Un souffle dans la neige... [Syndrell, Snow]

[ Mouais, facile quand on est Ze Boss, hein ! Pas grave, on n'es pas à quelques jours près, prenons le temps...^^ ]

- Hmmm... Je crois que moi, j'ai hérité de la vision de tous les gens que j'ai pu croiser dans ma vie. Pas de père, ni de mère, mais tellement d'âmes, tellement d'avis différents ; certains ont probablement compté plus que d'autres, cependant ils m'ont tous été bénéfiques.

D'où venez-vous, Erwan ? Je veux dire, de quelle coin de l'Empire ?

- Dis-moi, jeune apprentie… qu’est-ce qu’un marchombre ?

Ils se sont arrêtés sur le chemin enneigé. Quelques flocons dansent autour d’eux, volent dans le vent, s’accrochent aux branches ; ce sont des anges qui flottent entre deux éléments, aussi léger que des nuages, aussi blancs que les cheveux de l’homme qui se tient droit devant elle, fort d’une puissance mystérieuse, d’une sagesse infinie, d’une aura bienveillante.

Une esquisse de sourire effleure les lèvres de Syndrell. Il lui semble qu’elle a toujours attendu cette question, certitude de fer aussi solide que son idée sur le sujet. Vrillant son regard dans celui, incroyablement bleu, d’Erwan, la jeune fille lève sa main gauche, ferme le poing, le porte à son cœur, là où se trouve la réponse…

Un cri.
Non pas le sien, mais celui d’un danger vaguement pressenti.
Déjà Syndrell se retourne, son poing devenu arme.




- As-tu entendu dire que les Frontaliers sont des guerriers de légende ?



L’acier chante, résonne dans l’air, trouble le calme d’une nature paisible et belle.
Sa mélodie s’accorde à celle du vent qui siffle doucement dans les arbres sans feuilles.
Souffle unique, celui d’un combat devenu instant d’une vie.

Non.
De deux vies.




- Ces légendes sont fausses. Les frontaliers ne sont pas des guerriers. Ce sont des armes.



Le monde marque une pause.
Le temps marque une pause.
L’acier chante toujours.



- Des armes… ?



Armés jusqu’aux dents, les brigands s’élancent, sabre au clair.
Un seul et même cri, celui de la barbarie humaine.
Les marchombres sont déjà passés.




- Dis-moi, jeune apprentie…



Apprentie.
Syndrell ne se bat pas, elle danse.
Ses gestes ne sont pas rapides, ils défient la raison.
Son cœur ne bat pas la chamade, il chante.

Un pas. Un craquement sec. Un bras cassé. Un nez explosé.
Le sang dessine des arabesques dans la neige, écrit l’histoire d’une défaite ; celle des brigands.

Syndrell ploie le corps, devenue roseau. Insaisissable, elle glisse dans le vent, s’enroule dans son souffle, se tend brusquement. Le tranchant de sa main fouette l’air et frappe les os.
Un second pas. Un gargouillis étranglé. Atémi parfait.
Marchombre.



- …qu’est-ce qu’un marchombre ?



Immobile, une jambe fléchie, l’autre tendue, un bras levé, l’autre replié contre la poitrine, Syndrell cligna des yeux et posa le regard sur les corps étendu au sol. Le combat n’avait pas duré plus d’une minute. Un battement de cœur, un battement de cil… Expirant doucement son souffle, la jeune fille se redressa lentement, l’or de son regard glissant depuis les corps jusqu’à remonter sur le marchombre aux cheveux de neige.
Le temps avait repris son cours, le vent agitait doucement leurs mèches aux couleurs si improbables, emportait avec lui les derniers échos de la bataille.
Syndrell entrouvrit les lèvres.
Elle avait mit à terre cinq des treize bandits qui s’en étaient pris à eux. Erwan s’était occupé des neuf autres. Pas une goutte de sang ne tâchait son vêtement. Une arme…

Un éclat traversa le regard de Syndrell. Tournant la tête, elle siffla Nuance, qui s’était éloignée du combat. La petite jument trottina aussitôt vers elle et resta derrière sa cavalière, prenant soin de ne pas s’approcher d’Erwan. Syndrell posa la main sur son encolure, murmura un chant à son oreille, l’apaisa de sa tendresse. Puis elle leva les yeux vers l’homme qui venait d’allumer une étoile d’admiration dans ses prunelles.

- Marchombre. Un souffle, un geste, un élan de vie. Un formidable amalgame entre liberté et harmonie. Vous. Moi…

Elle se tut, laissant son regard parler pour elle.
Et son sourire appuyer son respect.

[Désolé, un peu court... ]

[Excuse-moi pour le temps de réponse, l'inspiration m'avait fui pour quelques temps... ^^' ]

[ Bon retour chez les Inspirés, alors ^^ ]

Syndrell sentit la joie de Nuance tandis qu’elles dépassaient Erwan et Joya. Les rôles changèrent, le maître marchombre se retrouva derrière et elle, devant ; plusieurs secondes filèrent ainsi, peut-être une minute, puis les deux juments ralentirent l’allure, jusqu’à revenir dans un pas tranquille. L’une comme l’autre restaient toute fébrile de leur course, les naseaux dilatés et le souffle rapide, mais elles avaient apprécié, et ce plaisir était plus que partagé par leurs cavaliers respectifs. Se penchant légèrement en avant, Syndrell tapota énergiquement sur l’encolure de Nuance.

- Bien joué, ma vieille !

Gourmande de ce genre de compliment, l’intéressée redressa la tête et piaffa joyeusement, tirant un sourire à sa cavalière. Celle-ci se redressa sur sa selle. La neige tombait toujours, on aurait dit une pluie de petits cotons blancs, et c’était très beau. Le paysage qui s’offrait à ses yeux semblait figé comme dans la glace, celle-là même qui jaillissait en stalactites scintillants aux extrémités des branches nues et tortueuses des arbres. Un cadre éblouissant de silence et de pureté, comme on en voit rarement…

Mais le jour tombait vite. Le soleil avait déjà plongé derrière la ligne d’horizon et la nuit étendait son grand manteau sombre, moucheté d’étoiles, au-dessus de leurs têtes. La neige continuait de tomber mais le vent avait soudain cessé et les flocons tombaient droit. Rabattant sa capuche sur sa tête, Syndrell laissa les collines enneigées happer son regard tandis que la voix douce et grave d’Erwan rompait le silence.

Devenue écoute, comme avec Miss, elle s’imprégna totalement des paroles du marchombre, emplies d’une sérénité sans faille et d’une sagesse qui, étrangement, s’accordait bien avec cette neige qui tombait doucement. Au bout d’un moment, elle tourna la tête vers lui, profondément admirative, non pas parce qu’il était maître – quoi que ce détail comptait forcément : combien de fois avait-elle bavé d’admiration devant Miss ? – mais parce qu’il était lui-même. Justement et simplement lui-même.

Elle se rendit compte, alors qu’il gratifiait Joya d’une caresse, qu’elle l’appréciait. Elle l’appréciait vraiment. Ils ne se connaissaient pas depuis deux heures qu’elle avait l’impression de l’avoir toujours connu. Peut-être parce qu’elle retrouvait un peu de Miss en lui ; peut-être parce qu’en étant lui-même, elle se sentait elle-même…

Plusieurs fois, elle hocha la tête, touchée par la justesse de ses mots. Il avait raison, bien sûr ; la certitude n’était pas concevoir sans humilité. Celui qui ne craint rien ni personne, fort des certitudes les plus solides, finit toujours par tomber de haut, et la chute est longue… Les drames qui avaient marqué son enfance avaient conduits Syndrell à se méfier de tout et de tout le monde, à s’enfermer dans une solitude néfaste, avec la certitude profonde que se lier avec quelqu’un reviendrait à causer sa mort, d’une façon ou d’une autre. Elle avait fini par se persuader que les autres avaient raison à propos de la malédiction que semblait clamer ses cheveux bleus, qu’il suffisait qu’un être s’attache à elle ou qu’elle s’attache à lui pour que la mort lui tombe dessus. Des années durant, elle avait nourri cette certitude, se repliant sur elle-même et se confortant dans la terrible idée que si personne ne dépendant d’elle et si elle ne dépendait de personne, jamais, tout irait pour le mieux.

Une certitude qui aurait pu causer sa mort.
Car celui qui n’a rien à perdre peut toujours perdre sa vie. Celui qui croit savoir ne sait rien. Le doute lui avait permis d’avancer jusqu’à se trouver aux portes de l’Académie et alors, quelques personnes avaient traversé sa vie. Miss, Blood, Owen… Où qu’ils soient, elle s’inquiétait pour eux et ils s’inquiétaient pour elle. Voilà pourquoi elle devait rentrer saine et sauve. Voilà pourquoi elle n’était jamais à l’abri du doute, mais un doute qu’elle ne refoulait pas ; il était le ciment de ses certitudes les plus profondes…

- Que représente l’harmonie pour toi ?

Syndrell tourna la tête et plongea son regard doré dans celui d’Erwan.
Sa réponse ne se fit pas attendre.

- Une courbe. Qui bouge, qui ondule au fil de nos actions, de ce que nous sommes. Une courbe à prendre et à accepter telle qu’elle est, dans sa forme la plus simple et la plus pure…

Elle réfléchit un court instant, tête penchée sur le côté, puis reprit d’une voix posée :

- C’est ainsi que je me représente aussi la Voie du marchombre. Une courbe, immense, sans début ni fin… Qu’est-ce que vous en pensez ?

[Je me suis permis d'arrêter le RP là, sinon ça va être difficile d'appréhender celui avec Miss ^^ ]

Roulée en boule dans sa cape de voyage, Syndrell marmonna quelques paroles indistinctes puis consenti enfin à ouvrir à demi les yeux – qu’elle referma aussitôt, aveuglée par le vif éclat du soleil sur la neige. Mais Nuance savait que sa cavalière était enfin réveillée. Son hennissement força Syndrell à rouvrir les paupières, luttant cette fois pour garder les yeux ouverts ; le regard encore tout brillant de sommeil, elle contempla un moment les flammes qui ondoyaient devant elle, toujours aussi belles malgré la lumière du jour.
Le jour.

Le jour ??

Se redressant brusquement, Syndrell tourna la tête à droite, puis à gauche, cherchant du regard ce qu’elle ne risquait pas de trouver… Remarquant que Nuance était seule, la jeune femme dû se rendre à l’évidence ; Erwan était parti. Probablement depuis un petit moment, puisqu’elle ne l’avait pas entendu se lever. Mais aurait-elle seulement pu percevoir les mouvements du maître marchombre, même éveillée ? Rien n’était moins sûr…

Tournant à nouveau le regard vers la flambée qui avait diminué mais qui luttait vaillamment contre les assauts de la brise matinale, Syndrell eut un sourire. Il avait pensé à ranimer le feu pour elle… Un geste simple mais qui la touchait. Elle bâilla à s’en décrocher la mâchoire, s’étira comme un chat et parvint à s’extraire de sa cape sans trop s’emmêler dedans pour se redresser, parfaitement reposée ; il y avait un moment qu’elle n’avait pas aussi bien dormi, sans doute parce que cette nuit, elle s’était sentie autant en sécurité qu’avec Miss. Voilà qui expliquait, en tout cas, cette grasse matinée inopinée…

Glissant les doigts dans ses cheveux, elle batailla un petit moment avec quelques nœuds et parvint finalement à les tresser pour les couvrir à nouveau de sa capuche, laissant le bleu redevenir un secret.

- Pourquoi sont-ils bleus ?
- C’est le grand mystère de ma vie…Et ce blanc, est-ce un mystère ou bien vous êtes en réalité plus vieux que vous ne le paraissez ?
- Si mystère il y a, ce n’est pas dans mes cheveux qu’il se trouve…

Un souffle chaud gagna le cœur de Syndrell tandis que l’écho d’une discussion nocturne s’accrochait encore à son esprit. A présent que le marchombre l’avait quittée, elle mesurait toute la chance qu’elle avait eu de croiser sa route ; cette rencontre demeurait empreinte de bleu et de blanc dans sa mémoire, et elle devinait que tel serait le cas longtemps. D’un coup de pied, elle étouffa le feu en faisant rouler les branches, et un nuage de cendres s’éparpilla tout autour. Elle allait se détourner pour détacher Nuance lorsqu’un détail attira soudain son attention.

Contournant les braises encore rouges du feu, elle s’arrêta à l’endroit où elle avait passé la nuit et s’accroupit lentement, l’or de son regard rivé sur la terre que le froid avait gelé. Non.
Rivé sur un message paisible, une dernière parole, un ultime présent. Six mots tracés sur le sol et dans la mémoire de Syndrell comme épilogue à cette fabuleuse rencontre.


Un creux de sourire dans la joue, Syndrell effleura le dernier mot du bout des doigts puis se releva et rejoignit Nuance. Quelques minutes plus tard, elle se hissait sur le dos de cette dernière et reprenait sa route, Nuance marchant dans les traces de Joya, Syndrell volant dans le sillage d’Erwan.

- Dis-moi, jeune apprentie, qu’est-ce qu’un marchombre ?
- Marchombre. Un souffle, un geste, un élan de vie. Un formidable amalgame entre liberté et harmonie.

- Vous, moi…

Nuance agita les oreilles au son de sa voix, et Syndrell éclata de rire.
Elle était loin lorsque la neige recouvrit de son léger manteau blanc les mots d’un marchombre.

[Aah, c’est dur à dire, mais… Rp terminé ! ]