Groupe Fyrh - Cours n°4

- Au trot ou au galop, cela sera plus facile pour vous si vous vous tenez en équilibre sur vos étriers. Vous serez plus stables, dans un premier temps.

Pour diriger votre cheval sans les rênes, il faut penser avant tout à ce que vous voulez. Aller à gauche, à droite, s’arrêter… Votre corps va avoir des réflexes naturels, et tous les chevaux sont largement capables de les interpréter. Vous pouvez vous aider de pressions de jambes, juste un peu plus en arrière de la sangle, ici.

Essayez d’abord sans arc, et ensuite avec un arc. Il faut comprendre toutes les variables.

Éole écoutait avec attention les explications de son maître. Tout en parlant, la petite marchombre leur montrait comment diriger son cheval sans les mains. La jeun fille hocha la tête. Oui, elle avait déjà eu l’occasion, il y avait longtemps, quand elle montait encore en centre équestre, d’appréhender les bases de cette façon de monter. Mais elle était partie tôt, le temps s’était écoulé depuis et elle avait oublié la technique qu’elle commençait alors à peine à apprendre.

La jeune danseuse lâcha alors les rênes de Bolshoï et essaya de mettre en pratique les conseils de Pia. Ce n’était pas une tâche aisée. Au début, le pauvre hongre noir ne comprenait pas où voulait en venir sa maitresse et partait un peu dans tous les sens, mais, petit à petit, Éole trouva le “truc”. Un petit sourire amusé vint flotter sur ses lèvres, comme pour se moquer d’elle même. Ce “truc” se résumait en un mot... pourquoi n’y avait-elle pas pensé plus tôt ? Un tout petit mot... qui recelait bien des choses.

Ouverture.

Éole ouvrit son esprit à celui de Bolshoï, comme si elle avait voulu communiquer avec lui par la pensée. Et c’est un peu ce qu’elle fit finalement. Son esprit connecté à celui de sa monture, elle souhaita de toutes ses forces aller à droite, son corps réagit et ses jambes, naturellement, effectuèrent une pression sur les flans du cheval qui tourna à droite.

Ouverture.

C’était incroyable à quel point un mot pouvait contrôler tant de chose. La jeune apprentie continua quelques minutes à diriger son cheval de cette façon avant de récupérer son arc et de réessayer l’exercice.

Les premières flèches se plantaient approximativement autour des cibles, parfois légèrement à l’extérieur, de temps en temps un peu plus à l’intérieur, quelques rares fois elles touchaient le centre, mais ce n’était que des coups de chances et non réellement des tirs précis et mesurés.

Ouverture.

Éole était assise sur le dos de Bolshoï, sereine. Elle inspira une grande bouffée d’air qui remplit ses poumons, oxygénant chacun de ses muscles. Elle ouvrit son esprit, s’ouvrit au vent, à la terre, à Bolshoï, à son arc et à sa flèche. Elle s’ouvrit à toutes les Forces qui l’entouraient, toutes ces Forces qui régissent le monde. Elle les écouta, chercha à les comprendre pour qu’elles puissent l’aider.

Liberté.

D’une pression des jambes, Éole fit démarrer Boshoï, qui s’élança sur la piste. La jeune fille banda son arc, amenant la corde vers sa joue.

Harmonie.

Elle était en équilibre sur ses étriers, ses genoux souples suivaient les mouvements de sa monture.

Envol.

Elle desserra les doigts, la flèche partit, fila à travers le vent, fendant l’air en deux, pour aller se ficher dans la cible, un peu plus loin. En plein centre. Un sourire satisfait illumina le visage d’Éole.

Pia leur fit continuer l’exercice jusqu’à ce que chacune ait planté dix flèches au centre, au trot et au galop. Éole était épuisé et c’est avec soulagement qu’elle descendit de cheval au soleil couchant.

~ * ~

Avant de partir, le lendemain, Pia retira les rênes à chacune de ses apprenties pour que celles-ci s’habituent à diriger leur monture uniquement avec les jambes.

Trois jours plus tard, les contours imposants de l’Académie se dessinaient à l’horizon. Une petite pointe de nostalgie vint serrer le cœur d’Éole. Après tout ce temps passer aux côté de son maître et de ses camarades, ne plus se réveiller avec elles, ne plus les voir tous les jours allait lui faire bizarre. Les quatre jeunes femmes allaient lui manquer d’ici le prochain cours.

Le petit groupe se dirigea vers les écuries pour s’occuper dignement de leurs montures, qui avaient bien mérité des vacances !

- Les filles… On va se dire au revoir ici ! Mais on se retrouve très bientôt !

Pia s’avança et serra chacune de ses élèves.

- Ca va faire bizarre de ne pas vous réveiller le matin !

Sur ces paroles, la petite marchombre s’éloigna en leur adressant un clin d’œil. Un léger soupir franchit les lèvres d’Éole qui sourit à Ange et à Shalie.

- Bon, je crois que c’est le moment de nous quitter les filles... Bonne chance à toutes les deux pour votre Ahn-Ju !

La jeune danseuse serra ses deux camarades dans ses bras avant de s’éloigner à son tour. Prochaine étape : l’Ahn-Ju !

Invité

L’immense porte de l’académie se dresse devant nous, dernière étape à franchir avant la fin du cours. D’une pression des jambes, je fais ralentir Shantal. Les trois jeunes femmes avancent comme si de rien n’était, me laissant quelques foulées en arrière.

Etait-ce il y a un mois ou un an que nous avons passé cette entrée majestueuse, en sens inverse ? J’avais oublié la simplicité légère de ces portes, ouvrant sur un paradis de calme et d’harmonie. A l’aller, j’étais trop excitée par la perspective d’un long voyage pour attarder mon regard sur le bois sombre. Et maintenant j’ai tout le temps devant moi … Un examen nous attend mais ce n’est pas pour tout de suite.

Les vapeurs d’humus qui flottent dans les airs me ramènent en arrière, à ces jours plus frais où notre petit groupe s’est élancé vers la forêt de Baraïl. Des jours passés à s’entrainer sans vraiment s’en apercevoir. Tout ce que Pia nous demandait ressemblait à un jeu, même ce combat trop facile aux abords de la forêt. Je revois ces hommes me sauter dessus au ralentit, alors que mes Maitres-mots m’enveloppaient pour ne former plus qu’une chose. De l’Harmonie. Puis cette découverte des Faëls, avec leurs coutumes et leur mode de vie étranges. La Marchombre nous a ouvert un peu de son cœur avec ces rencontres. Maitre et apprenties. Unies. Pour un temps, nous avons partagé son passé autant que son présent. J’aimerais pouvoir dire que nous partagerons notre futur. J’espère qu’une fois notre apprentissage fini, elle ne nous oubliera pas.

Et enfin cette communion avec nos montures. Apprendre à tirer en chevauchant un animal n’était ni facile ni reposant, mais je m’en suis sortie aussi bien que mes deux camarades. Suivant l’exemple de Pia et d’Eole, je me suis ouverte à mon cheval, m’adaptant à ses mouvements comme j’ai pu un jour m’ouvrir à la rivière ou au vent. Shantal n’est pas un élément, mais il est à peu près aussi indocile ! Alors j’ai appris à jouer avec lui pour nous guider tous les deux vers l’avant. Peu à peu il m’a accordé une confiance et une obéissance nouvelle. C’est fou de se dire que même après de si longues années à arpenter les routes ensemble, il nous reste encore beaucoup à apprendre.

On ne cesse jamais d’apprendre.

Même si le cours est finit, ma vie ne s’arrête pas. Avec ou sans Pia je peux continuer à voyager et à progresser. C’est décidé je ne vais pas m’attarder à l’académie trop longtemps. J’entends d’ici Gwendalavir qui m’appelle. Ou est-ce juste le bruissement du vent dans les feuillages ? Peu importe. Dans trois jours je serais repartie vers une nouvelle aventure, pour progresser encore plus avant mon Ahn-Ju.

Un petit coup de talon dans les flancs fait avancer à nouveau Shantal. D’un petit trot léger, nous rejoignons le trio de tête. Je m’arrête à leur hauteur, juste à temps pour accueillir les mots d’adieu de Pia.

- Les filles… On va se dire au revoir ici ! Mais on se retrouve très bientôt ! Ca va faire bizarre de ne pas vous réveiller le matin !

Son étreinte est pleine d’émotions. Je la lui rends maladroitement, aussi désolée qu’elle de devoir prendre un chemin différent. Un sourire triste habille mes lèvres lorsqu’elle se détourne pour s’enfoncer dans la forêt, nous laissant seules. Au moins pour un temps.

- Bon, je crois que c’est le moment de nous quitter les filles... Bonne chance à toutes les deux pour votre Ahn-Ju !

- A toi aussi Eole. Lui dis-je avec un clin d’œil.

Mon sourire se ravigore un peu en l’entendant. Oui, il ne faut pas oublier ce qui nous attend ! J’ai tellement hate de pouvoir me mesurer à une nouvelle épreuve et de me surpasser !

- A très bientôt les filles !

A mon tour je me détourne, dirigeant ma monture vers son box où l’attendent paille fraiche, foin et repos. Quand à moi j’irais courir dès que je l’aurais pansé.

On ne cesse jamais d’apprendre.

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