Concours n°11 - Vous pouvez encore voter jusqu'au 13 septembre !

Éole

Cher journal,



Aujourd'hui, les oiseaux se sont envolés. Trop tôt. Beaucoup trop tôt. C´est mauvais signe, mais, finalement, je m'y attendais. J'avais bien remarqué que ça n'allait plus… Maintenant, c’est une certitude : la planète se meurt.

Je suis debout sur la dune et je regarde l'horizon, suivant des yeux les silhouettes ailées qui se découpent en ombres chinoises sur le rouge feu du ciel. Les oiseaux rétrécissent à vu d'œil tandis qu'ils s’éloignent du rivage, n’apparaissant bientôt plus que comme des petits points noirs sur le soleil couchant.



« Adieu mes oiseaux, adieu… Parce que je sais que, désormais, vous ne reviendrez plus… »



Le vent se lève, le ciel se couvre et la mer s’agite. La Terre est en colère, elle cherche à se défendre contre cet ennemi invisible. A l’intérieur de moi, mon sang bouillonne. Je fulmine devant le spectacle désolant de la plage mourante. Je ne reconnais plus cette plage qui m’était pourtant si familière… Aussi loin que je me souvienne, elle a toujours résonné du chant des mouettes et des rires des enfants. Je me souviens comme j’aimais m’allonger sur le sable chaud et me laisser bercer par le va-et-vient incessant des vagues… Un soupir franchit mes lèvres. Je promène mon regard sur la baie autrefois si vivante. Elle qui fourmillait de couleurs chatoyantes, la voilà devenue grise, triste et sans vie. La rage brûle en moi, je ne comprends pas et je voudrais pouvoir faire quelque chose pour changer cela…
Un éclair déchire le ciel, l’orage gronde. Le vent souffle de plus en plus fort, faisant gonfler les vagues.

Impuissante. Je suis impuissante face à ce chaos. Mais que puis-je faire ?

Nouveau coup de tonnerre. La mer vient se fracasser sur le sable. Le vent, lui, me chuchote un mot à l’oreille. Une réponse. Que reste-t-il à une jeune fille qui pleure en voyant la Terre mourir ?


Un mot, qui me fait sourire à travers mes larmes. Un mot apaisant, grâce auquel je peux déployer mes ailes et m’envoler. Un mot, plus puissant que tout, un mot qui a tant de pouvoir… Ce mot qui exprime toute ma colère, toute ma fureur. Ce mot, enfin, qui crie ma rage et ma tristesse. Un mot, un seul. Porteur d’une nouvelle force, d’un nouvel espoir, et, comme en écho à ce mot, un rayon de soleil perce les nuages noirs pour venir illuminer un petit bout de plage.


Un mot, une réponse, une solution.


Un mot, plein de vie.


Un mot. Ce mot.



Danse.

Darwen

La seule chose qui vint troubler le silence fut le battement d'aile d'un papillon. Elsa ouvrit ses grands yeux en amande, d'un beau vert d'eau, et leva doucement la tête. Un immense sourire se peignit sur son visage barbouillé de crasse tandis qu'elle attrapait avec excitation le bras de son ami, allongé près d'elle sur un amas de déchets électroniques, dans la petite charrette brinquebalante que tirait Emor, le vieux Troubadour.


– Léo, regarde !


Le jeune garçon ouvrit un œil en grognant et passa une main dans sa tignasse toute emmêlée.


– Qu'est-ce qu'il y a, encore une brume arc-en-ciel ?

– C'est un papillon ! Regarde comme il est beau ! Heureusement qu'Emor est presque sourd, il serait carrément ingérable s'il nous entendait, et tenterait encore de l'attraper pour sa collection débile !


Léo se redressa prudemment, pour ne pas effrayer l'insecte. Il avait des ailes immenses, qui s'étiraient comme les voiles d'un trois-mâts claquant au vent, d'un rouge vermeil presque semblable à celui de la chevelure d'Elsa, zébrées d'éclairs tantôt noirs comme la suie qui recouvrait le visage des deux enfants, tantôt bleu nuit, métallique, rappelant les cheveux en bataille de Léo. De petites taches d'un jaune étoilé mouchetaient les pointes de ces ailes, soyeuses comme du velours, comme autant de minuscules fées-lucioles voletant joyeusement dans l'air chaud du soir.

Émerveillés, le garçon et la fille suivirent du regard l'insecte qui planait gaiement au dessus d'eux, faisant songer à l'un de ces vieux biplans d'entre-deux guerres que les deux enfants rafistolaient avec passion dans leur grand arbratelier. Il effleura d'abord la vieille carcasse d'un ordinateur des années deux-mille, avant de se poser avec douceur sur la clé de ré d'une ancienne guitare électrique, dont la coque en verre turquoise – brisé – laissait voir la mécanique de l'intérieur en transparence.

Cela faisait plus de quatre mois qu'aucun de la cinquantaine d'habitants de la Plaine n'avait aperçu un insecte aussi beau. Mis à part les araignées volantes, les scorpions et les mouchtiques, omniprésents, aucun animal n'était visible dans cette partie du paysage – il y avait seulement le vieux chat gris du Troubadour, qu'il avait caché lors du transport. Il aurait fallu – et même les oiseaux ne s'y risquaient plus – qu'ils puissent traverser le Lac d'acide pourpre, qui séparait la montagne où les derniers animaux vivaient encore, de l'étendue de sable et de cailloux que s'était appropriée la poignée d'humains dont faisaient partie les parents de Léo et Elsa. Une troupe de survivants – mécaniciens et aviateurs, musiciens, comédiens, bâtisseurs, gardiens des livres et troubadours – ayant échappé à l'e-Clipse, qui avaient embarqué dans les derniers avions et deltaplanes restants pour traverser le Lac. Les engins étaient bondés de livres et de passagers, et beaucoup de ces derniers avaient péri dans l'acide, après avoir été poussés par les plus vils et les plus faibles, ou ayant glissé malencontreusement. A bout de force, la troupe s'était établie dans ce qu'ils avaient appelé la Plaine, immense étendue de sable où les seuls témoins d'une vie passée étaient des montagnes de débris et de déchets électroniques qui la recouvraient – tout ce qui avait causé l'e-Clipse. Et puis, une centaine de kilomètres plus loin et apparemment dans toutes les directions, le sable devenait mouvant... d'autres encore avaient trouvé la mort en le découvrant.


– Je trouve qu'il nous ressemble un peu, à toi et moi, chuchota Elsa comme si parler plus fort aurait fait fuir le papillon, qu'elle observait toujours avec des yeux emplis de lumière. "Et toi ?"

– Oui, souffla Léo en souriant. "C’est tout à fait nous..."


Il prit la main de son amie et la serra. Fort.

Notch

La seule chose qui vint troubler le silence fut le battement d'aile d'un papillon, le silence du crépuscule qui me berce durement.



Le vent est si froid, ta chaleur est si loin, tu m'abandonnes. Je te sens partir, moi qui t'aime de cette pureté d'enfant, tu me laisses seule. Je n'ai rien choisi, je n'ai rien demandé, je te vois si fort, mon héros… Je ne veux pas être seule, j'ai si peur, si seulement tu m'entendais, si seulement tu me comprenais… il me faudrait une chance, une simple chance de te suivre, une simple chance, pour nous, de te prouver que tu peux réussir, que je comprends ton amour…



Ne m'abandonne pas, j'ai si froid, j'ai si peur, j'ai tant besoin de toi, de ta force et de ton sourire, je t'en supplie, ne part pas, car sans toi, plus rien n'existe, plus rien n'a de sens, car sans toi, ma vie est vide et je ne comprends plus, ma vie et vide et je n'apprends plus. Montre-moi, apprends-moi, mais ne m'abandonne pas, ne m'abandonne plus… J'ai si peur, j'ai si froid, tout semble si vide sans toi… Prend moi encore dans tes bras, je serais si douce, je serais si calme, mais reste, reste avec moi, ne m'abandonne pas, ne m'abandonne plus…



Je sais, papa, je comprends, papa, mais ne m'abandonne pas, ne m'abandonne plus, je serais sage, je serais douce, je te le promets, mais reste avec moi… Dit quelque chose, que je puisse te voir et te suivre, prendre chaque courbe et chaque virage, ne laisse pas tout ça nous séparer, papa, reste avec moi, reste avec nous, toi qui es si grand, toi qui es si fort, toi qui a toujours cru en moi, tu ne peux pas, ne m'abandonne pas, ne t'abandonne pas…



Moi je le sais, moi je le vois, je sais que tu en es capable, que les larmes sur tes joues en témoignent… Ne m'abandonne pas, ne m'abandonne plus, reste avec moi, parce que les larmes sur tes joues témoignent ton amour, parce que ce seul amour me fera grandir. Ne me laisse pas seule, parce que l'amour nous sauvera, ne me laisse pas seule, parce tu n'as besoin de rien d'autre que ça. Je suis toute petite, papa, j'ai tant besoin de toi…



C'est si froid autour de moi, et le temps s'assombrit alors que la couleur de tes larmes, le bruit de tes pas, la chaleur de ta peau, alors que ton amour s'éloigne de moi, de toi, de nous… Et pourtant… toujours j'essaie, dans mes cris, dans mes pleurs, de t'atteindre, de t'attendre, toi, mon héros et pourtant, pourtant je reste figé, je reste là, impuissante, car dans ce silence…



Dans ce silence que crée le crépuscule, seul le battement d'aile d'un papillon me rappelle ta couleur.

Naïs

Et si tout ceci, n’était après tout qu’un rêve ?

Éphémère, comme ces quelques lettres qui, tracées dans le sable humide mais aussitôt emportées par l’écume de la mer, ancraient ces quelques secondes à la lumière pâle de la lune dans une éternité qui n’appartenait qu’à moi. Pourtant insaisissable, le temps s’étirait imperceptiblement pour me laisser profiter de ces instants de magie qu’aucun mot ne pourrait jamais en décrire fidèlement la beauté incroyable. Je n’avais plus conscience que de ce monde de sensations – si intenses qu’elles semblaient presque irréelles – qui m’enveloppait littéralement d’une douce sérénité à laquelle je m’abandonnais avec délice.


La brise nocturne, aussi légère et douce qu’un cocon de soie, glissait sur ma peau et jouait malicieusement dans mes cheveux longs en me tirant parfois quelques frissons. Remuant un instant les orteils, j’appréciais le contact du sable frais et humide avec un sourire de bonheur absolu. Le silence, à peine perturbé par le roulis calme et paisible des vagues, ne m’avait jamais paru aussi beau. La mer scintillait comme du cristal comme le parfait miroir de la voûte céleste qui s’étendait à l’infini ; au loin, un dauphin creva la surface et bondit majestueusement avant de disparaître presque immédiatement dans l’immensité de l’océan que le plancton illuminait littéralement en harmonie avec les rayons de la lune. Une pluie d’étoiles filantes se perdit quelque part entre l’imposante constellation du Centaure, plus brillante que jamais cette nuit, et la Croix du Sud, qui éclairait les marins de sa sagesse depuis la nuit des temps.


J’avais peur. Peur qu’en un clignement de paupières ces moments de magie pure s’évaporent aussi simplement que la glace au soleil, comme s’ils n’avaient jamais vraiment existés. Tournant la tête, je croisais le regard de mes deux amis. Un simple sourire échangé scella ce moment d’éternité. Jamais les mots n’avaient paru aussi inutiles. Futiles. Vide de sens face au fragile équilibre qui menaçait d’éclater littéralement au moindre soupir. Et le rêve de s’envoler dans les cieux. Une certitude pulsa tout au fond de moi ; oui, je vivais un rêve éveillée. Parce qu’il arrivait parfois que certains songes s’entremêlent à d’intenses sensations pour faire corps avec la réalité. Il fallait croire en la magie, s’ouvrir à elle, pour goûter à ces instants d’une sublime fragilité. Ces moments étaient extrêmement rares et vous changeaient à jamais.

Alaïa, la mort c'est comme une chose impossible  

Et si tout ceci, n’était après tout qu’un rêve ?

C’était la seule explication.

Ces flammes, si colorées qu’elles faisaient concurrence au soleil levant ; cette chaleur, si douce qui venait par vagues et réveillait en lui la torpeur du sommeil; cette odeur rappelant étrangement les repas de noël... Tout lui semblait irréel.

Cet incendie c’était la mort, mais comment la mort pourrait-elle être aussi belle ?

Cet incendie c’était la mort, et la prochaine vague de chaleur se hâta de le lui faire comprendre en perçant sa muraille inconsciente.

C’était beau... et bruyant.

Une mer de cris, de grondements du brasier, de fracas des immeubles qui s’effondrent.

C’était beau... et piquant.

La fumée qui arrivait jusqu’à lui avec ses airs innocents de petit nuage lui brûlait les narines et les yeux.
Il tituba, se sentant noyé sous la conscience profonde de la destruction qui se déroulait aux pieds de sa colline. Comment la mort pouvait-elle être aussi belle ? Ses instincts primaires étaient en alerte, faisant brûler dans ses veines une énergie qui augmenta encore ses perceptions dans les deux extrêmes.
Pourtant, il ne courut pas réveiller ses parents, il ne se mit pas à hurler comme n’importe quel autre enfant de son âge. Car à côté de lui, calme et presque curieux, son chien l’observait et ses yeux lui criaient qu’il avait raison : ce n’était qu’un rêve. Son compagnon qui veillait sur lui depuis toujours était un roc, un abri sûr durant les tempêtes.

Il ne devait pas avoir peur, car ce n’était qu’un rêve.



« Je veux que cela disparaisse. »



A peine l'idée fut-elle apparue qu'elle s'était déjà élencée sur ses lèvres, aussi ce n'est qu'en l'entendant qu'il ressentit à quel point c'était vrai. La nuit était trop courte pour l'abandonner aux cauchemars et si celui-ci, par sa beauté, continuait à l'attirer d'une manière qu'il n'expliquait pas, il en avait peur...


« Je veux que cela disparaisse. »


Répéter ce voeux avec attention lui permit de savourer chaque syllabe, de lui donner les couleurs de la réalité. Lentement, le jeune garçon tourna le dos à la ville en flamme et laissa le mouvement de la balançoire fausser sa perception du monde. Au milieu des vertiges, il se répétait cette formule magique sans même reprendre son souffle, et s'en servait comme d'un crayon pour repeindre son prochain songe.

Le petit artiste de l'Imaginaire vit son monde secret se dessiner derrière ses paupières closes et un sourire se peingit sur son visage. Rassuré.

Une fois satisfait de son oeuvre, il laissa un rire cristallin percer la poche de brume dont il s'était entourer et servir de guide à son nouveau rêve.

Lentement, il tourna la tête, et ouvrit les yeux...

Shalie

Ce matin, je m'en vais... je m'en vais pour mourir, et j'ai peur !

Papa, maman, j'ai peur. Cette lettre sera surement le dernier souvenir de qui je suis. Je m'en vais en guerre et si je reviens vivant, je ne serais plus le même, j'aurais perdu quelque chose de primordial : Mon Humanité. La chose qui fait de moi un humain, qui me permet d'aimer, de pardonner, d'avoir de la compensation. Des bons sentiments qui ne seront plus présents après tout ça.



Qu'est-ce qu'il va se passer quand je serais sur le terrain ? Que devant moi j'aurais un ennemi. Un ennemi qui pourtant est comme moi un homme. Lui aussi, il doit avoir de la famille, des amis, des gens qui l'aiment. Pourtant, l'un de nous devra tuer l'autre. Tuer ou être tué. En appuyant sur la gâchette, je ne serais plus même. Quand le sang aura coulé, celui que j'étais avant n'existera plus et ça me fait peur. On change tout au long de notre vie, mais normalement ça se fait en douceur. On ne s'en rend pas compte, moi je m'en rendrais compte. Je ne veux pas changer, mais je ne pense pas être assez fort pour rester insensible à tout ce qui va m'arriver très prochainement.



Pourquoi est ce que l'homme est ainsi ? A vouloir constamment se détruire ? La terre est assez grande, pourquoi se la disputer ? Le partage est la clef, mais la clef est perdue dans toute cette haine, tous ces mauvais sentiments.



La vie est trop courte, j'ai envie d'en profiter et je vais peut-être la perdre au combat. Papa, maman, j'ai peur. Je n'ai pas envie de mourir, je n'ai pas envie de tuer, mais on m'a dit que c'était mon devoir pour protéger des personnes. Qui va me protéger moi ? Personne. Je serais seul, seul contre le monde.



Et si je reviens vivant, comment je serais ? Tous ses morts, toutes ses pertes. Je ne serais plus le même, mon esprit sera fissuré, mon âme sera enfermée dans une prison de remords et de cauchemars. Je serais mort. Vivant extérieurement, mais mort intérieurement.



Papa, maman, j'ai peur, quoi qu'il arrive je vais mourir, mais c'est mon devoir. Je dois le faire, même si je ne le veux pas du fond de mon âge. Gardez en tête l'image du moi d'avant. Surtout ne m'oubliez pas... s'il vous plait.



Je vous aime et je m'en vais.



Aodren