Un gouffre sans fond et une rencontre innatendue [LIBRE]

Ellenya observa longuement le gouffre sans dire un mot. Il l'attirait. Oui, c'était vrai, il l'attirait. Pas au point qu'elle se jette dedans, certes, mais assez pour qu'elle se penche pour voir. De toute façon, elle ne verrait qu'un gouffre. Que du noir. Et de quelle hauteur était le gouffre ? Ellenya tapa doucement du pied dans une pierre, mais elle eut quand même la vitesse de tomber dans le trou. Elle tendit son oreille et se tenu à l'affut. La pierre cogna d'abord contre les bords, avant de rouler sur ceux-ci. L'apprenti dut attendre un moment avant qu'un bruit ne se fasse entendre, signalant que la pierre avait bien atteint son but. La vie. Puis la mort. Et pendant son parcours, la pierre était descendu. Elle n'avait cessée de descendre. Elle avait roulée, bougée, même tournée, avant de reprendre, en équilibre. En équilibre

-Il a peut être peur du gouffre, il est vrai que c'est profond.

Ellenya se tourna vers la jeune fille. Pendant une minute, elle avait été déconnecté de la réalité. Une minute ? Non. Elle ne se souvenait plus du tout pendant combien de temps elle avait observée le gouffre. Il avait sur elle une influence assez étrange. Une influence, qui la poussait même à se plonger dans ses pensées, étant ailleurs en même tant d'être là. Elle n'avait même pas réellement écouté la réponse de... Papillon. Elle n'y avait pas porté une grande attention, mais assez pour qu'elle se souvienne de quoi le sujet traitait. Si c'était un sujet... Parce que pour l'instant, la fille devant lui adressait des sourires un peu trop fautifs à la vue d'Ellenya. Une sorte de perversité comprimée dans un seul regard. Vraiment étrange...

Ellenya s'avança vers le gouffre. Elle se moquait complètement de ce qui l'entourait. Elle se moquait des corps, des cadavres. Elle se moquait des pierres, elle se moquait du sol sous ses pieds. Elle se moquait du ciel au dessus-d'elle. Elle se moquait même de la jeune fille, qui devait la regarder comme si elle était quelqu'un d'assez bizarre. Elle se moquait de tout. Plus rien n'avait d'importance à part l'infini. L'infini. Le gouffre était infini. Parfaitement infini. Tellement infini qu'Ellenya n'en croyait pas ses yeux. Ou plutôt son esprit. Parce que, bien sur, tout cela n'était qu'une illusion. Une illusion pour y croire. Une illusion pour avancer. Toujours.

Le gouffre n'était qu'un trou. Et il était tellement plus que ça. Pour certaines personnes, ça n'aurait été qu'un vulgaire gouffre, pas de quoi rester plus d'une minute. Mais pour Ellenya, c'était assez étrange... Ce n'était pas qu'elle adorait les choses morbides, les cadavres et tout ça. Elle n'avait pas une âme de tueuse mais plutôt une âme de combattante. Elle n'allait pas voir un cadavre et se planter devant en l'admirant. Elle était libre. Tout simplement. Ce n'était pas plus compliqué que ça. Ellenya planta son regard dans le gouffre. Elle ne fit pas que le regarder. Elle le comprit. Oui, elle comprit. Quaque chose qu'elle découvrait, à chaque instant, elle apprenait quelque chose. Elle comprenait quelque chose. Mais quoi ? Toujours cette même question. Et elle ne savait pas si elle aurait la réponse un jour. A la fin de son apprentissage, peut-être. Ou peut-être pas. A la fin de sa vie, qui sait. Ou même dans quelques jours. Mais peu importait. Pour l'instant, il y avait le gouffre. Toujours aussi étrange. Toujours aussi infini.

Elia, hein... ]Elle ne manquait pas de gêne, cette fille... Elle avait l'air tout a fait dans son élément, déjà par l'ambiance morbide qui flottait autour du gouffre, et puis autre chose, qu'Ellenya ne comprenait que légèrement. Ses sourires aussi cachaient quelque chose. Presque fautifs. Elle s'assit sur le banc, totalement à son aise, confortablement assise. Elle était dans son élément. Ellenya ne pencha presque pas la tête, néanmoins on put voir se dessiner sur ses lèvres un petit sourire énigmatique. Elle ne se laisserait pas avoir. Garder ses distances. Jouer. Esquiver.

-Vous avez des projets, vous vous rendez à Al-far ?

Ellenya n'était pas bavarde. Elle ne l'avait jamais vraiment été. Du moins lorsqu'elle avait une conversation courante, avec des gens courants, la plupart des fois. Quand il fallait parler, elle parlait. Mais on ne pouvait pas l'y obliger. Elle avait le choix. Elle avait toujours eu le choix. Certes, quand elle était petite, quand quelque chose attirait sa curiosité, les questions fusaient, par ci, par là et elle n'abandonnait presque jamais. Presque jamais. Il y avait d'autre situations ou elle s'efforçait de chercher, sous l'obligation. En gros avec les... Inconnus ? elle n'était pas plus bavarde que ça. Et surtout pas quand cette mystérieuse inconnue se jouait de lui faire des sourires, pour la plupart exagéré et plutôt fautifs...

Pourtant elle ne se démonta pas, relevant légèrement les épaules, la démarche souple et assuré, elle s'approcha du banc. Jetant un regard dont l'humeur en était imperceptible à la jeune fille, il lui suffit d'un mouvement pour qu'Ellenya se soit assise sur le banc. Elle ne se cala pas complètement, mais elle se mit à l'aise, ou du moins ce qui pouvait s'appeler à l'aise quand on était assis sur un banc de bois.

-Des projets ? Hum... Pour l'instant, mon seul projet est de vous faire comprendre que tout cela ne vous regarde pas...

Elle haussa un sourcil, et un petit sourire apparut sur ses lèvres. La remettre à sa place. Ellenya s'adaptait au jeu. Elle n'avait pas l'intention de se laisser faire.

-Et vous, vous vous rendez à un endroit plus morbide ? Un champ de cadavre, peut-être... ?

C'est vrai qu'elle avait l'air plutôt attirée par les endroits... lugubres...

-Alors, pilon -je peux vous appeler pilon ?-, quand vous aurez fini de poser des questions et de vous mêler de ce qui ne vous regarde pas, vous me préviendrez ? D'accord ?

Ellenya pencha la tête, toujours ce sourire à la fois moqueur et amusé sur les lèvres. Elle s'amusait presque. L'autre fille avait démarré ce jeu, alors elle la suivrait. Après tout, elle n'avait rien à perdre. Ou presque rien... Elle sourit, amusée, tandis qu'une lueur de défi apparaissait dans ses yeux.