilend soupira pour elle-même et la femme de Tomas, Debbie, leva timidement les yeux. C'était une créature adorable, aimable et rieuse, une femme de caractère aussi, qui tenait les cordons de la bourse et n'entendait pas que quiconque s'insère dans sa gestion du budget de la caravane. Dès le premier soir, les deux femmes, la marchombre et l'épouse, s'étaient découvert des affinités.

"Il a pas tort, tu sais.
- Pas tort quand il s'étonne que je me débrouille seule, que je sois payée pour voyager avec vous, ou quand il croit que je ne peux pas me rendre dans une ville si ce n'est pas pour y retrouver un compagnon légitime ?
- Pas tort quand il dit que c'est pas courant, ma belle. Pour le reste...il est maladroit mais pas méchant. Je pense qu'il est calmé pour un moment, tu sais. Mais il est gentil."


Rilend leva les yeux au ciel.

"Debbie ! Il est gentil, d'accord, mais qu'est ce que ça peut me faire ? Et en quoi ça justifierait que je le laisse jouer son rôle de grand mâle protecteur, ce qu'il rêvait manifestement de faire ?
- Il est gentil, il est beau, il est grand, il est fort, il...
- Un mot de plus et je rapporte tout, déformé et amplifié, à Tomas,
rit Rilend.
- Et lui, il s'en fiche", glissa Debbie en clignant de l'oeil.

Coup d'oeil intrigué de la marchombre. Explications de la caravanière. Rilend se prit à bombarder la femme de questions, émerveillée qu'un couple pût se montrer à ce point libre et indépendant. Elle ne parvenait pas à croire que Tomas et Debbie, chacun de leur côté, puissent prendre plaisir à rencontrer, jouer, séduire d'autres personnes et même s'adonnent à la ribaude de temps à autres. Et qu'ils soient mariés depuis bientôt vingt ans.
La jeune femme secoua la tête et rit d'elle-même.
Qui vient de traiter à demi-mot Alan d'ignorant à l'esprit fermé ?

* *
*

"Et là, voilà qu'elle se transforme en femme...et devinez quoi ?
- Elle est boiteuse !
- Elle est vieille !
- Elle a un oeil de verre !
- Elle est moche !
- Mais non, bande de crétins ! Laissez moi raconter ! C'est la femme du début...celle que notre héros voulait retrouver..."


Rilend, un sourire aux lèvres, observait le tumulte. Les repas obéissaient désormais à un rituel bien installé : le cuisinier du convoi préparait un rata qu'il réussissait à rendre à la fois délicieux et absolument informe, aucun morceau de viande n'étant identifiable. Debbie s'occupait du feu tandis que Tomas et quelques employés allaient s'assurer du bon état de la marchandise - essentiellement des tissus précieux et des objets décoratifs, commandés par les nobles d'Al-Far. Alan attachait son cheval à côté de Vaillant et importunait la marchombre, inconvenant et pénible mais se croyant charmeur. Hien assurait le rôle d'amuseur public, imitant tantôt Tomas, tantôt Debbie, tantôt les autres voyageurs ou même Alan. Une fois, il s'en était pris à Rilend et la marchombre n'avait pu retenir un sourire hilare. Ce sacré Thül, s'il était le pire conteur qui soit, aux histoires redondantes - des pêcheurs qui sauvent des poissons qui deviennent des princesses, déclinés à l'infini - était également le meilleur imitateur du monde.

Puis, les voyageurs se répartissaient les tours de garde et de veille et, des trois protecteurs de la caravane, deux allaient se coucher et un passait la nuit entière debout, en ronde autour du périmètre du campement.
Ce soir-là, c'était le tour de Rilend.
La marchombre, après un tour effectué d'un pas silencieux, s'était blottie sur un rocher. Là, dans la pénombre, sous la lune et les étoiles glacées de l'automne, elle ressemblait à un chat accroupi, guettant son territoire. Rilend ferma les yeux, écoutant la nuit et le vent. La forêt et ses petits bruits, les chevaux. La vie tout autour d'eux, absolument inouïe.
Elle veillait et réfléchissait.

Il aurait été faux de prétendre qu'elle n'éprouvait nulle anxiété à l'idée de retourner sur les traces de l'enfant qu'elle avait été. Al-Far était une blessure presque guérie mais qui, comme celle de son bras, demeurait douloureuse si elle la sollicitait. Al-Far était l'époque de l'ignominie, quand elles avaient fui le village du sud comme fille et femme de voleur, de condamné à mort par la vindicte populaire. C'était là-bas que Rilend avait appris à mendier, à attendrir et à voler. A alterner entre les différents personnages, le chien soumis qui mendie une pièce ou un morceau de viande, le voleur intrépide et sans peur dont les mains tremblent de se faire prendre, le fauve qui défend son os. Pas d'humanité là-bas. Là où sa mère était morte - enfin !- après avoir glissé de mal en pis, toujours plus bas dans la déchéance, toujours plus profond dans sa bouteille jusqu'à en avoir à une ou deux reprises oublié jusqu'au nom de sa fille.

C'était quand elle l'avait appelé Astyr que Rilend, tremblante de dégoût, avait décidé de s'approprier le nom de la petite soeur morte qui hantait cette femme, du fond de son ivrognerie. Peut-on réellement oublier ses enfants ?
Skif et Cara, à cette époque, constituaient sa seule famille, celle qui ne s'était pas détournée quand sa mère avait commencé à ressembler à une loque humaine, l'oeil chassieux et la lippe tremblante, décharnée, jaunâtre. Ils l'avaient recueillie, nourrie parfois quand, grelottante de maladie ou de faiblesse, elle n'avait d'autre option que de mendier à leur porte. Skif l'avait protégée jusqu'à ce qu'elle sache se défendre. Il était son frère et il avait été bien plus encore.
Elle les avait plantés là.

Elle avait fui sans réfléchir.
Plus tard, elle s'était promis de revenir. Elle n'était jamais revenue. Elle les avait abandonnés, oubliés, voilés d'oubli comme on cache un vieil oncle sénile ou un membre honteux de la famille. Occultés comme le vestige d'un passé de mendicité dans lequel elle refusait de se reconnaître.
Maintenant qu'elle soulevait le voile, elle réalisait qu'elle avait, quelque part, menti à Hièsltan.
Oui, Al-Far avait été si terrible que cela. Elle avait mis longtemps à relever sa dignité souillée des bas-fonds de ces rues sordides. Longtemps à accepter de se souvenir, et à accepter tout simplement.
Il était temps d'aller de l'avant.

Rilend regretta un instant d'avoir donné son pseudonyme à Tomas au lieu de son vrai nom. Astyr était morte sur le bateau et, plus tard, dans les ruelles, la boue et la neige. Avec tous ces mendiants dont elle savait lire, dans les yeux, la vieille humiliation dont seule la folie les sauvait parfois, pour l'avoir partagée.
On ne peut se cacher derrière un pseudonyme.

Un bruit alerta la marchombre, qui se leva pour aller inspecter les environs, interrompant là sa réflexion. Après quelques minutes, elle changea de place et reprit sa surveillance, imperturbable et d'apparence immobile.
Mais l'ouragan dans la tête.
Pourquoi donc avait-elle pensé que revenir à Al-Far, retrouver les siens, était une bonne idée ? Elle avait depuis longtemps cette idée en tête. Et voilà que, sur un coup de tête et une simple discussion, elle prenait la route !
Rilend se morigéna.
Pas une simple discussion.
La marchombre se connaissait bien, assez pour savoir qu'elle avait passé un excellent moment en compagnie de Hièlstan. Le Rêveur, fait rare chez ses congénères, lui avait paru à la fois sûr de lui - au moins sur certains sujets - et sans arrogance. Il n'était pas vantard ou conquérant, comme beaucoup des interlocuteurs habituels de la jeune femme. C'était certainement la raison pour laquelle elle s'était sentie aussi en confiance avec lui.
C'était certainement ça la raison.
Et voilà qu'elle se lançait à l'aventure sur les mots d'un Rêveur. Ce qui n'était pas en soi une mauvaise chose, car Rilend sentait qu'elle avait besoin d'un peu de temps pour elle, pour réfléchir.
Réfléchir à quoi ?
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MessageSujet: Re: Rilend Ansakh   Rilend Ansakh Icon_minitimeVen 11 Nov 2016, 19:53

CHAPITRE 8 : Retour vers le Nord - Partie 2
Rilend Ansakh Pradel10
Protagonistes: Rilend Ansakh, Tomas et Debbie Debble, Alan Tajh, Hien, La Panthère.

Âge : 34 ans.

Lieu : La route du Nord, d'Al-Chen à Al-Far.

Elle n'aime pas trop les collines, au début.

C'est vallonné, d'accord. Mais c'est plat ! Que c'est plat ! Comment se cacher, comment ramper et se faufiler dans les hautes herbes quand on est noire de jais, pour surprendre un siffleur égaré ? Même les rochers sont bas, sur la route du Nord...non, elle n'aime pas les collines.

Mais le vent lui apporte une odeur et ses yeux s'étrécissent, ses pupilles se dilatent, car ça sent la proie. Ca sent la chasse. Elle change aussitôt d'attitude : son long trot oblique devient plus bas, au ras du sol elle ondule, frétille et frémit de la tête au bout de la queue. Les herbes chatouillent ses moustaches comme le font les fourrés sur son territoire sylvestre. Une odeur, ténue, de félin y est demeurée accrochée depuis probablement plusieurs jours, une odeur de mâle, ni de son espèce, ni de celle de l'autre, celui aux cheveux clairs.

Ca sent la chasse tandis qu'elle se faufile à petits pas souples, les babines déjà frémissantes sur des crocs brillants de salive, les yeux jaunes tout noirs d'une pupille immense qui capte la moindre lumière et distingue le plus petit mouvement. Le vent coulis, entre les végétaux, glisse sur son pelage ocellé et emporte son odeur au loin ; le vent est avec elle. La lune éclatante se cache derrière un nuage et c'est à la lueur des étoiles qu'elle les aperçoit.

Ils sont petits et fins, ce sont des bêtes aptes à courir et sauter. Rapides, sûrement. Un mâle, des femelles et des jeunes, quelques vieux à l'écart...elle se faufile et se dissimule, toujours au vent. Ils sont certainement très beau, avec leur musculature finement dessinée sous un épais pelage d'hiver, d'animal des froids nordiques, leurs petits pieds et leurs fines jambes de sauteurs. Ils sont beaux et ils sentent bon la proie. Elle salive déjà.

La lune est avec elle. La lune revient et jette un coup de projecteur sur cette scène d'attente et d'adrénaline, tandis qu'elle teste ses muscles, de droite à gauche, l'un après l'autre, leur force et leur souplesse. Sa queue est longue et droite, seul le bout frétille comme un serpent sur le sol. Puis le frétillement remonte brusquement jusqu'à son arrière-train, l'ondulation monte à son échine, ses pattes se détendent d'un coup, ses pupilles s'élargissent encore jusqu'à noircir parfaitement ses yeux. Elle couche les oreilles et elle est déjà loin, sur la harde qui s'égaille.

Elle en choisit un et allonge le galop, les yeux brillants, sourde à tout sauf aux appels de sa proie, aveugle à tout sauf à cette croupe qui bondit et pivote désespérément, à l'odeur enivrante de peur et de viande. Le siffleur commet une erreur, ralentit et tente de se retrouver ; trop tard. La panthère atterrit sur la bête et mord deux fois. Le cou, en tordant la nuque, puis, l'animal à terre, l'encolure qu'elle serre à n'en plus finir, sentant entre ses pattes les soubresauts de la créature éperdue qui se débat contre la souffrance, l'asphyxie et la mort. Puis convulse et tremble. Puis meurt sans un souffle.

Puis saigne quand elle le dépèce, le coeur juste arrêté, et l'éclabousse jusqu'aux oreilles. Elle n'en a cure, elle plonge le museau dans les entrailles et mange jusqu'à plus faim, se barbouille et se repaît.
La harde est loin déjà, abandonnant le leur aux griffes de la chasseresse qui lèche, concentrée, chaque centimètre carré de poils collé et souillé pour lui rendre son lustre originel. Elle débarbouille, coup de langue après coup de langue, jusqu'à redevenir celle qu'elle est : la bête au large poitrail, aux pattes armées, au manteau de fourrure brillante et douce - si jamais quelqu'un avait l'idée suicidaire d'y poser les doigts.
Elle est la Panthère. Elle a gagné. Elle est indomptable.
Elle est vivante et belle.
Elle est au courant.


La nuit était encore jeune quand Rilend se faufila aux abord du camp. Puis s'interrompit. Réfléchit, et fit demi-tour vers un ruisseau proche dont elle avait senti l'odeur tout à l'heure, enfin, pas elle. Elle, plutôt. Comme d'habitude, Elle a un instinct très sûr et la marchombre découvrit une petite rivière qui fredonnait et un bassin de nage, somme toute, assez attirant.
La nuit était encore jeune.
Elle avait tout son temps.
Alors Rilend se dévêtit et, nue, détacha ses cheveux. Puis elle s'avança et pénètra dans le ruisseau à pas feutrés, fermant les yeux, pour essayer de sentir, d'accepter, d'accueillir le froid. La rivière n'était pas un torrent ; le courant se montrait doux. Mais elle était glacée, et un excellent exercice que la marchombre savait ne pas pratiquer assez en ce moment. Rilend rouvrit les yeux et se laisser couler dans l'eau, en douceur, en essayant d'aller avec elle et non contre elle, d'épouser sa surface sans la crever. Elle plongea la tête sous l'eau, souriante, se retourna, batifola et ondula dans les flots pour le plaisir de les sentir contre elle, sa peau nue. La marchombre nagea de longues minutes avant d'atteindre les limites de sa résistance physique et de ressortir de l'eau, glacée et satisfaite. Le froid l'enveloppait, dessinant sur sa peau blanche tout un chemin de frissons et laissant quelques gouttelettes sur ses épaules, ses seins, son ventre. Sensation délicate, mordante et dans laquelle elle s'abîma quelques minutes de plus après s'être séchée, en s'adonnant à la gestuelle marchombre.

La chasse lui faisait toujours un bien fou. Cette expression sauvage et désordonnée, cette férocité débridée de la Panthère qui n'empêchait pas l'Harmonie était une leçon à chaque métamorphose - pour ce dont elle se souvenait, du moins.
Son exercice achevé, Rilend s'assit au bord du ruisseau, adossée à un pin et les yeux perdus dans les broussailles noires de nuit. Elle ne savait toujours pas si elle avait pris la bonne décision en décidant de retourner dans la ville de son enfance. Cara et Skif étaient peut-être même morts...

Elle aurait bien voulu pouvoir interpeller quelqu'un à cet instant précis, pour demander, encore une fois, une confirmation qu'elle faisait ce qu'il fallait...et en même temps, elle s'en voulait un peu d'éprouver soudainement ce besoin d'être rassurée, de se reposer sur quelqu'un d'autre qu'elle. Jamais, depuis qu'elle avait fini son apprentissage, elle n'avait ressenti cette envie de quémander approbation ou certitudes chez un autre.
L'autre fût-il Rêveur et doté d'une certaine force de conviction.
Rilend secoua la tête, agacée, comme la Panthère aurait pu claquer des mâchoires après un impertinent. Pour l'amour du ciel ! Elle était marchombre, pas une enfant en quête d'un guide ! Solitaire, indépendante, et depuis longtemps déjà...
Et pourtant...
Ce pèlerinage sur les traces de son enfance remuait en elle de vieux souvenirs, ravivait des plaies qu'elle avait cru cicatrisées et éveillait des démons depuis longtemps enfouis sous une prétendue carapace de sérénité. C'était loin, déjà, Al-Far et le Chat de Maraude, mais elle avait conservé par devers-elle cette petite croyance erronée d'animal blessé, qui croit qu'il ne doit jamais montrer de faiblesse.
C'était vrai, elle n'arrivait toujours pas à s'autoriser le doute ni l'incertitude. Même après ses grands discours sur l'humilité, la remise en question, elle refusait d'avancer vacillante. Jusqu'à parfois refuser d'avancer, renâcler devant l'obstacle qu'elle ne pensait pas pouvoir franchir sans dommages.
La marchombre appuya la tête sur ses genoux réunis.
La question était toujours là, lancinante comme une vieille blessure.
Avait-elle raison de suivre cette route ?
N'était-ce pas précipité ?
Ne valait-il pas mieux sceller le passé à tout jamais et ne pas se retourner ? Aller de l'avant, une bonne fois pour toute et...et ne plus parler à Skif ni Cara, ne jamais savoir ce qu'ils étaient devenus ni si elle était demeurée chère à leur coeur. Rilend grimaça sans changer de position. Pourquoi avait-elle pris cette décision ?
Qu'est ce qui lui faisait si peur ?

Il suffisait d'un accroc dans une vie bien tracée pour que ressurgisse l'insécurité. Une envie soudaine de dévier de la route qu'elle avait voulu suivre, de lever le voile jeté, il y avait longtemps de cela, sur une plaie vive. Juste ça, juste un voyage, pour faire voler en éclats toute son assurance. Pour entamer un retour en arrière qui risquait, elle le sentait, de la laisser en mille morceaux.
Juste un inconnu au bord d'un lac pour trébucher.
La marchombre, toujours recroquevillée, grinça des dents en tentant de reprendre un semblant de contrôle sur ses pensées affolées. Elle qui se montrait toujours si calme et sereine ! N'était-ce réellement qu'une façade, avait-elle menti à tous et encore plus à elle-même des années durant ?
Tu dramatises, ma vieille.
Ne valait-il pas mieux faire demi-tour et renoncer à cette idée folle, folle de croire qu'on l'attendait encore, folle de croire qu'ils se souviendraient d'elle ? Revenir à Al-Chen - et affronter les questions et les interrogations de ceux, celui, qui était au courant de son voyage - ou aller plus loin, mais pas à Al-Far ?

Elle demeura ainsi un certain temps. Assez pour que la lune parcoure le ciel et que les étoiles changent, que les oiseaux nocturnes s'en aillent chasser autour d'elle et que les animaux s'habituent à sa présence immobile. Elle demeura ici à écouter ses pensées battre des ailes comme des oiseaux affolés contre les barreaux de leur cage. Puis Rilend, comme frappée par une évidence, redressa la tête et soupira. Bien. D'accord.
Ferma les yeux.
Elle se laissa glisser en elle-même, pour retrouver la force qui l'avait poussée à reprendre la route, la motivation à laquelle elle devait d'avoir foulé le sol de la place des voyageurs. Se força à calmer sa respiration, à se détendre, à accepter de revenir sur le sujet au lieu de se débattre entre ses propres liens. D'accord. C'est bon. Elle avait besoin de cette force-là, peu importe d'où et de qui elle venait. Et tant pis si il fallait pour cela la voix d'un autre et des mots qui n'étaient pas les siens. Tant pis si cela impliquait d'aborder un sujet qu'elle n'avait pas voulu soulever de prime abord.
Elle ne se mentirait pas. Elle se connaissait bien trop pour cela...elle ne renierait pas le moment de paix et de plaisir qu'elle avait passé au bord du lac, sous prétexte qu'il causerait tant de remous dans sa vie jusqu'ici bien tranquille. Elle avait besoin de ce moment-là pour retrouver la force de soulever le voile jeté il y avait longtemps sur des plaies encore vives.
Et tant pis si elle soulevait un autre sujet, ce faisant...Rilend le laissa de côté. Il faudrait qu'elle s'y intéresse, elle le savait bien. Il y avait là autre chose qu'elle évitait encore de toucher du doigt. Elle serait bien obligée de s'y atteler, et plutôt tôt que tard.
Elle avait deux ou trois petites choses à s'avouer.
La marchombre émergea de sa réflexion en souriant. C'était ça. C'était bon. C'était ce qu'elle voulait, l'envie d'aller de l'avant, la tranquille certitude que les choses se passeraient bien. Et elle savait où puiser cette assurance.
Elle tira un poinçon de sa manche et s'approcha du bord du ruisseau, caressant du bout des doigts, en un geste tendre et presque d'amante, les roches soyeuses. Elle les frôla du bout de la lame, puis, sans réfléchir davantage, traça quelques mots.
Comme une évidence.

Aube piquante et chaleureuse
Courant matinal en bord de lac
Sans réserve.


Puis elle se relut.
Satisfaite autant qu'on pouvait l'être. Pour s'être déjà un peu essayée à la poésie marchombre, elle savait reconnaître ses tentatives réussies...
La jeune femme se redressa et retourna vers le camp à pas feutrés.
La nuit n'était pas finie.
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MessageSujet: Re: Rilend Ansakh   Rilend Ansakh Icon_minitimeDim 13 Nov 2016, 00:24

CHAPITRE 8 : Retour vers le Nord - Partie 3
Rilend Ansakh Braise10
Protagonistes: Rilend Ansakh, Tomas et Debbie Debble, Alan Tajh, Hien.

Âge : 34 ans.

Lieu : La route du Nord, d'Al-Chen à Al-Far.
Il ne fut pas difficile à la jeune femme de se faufiler aux abords du campement, malgré la surveillance attentive d'Alan. Le Thül, aussi prétentieux et pénible fût-il, était un homme compétent et un guerrier bien formé. Mais il ne pouvait rien contre une ombre, Rilend se coulant dans l'herbe dans un froufrou inaudible à bien des oreilles humaines. La marchombre se dirigea vers le feu, réduit à l'état de braises mourantes, et croisa les bras en admirant les lueurs changeantes du charbon incandescent.
Et ne tourna pas la tête quand elle entendit s'approcher, à pas de loup, l'autre Thül, Hien. Elle se contenta d'incliner légèrement le menton et de demeurer immobile, attendant qu'il brise le silence. Ce qu'il ne fit pas tout de suite.

Rilend appréciait ce mercenaire. Hien parlait peu, sinon pour raconter et imiter. Il respectait son espace vital et ne poussait jamais son hongre alezan à la hauteur de Vaillant comme Alan avait pris la mauvaise habitude de le faire. Il ne la hélait pas de l'autre bout de la caravane, et ses questions demeuraient purement professionnelles.
Mais ce soir, elle sentait qu'il avait envie de discuter.

"Tu ne trouves pas non plus le sommeil ?
- Je ne le cherche pas, Hien."


Il ne répondit pas mais elle le sentit hocher la tête et approuver silencieusement, et la marchombre laissa le calme de la nuit les envelopper. Alan, plus loin, avait visiblement tendu l'oreille - il toussotait et s'agitait - mais, en bon veilleur, il se gardait bien de regarder vers le feu pour ne pas altérer sa vision nocturne. Hien soupira doucement, et Rilend se raidit légèrement en sentant son souffle sur sa nuque.

"Qu'est ce que tu cherches ?"

Pour lui répondre, elle pivota sur elle-même et lui fit face.
Il se tenait assez près, curieux, inexplicablement dérouté et la marchombre nota qu'il crispait les mâchoires. Sans qu'elle comprenne pourquoi.
Elle se contenta de secouer la tête, sans sourire, et il n'insista pas avec ses questions trop invasives. Il se contenta de se dandiner d'un pied sur l'autre puis, d'un geste emprunté, de tenter d'exprimer quelque chose que Rilend ne comprit pas. Elle recula d'un pas, la chaleur des braises augmentant tandis qu'elle se rapprochait du feu, et Hien, après une autre minute de silence embarrassé, recula à son tour et se détourna. Elle demeura là, à le regarder s'éloigner, lorsqu'il se retourna pour lui souhaiter bonne nuit. Elle lui répondit d'un petit signe et observa la façon dont ses épaules roulaient sous sa tunique, dont ses pieds portaient au sol, le détaillant comme un acheteur observe un cheval.
Elle éprouva la brusque envie de le rappeler.
Après tout, la nuit n'était pas finie.

Etreignant toujours ses propres coudes, elle le laissa partir et, quand il se fut fondu dans la nuit en rejoignant sa couverture, Rilend se retourna vers les braises et y plongea de nouveau le regard, pensive. Pourquoi ? Il était agréable, physiquement attirant, drôle et discret et de toute évidence, il attendait quelque chose d'elle qu'il n'avait su exprimer. Il ne lui inspirait nul rejet, et la chasse l'avait emplie d'une vitalité animale et d'une faim dévorante qui ne demandaient qu'à se laisser dépenser et assouvir.
Elle s'étira comme un chat avant de retourner se coucher.

* *
*

Si Tomas avait engagé ses trois protecteurs en redoutant que sa caravane soit prise pour cible par des pillards ou des prédateurs, il avait certainement été déçu. La route s'étira, morne et humide, la pluie glaça jusqu'aux os les infortunés voyageurs et l'hiver s'installa tandis qu'ils avançaient vers lui, le Nord, mais le calme demeura le signe distinctif de ce long trajet atypique.
Avec émotion, Rilend retrouvait les herbes hautes, rudes, les longues étendues aux tons pastel et le givre du petit matin du Nord.

La dernière fois qu'elle avait parcouru cette piste dans le même but, l'expédition s'était achevée par un cheval enfui - vraisemblablement rentré tout seul à l'Académie - et une amnésie de presque quatre ans. Elle avait bien failli ne pas revenir de ce voyage-là...Rilend, devenue Liana au sein d'une famille qui l'avait adoptée et faisait d'elle une fermière, Rilend, se pliant avec joie aux rôles dévolus aux femmes dans cette famille de rudes travailleurs. Elle sourit ironiquement à ce souvenir ; elle avait passé de bons moments, et son sort la satisfaisait totalement à cette période, mais il aurait été mentir que de ne pas reconnaître qu'il lui avait toujours manqué quelque chose. Toujours, jusqu'à ce qu'elle croise, pour la seconde fois de sa courte vie, la route d'un marchombre qui l'avait propulsée sur la Voie.

Tout en regardant défiler les longs paysages et en écoutant distraitement Alan menacer Hien, attelé à une imitation fort réussi de son ami Thül et entreprenant, Rilend songeait qu'elle rendrait volontiers visite à cette charmante famille...il n'y avait aucune chance, à moins d'une tragédie, pour que Papet, Ma, les jumeaux, les petits, Yann, ses parents aient disparu. Un fermier n'abandonne jamais sa terre, celle qui l'a nourrie et a nourri les siens.
Cela, la marchombre l'avait appris au cours de cette longue expérience d'une vie sédentaire. Sans vouloir la retrouver - pour tout l'or du monde ! - elle se languissait de l'affection et de la chaleur du foyer, des rires des enfants certainement plus si petits et des plaisanteries incessantes de Yann. Elle voulait revoir les yeux rieurs de Papet quand elle le provoquait au sujet de son âge canonique, la gourmandise dans les yeux de celle qui lui avait tenu lieu de mère pour quelques années quand son époux ramenait un siffleur à rôtir de la chasse.
Vaillant fit un violent écart, arrachant la jeune femme à sa réflexion mais, avant d'abandonner ces souvenirs émus, elle se fit une promesse. Une de plus.
Elle repasserait par cette ferme.
Pas aujourd'hui. Ni demain. Un jour, certainement.
Mais tout d'abord, sa route la conduirait à Al-Far et nulle part ailleurs.

* *
*



Al-Far.
L'arrogante petite cité du Nord, plus fortifiée que ses congénères du Sud, se dressait comme des années auparavant, au détour d'un long virage contournant une grande colline surmontée d'une masure inhabitée. Rilend leva la tête pour, comme enfant du haut des toits, épier les murs branlants et les fenêtres brisées de la vieille bâtisse, terrain de toutes les histoires et légendes qui couraient les rues, colportées par les miséreux de la ville. Tantôt cette cabane était le fief d'un puissant sorcier, tantôt d'un mendiant bienveillant. Toujours, justice était faite et l'enfant assez impétueux pour braver le mage obtenait gloire et richesse qu'il mettait au service des siens, ceux de la rue.
La marchombre baissa les yeux avec un pincement au coeur.
Et serra les jambes, hâtant Vaillant à la tête du convoi.

Et ce fut l'odeur des villes, âcre et lourde, la puanteur humaine. Les activités, les déchets, les chevaux et les hommes, les murs de pierre, tout suintait l'homme, la créature simiesque qui les avait élevés, bâties, excrétés. La boue, sous les pavés, et la senteur d'une neige qui menaçait depuis quelques jours en bruit de fond. Rilend laissait ses yeux courir de droite à gauche, attentive à toute tentative désespérée, toute attaque autant qu'aux souvenirs refoulés qui se rappelaient à sa mémoire à chacun de ses passages dans la capitale du Nord.
L'Empire n'avait pas oublié cette petite parente, et Al-Far s'était développée en même temps que ses cousines ensoleillées. Mais sous la grisaille, dans l'hiver de six mois pleins, les bâtisses, baroques à Al-Chen, se faisaient sinistre. Les mendiants prenaient des allures de prophètes de malheur, les oiseaux de corbeaux. Etaient-ce les souvenirs de la marchombre qui corrompaient ainsi la ville marchande, plateforme des caravanes et des expéditions guerrières ? Elle ne le savait trop, mais le phénomène lui était familier, commun.

Elle demeura juchée sur Vaillant tout le temps du déchargement, et mit pied à terre quand le dernier commis de noble fut enfui, trébuchant sous le poids des soieries, et que Tomas s'approcha vers elle en enlaçant Debbie.
Le convoyeur compta quelques pièces qu'il lui glissa dans la main avec un sourire et un remerciement. La marchombre les accepta comme le dû qu'elles étaient, les glissa dans sa bourse avant de demander au couple ce qu'il comptait faire à présent. Le regard échangé par les époux rassura Rilend sur leur désir de profiter de la ville et de la vie.
Ils lui indiquèrent une auberge qu'ils décrivirent comme pittoresque et gérée par un patron plus aimable qu'un Raï, mais propre et bien située. Tomas assura la jeune femme de sa considération et de son désir de l'employer pour la caravane de retour, et Rilend sourit sans approuver, pas encore. Tout dépendrait de la façon dont tournaient ses retrouvailles.
Elle retrouva Alan et Hien, mais les deux hommes parurent embarrassés quand elle leur suggéra un bon dîner dans l'auberge précitée. Comprenant en un éclair, la marchombre leur souhaita bonne soirée et les laissa à leur nuit de ribaude puis, enfourchant Vaillant, elle mena son étalon par les petites ruelles qui n'avaient pas tant changé jusqu'à l'établissement, d'allure prospère.

Elle bouchonna et frictionna Vaillant de longues minutes durant, massa soigneusement chacun des muscles de son cheval et tendit une pièce au garçon d'écurie, hâve et chétif, en échange de la promesse de nettoyer et cirer ses cuirs. Puis la jeune femme s'approcha du patron du lieu, un homme portant beau à l'expression glaciale. Le genre d'arrogant prompt à allonger un coup de pied à un môme glacé ou affamé qui aurait commis l'erreur de mendier sur son pas de porte...
Rilend réprima la bouffée d'antipathie qui lui montait à la gorge avant d'interpeller le tenancier. La mine du cerbère s'allongea quand elle lui demanda une chambre :

"Une chambre seule ?
- Affirmatif.
- Vous voyagez seule ? Et votre mari, il est où ?
- ...Pas là."


Rilend insinua dans ces derniers mots assez de glace et de colère contenue pour que l'homme n'insiste pas et lui propose un logis, un repas, un bain. Propre et vêtue de frais, la jeune femme redescendit l'escalier et héla son nouvel ami, qui lui opposa une mine soupçonneuse.

"Vous voulez du papier ? Pour quoi faire ?
- Pour danser avec. Pour écrire, enfin !
- Vous savez écrire ?
- Qu'est ce que cela peut vous faire ? Au prix où je vous l'achète, vous seriez bien inspiré de ne pas vous demander ce que devient ce papier !"


Le précieux sésame en main, une plume et une bouteille d'encre dans l'autre, Rilend remonta dans ses pénates et s'installa tant bien que mal sur le lit, une planche sur les genoux. Elle étala soigneusement le papier sur le bois, le lissa plusieurs fois et suçota pensivement sa plume.
Comment est-ce qu'on commence ce genre de chose ?
Les formules coutumières étaient par trop pompeuses, ou trop familières, ou trop...bref. Un simple "bonjour", trop sec. Rien ? C'était bien tentant, mais irréalisable !
Rilend finit par tremper le bec de sa plume dans l'encre et, d'une écriture à la fois déliée et nerveuse, inscrivit en en-tête de sa lettre un simple mot, suivi de beaucoup d'autres.



" Hièlstan,

Comment vas-tu ?
..."




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Signe particulier: Sa dague fétiche, Talisman. Bien dissimulée sous les cheveux, une cicatrice à l'arrière du crâne suite à une commotion cérébrale. Un pendentif rond, en nacre. Elle se transforme en Panthère noire.

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MessageSujet: près un   Rilend Ansakh Icon_minitimeDim 13 Nov 2016, 16:35

CHAPITRE 9 : Les traces du Chat de Maraude
Rilend Ansakh Lauzer10
Protagonistes: Rilend Ansakh, l'aubergiste malaimable, Skif et Cara.

Âge : 34 ans.

Lieu : Al-Far.
La lettre était inachevée sur sa table de chevet quand Rilend s'éveilla, aux aurores. La jeune femme s'étira dans le lit avant de se lever et d'ouvrir grand la fenêtre, invitant dans la pièce une pleine bouffée de nuit nordique, froide et humide. L'air sentait toujours la neige...

Peu désireuse de parcourir la grande salle ou de se confronter à l'aubergiste de si bon matin - le jour n'était même pas levé -, la marchombre se faufila par le battant ouvert, pour prendre pied sur un toit aux tuiles glissantes. Mais tous les toits glissaient. Il suffisait de se montrer attentive et concentrée pour rallier la rue sans encombres...ce que fit la jeune femme, sans sueurs froides. Sitôt que ses bottes touchèrent le sol, Rilend se lança dans son exercice quotidien : une course, tranquille et rapide, par les rues endormies.
Tout en parcourant le quartier, elle prit garde à demeurer vigilante ; à Al-Far, une coureuse si matinale avait des airs de cambrioleuse et elle ne tenait pas à se frotter à la milice locale...c'est pourquoi, quand un raffut de métal et de chuchotis mâles annonça le passage d'une ronde, la jeune femme choisit-elle de se hisser sur les toits pour y poursuivre son oeuvre. Elle détala, sauta, bondit, galopa, le plus silencieusement et légèrement qu'elle put. Nul doute qu'elle dérangea un gamin endormi ou un autre qui, peureux, se terrèrent dans leur antre à son passage de crainte de faire une mauvaise rencontre.
Ils donnèrent une idée à la marchombre.

Après une petite heure, sa course achevée, Rilend se trouva au pied d'un beffroi. Souriante, elle se lança dans l'escalade, les doigts gourds sur la pierre mais la respiration de plus en plus calme au fur et à mesure que sa concentration s'approfondissait. L'exercice n'était pas évident ; plus d'une fois, son pied ripa sur la roche humide et lissée par les vents. La discrétion était de mise, de peur qu'un garde ne s'alerte de voir une silhouette solitaire ramper à la verticale de si bon matin.
Elle parvint sans encombres, légèrement essoufflée, au sommet de la tour et se faufila sous son petit toit, évitant de justesse une cloche qui dormait là. Et c'est ici, entre le bronze glacé et la pierre, dans l'ombre d'un toit qui surplombait les autres, avec sous les yeux l'immensité des collines alentours, que Rilend s'offrit un moment de paix en s'abîmant dans sa gestuelle.
Puis elle passa par-dessus le parapet avant que l'homme de garde du jour n'arrive, et elle se laissa glisser de prise en prise jusqu'à pouvoir bondir sur un toit proche. Frottant ses mains engourdies par le contact de la pierre, la jeune femme sourit.
Elle avait eu une idée.

* *
*

"Petit !"

Le jeune garçon ouvrit les yeux dans un demi-sommeil...et les écarquilla silencieusement. Sans crier : on n'attire pas l'attention sur soi inutilement...mais il se recroquevilla dans sa couverture élimée et glissa la main vers ce que Rilend devina être un poinçon ou une alêne, une arme de mauvaise facture. La marchombre, qui occultait la lumière de l'entrée du repaire, ouvrit les mains dans un geste apaisant, un geste de dresseur de chevaux.

"Paix. Je ne te veux aucun mal. J'ai besoin de toi. Calme."

L'enfant n'était pas si mal installé, constata la jeune femme. Son "coin" tenait dans une toile tendue en deux cheminées, ce qui lui assurait certainement un peu de chaleur et demeurait dissimulé derrière trois hautes bâtisses.
Seul quelqu'un qui parcourait les toits et doté d'un oeil expérimenté dans la détection des emplacements de cachettes aurait su le dénicher. Rilend avait entendu ses soupirs ensommeillés et décidé de commencer par là ses investigations.
La jeune femme s'assit en tailleur à l'entrée.
Elle prenait un risque, elle le savait bien. Le gamin pouvait lui sauter dessus. Mais elle se targuait de le maîtriser, pour l'empêcher de se blesser lui-même...et il était nécessaire d'adopter l'attitude la plus neutre qui soit pour rassurer ce pauvre gosse éveillé en sursaut, débusqué là où il croyait ne jamais l'être.
Autour d'eux, les menues possessions qui trônaient sur les étagères artisanales commençaient à luire dans la clarté qui traversait la toile. L'endroit était aussi coquet et confortable qu'une planque au sommet des toits pouvait l'être...l'enfant était certainement, soit talentueux, soit expérimenté et probablement les deux.
Rilend ferma les yeux, attentive, et attendit que la respiration du garçon se calme. Puis elle rouvrit les paupières :

"C'est bon ?
- T'es qui ?
- Une intruse. Je te l'ai dit, j'ai un boulot pour toi.
- Je fais rien d'illégal.
- Menteur."

L'enfant voulut hausser le ton, une lueur d'indignation dans les yeux, mais la marchombre le devança avec le sourire :

"Menteur. Tu fais ce qui est illégal et nécessaire pour survivre. T'as pas envie de faire quelque chose de moins risqué et de mieux payé, pour une fois ?
- Tu veux quoi... ?"


Il était méfiant comme un chat sauvage.
Méfiant comme elle l'avait été. Rilend retint de justesse une bouffée d'affection qui lui dictait de serrer contre elle ce gosse perdu - et qui aurait été affreusement mal reçue ! Au lieu de ça, elle modifia les inflexions de sa voix, passant de rassurante à presque maternelle :

"J'ai besoin de renseignements sur deux personnes. Je ne leur veux aucun mal, je veux juste de leurs nouvelles. Des informations justes, les plus rapides et justes que tu pourras trouver.
Il y en a combien qui bossent pour toi ?
- Auc...
- Menteur. Tu n'as pas volé tout ça seul, hein ?
- Quelques gosses.
- Il y aura un salaire pour chacun, et le double pour toi."


Rilend se releva et recula puis, dans le même mouvement, se retourna pour croiser le regard du petit voleur méfiant. Ses yeux pétillaient de bonne humeur et d'affection :

"Bon emplacement, ta cachette. Mais tu es très visible depuis le nord du quartier, fais attention...
- ...
- Tu te demandes qui je suis, hein ?
- ...
- Je suis une voyageuse. Je viens de loin. Mais j'étais à ta place avant. Je loge au Pichet de Châtaigner, mais il ne te laissera pas entrer, alors retrouve moi à la Fontaine des deux Dragons quand le soleil cessera d'illuminer la statue de la Dame, celle qui est à côté du palais du bourgmestre."


Sans prêter plus attention au regard incrédule du garçonnet, la marchombre pivota et s'éclipsa le plus discrètement qu'elle put. Le voleur resta là, bouche bée, à la regarder disparaître. Puis il se secoua et se mit en quête de ses ouailles.
Du haut du toit, allongée, cachée, Rilend le regardait faire.

* *
*

Rilend se laissa glisser au sol avec un sourire.
Elle n'avait pas choisi au hasard son innocente victime ; le garçon occupait une place qu'elle connaissait bien, qui avait longtemps constitué le fief attitré d'un petit chef de bande. De tels endroits, plébiscités, enviés, passaient de main en main au gré des fluctuations du pouvoir dans les bandes de jeunes voleurs et la marchombre avait songé - apparemment à raison - que l'habitant actuel était l'un de ces décisionnaires.
La jeune femme acheta une brochette de viande fumante et dégoulinante à une échoppe miteuse, lécha la broche, puis ses doigts et, frottant ses mains, repartit en chasse avec un petit sourire. La ville n'avait pas tant changé, les réseaux d'influence demeuraient sensiblement les mêmes et elle savait désormais bien où, et à qui, s'adresser pour obtenir ses réponses. Les enfants lui fourniraient un canal d'informations parallèle appréciable.
Et une excuse pour les payer...
Rilend secoua la tête sans un mot, toute bonne humeur envolée, puis courut les ruelles jusqu'à trouver ce qu'elle cherchait. Un vieil aveugle était adossé à un mur, au sol, une gamelle en terre cuite déposée devant lui. Il tenait son bâton de marche fermement et selon un angle particulier.

La jeune femme se faufila jusqu'à lui à pas de chat. Sa main traîna négligemment, accidentellement, derrière elle sur un étal de fruits et légumes et rafla une pomme tandis que la marchombre continuait son chemin. Le commerçant vantait la qualité de sa marchandise à qui voulait bien l'entendre, sans remarquer la voleuse adossée au mur dix mètres plus loin, juste à côté du vieux mendiant. Rilend croqua dans le fruit. Acide et peu sucré, comme toutes les pommes du Nord...

"Grand père, ça mord ?"

Le vieil homme leva les yeux et ne répondit pas tout de suite à la marchombre, qui mâchonna sa pomme, indifférente. A les voir de l'extérieur, ils ne semblaient pas discuter. Une marcheuse s'était juste adossée au mur pour s'extirper de la foule, à côté d'un vieil infirme malodorant et que nul ne remarquait plus.
Une femme se baissa pour glisser une pièce dans la gamelle du vieux, une femme relativement bien habillée pour la rue qu'elle parcourait. Probablement non originaire de cette venelle crasseuse, et Rilend ne lui prêta nulle attention tandis que l'aveugle attrapait la main de son bienfaiteur en lui promettant mille bonheurs dans cette vie et les suivantes. Embarrassée autant par les effusions du pauvre homme que par son odeur, la matrone se libéra avec un mot d'excuse et s'en fut à grands pas, tandis que Rilend croquait un autre bout de pomme et grimaçait. Acide, trop acide !

"Elle vaut rien, la bague, tu sais. Le bracelet était bien mieux. T'as oublié la valeur des choses ?
- J'oublie jamais rien. Qu'est ce que tu me veux, gamine ?"


Rilend sourit, et jeta au loin le trognon de pomme, visant au-delà de la partie passante de la rue pour éviter des récriminations imprévues ou des histoires malencontreuses de chapeaux renversés. Puis elle s'adossa de nouveau au mur :

"Ca fait un bail, mon vieux Koth. C'est qui le patron maintenant ?
- Qui es...non, attends, c'est Julian qui gère.
- Et toi...toujours au même endroit.
- Rien ne vaut un territoire qu'on connaît. Tu cherches quel genre d'informations ?
- Deux personnes. Sans danger. Sans filature. Juste un emplacement, et des nouvelles.
- Quatre pièces d'or.
- Trois. Ils ne se cachent pas je parie, faut pas déconner, grand-père.
- Trois et un sou de plus.
- Je veux Skif et Cara."


Rilend sourit et fit tinter sa bourse, puis posa un sou dans la gamelle.

"Le reste ce soir ?"

Koth explora du bout des doigts la pièce, la fit tinter dans la terre cuite et sourit, satisfait. Il tourna la tête vers la marchombre qui se tenait désormais devant lui, comme si elle avait voulu s'enquérir de son état, et répondit en révélant ses chicots gâtés :

"Et un de plus si tu ne veux pas qu'on sache qui tu es, petite Astyr. Koth oublie jamais rien..."

Rilend se redressa, une lueur farouche dans les yeux, et lâcha en s'éloignant dans la foule, royale :

"Rien à foutre !"

* *
*

Le crépuscule tombait toujours sur la ville de la même façon.
C'étaient d'abord les bas quartiers qui s'enfonçaient dans la nuit, surplombés par de plus hautes bâtisses, commerciales ou simplement des immeubles miteux. Dans la plus belle rue de la cité, réputée pour son long ensoleillement, les palais résistaient plus longtemps que leurs congénères moins bien situés, et les pierres resplendissaient encore d'or rouge longtemps après que l'auberge du Pichet de Châtaigner ait sombré. C'étaient les demeures des grands de ces lieux, notables, gardes hauts placés, bourgmestre. Ce dernier héritait la bâtisse de son prédécesseur et l'un d'eux, atteint d'une folie des grandeurs particulièrement ruineuse, avait fait ériger auprès de sa porte une immense statue de la Dame et du Dragon s'entrelaçant, resplendissants, probablement créés par un Dessinateur de grand talent.
Cette statue faisait office de gnomon pour bien des gens.
En effet, les cornes du dragon résistaient un temps infini au coucher du soleil, et leur disparition était pratiquement visible de toute la ville pour peu qu'on sache escalader un toit.

A l'heure dite, Rilend se faufila par les rues assombries jusqu'à la bien plus modeste statue de dragons qui trônait sur une placette pavée. Les reptiles, infiniment moins imposants que leur collègue, étaient sculptés dans une pierre grise au grain fin et l'eau jaillissait de leur gueule dans un incessant clapotis, toujours claire et saine, surveillée attentivement par les autorités qui ne tenaient pas à voir les épidémies se répandre dans la population d'Al-Far.
La marchombre s'abîma dans la contemplation des deux bêtes quand un froufrou de vêtements, derrière elle, lui fit tourner la tête. Le gosse, bien sûr.
Elle se glissa jusqu'à un porche plus discret pour l'écouter en toute quiétude. Elle sourit quand il lui apprit ce qu'elle souhaitait savoir, il sourit quand elle lui fourra dans la main ce qu'il réclamait - certainement plus qu'il n'avait d'enfants à rémunérer, mais qu'importait !
La marchombre repartit paisiblement, en promeneuse égarée, pour rallier l'emplacement favori de Koth. Puis elle revint vers l'auberge, le coeur léger, mais battant à tout rompre, salua à peine l'aubergiste qui le lui rendit bien et s'assit, comme la veille, sur son lit en frottant la plume contre ses lèvres séchées par le froid.
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Rilend Ansakh
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MessageSujet: Re: Rilend Ansakh   Rilend Ansakh Icon_minitimeMer 16 Nov 2016, 23:25

CHAPITRE 10 : Derrière la porte, hier
Rilend Ansakh 60242510
Protagonistes: Rilend Ansakh, l'aubergiste malaimable, Skif, Annick, Ewen et Cara.

Âge : 34 ans.

Lieu : Al-Far.
Le lendemain, quand Rilend rentra de son tour matinal, l'aubergiste était déjà à son comptoir. L'homme haussa les sourcils en la voyant entrer, mais la marchombre ne pouvait lui en vouloir : puisqu'elle s'était encore éclipsée par la fenêtre à l'aube, il ne l'avait pas vue sortir avant de la voir entrer. L'idée ravit la marchombre au point que, refermant le lourd battant derrière elle, elle adressa un sourire rayonnant à la mine allongée du malaimable tenancier. Lequel, sans sourire, lui demanda si elle mangerait sur place.

La jeune femme hésita quelques secondes, puis secoua la tête en souriant toujours, d'autant plus égayée que l'homme se renfrognait, et grimpa quatre à quatre les marches pour rejoindre sa chambre. Elle alla s'asseoir en tailleur sur son lit, pour y réfléchir à son aise, yeux clos et respiration contrôlée. Aujourd'hui, elle souhaitait se glisser dans les rues et récolter davantage d'informations. Elle voulait se blottir sur les toits et épier la porte de Skif, les habitudes de Cara et leur sourire à tous les deux. Elle savait où ils vivaient...

Et reculait la rencontre.

Rilend sortit de son état quasi-méditatif en sursaut et secoua la tête avec agacement.
Par la Dame !
Elle avait écrit la veille à Hièlstan qu'elle ne reculerait pas - la lettre, postée aux premières lueurs de l'aube, volait à présent vers Al-CHen - et voilà qu'elle hésitait à nouveau. Voilà aussi qu'elle recommençait à redouter de le décevoir...alors qu'elle tenait à ce que ces retrouvailles constituent une affaire entre elle et elle-même.
Alors pourquoi passait-elle son temps à y inviter un quidam qui ne connaissait ni son frère, ni sa mère de coeur ?

Quand le milieu de matinée fut passé, Rilend parcourait les rues d'un bon pas, un pas de femme occupée qui sait parfaitement où elle doit aller. Par les voies encombrées, les allées dégagées et les coupe-gorges qu'elle ne redoutait plus d'emprunter désormais, la jeune femme parcourut la ville de son enfance et de tous ses cauchemars. D'après Koth et les enfants, les siens résidaient au coeur de la cité, dans une enclave relativement bien famée entre plusieurs secteurs réputés dangereux. Quand la marchombre reconnut les lieux et comprit qu'elle approchait, elle délaissa le plancher des vaches pour se hisser sur les toits en un bond de chat, et parcourir ainsi les dernières centaines de mètres. Elle redoutait en effet de tomber sur l'un ou l'autre de ses anciens protecteurs dans la rue...

A la façon des félins, qui ne s'aventurent en un lieu inconnu qu'après moult réflexions, Rilend souhaitait voir sans être vue.

Ses hésitations avaient une seconde origine.
Les investigations de ses jeunes agents lui avaient appris que Skif vivait en compagnie d'une femme et d'un petit garçon. Skif père ! L'idée était presque choquante pour la marchombre qui avait encore en tête l'image de son amour adolescent, et pourtant...pourtant, il semblait que son vieil ami ait lui aussi construit une vie à son goût. C'était pourquoi s'introduire chez les siens, ou simplement frapper à la porte, et tomber sur une parfaite inconnue potentiellement hostile ou méfiante n'emballait pas spécialement Rilend et qu'elle était d'ores et déjà décidée à attendre la soirée et le retour de Skif de son ouvrage.
La jeune femme reconnut bien vite le logis. Il s'élevait aussi haut que les autres ou plutôt, aussi bas. Doté d'un toit plat et de rares fenêtres, il n'avait rien de l'appartement sombre où Rilend et sa mère avaient passé leurs premières années d'exil ou, plus tard, le réduit crasseux dans lequel elles avaient déménagé quand le penchant de la veuve pour la bouteille les avait placées dans une situation intenable. Pour une maison d'Al-Far, la bâtisse était coquette et suffisamment grande pour abriter honnêtement quatre ou cinq personnes. Sa façade, donnant sur une ruelle sale mais exempte d'auberges ou de maisons de passe, trahissait une réfection récente et la porte, solide et de bonne facture, protégeait efficacement ses habitants.
C'était une bonne maison.

Rilend tira de sa poche une brochette de siffleur, achetée au hasard des échoppes, une petite bouteille de bière et deux fruits dont elle n'avait jamais su le nom, mais épais, oranges et sucrés quoiqu'assez peu goûteux. Elle se mit à grignoter, rongeant le bout de bois - affamée - en surveillant la rue. L'attente serait longue.
Les deux fruits se révélèrent charnus et nourrissants, plus que la brochette trop vite finie mais achetée par la marchombre en souvenir d'une époque où une telle pièce de viande constituait un véritable festin. Peu assoiffée, Rilend mit bien plus de temps à finir sa boisson, mais reconnut que cette dernière méritait amplement sa réputation.
Elle provenait d'un établissement bien connu, dans lequel un gamin des rues n'aurait su se payer quoi que ce soit. Et pourtant...Skif l'avait fait. Sans rien lui dire, il avait décidé d'une date d'apparence aléatoire pour fêter l'anniversaire de son amie de coeur et l'avait invitée là pour une soirée et quelques verres.
Rilend sourit en léchant le goulot du bout de la langue.
Toutes ses actions, aujourd'hui, la ramèneraient-elle sur les traces de son passé, comme on parcourt un chemin d'antan pour y retrouver les souvenirs de sa vie passée ?

* *
*

La Panthère, impatiente notoire, savait néanmoins faire preuve d'une immobilité magistrale quand elle attendait de bondir sur une proie, calculant ses chances, analysant l'environnement. De son analogue félin, Rilend tentait de s'inspirer en demeurant adossée à sa cheminée, le regard plongeant vers la ruelle poussiéreuse en contrebas.
Midi passa.
Deux heures sonnèrent, puis trois.
Ce n'est que vers quatre heures que la patience de la marchombre fut enfin récompensée par l'apparition d'une silhouette grande et fine, marchant à petit pas saccadés mais d'une démarche sereine et sans contraintes. Rilend nota le chapeau porté crânement, les articulations noueuses, la démarche légèrement claudiquante et les cheveux noisettes sur une peau burinée par le grand air. Son coeur accéléra, son souffle se tarit quand un autre angle révéla un regard clair, presque doré, et une grande bouche aussi prompte à sourire qu'à embrasser, dont elle ne se souvenait que trop bien.
Skif, bien sûr.
La marchombre se redressa avec la souplesse née d'un long entraînement, mais quand elle fut debout, ses genoux tremblèrent sans prévenir. Elle dut s'accroupir et demeurer là, au bord du toit, le coeur battant si fort dans sa poitrine qu'elle en avait la gorge serrée. Sans qu'elle s'en aperçoive, sa main étreignait convulsivement un rebord.
Rester ? Attendre ? Descendre ?
Les options se bousculaient dans la tête de la jeune femme, sans qu'elle parvienne à se décider d'aucune façon. Il lui sembla demeurer ainsi, figée sur son toit, une éternité et plus encore avant que ses muscles ne se remettent à fonctionner.
Rilend se laissa le temps d'une expiration, le temps de se calmer avant de se laisser glisser par-dessus le rebord du toit. Même dans son état de confusion intense, elle eut la présence d'esprit, par habitude, de s'assurer que la rue était vide avant d'y atterrir.

La marchombre se redressa, épousseta sa tenue de cuir et regarda tout autour d'elle. La ruelle tranquille ne résonnait pas différemment d'il y avait quelques secondes ; sa chute était visiblement passée parfaitement inaperçue et la jeune femme se faufila en direction du porche sous lequel Skif venait de disparaître.
La porte, qu'elle frôla, était dure et tiède sous ses doigts. Rilend suspendit son mouvement.
Hésita.
Réalisa avec horreur qu'elle n'avait aucune idée de comment se rappeler au bon souvenir de Skif et Cara. Comment justifie-t-on de son identité après une absence de presque vingt ans ?
Et si...Skif n'ouvrait pas ? Et si sa femme ne la laissait pas entrer ? Et si...ils ne la reconnaissaient pas ?
Rilend demeurait tétanisée, le souffle court, se noyant dans l'expectative pour l'une des toutes premières fois de sa vie. Elle avait imaginé des milliers de fois ces retrouvailles, n'en avait pas dormi la veille et avait rejoué mille scénarios en son for intérieur. Mais jamais, jamais elle n'avait songé à la façon de franchir le problème le plus simple du monde : frapper à la dernière porte entre les siens et elle.
Elle ferma les yeux.

Que n'aurait-elle donné pour un peu de réconfort, ou une voix rassurante qui la pousse en avant ! Pour l'audace de la Panthère...ou juste une ineffable foi en son prochain et en sa famille !

Si même sa propre mère avait parfois échoué à la reconnaître, comment la jeune femme pourrait-elle attendre d'autres qu'ils se souviennent d'elle des décennies plus tard ?
Ils l'auraient oubliée...
Ou pas.
Rilend prit une profonde inspiration et, avec une sensation équivalente à une chute vertigineuse, à une prise qui ripe au sommet d'une falaise, elle posa ses doigts sur le bois. Puis frappa au battant, et demeura là, presque haletante.
La gorge nouée, du plomb dans le ventre.
Elle dut faire appel à toute sa maîtrise d'elle-même, les dernières bribes de confiance et d'optimisme qu'elle put trouver pour ne pas reculer et s'enfuir en courant quand elle entendit des pas se diriger vers la porte. Ce serait si facile...elle savait se rendre invisible et se faufiler, prétendre n'avoir jamais été. Ce serait si simple...

La porte s'ouvrit sur un homme mince et grêle, de haute taille.
Elle avait eu mille phrases d'accroche en tête, mille saluts. Mille et une façons de se faire connaître et plus encore de simplement sourire. Elle avait retenu deux ou trois d'entre elles au terme d'une longue réflexion et d'une nuit sans sommeil ou presque.
Elle n'avait aucune idée de ce qu'elle allait dire.
Ce fut comme si quelqu'un parlait à sa place.

"Skif..."

L'air interrogateur de l'homme en face d'elle manqua lui briser le coeur. Incompréhension. Interrogation. Une voix de femme, derrière, qui s’enquérait de l'identité de la visiteuse. Les yeux noisettes, soucieux puis curieux, puis surpris. Franchement surpris.
Incrédules.
Quand Skif la dévisagea, Rilend retint son souffle et son ventre se noua plus encore, plus qu'elle l'aurait cru possible. Ce fut comme si son coeur cessait de battre dans sa poitrine.
Puis l'homme qu'elle n'avait pas vu depuis vingt ans cessa de la dévisager.
Il la regarda.
Et Rilend reprit pied et souffle d'un seul coup.

La suite fut fort confuse. Il semblait qu'elle avait franchi le seuil de la porte, et il semblait que Skif avait ouvert les bras puisqu'elle s'y trouvait. Ses épaules avaient la même solidité qu'il y avait vingt ans, sa peau, la même odeur. Il était bien possible que quelqu'un ait refermé le battant derrière eux et qu'une voix interrogatrice résonne, mais ni Skif ni Rilend n'avaient pris la peine de répondre quoi que ce soit.
La jeune femme n'entendait rien que la voix de son ami, et rien qu'un mot répété à l'infini comme une incantation : "Toi ! Toi..." et elle n'avait aucune idée de ce que son acolyte pouvait bien saisir de ses mots décousus, puisqu'ils étaient devenus, de mots, un rire fragile, presque hystérique. Un rire douloureux et convulsif dont elle n'aurait su dire s'il provenait de Skif, d'elle, d'eux deux et s'il était rire ou sanglots, tant la limite entre eux tous était ténue.
Elle agrippa ses épaules, complètement oublieuse de la présence de la compagne de Skif à quelques mètres de là, mais Skif lui-même n'en avait cure. Elle sentait le tissu de sa chemise contre son front et son nez, l'odeur de sueur d'une journée de travail, la chaleur de sa chair et les muscles qui l'enserraient, les doigts dans ses cheveux, sur ses omoplates et la grande poitrine secouée d'éclats de rires ou de larmes. Il tremblait, ou elle, et le monde alentours n'avait rien à faire entre eux.
Rien. Rien. Il n'y avait rien qui les sépare encore.
Hoquets.
Sanglots sans chagrin.
Mots incrédules.
Ouragan.

Au milieu de ce maelström d'émotions aussi incontrôlables qu'impossibles à décrire, Rilend finit par retrouver un peu de souffle et de conscience du monde extérieur, et Skif l'imita. Ils levèrent la tête, radieux, un peu hagards, complètement stupides et les yeux de la marchombre se posèrent sur la jolie femme blonde qui la dévisageait avec un rien d'agacement et beaucoup de stupeur. Ses yeux bleus se fixèrent sur son compagnon et formulèrent une question sans mots, mais dont le sens était assez évident.
Et Skif répondit en attirant Rilend contre lui.
Comme une évidence.

"On se connaît."

Depuis toujours.
De toute éternité.

* *
*

La femme, c'était Annick et le petit, Ewen, Ewen qui avait hérité des yeux dorés de son père et des cheveux blonds de sa mère, qui faisaient de lui un petit soleil. Ewen, le second de cette petite famille à sauter au cou de la marchombre en balbutiant des mots auxquels la jeune femme ne comprit rien, sinon l'essentiel.
Elle caressa la chevelure blonde, hissa le gamin dans ses bras et, par-dessus la tête ébouriffée, croisa un regard bleu ému et approbateur.
Sois la bienvenue dans la famille, si tu aimes mon fils, disait Annick.
Skif parcourait la pièce de long en large, presque dansant et Rilend, assise sur un tabouret et Ewen toujours sur les genoux puisqu'il refusait de la lâcher, le suivait des yeux. Muette de surprise, d'adoration et joie, autant que son frère.
Il finit par lui proposer quelque chose à boire, et Annick se coula auprès de son mari pour participer à la discussion. Rilend apprit que Cara était partie visiter des amis mais rentrerait d'ici un jour ou deux, et qu'Annick était fille de caravanier. Skif, lui, s'était fait ébéniste et...receleur d'informations. Nombre de leurs anciens amis étaient morts ou portés disparus, ou goûtaient aux geôles de la ville. Nombre encore vivaient dans la plus totale illégalité entre rapines et ribaudes, ou étaient partis chercher fortune sur les routes.
Quand Skif proposa à Rilend de les contacter, la jeune femme secoua la tête, gentiment. Non, non, rien que sa famille. Elle ne voulait pas renouer avec le Chat de Maraude, juste avec les siens.
Et les siens, c'était cet homme qui revint la serrer contre lui, cette femme qui lui proposa soudain de rester dîner et le petit garçon émerveillé qui lui fit décrire Al-Jeit dans ses moindres détails et la dévora du regard tout le reste de la soirée.
Pour Annick, ce serait un peu plus long, mais pour les hommes de la famille, la marchombre était d'ores et déjà adoptée. Et encore ! L'épouse de Skif se révéla une femme lumineuse et cultivée, amène, aimable, ouverte, qu'on ne pouvait pas ne pas aimer, ce qui facilita grandement la tâche à Rilend, toujours farouche.

Et puis Ewen.

Ewen qui tendit les bras vers elle quand sa mère l'envoya se coucher et quémanda une histoire de plus. Echangeant un regard avec la compagne de Skif, Rilend suggéra un ultime récit...au fond du lit, et Annick donna son autorisation avec soulagement. Ewen qui se blottit sous ses couvertures, insistant pour s'affaler à moitié sur les genoux de Rilend, sa mère assise au bord du lit à l'opposé de la marchombre et son père debout dans l'encadrement de la porte.
Il fixait son regard de soleil sur la jeune femme, qui fit de son mieux pour le satisfaire en lui contant la Fête de l'Eté et sa légende et eut la satisfaction immense de voir les yeux du garçonnet pétiller.

Il attrapa sa main et elle la lui laissa le temps de finir de redécouvrir avec lui les rues ornées de lampions et les flamboyantes travées de lumière, les marchés, les mille babioles et le verbe des marchands.
Quand Rilend narra la façon dont les rues s'éteignirent à la lumière du petit matin, l'aube approchant, les paupières d'Ewen frémirent et tombèrent peu à peu sur ses yeux troubles. Le garçon garda la main de la marchombre qui n'osait la retirer et s'endormir peu à peu dessus. Fort embarrassée, la jeune femme eut besoin du secours d'Annick pour oser se dégager.
Elle se faufila derrière Skif pour redescendre et, arrivée en bas, devant un énième verre de vin, sourit à son frère :

"Il est parfait, ton fils. Je veux le même.
- Ton neveu !"


Les yeux de Skif riaient aux éclats et la marchombre rit à son tour.
Juste heureuse.

* *
*

Annick monta se coucher quand la lune franchit le zénith.
Eux veillèrent.
La bouteille y passa, et peut-être une ou deux autres...
Les vingt dernières années y passèrent, dans les grandes lignes pour Rilend qui ne pouvait s'étendre sur sa formation, dans le détail pour Skif. Elle parla voyages, découvertes, amis et même amours et il le lui rendit bien. Elle narra sa Voie à demi-mots, employant de tout autres termes que ceux dont elle avait usé une quinzaine de jours auparavant, sur une terrasse en bord de lac : Skif n'était pas un penseur, pas un intellectuel quoiqu'un garçon intelligent, et les concepts d'Harmonie et d'Equilibre n'étaient pas de ceux dont il aimait disserter à l'infini.
Mais il voulait tout savoir.
Et Rilend le lui rendit bien.
Quand il voulut aborder le sujet de sa disparition subite, la jeune femme se raidit imperceptiblement :

"Tu ne veux pas attendre Cara ? J'aimerais ne raconter ça qu'une seule fois."

Les yeux de son frère étaient des océans de sympathie.
Bien sûr qu'il voulait bien.
Ils finirent la nuit dans le canapé sommaire dressé dans un coin de ce foyer douillet, alanguis. Lui regardait tantôt le feu, tantôt la marchombre et elle, blottie contre lui et éprouvant la force de son épaule et de son bras, laissait ses yeux courir après les braises.
Ils parlèrent la nuit durant.
Ils étaient épuisés de tant d'émotion.
Ils ne fermèrent pas l'oeil.
Vingt ans à rattraper !

* *
*

Quand Rilend rentra, le lendemain matin, à l'auberge, le patron la regarda entrer avec une moue de désapprobation. La jeune femme, un autre jour, lui aurait adressé une pique, une remarque acerbe, une pointe ou lui aurait laissé croire qu'elle avait découché pour le simple plaisir de le voir se hausser du col.
Elle se contenta de lui sourire et de monter se coucher.
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MessageSujet: Re: Rilend Ansakh   Rilend Ansakh Icon_minitimeSam 19 Nov 2016, 01:11

CHAPITRE 11 : La femme qui n'avait pas oublié
Rilend Ansakh Pre-3110
Protagonistes: Rilend Ansakh, l'aubergiste malaimable, Skif, Annick, Ewen et Cara, Séthi.

Âge : 34 ans.

Lieu : Al-Far.
Les trois journées qui suivirent s'écoulèrent comme un torrent. Rilend se levait aux aurores pour étirer et entraîner son corps en dévalant les ruelles, les toits et les murs. Puis, au sommet d'un bâtiment de préférence difficile d'accès ou gardé, la jeune femme prenait le temps d'éveiller son esprit en pratiquant la gestuelle marchombre ou un autre exercice consistant à demeurer immobile, les yeux clos, en se concentrant successivement sur chacun de ses sens. Puis, peu à peu, la marchombre tentait d'accéder à une conscience plus globale des choses pour, enfin, sentir le Temps de ce qui l'entourait, celui de son environnement immédiat et entier.

Elle profitait également de la matinée pour flâner dans les rues, sur les pas de son enfance, et discuter avec l'infortuné garçon qu'elle avait réveillé quelques jours avant. Séthi, c'était son nom, était un adolescent éveillé qui la regardait se déplacer avec de grands yeux éblouis. En lui, Rilend retrouvait sans conteste l'enfant qu'elle avait été et pour cela, souhaitait le protéger ou tout du moins lui rappeler que le monde était infiniment plus vaste que les frontières d'Al-Far. Si ce qu'elle lui racontait, ce qui faisait briller ses prunelles, suscitait ne serait-ce qu'une vague envie de voyage et de découverte chez le garçon, qu'un vague désir de s'en donner les moyens, Rilend serait déjà heureuse. Et si non, ses voyages faisaient saliver les enfants qui s'asseyaient autour d'elle, au sommet d'un toit ou au fond d'une cave. C'était déjà cela !

Elle ne se prenait pas pour une sauveuse, une créature tout droit revenue du passé pour guider des âmes égarées, ou toute autre fadaise à la sauce mystique. Rilend savait assez bien ce qui la poussait à agir de la sorte : le désir d'offrir à ces jeunes la chance inouïe dont la Panthère l'avait fait bénéficier en la forçant à fuir à toutes jambes. De leur montrer qu'on pouvait changer. Grandir. Et devenir, tout simplement.

Que le monde n'était nulle part exempt de dangers et de bassesses, mais que partout l'on pouvait y trouver quelque beauté pour peu qu'on prenne la peine de regarder et de chercher.
Et leur offrir un peu d'espoir.
Simplement.

Elle se sentait bien dans cette petite troupe. Acceptée, même révérée parfois - ce qui lui déplaisait d'une autre manière. De par ses origines, qu'elle ne leur avait pas caché, Rilend avait très vite été appréciée des enfants et ils écoutaient volontiers ce qu'elle avait à dire. Leurs matinées s'étiraient, longues comme un jour entier tout plein de délices, entre récits, questions, débats et réflexions parfois plus philosophiques.

Et la marchombre les regardait en souriant, le coeur gonflé de l'affection qu'elle avait pour eux tous, ces petits frères des rues dont elle avait fait partie.


L'après-midi, Rilend se l'était réservé.
Fréquemment, elle sellait Vaillant, l'incitait au calme dans les rues. Puis, les portes de la ville franchies, l'animal échauffé, l'étalon et la femme s'offraient un long et vigoureux galop qui dérouillait les muscles, élargissait le poitrail et approfondissait le souffle. Le cheval et la marchombre s'entraînaient ainsi jour après jour, Rilend dessellant parfois son partenaire pour développer son assiette, son sens du mouvement et sa connexion avec Vaillant. Elle le poussait dans les rivières, les plaines, les hautes herbes et les basses frondaisons, développait pas après pas son audace et son courage, sa force, son endurance.

Et leur confiance mutuelle.

Vint le jour où elle put lancer Vaillant au grand galop sur une piste peu fréquentée avec pour toute bride un lien autour de l'encolure, à cru sur le dos du jeune cheval, ses jambes enserrant la musculature globuleuse de la créature de rêve. Ils s'envolèrent ainsi, ne faisant plus qu'un, rempli de la même extase et la même fureur de courir, de voler et de battre le vent à son propre jeu, jusqu'à ne plus savoir eux-mêmes qui était la femme et qui était la bête.

Elle nagea avec lui puis, toute seule, se mesura aux torrent glacés tandis que son étalon l'attendait sur la rive, attentif. Elle lui apprit à accourir au sifflet, puis à répondre à la voix et à ses genoux, à faire abstraction du poids de son corps sur un signal précis. Elle lui apprit à ne pas s'effrayer quand une flèche partait en sifflant entre ses oreilles pour se ficher dans un tronc, à tolérer qu'elle s'agrippe à sa crinière pour se laisser couler le long de son flanc.

Et ils se reposèrent, elle allongée dans l'herbe froide ou appuyée sur son dos, lui debout, broutant et veillant pour eux deux. Il lui révéla les endroits où le gratter, ceux qui faisaient frémir sa grande carcasse et ses lèvres, ceux à caresser et ceux à frôler du bout des doigts. Il apprit à tolérer le pansage et elle lui enseigna comment l'apprécier.

Vaillant.


* *
*


Le soir, Rilend retrouvait Skif et, parfois, Ewen et Annick. La jeune femme fréquentait ses parents et, souvent, emmenait son fils avec elle. Ces soirs-là, l'ancien voleur et la marchombre se retrouvaient en tête-à-tête et, la nuit avançant, s'émerveillaient de la variété des sujets qu'ils étaient capables d'aborder.

Leur complicité avait survécu à la fuite de Rilend, semblerait-il...
La jeune femme se prit à redouter le retour de Cara et cette seconde, cette nouvelle, confrontation. Elle était fermement décidée à leur exposer les raisons qui l'avaient poussée à quitter Al-Far aussi brutalement. Pourtant, la simple idée de parler à quelqu'un de la Panthère la mettait terriblement mal à l'aise.

Non.
La terrorisait.

La Panthère était elle, et elle n'était rien moins qu'un félin et une femme, deux en un. Cette transformation, déjà difficile à imaginer pour des néophytes, ne manquait pas de susciter le dégoût et le rejet dans les contes où apparaissaient des Métamorphes. C'étaient toujours des créatures bestiales et répugnantes, des tueurs sanguinaires dominés par leur instinct de bête.

La magie n'était pas bien vue à Al-Far, fût-elle simplement celle des Dessinateurs et de tous les arpenteurs des Spires, et Rilend redoutait à juste titre la réaction des siens.

Ce d'autant plus que son récit risquait de corroborer la réputation des métamorphes. Aujourd'hui encore, elle ne pouvait repenser au charnier qu'elle avait laissé derrière elle, au carnage mené par son double animal, qu'en fermant les yeux et frissonnant, le coeur au bord des lèvres. Qu'en serait-il pour quelqu'un qui ne saurait comprendre ce que c'était que d'être un fauve ? Qui n'imaginait pas la puissance de l'instinct et l'amoralité des animaux, la force des chasseurs et leur promptitude à se défendre ?


* *
*

Ce soir-là, Rilend n'était pas concentrée. Elle jouait avec son verre, passant son doigt sur le rebord, l'agitant pour voir le liquide mousser contre les parois de bois. Skif, adossé à sa chaise, la regardait faire, l'oeil indulgent. Le trouble de sa soeur ne lui échappait pas, puisqu'il intervint dans le silence :

"T'affole pas. Maman comprendra."

Rilend leva les yeux vers lui, ses yeux gris pour l'heure sombres et troublés. Puis elle les ramena sur sa chope et grommela quelque chose en tapotant du doigt sur le bord du récipient. Skif leva un sourcil interrogateur et, après un coup d'oeil rapide à la mine de son frère, Rilend répéta plus distinctement :

"Il y a beaucoup de choses à comprendre, dans mon histoire, Skif. Vraiment beaucoup. Ce n'est pas...une histoire coutumière, tu sais.
- Pas besoin de me rappeler que tu es une originale"
, répondit Skif en riant. Sa joyeuse exclamation tira Rilend de sa torpeur. Elle le regarda avec un sourire tendre aux lèvres. Skif, toujours rieur, le verbe haut et si prompt, si doué pour la dérider...Skif qui avait constitué pendant si longtemps l'épaule sur laquelle elle s'appuyait et l'être auquel elle pouvait confier tous ses secrets sans exception. Son petit voleur, autrefois son petit ami et devenu son frère.
Rien n'avait changé entre eux et elle ne voulait pas que cela se perde. C'était pourtant le risque qu'elle courait ce soir, en leur révélant cette partie de sa nature, l'existence de la Panthère.
Elle le regarda par en-dessous :

"Tu le sais ?
- De quoi ?
- Pourquoi je suis partie ? Tu as bien une idée ?"


Sourire rassurant.

"J'en sais rien, ma belle. J'ai longtemps cru...qu'il t'était arrivé malheur. Que tu avais été...enfin, tout ça, souffla Skif en détournant le visage. J'ai couru la ville, tu sais. Demandé à tout le monde. Ils se sont bien foutus de moi, et puis tu ne revenais pas alors, ils se sont inquiétés aussi. On n'a rien trouvé.
...
J'étais inquiet,
murmura l'ancien voleur, presque honteux. Puis j'ai pensé...que tu te cachais. Que tu ne voulais plus nous voir...me voir. Que tu étais encore là quelque part, mais...tu as toujours été douée pour disparaître, hein ?"

Il releva un sourire fragile vers Rilend, qui demeurait raide et immobile. Elle respirait à petits coups. Elle avait bien trop peur que, sur un mouvement trop ample, les larmes qu'elle retenait lui montent aux yeux.

La porte qui s'ouvrait lui offrit une diversion bienvenue.
Skif se retourna d'un bond et se leva tandis que, derrière lui, la marchombre essuyait discrètement ses yeux d'un revers de main. Quittant sa chaise, Rilend recula pas à pas. Jamais, au grand jamais, même dans les exercices les plus ardus d'Erwan et Libertée, même pour le plus exigeant des examens, la marchombre n'avait été aussi attentive à ses pas. Discrète. Invisible.
Disparaître.
Encore.

Cara n'avait rien vu. Cara avait soixante ans passés, des cheveux blancs dans sa crinière noire et un voile sur les yeux, et surtout, Cara embrassait son fils. Elle n'avait pas remarqué la femme, brune, indécise, irradiant la timidité, qui la dévisageait depuis le fond de la pièce.
Rilend se gardait bien de se faire remarquer.

Ce fut Skif qui, s'arrachant à l'étreinte de sa mère, la saisit par les épaules en souriant. Déjà, adolescent, il était plus grand qu'elle et à présent, homme, il la dépassait aisément. Cara le laissa faire, lui adressa un sourire rayonnant, puis interrogateur quand elle nota la mine grave de son fils. Skif déclara, tandis que Rilend reculait et s'adossait au mur, comme pour s'y fondre :

"Maman, je voudrais te présenter quelqu'un..."

Cara observa son fils, une légère incertitude dans les yeux. Qui n'était rien à côté du regard de Rilend, figée comme une statue dans son coin.
Les commissures du voleur s'étirèrent en un demi-sourire :

"...qui a fait une longue route pour venir nous voir.
- Quelqu'un que je connais ?"


Quand Skif hocha la tête, Cara esquissa un grand geste agacé et, le verbe haut à son habitude, s'exclama :

"Et il est où, ton mystérieux invité ? Tu l'as planqué dans le coffre à pain, la cuisine, la rue ? Je suis peut-être censée le trouver ? Tu fais des coups pareils à ta mère, garnement ? Je suis fatiguée, et je...Oh."

Ses yeux venaient de croiser ceux de Rilend qui baissa aussitôt le regard, incapable de soutenir celui de sa mère adoptive. Puis la jeune femme s'insulta et s'admonesta mentalement, se força à relever la tête et se mit à trembler en retrouvant les prunelles de Cara. A présent couverts d'un voile laiteux, les iris de la maîtresse femme n'avaient rien perdu de leur force.

Cara s'avança vers la marchombre, de ce pas conquérant qui avait toujours été sa marque, et Rilend la regarda approcher sans piper mot. Elle aperçut vaguement Skif, demeuré en retrait et qui souriait largement à présent. Cara attrapa sa cadette par les épaules et, tandis que Rilend inspirait profondément pour prendre la parole, fit ce que personne n'avait attendu d'elle.
Elle haussa le ton.

Sa voix résonna dans toute la maison tandis qu'elle serrait les mains sur les épaules de Rilend, comme des serres, et la forçait à la regarder en face. La jeune femme fut bien obligée de se taire et d'écouter, muette, figée, la tirade de la mère de Skif. La voix de Cara montait dans les aigus et son débit augmentait, si rapide qu'il en devenait étourdissant.

"MAIS QU'EST CE QUE TU AS FOUTU, RILEND ? Où étais-tu ?
Pour l'amour du ciel ! Tu te rends compte un peu, que tu as disparu pendant vingt ans ? Hé, gamine ! VINGT ANS ! Deux fois dix ans ! Ah ouais, tu peux hocher la tête et détourner les yeux hein, ça va pas les ramener, les décennies ! Skif était désespéré, je l'ai jamais vu comme ça mon garçon, il a retourné toute la ville pour te trouver et c'est pas toi qui as dû supporter ses jérémiades, ben non, puisque tu étais introuvable !"
- Maman, ça va..."
souffla Skif, très gêné, mais seule Rilend l'entendit et lui jeta un regard d'appel au secours. Son frère adoptif évita ses yeux tandis que Cara reprenait, vociférant toujours :

"Ca sert à rien de le regarder ! Il va pas t'aider, il était déjà infoutu de se prendre en charge tout seul ! Tout seul, comme moi, tiens, puisqu'une certaine gamine a eu l'idée lumineuse de s'évaporer ! Oh, c'est pas bien grave tu me diras, c'est bon, j'espère au moins que tu as eu la belle vie, t'as voyagé ? parce que pas moi, moi j'ai expliqué à mon fils qu'il allait falloir arrêter de courir après les informations, hein, puisque tu étais partie pour de bon, il semblerait ! Et où, hein, où ça ? Parce que te barrer, passe encore, mais il me semble que tu sais écrire et que tu n'es pas assez idiote pour oublier le nom de la ville d'où tu viens ! Une lettre, ça t'aurait arraché la main, hein ?
Gamine ! Tu as seulement pris la peine de penser à combien on t'a cherchée partout ? Oh, tu peux hocher la tête, t'y as peut-être pensé mais t'es loin de l'imaginer, crois-moi ! Et tais toi ! Laisse moi parler, ça fait vingt ans que j'attends de t'engueuler, figure toi. Pourquoi cette mine étonnée ? J'étais sûre que tu reviendrais, oui !"


Sa voix dérapa sur le dernier mot tandis que ses mains se serraient encore une fois. Instinctivement, Rilend esquissa un mouvement pour s'échapper avant de se figer en se rappelant que celle qui la tenait ainsi, en tenailles, n'était pas une ennemie mais sa mère adoptive. Une femme dont le ton tremblait et fléchissait soudain et qui ajouta en secouant la tête avec rage :

"J'étais sûre que tu reviendrais...on est ta famille ici, tu sais ? Tu es chez toi...tu sais, puisque tu es re-ve-nue-gamine - reniflement - et oh non, arrête avec cette tête, non, tu reviens comme une fleur et tu crois que ça va marcher et que tu vas-arriver-à-me-faire-p..."

Et Cara d'attirer la marchombre contre elle pour l'enlacer étroitement. Rilend combattit l'instinct qui lui ordonnait de résister, se laissa faire une seconde et la seconde d'après, ferma les yeux et accepta de se blottir dans les bras de celle qui, plusieurs années durant, lui avait tenu lieu de mère. Cara sanglotait et, furieuse, reprochait à Rilend de la faire pleurer. La jeune femme entendit les mots "ridicules", "gamine", "fait chier" et "vingt ans" arrangés de mille manières différentes pendant les dix minutes qui suivirent, le temps nécessaire à Cara pour se calmer. Elle enchaîna quelques minutes durant sur un ton plus doux, tandis que la marchombre tremblait sans lui répondre.
Puis la matrone se redressa, refusa de lâcher Rilend et sécha ses larmes d'une main avant de reprendre d'une voix tonitruante :

"Et tu vas le dire un peu, où tu t'étais barrée, hein ?"

Rilend redressa la tête, et articula d'une voix fragile :

"J'allais essayer quand tu as commencé à...parler..."

Avant de sourire faiblement. Cara lui rendit sa grimace et Skif, derrière elles, se rappela brutalement au souvenir de Rilend en éclatant de rire. Skif, elle s'en était souvenue en le fréquentant à nouveau, communiquait essentiellement par ses rires et celui-ci évoquait avant tout le soulagement.

Adressant un regard ému à son frère de coeur, Rilend comprit à cet instant qu'il avait, tout autant qu'elle, redouté la confrontation. Et la lueur dans les yeux de Cara, qui la tenait à nouveau par les épaules comme pour la jauger maintenant qu'elle avait cessé ses cris outrés, disait de même.

Rilend désigna la table d'un geste hésitant et la matrone approuva, l'attrapa par le bras et lui assigna d'autorité une place. Ce n'était pas elle que Rilend s'était appropriée au cours des derniers jours, mais elle n'osa protester et se cala confortablement en regardant Skif aider sa mère à s'asseoir, puis aller leur chercher à manger pour tous les trois. Annick ne devait pas rentrer ce soir ; c'était une excellente chose pour Rilend au vu de tout ce qu'elle avait à avouer.
Elle ne mangea pas vraiment, l'estomac noué.

Quand Cara, entre deux bouchées, commença à la questionner, Rilend omit volontairement l'essentiel pour se concentrer sur son chemin depuis qu'elle avait quitté Al-Far. Sans entrer dans des détails qui auraient ennuyé son auditoire, elle narra sa rencontre avec la marchombre mais glissa sur l'Académie, estimant que ce secret devait le demeurer. Elle ne détailla pas son apprentissage, ne nomma pas ses maîtres, appuya simplement sur la durée et la difficulté, la hauteur des marches qu'ils l'avaient aidée à franchir, le bonheur simple de l'équitation, des escalades, des combats et du voyage. Ses voyages...elle les détailla une fois de plus, pour Cara, pour ses questions, pour son goût immodéré pour les anecdotes croustillantes ou simplement pittoresques.
Le repas s'écoula dans un calme relatif, tout juste retrouvé.

C'est Skif qui ouvrit les hostilités suivantes.
Le voleur repoussa son assiette et fixa Rilend avec une mine entendue :

"Alors, maintenant ? Tu le dis, pourquoi tu es partie ?"

Silence.
Rilend passait le doigt sur le rebord de son verre et continua jusqu'à ce que Skif se penche pour lui attraper la main, et l'éloigner. La marchombre leva les yeux, croisa son regard affectueux et curieux, celui, plus dubitatif, de Cara. La peur lui nouait la gorge, et ses premiers mots furent balbutiés, puis hachés, avant que son récit ne gagne enfin en fluidité.
Elle narra tout.
Dans les moindres détails.
Les hommes qui l'avaient acculée, la peur, la terreur et la puissance inconnue qui s'était soudain éveillée en elle. La Panthère, la chasse et le carnage, dont elle ne leur épargna aucun détail avec une sorte de fascination morbide - ou de tentative d'auto-sabotage, elle ne savait pas. Son retour à la conscience, sa conscience humaine, et à nouveau la peur. Mais d'une autre sorte. Et le dégoût, qui l'avaient poussée à fuir, fuir loin d'Al-Far et du cauchemar. Puis la Panthère, encore, plus tard, et la chasse, le difficile apprentissage de deux êtres si différents condamnés à cohabiter dans le même corps et la difficulté inouïe qu'il y avait à retranscrire en mot une vie et un être de sensations. Cara et Skif écoutaient, les yeux écarquillés mais pas une fois ils ne grimacèrent. Tout au plus, leurs yeux exprimèrent à plusieurs reprises leur stupeur ou leur répulsion.
Rilend leur sut gré de leur délicatesse.

Le silence retomba, mais pas le même.
Un autre.
La marchombre, soulagée, s'interrompit la bouche sèche et vida son verre, que Skif remplit sans un mot, évitant son regard. La jeune femme en fut peinée, mais elle n'osa pas intervenir, et c'est Cara qui reprit la parole la première :

"Donc, tu te transformes en un genre de bestiau. C'est pas un peu un truc de Dessinateur, ça ?
- Justement pas,
sourit Rilend. Il semblerait que ce soit rare, méconnu, et totalement indépendant du Dessin...d'ailleurs, je n'ai jamais dessiné quoi que ce soit.
- Et tu ne contrôles rien ?
- C'est comme parler avec quelqu'un...tu ne peux pas décider de ce qu'il va dire ou faire. Au pire et si tu es habile, tu peux l'orienter, et si il te connaît bien il évitera de te froisser...c'est comme ça que je fais, avec la Panthère. C'est...compliqué, je sais.
- Ouais, tu l'as dit."


Cara laissa quelques minutes passer, que la marchombre regarda s'écouler avec une étrange sérénité. Elle se sentait bien. Ou, en tous cas, mieux, ce qui constituait déjà un énorme progrès par rapport à son état des derniers jours. Skif reprenait peu à peu ses esprits et sourit à sa soeur, un sourire incertain qu'elle lui rendit, avant de réaliser que tous deux attendaient comme des enfants punis le verdict de la reine mère. Vingt ans plus tard, ils attendaient qu'on leur tape sur les doigts.
Rilend n'eut pas le temps de profiter de l'image puisque Cara reprit, avec une étrange note de satisfaction sauvage dans la voix :

"Il y a au moins du bon dans cette histoire.
- De quoi ?
- Ben, ces mecs...ils sont pas près d'approcher une autre fille, hein ?"

Sourire complice.
Sourires complices.
Dans la coquette masure, la rumeur des conversations troubla longtemps la nuit.


* *
*


Cette fois-ci, quand Rilend franchit la porte de l'auberge, midi avait sonné depuis longtemps. Elle souriait, rayonnait.
Elle avait fini par tomber de sommeil chez Skif et son frère, aidé de Cara, l'avait installée sur le vieux canapé élimé avant d'aller dormir dans sa chambre et d'installer sa mère dans la pièce qu'elle occupait. Le lendemain matin, l'aurore n'avait pas éveillée Rilend, mais le thé préparé par Cara, si, et la matrone avait insisté pour que sa fille adoptive prenne avec eux le petit déjeuner, si tardivement que le déjeuner s'était avéré inutile.
La marchombre avait obtenu de s'éclipser, voir son cheval et s'assurer de l'état de ses affaires à l'auberge. C'était la raison pour laquelle elle passait cette damnée porte, avec un grand sourire provocateur à l'aubergiste mal embouché. L'homme, toujours aussi courtois, lui tendit un rouleau de papier cacheté que Rilend regarda un instant sans comprendre, et grogna que c'était pour elle et qu'elle aurait quand même pu le prévenir au lieu de le laisser réveiller par le pigeon. Rilend observa le rouleau.
Puis comprit, sourit et l'attrapa d'une main leste.
Avant de grimper l'escalier quatre à quatre, résistant à l'envie de dérouler le message. La porte claqua, la marchombre bondit sur son lit pour dérouler la lettre et profiter de sa lecture.
Sourit.
Rit.
Grinça un peu des dents par endroits, regrettant de ne pouvoir intervenir de vive voix. On s'exprime toujours mieux en face à face.
Puis elle attrapa une plume et du papier survivant, pour coucher sa réponse sur le papier.
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MessageSujet: Re: Rilend Ansakh   Rilend Ansakh Icon_minitimeLun 28 Nov 2016, 00:54

CHAPITRE 12 : Retour au monde
Rilend Ansakh 51688_10
Protagonistes: Rilend Ansakh, l'aubergiste malaimable, Skif, Annick, Ewen et Cara, Séthi, les enfants des rues, tous les membres de la caravane.

Âge : 34 ans.

Lieu : Al-Far et la route jusqu'à Al-Chen.
Après avoir posté sa lettre - dans la foulée de sa rédaction, ou presque - Rilend décida de retourner auprès des siens. Skif travaillait en un lieu où il lui était impossible d'introduire sa soeur, mais Cara demeurait chez elle dans la journée et gardait généralement Ewen. La marchombre reprit donc à grand pas le chemin de son foyer, songeant en souriant que, la prochaine fois que Hièlstan lui demanderait si elle avait un "chez-elle", elle pourrait lui répondre oui.
Cara, heureusement, était sur place, épargnant à la marchombre de courir les rues et d'interroger son petit clan d'enfants des rues. La vieille femme accueillit sa fille adoptive à bras ouverts, vite secondée par Ewen. Le petit garçon, quoique censé dormir, avait reconnu la voix de la marchombre et ouvert la porte à la volée pour venir saluer Rilend.

"Mais toi, tu ne fais pas la sieste ?"

Sourire édenté.

"Pas sommeil. Tu me racontes une histoire ?"

Avisant Cara qui faisait "non, non" de la tête, Rilend sourit et déclina l'offre avant d'aiguiller gentiment l'intrus vers le lit. Cara le suivit pour le border et le menacer de mille morts si il s'avisait de quitter ses draps, puis revint auprès de la marchombre. Tout de go, elle lui proposa une tasse de thé que Rilend accepta avec plaisir, se blottissant dans l'un des confortables fauteuils tressés de Skif.

Dans l'air flottaient encore les effluves du repas de midi, une odeur chaleureuse et réconfortante dans laquelle la marchombre se lova en regardant Cara faire bouillir l'eau. Son oeuvre achevée, la maîtresse-femme vint s'asseoir en face de Rilend et lui tendit une tasse fumante, qu'elle prit en main et renifla en fermant les yeux, à son habitude. Ses mains refermées autour de la tasse se réchauffaient au contact de la poterie, et dans la senteur végétale et parfumée du thé elle reconnut une fragrance connue, florale.
Du jasmin.

Bien sûr !
C'était Cara qui lui avait fait découvrir ce thé, des années auparavant...elle en buvait comme on sirote de l'eau ou de la bière, à longueur de temps. Alléchée par l'odeur, l'enfant avait plus d'une fois tenté d'y tremper les lèvres et toujours renâclé devant l'amertume de la boisson et le goût du jasmin, décevant au regard de son parfum entêtant.
Adulte, c'était une de ses boissons favorites. Elle ne la savourait que rarement, n'ayant guère l'occasion de s'attabler dans des établissements suffisamment raffinés pour proposer un tel breuvage, mais chaque fois qu'elle avait partagé une tasse avec quelqu'un avait été une expérience. Auprès de Libertée, chez son maître qui lui parlait Rentaï et greffe. Auprès de sa mère Cara, après vingt ans de séparation. Au bord du Lac Chen...

Rilend releva les yeux, constatant que ses pensées dérivaient une fois de plus et que Cara la considérait avec attention. La vieille femme s'était penchée par-dessus le bord de sa tasse, un éclat malicieux dans les yeux, un sourire affectueux aux lèvres. La marchombre soutint son regard, longtemps, se laissant envelopper de cet amour dont elle n'aurait su que faire quelques années auparavant, et le sourire de Cara s'élargit.
Un long moment s'écoula.
C'est la mère qui rompit le silence, soufflant sur sa tasse :

"Tu aimes bien Ewen, pas vrai ? Il t'aime bien aussi.
- Il est attachant, ce petit gars,
approuva Rilend avec chaleur.
- Skif est trop tendre avec lui. Moi, je ne lui laissais pas faire tout ça quand il était gosse, tu te souviens ?
- Ooooh oui Cara, je me souviens très bien,
ironisa la marchombre.
- Vous n'étiez pas malheureux pour autant..."

La voix de la vieille femme recelait une interrogation muette que Rilend décrypta et à laquelle elle répondit en tendant la main pour saisir celle qui reposait, abandonnée, sur les maigres genoux. Elle parla d'une voix chaude, forte et assurée :

"Non, bien au contraire.
- Bon, bon, tant mieux, tout ça...mais tu vois, Skif pourrait donc passer moins de choses à son fils, sinon il va finir par...pourquoi tu ris ?
- Parce que j'ai rarement rencontré un gosse aussi bien élevé qu'Ewen, alors tu sembles t'inquiéter pour rien !
- Moui, oui...Dis moi ?
- Oui ?
- Tu en as un à toi ?
- Un... ?
demanda Rilend, déroutée.
- Un enfant, bien sûr ! La question est légitime, se défendait Cara. Tu n'as plus quinze ans, n'est ce pas ? Un peu plus, et tu ne manques pas d'argent. Tu as dû rencontrer des gens très intéressants ces dernières années et...
- Et vivre avec quelqu'un ? Avoir un mari, une famille ?
fit Rilend, toujours prise au dépourvu. Cara approuva vigoureusement de la tête.
- Oui, oui ! Ca ne m'étonnerait pas, après tout, tu as l'âge !
- Cara...
fit la marchombre en secouant la tête. Est-ce que j'ai l'air d'avoir eu un enfant ?
- Oh, tu sais,
sourit Cara, ça n'empêche pas de rester belle et mince...regarde moi !
Et cesse de rire, jeune fille, ou ça va mal aller !"


Mais Rilend ne put retenir un rire gentiment moqueur en voyant Cara, qu'elle avait toujours connu forte et plantureuse, se proposer ainsi comme exemple de mère fine et athlétique. Belle, certes, elle l'était encore malgré toutes ces années. Pour le reste...
Cara finit par joindre son rire à celui de sa fille et s'écoula un long moment de gloussements et de sourires échangés. Puis la matriarche aspira une gorgée de thé pour se calmer et revint, pugnace, au sujet initial :

"Alors ?
- Tu es têtue !
- Mais quoi ? J'ai le droit de me poser la question !
- ...Non, je n'ai pas de fils, pas d'enfant et pas de mari, te voilà contente ?"
capitula Rilend.

Cara sirota une nouvelle gorgée sans lâcher sa fille des yeux puis, malicieuse et pleine de certitude, elle déclara avec assurance :

"Tu y viendras.
- Cara !
- Quoi ?
- Et si je n'en avais pas l'intention ?
- Mais si ! Il n'y a qu'à voir la façon dont tu regardes Ewen.
- ...ce n'est pas du tout à l'ordre du jour,
marmonna Rilend.
- Mais tu n'as tout de même pas passé toutes ces années seule ? s'inquièta sa mère.
- Euh...non, pas vraiment,
avoua la marchombre avec un brin de réserve. J'ai...euh, j'ai beaucoup voyagé."

Cara sourit d'un air entendu et poursuivit ses questions.
La conversation s'étira tout au long de l'après-midi, complice et féminine, assez orientée aussi, et la marchombre finit presque malgré elle par en dire beaucoup plus que ce qu'elle avait prévu de livrer. Quand Skif rentra, il ne trouva personne dans la pièce assombrie et dut interroger les voisins pour finalement dénicher Rilend, Cara et Ewen attablés dans un troquet du coin. Le garçon grignotait avec délices un gâteau offert par la marchombre et Cara et elle partageaient une bière, à défaut de thé. Quand Skif les rejoignit, la conversation changea de sujet mais les deux femmes continuèrent à échanger des oeillades malignes.

* *
*

La semaine passa bien trop vite.
Trop tôt, il fut temps de retrouver Tomas et la caravane, d'apprêter Vaillant et de nouer ses bagages. Rilend s'éclipsa pour la soirée, et la passa, pour la dernière fois avant un long moment, avec les siens.
Il n'est nul besoin de décrire des adieux. Le mot se suffit à lui-même.
Mais au petit matin, ils étaient tous les quatre là, sur l'esplanade d'où partaient les voyageurs. Skif, Ewen qui tremblait de sommeil, Cara et Annick qui avaient tous tenu à accompagner Rilend - en retard pour l'une des premières fois de sa vie. La marchombre, pas plus qu'eux, ne pouvait juguler ses émotions.
Elle les entraîna un peu à l'écart pour quelques derniers mots, étreintes et embrassades, quelques promesses.

D'une main timide, Ewen effleura le nez de Vaillant, immense face au petit garçon, et le grand étalon souffla sur l'enfant. Puis Rilend l'écarta et l'enfourcha, l'apaisant d'une caresse tandis qu'il commençait à piaffer, et considéra encore une fois sa famille, ne parvenant pas à se détacher d'eux.
Tomas donna le signal du départ, et la marchombre laissa Vaillant suivre le mouvement. Un dernier petit signe, en réponse, pour leur faire plaisir, et elle ne se retourna plus.

* *
*

Ils n'eurent qu'une attaque à déplorer.
Rilend combattit comme les autres : au mieux de ses capacités, et avec l'aide des deux Thüls et des conducteurs qui n'étaient pas en reste, ils mirent vite en déroute les pillards. La marchombre encaissa dans les dernières minutes de combat un violent coup de poignard, qui franchit sa garde. Elle serra ses dents, se préparant mentalement à recevoir et gérer la douleur...rien.
Elle sentit le choc, elle sentit même la lame qui franchissait sa peau et ses muscles, mais nulle douleur fulgurante, pas de sang ni de gêne. Elle riposta et mit en fuite le voleur, sourit aux autres qui se réjouissaient d'une victoire facile, caressa Vaillant essoufflé et reprit sa route.
Perturbée et pensive.

A la réflexion, ce n'était pas la première fois que cela lui arrivait ; depuis qu'elle était devenue marchombre, elle avait parfois encaissé des coups qui auraient dû la faire souffrir, voire la blesser, sans une égratignure. Rilend n'y comprenait plus rien...
Toute son enfance, elle avait intégré cette logique élémentaire : les coups blessent. Pourtant, depuis son envol, elle avait bien été forcée de constater que les choses changeaient - parfois.
Minute.
Depuis son envol ?
Rilend repassa ses souvenirs en revue, méthodiquement, jusqu'à secouer la tête, indifférente à Alan qui la regardait réfléchir en écarquillant les yeux.
Non.

Ce n'était pas depuis la fin de son apprentissage qu'elle notait pareille incohérence, mais depuis quelques mois auparavant, quelques mois qui correspondaient à son retour du Rentaï. Le Rentaï. Le Murmure...et la voix, là-bas, dans la roche, la voix, la douleur et Rilend rouvrit les yeux d'un coup sans même réaliser qu'elle les avait fermés.
Etait-il possible que la montagne lui ait accordé la Greffe, et qu'elle n'en sût rien ?
Elle n'eut pas besoin de longtemps se poser la question. C'était une évidence, d'une logique imparable quand elle reprenait en main tous les éléments...et, si cela ne changeait rien à sa qualité de marchombre, elle n'en était pas moins heureuse.

Rilend sourit et caressa Vaillant qui accepta la flatterie sans broncher, quoique surpris. Il tourna simplement une oreille curieuse vers sa cavalière, qui l'apaisa d'un mot murmuré, à peine émis, même pas articulé.
Elle était satisfaite d'avoir pu débrouiller ce problème une fois pour toute, même si ce n'était pas à cette question qu'elle s'était promis de réfléchir.

Juste avant de partir d'Al-Chen, elle avait eu la surprise de voir l'aubergiste lui tendre un nouveau rouleau de papier. Avec un remerciement à l'homme, toujours aussi aimable qu'une porte de prison, Rilend s'était une fois de plus réfugiée dans sa chambre pour découvrir la teneur de ce message dont elle connaissait le destinataire...elle aurait pu, comme à l'ordinaire, parcourir son courrier attablée devant le solide petit-déjeuner que son estomac réclamait. Mais elle avait préféré se réfugier, comme une adolescente, dans "son" lieu dédié pour déchiffrer tout à son aise la lettre.
Déchiffrer n'était pas le verbe juste, car Hièlstan écrivait avec soin et beaucoup de lisibilité, en longues boucles élégantes, bien loin des pointes nerveuses de la marchombre. Il était vrai, également, que Rilend était bien plus accoutumée à tenir une dague qu'une plume...
Elle n'avait pas beaucoup de temps devant elle ; il ne lui restait guère plus d'une heure ou deux avant de rejoindre Tomas et la caravane, et elle avait encore à équiper Vaillant avec soin et à se sustenter un tant soit peu.
Il fallait qu'elle descende prendre son petit-déjeuner.
Elle était terriblement pressée.
Elle était descendue demander à l'aubergiste de lui monter quelque chose à manger, puis remonta sans tenir compte de la mine contrariée de l'homme qui, mieux qu'un dessin, annonçait que cela se ferait mais se paierait plus cher.
Elle avait saisi la plume et choisi soigneusement ses mots.

La lettre dûment postée avant son départ, Rilend se retrouvait en route et en proie à mille questions.
L'après-midi passée à discuter avec Cara, ses questions parfois indiscrètes sur sa vie sentimentale, ses expériences et aventures, tout cela avait jeté sur le passé de la marchombre un éclairage nouveau. Rilend le savait, elle avait aimé Yann, il y avait quelques années de cela, comme elle avait aimé Skif longtemps auparavant. Depuis, elle s'était autorisé des relations sans lendemain ni complexité, de celles qu'on quitte au petit matin sans regret, avec le plaisir mutuel d'avoir partagé un excellent moment.

Elle n'était pas vraiment femme à s'interroger, d'ordinaire. Elle abordait quiconque attirait son regard, son attention et quelque chose d'autre, plus instinctif, un jour où elle était d'humeur à s'attacher une quelconque compagnie. D'autres fois, elle se laissait simplement séduire, car il lui arrivait d'avoir un certain succès auprès des hommes. Tous, heureusement, ne rêvaient pas que de poitrines arrogantes et imposantes ou de courbes attrayantes ; il s'en trouvait qui jugeaient la marchombre à leur goût et Rilend ne les repoussait pas toujours. Ils avaient été de tout poil, hommes raffinés, poètes même, Dessinateurs - parfois trop arrogants - et guerriers plus ou moins dégourdis, jeunes et vieux.
Elle n'en avait pas moins refusé l'offre à peine implicite de Hien, à l'aller. Hien qui était tout à fait son style, un guerrier, grand, plutôt baraqué, les yeux clairs, le verbe haut, le rire plus facile que le caractère.
Plus encore...elle s'était lancée dans une aventure qui la terrifiait depuis des années sur la simple foi d'un avis positif - certes émanant de quelqu'un de plutôt sage et réfléchi.
Et Cara, en la pressant un peu, avait fini par obtenir un récit détaillé et enthousiaste des dernières rencontres de Rilend. De la dernière en date.

Rilend pencha la tête, frappée par une idée soudaine, puis esquissa un sourire moqueur. Et par-dessus le marché, elle se mentait à elle-même comme un arracheur de dents, avec une hypocrisie sans nom.

Il lui avait suffi de flairer l'odeur du thé au jasmin pour que Cara puisse lui tirer les vers du nez sans que sa fille se fasse trop prier. Quand la matrone lui avait demandé ce qu'elle comptait faire à son retour, Rilend n'avait eu aucune hésitation. Aucune. Et elle était là à faire l'innocente et à croire qu'elle réfléchissait sérieusement, froidement et logiquement à la question !
C'était folie de le prétendre.
La vérité était qu'elle agissait de manière formidablement irréfléchie et impulsive depuis quelques semaines, et sitôt que le sujet s'approchait un tant soit peu, d'une façon ou d'une autre, d'une agréable matinée en bord de lac. La vérité, c'était qu'elle avait prévu, après quelques jours de repos pour Vaillant et d'entraînement à l'Académie pour elle, d'enfourcher son fidèle destrier et d'explorer les bords du lac, si besoin en questionnant les passants.
La vérité la surprenait au-delà de tout.
C'était une idée qu'elle ne pouvait nier, qui s'imposait dans sa vie et pourrait peut-être en bousculer une bonne partie. Elle en était effrayée et aurait dû renâcler, freiner des quatre fers. Au lieu de cela, elle se mettait en retard pour répondre à une simple lettre.

Les conclusions étaient faciles à tirer.
Rilend n'était pas assez aveugle pour ne pas le faire - elle se connaissait aussi bien que n'importe qui - et admettre cette certitude quasi-viscérale. Si, pour l'heure, elle refusait d'énoncer la vérité, même en mots, même en esprit, elle ne pouvait se mentir et savait bien où elle en était.
Et où elle irait.
Se promener au bord du Lac Chen.
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