Vers les étoiles, et plus loin encore [ PV Shalie ]

Quand ses parents étaient partis de la confrérie, Libertée avait senti un poids s’enlever de ses épaules.
Peut-être qu’elle se faisait un peu trop de soucis pour eux, mais elle ne voulait surtout pas qu’on les retrouve, avec tout le mal, pendant toutes ces années, qu’ils s’étaient donnés pour fuir les assauts des Mentaïs et des Mercenaires du Chaos. On en voulait à leur tête, et ils voulaient être ensemble ; alors ils fuyaient.

En fait, cela n’enchantait pas spécialement Libertée, de les voir se cacher. Mais elle en avait l’habitude, elle les avait suivi durant de longues années, ballotée par leurs décisions, et leurs habitudes de personnes nomades. Et elle préférait qu’ils soient cachés et vivants plutôt que morts, aussi. Ils n’étaient pas passé loin du basculement, la dernière fois – et elle non plus.

Un léger soupir franchit ses lèvres, alors qu’elle était accoudée à la fenêtre de la chambre que lui avaient allouée les Rêveurs. Ils avaient insisté pour qu’elle reste encore trois jours de plus que ses parents, et elle avait fini par céder : elle sentait bien qu’il lui manquait encore des forces. Mais elle détestait être enfermée ainsi, et donc avait tendance à aller dans la cour, près de la fontaine, pour danser sous le soleil frais de ce début d’hiver.
Elle avait besoin de reprendre de la condition avait de retourner à l’Académie, pour retrouver Ellenya.
Et sans cesse, contre sa cuisse, la flûte de Gil lui battait le flan.
Il était là.




- Vous êtes sûre de vouloir repartir maintenant ? Dans cet état ? Sans cheval ?

Libertée voyait bien qu’elle causait du soucis au Rêveur, mais elle n’arrivait vraiment plus à tenir en place. Elle avait l’impression d’être dans une prison de verre, et cela lui rapelait méchamment la petite pièce dans laquelle elle avait été enfermée elle ne savait pas trop combien de temps exactement.
Et puis, rester dans la confrérie ne faisait que lui rappeler l’absence de ce qui avait commencé à vivre dans son ventre. Or, elle ne voulait pas du tout y penser ; elle repoussait tout début d’essai de son esprit de mettre cela sur le tapis. Il n’y avait pas besoin de revenir là-dessus, il n’y avait plus de bébé, il n’y en avait jamais eu, point.
Si cela était si simple…

- Oui, j’en suis certaine. Je n’en peux plus de rester ici.

- Vous voulez le retrouver ? Alors que…

Libertée fronça les sourcils, et la grimace qui tordit ses traits arrêta le Rêveur dans sa tirade presque immédiatement.

- Ne vous avisez pas de me dire ce que je dois faire. Je sais qui je suis, je sais qui il est et comment il est. Alors je ne veux rien entendre de vous, et surtout pas quand vous n’en avez aucune idée !

L’homme sembla surpris de la voir en colère à ce point, et se détendit légèrement, avant de hocher la tête.

- Soit… Faites ce que bon vous semble. Mais restez prudente, et surtout, mangez bien.




Libertée courait tranquillement, dans l’immense étendue de la passe de la Goule.
Elle avait réussi à passer la fin des Collines de Taj sans trop de problème, et sans rencontrer une seule créature douée de mauvaise intention. Elle avait bien croisé un Tigre des Prairies de loin, mais ce dernier n’avait pas semblé intéressé par elle – elle devait être encore trop maigre. Pourtant, elle reprenait des forces et des couleurs. Son paquetage était bien rempli, des victuailles que le Rêveur avait préparées pour elle – elle ne s’était pas senti le cœur de les refuser – et donc elle mangeait largement à sa faim à tous ses repas. Même si parfois, elle avait préféré chasser, histoire de manger quelque chose de chaud, cuit à la braise…

Arrivée à la passe de la Goule, elle avait eu cette sensation d’être épiée, pour se rendre compte que quelques Faëls, dans les rochers et sur les sommets de certains pics des Dentelles, la regardaient évoluer en échangeant des mots à voix basse, dans leur langue roulante et chantante à la fois.

A l’Ouest des Dentelles Vives, la plaine était moins verte qu’à l’Est, habituellement. Là, elle était tout aussi blanche. La neige avait recouvert le sol d’une fine couche de flocons, donnant cette impression de cristallisation merveilleuse. Décidant de suivre la route qui menait à Al-Jeit, pour aller à la capitale, Libertée s’imposa de s’arrêter à la première auberge qu’elle croiserait…

Elle croisa l’auberge au milieu de l’après-midi.
Ouvrant tranquillement le battant de la porte, elle fronça les sourcils quand elle n’entendit pas le vacarme joyeux habituel qui régnait dans les tavernes habituellement. Se glissant à l’intérieur, elle se rendit très vite compte de la raison de cela : en effet, autour du comptoir, se tenaient cinq bandits, armes à la main – un sabre, une masse hérissée de piques, une épée à deux mains, des longs poignards… - qui semblaient attendre que le tavernier leur donne sa caisse, ou alors peut-être la nourriture avant tout les autres.

- Allez, file le fric, maigrelet !

Bon, d’accord, c’était la caisse.
Poussant un soupir, Libertée s’approcha du colosse par derrière et lui tapotant sur l’épaule.
Surprise, ce dernier se retourna lentement, et son regard tomba sur le petit bout de femme qui lui faisait désormais face.

Elle était drôlement belle, et dégageait quelque chose de plaisant. Ses longs cheveux blonds semblaient être des fils d’or, tandis que son regard… Son regard – rose ! – était… Il ne trouvait plus ses mots. En fait, pour être plus clair, sa tête avait cessé de fonctionner face à ces deux prunelles qui lui suggéraient des promesses torrides. Un sourire pervers étira ses traits.

- Mad…

Il fut coupé dans son élan par un magnifique coup de pied dans le ventre. Epargnant ses parties les plus sensibles, Libertée avait frappé, et alors qu’il se pliait en deux, elle l’attrapa par l’oreille et la lui tordit violemment.

- Vous allez être sages, et suivre ce monsieur à l’extérieur, sinon je vous promets que vous allez en chier bien plus que lui !

Et sans même attendre de réponse, elle tira l’homme par l’oreille jusqu’à l’extérieur, où elle lui donna un peu d’élan – qu’elle accentua d’un coup de pied dans le postérieur de ce monsieur.
Son regard s’était fait joueur, et elle entendit clairement les quatre autres bandits sortir de l’auberge pour voir ce qu’il se passait dehors avec leur chef.
Se tournant vers eux, Libertée leur adressa un sourire lumineux.

- Alors, on joue ?

Libertée sentait l’adrénaline courir dans ses veines. C’était une bonne adrénaline, de celle qui vous redonne confiance en vous et l’impression que vous pouvez déplacer des montagnes.
Un sourire étira ses lèvres, heureux et joueur.
Mais alors qu’elle pensait que les hommes allaient lui sauter dessus, ils se consultèrent du regard pour s’enfuir en courant, récupérer les cinq chevaux attachés un peu plus loin, et fuir.

- Roh, mais c’est même pas drôle !

Poussant un léger soupir, la jeune femme entra dans l’auberge et vint s’accouder au comptoir.

- Vous auriez du ragoût de siffleur et une chambre pour la nuit ?

- Euh… Oui, évidemment ! Merci pour ces brigands, au fait…

Libertée adressa un clin d’œil entendu au tavernier.

- A votre service !

Le voyant rougir jusqu’aux oreilles, la marchombre se retint d’éclater de rire, mais ne put empêcher un petit pouffement de lui échapper.
Elle était définitivement heureuse, à nouveau sur les routes, amoureuse et prête à retrouver Gil !

Lever de soleil, un nouveau jour qui commence, une nouvelle journée pleine de surprise et de rebondissement. Assise sur une branche, les jambes repliées sur elle et la tête posée sur ses genoux Shalie contemplait ce lever de soleil. Elle était emmitouflée dans une épaisse cape en laine afin de se préserver du froid. Elle avait beau ne pas le craindre plus que ça, elle préférait de loin être au chaud que dehors. Pourtant elle devait y être. Poussant un petit soupir, elle se laissa tomber sur le sol, ça n'était pas tout ça, mais elle devait se remettre en route. En route où ? L'étrange jeune fille ne le savait pas vraiment, rejoignant sa monture, elle se hissa sur sa selle avant de claquer de la langue signifiant le départ.

Shalie se sentait bizarre depuis qu'elle avait rencontrée Nuhadu et frôlée de peu à une mort certaine. ça n'était pas la première fois qu'elle risquait sa vie, mais c'était la première qu'elle sentait cette dernière s'échappée. Même quand elle était tombé du grand chêne tête la première à l'âge de huit ans elle n'avait pas ressentit cette sensation. Bon en même temps, elle s'était évanouie sur le coup et n'avait reprit connaissance que deux jours après avec un mal de crâne pas possible. Là elle était resté consciente assez longtemps pour échapper à ses agresseurs et mettre de la distance avant de se reposer contre un arbre. Assise, elle s'était sentit partir petit à petit. Ses pensées étaient de moins en moins cohérente et elle avait de plus en plus de mal à garder la tête droite.

Ce fut donc une expérience très bizarre pour la jeune femme et qui l'avait laissé bien songeuse. Elle avait quand même apprit pas mal de choses de toute cette histoire et avait reprit son entrainement de plus belle. Il fallait dire qu'elle ne s'attendait pas du tout à être face à un dessinateur, à savoir ça, elle n'aurait pas tourné le dos à ses poursuivants alors qu'elle fuyait. Elle avait quand même eu de la chance de ressentir la vibration dans l'air afin de se décaler assez pour ne pas mourir sur le coup. Bref pas un super souvenir, mais à présent une nouvelle flamme brûlait au fond de l'âme de Shalie. La vengeance. Elle allait les faire payer et surtout à ce foutu dessinateur !

Elle savait qu'ils étaient des nomades, aussi elle les rencontreraient peut-être sur son chemin. L'apprentie marchombre, l'espérait fortement, elle était pleinement remise à présent, elle était prête à montrer de quoi elle était vraiment capable ! La matinée de la jeune femme se déroula donc ainsi, perdue dans ses pensées elle voyageait sans se prendre la tête, libre d'aller où elle le voulait, quand elle le voulait. Les heures défilaient et l'estomac de Shalie commençait vraiment à se manifester, elle l'avait ignoré le plus longtemps qu'elle le pouvait, mais là elle savait qu'elle allait devoir faire une pause.

Relevant la tête, elle prit quelques secondes pour observer le paysage avant de repérer ou elle se trouvait. La passe de la Goule, si ses souvenirs étaient bons, non loin se trouvait une petite auberge où elle pourrait se reposer. Retrouvant de l'énergie, elle ne fit pas du tout attention quand on lui sauta dessus. Il fallait dire qu'elle ne s'attendait pas à ce qu'on l'attaque en hauteur. Il s'agissait d'un lynx, puissant, félin. C'était la première fois que Shalie en rencontrait un et surprise elle tomba de sa monture entraîner par le poids de l'animal.

Atterrissant lourdement sur le sol, elle était en train de tirer une de ses lames se trouvant dans son dos quand quelque chose de surprenant se passa. Le lynx la griffa à la joue avant de partir comme si de rien n'était. Okayyyyy. Bienvenue chez le pays des fous .... N'y comprenant plus rien, Shalie se releva, tenant sa joue tout en jurant. Non, mais il était timbré cet animal ?! Calmant sa monture, elle se remit alors en selle encore choquée de ce qui venait de se passer.

Dix minutes plus tard elle était à destination avec une joue qui lui picotait méchamment, encore une balafre ! A ce rythme elle ne finirait pas l'année vivante ! Alors qu'elle allait descendre de cheval, elle vit un groupe d'homme partir en courant de l'auberge avant de sauter sur leur monture et s'enfuir. Forçant les sourcils, Shalie se retourna les observant avant de pousser un soupir. A tous les coups elle allait encore vivre un truc de dingue. Attachant son cheval, elle poussa la porte avant de se diriger vers le comptoir.

- Bonjour, à boire et à manger je vous prie.

Tournant la tête, elle constata alors que non loin se trouvait une autre cliente qui dégageait une énergie particulière, de la puissance. Souriant légèrement saluant la demoiselle de la tête, Shalie se fit la réflexion qu'elle s'était une personne à ne pas embêter ...

Shalie avait faim tout simplement, peut-importe ce qu'on lui emmenait tant que c'était de la nourriture et mangeable. Manger et se ressourcer, le fait d'être assise lui permettait bien souvent de récupérer une partie de son énergie, après c'était vrai que cela ne valait pas une bonne nuit de sommeil. Cela faisait d'ailleurs un bon petit moment que la jeune femme n'avait pas eu l'occasion de faire une grasse matinée. En fait cela remonté à depuis qu'elle était apprentie, tous les jours elle se levait tôt et bien souvent elle se couchait tard. Shalie avait pris le plis et de toutes les manières personne ne la forçait de suivre ce rythme, c'était son choix et elle l'assumait pleinement. Posant un coude sur le comptoir, elle porta la main à sa joue gauche en grimaçant légèrement. Baissant le regard, elle constata qu'elle saignait encore légèrement. Bon au moins elle ne se viderait pas cette fois-ci.

- Hey ! A boire et à manger, c’est pas très précis tout ça. Si je peux me permettre, je te conseille le ragoût de Siffleur – ce que je suis en train de manger. La viande est tendre à souhait, elle fond sur la langue ! Hum, un délice !

Relevant la tête, Shalie se tourna alors vers la personne qui l'avait abordée. C'était la demoiselle qui paraissait toute douce, toute fragile, toute gentille au premier regard, mais qui cachait probablement très bien son jeu. En tous les cas elle avait raison dans le fond, la jeune femme n'avait pas été bien précise dans le choix de sa commande et ce que manger la demoiselle semblait appétissant. Comme si cette dernière avait entendu ses pensées, elle prit un nouveau bout un grand sourire aux lèvres et tendit sa fourchette en direction de Shalie.

- Tiens, goûte, tu m'en diras des nouvelles !

C'était sympa de proposer qu'elle goûte son plat, aussi pour ne pas la vexée et aussi car le contenu de son assiette lui donnait l'eau à la bouche, Shalie prit la fourchette et mis dans la bouche le morceau de viande. Pendant quelques secondes, elle la mâcha silencieuse avant d'avaler et de rendre la fourchette à sa propriétaire.

- Merci à vous, c'est très bon ! Monsieur je vais prendre comme la demoiselle si c'est possible. Ha au fait je me nomme Shalie et encore merci de m'avoir fait gouté à la viande.

La politesse, c'était un des traits de caractère de la jeune femme, du fait qu'elle perdait rarement son sang froid, elle avait appris à être polie et aimable. Bien souvent cela l'avait sortit de pas mal de situation, mais aussi mise dans certaines dont elle se serait bien passé.

La jeune fille aux oreilles curieuses sembla hésiter un instant, quand Libertée lui proposa de goûter son plat, mais finalement elle prit la fourchette pour mettre la viande dans sa bouche. La marchombre la fixait avec intérêt, tandis qu’elle mâchait le morceau, et lorsqu’elle eut terminé, un petit sourire sur les lèvres, Libertée était assez contente d’elle.

- Merci à vous, c'est très bon ! Monsieur je vais prendre comme la demoiselle si c'est possible. Ha au fait je me nomme Shalie et encore merci de m'avoir fait gouté à la viande.

Lui adressant un large sourire, Libertée se tourna vers le comptoir et son assiette pour manger son propre plat, étant donné que celui de la demoiselle en question allait bientôt arriver, du coup.
Se balançant sur les pieds de sa chaise, elle éclata soudain de rire sans raison : en fait, elle venait de voir le regard ahuri du tavernier vers les oreilles de la nouvelle venue, et sa tête était juste hilarante.

- Contente de te rencontrer, Shalie ! Moi, je suis Libertée.

Libertée adorait utiliser cette tournure, que la plupart des marchombres détestaient, d’ailleurs. On ne se résume jamais à un nom. Dire « je suis Tatarata » ne se faisait soi-disant pas, et elle avait pu le remarquer au Conseil lorsqu’elle-même avait passé son Ahn-Ju : tous les apprentis avaient bien dit « je m’appelle », ce qui avait tiré un hochement de tête entendu au membre qui les interrogeait. Alors, quand elle avait débarqué, elle avait clairement vu la désapprobation dans le regard, alors qu’elle commençait par le verbe être, et puis simplement la surprise, et finalement l’approbation, quand elle avait donné le nom qui lui avait été attribuée.
Parce qu’elle était Libertée !
Elle pouvait se résumer à son prénom, elle. Et elle adorait cela, et à chaque fois elle en était reconnaissante à ses parents d’avoir su trouver ce qui la reflétait.

Adressant un clin d’œil joueur à la jeune fille, Libertée attaqua son assiette sans sommation, et la finit très rapidement, demandant après un désert, ainsi qu’un verre d’alcool fort pour digérer tranquillement.
Le souvenir de la soirée dans la taverne d’Al-Jeit La petite éternité lui revint en mémoire, et un nouveau sourire étira ses lèvres. Elle avait hâte de pouvoir retrouver Gil ! Et elle retournait à Al-Jeit, en fait. Peut-être parce que la capitale de l’empire était le point de rassemblement de bien des guildes, des personnes, des groupes, et parce qu’au milieu de tous ces gens, on pouvait aussi très facilement passer inaperçu.

Jetant un coup d’œil à Shalie, la marchombre sourit tranquillement, et leva son verre vers elle, un éclat scintillant dans son regard rose.

- Allez, à ta santé Shalie ! Tu vas où comme ça ? Tu as l’air bien fatiguée, tu devrais un peu plus dormir, ça donne plus de forces et d’énergie !

Eclatant de rire devant la tête légèrement ahurie de la jeune fille, elle fit finalement ce qu’elle avait terriblement de faire depuis que la jeune fille était s’était installée à côté d’elle : d’un geste fluide et rapide, elle saisit l’oreille entre deux doigts et tira légèrement dessus. Comme elle s’amusait à tirer les tresses de Nuhadu, et comme elle l’avait fait une fois avec la joue de Ellenya. Elle était comme ça, assez tactile, et elle donnait son affection par des petits gestes et des petits surnoms, ce qui pouvait agacer, mais qui la plupart du temps étaient pris à la rigolade.

- Oh, c’est pas aussi drôle que les tresses de Nuhadu ! Mais j’aime bien la sensation. Fais gaffe, je risque de le refaire !

Lui tirant la langue de manière espiègle, la marchombre prit une grande inspiration, tandis qu’une main effleurait son dos. Se retournant vivement, elle croisa un regard d’un vert très clair, et adressa un sourire adorable à l’homme qui l’abordait.

- Salut !

- Bonsoir mademoiselle ! Je peux vous offrir quelque chose ?

Un sourire suggestif ornait les lèvres de l’homme, et Libertée lui répondit d’une œillade appréciative.

- Seulement si vous en prenez deux ! Mon amie aurait bien besoin d’un remontant elle aussi !

L’homme sembla hésiter un instant, mais l’éclat qui brillait dans le regard de Libertée doucha ses doutes, et il accepta de bon cœur.

- Qu’est-ce qui amène d’aussi jolies femmes dans des contrées aussi hostiles que la passe de la Goule ?

Libertée sourit, plongeant ses lèvres dans le verre de kir à la pèche qu’elle avait demandé.

- Oh, je rejoinds Al-Jeit, je dois y retrouver quelqu’un…]

La moue qu’elle n’avait pas pu retenir jeta un doute dans l’esprit de l’homme : cette demoiselle avait répondu à son invitation, mais son cœur semblait déjà ravi… Aussi, se tourna-t-il vers la seconde jeune femme, un léger sourire sur les lèvres, intéressé par sa réponse.

Shalie s'attendait à une réponse de la demoiselle, mais cette dernière se décida d'attaquer son plat. Après tout il était chaud, autant qu'elle le mange maintenant et puis elle n'avait pas l'obligation de se présenter à l'apprentie. Bon ça ne serait pas des plus polie, mais si c'était son choix, Shalie le respecterait, même si quelque chose lui disait qu'elle n'en avait pas fini avec la demoiselle. Elle en eut la preuve quelques secondes plus tard quand sa voisine éclata de rire. Sortant de ses pensées, Shalie la regarda curieuse, mais ne trouva pas la cause de sa soudaine hilarité.

- Contente de te rencontrer, Shalie ! Moi, je suis Libertée.

Libertée ... c'était un prénom qui en jeter pour sur ! Shalie aurait adorée avoir un prénom aussi original. Songeuse elle se demanda alors si la blonde était aussi libre que son prénom. A la voir ainsi, elle dirait oui, mais comme elle savait fort bien, souvent les apparences étaient trompeuses. Alors que Libertée lui adressa un clin d'oeil se concentrant sur son repas, Shalie fut servi et pu à son tour se remplir le ventre.

Il n'y avait pas à dire, cela faisait vraiment du bien de manger chaud ainsi que de dormir dans un endroit chaud. La chaleur, Shalie adorait cela, quand elle était petite, elle se mettait souvent près de la cheminée en hiver dans son petit fauteuil et là soit elle faisait de longues siestes, soit elle restait des heures à contemplait la danse des flammes. Alors qu'elle buvait une gorgée de sa bière, Libertée reprit la parole après s'être tournée vers elle.

- Allez, à ta santé Shalie ! Tu vas où comme ça ? Tu as l’air bien fatiguée, tu devrais un peu plus dormir, ça donne plus de forces et d’énergie !

Cela se voyait donc tant que ça qu'elle était fatiguée ? Alors qu'elle allait répondre, Libertée fit quelque chose qui surprit Shalie, la laissant figée sur le coup. La blonde s'approcha aussi vive qu'un serpent afin de toucher ses oreilles de chat. Normalement les gens ne faisaient pas ça. A dire vrai que très peu de personnes avaient déjà fait ça auparavant ce qui était la raison de la stupeur de la jeune femme. La bouche légèrement ouverte, elle reprit contenance quand la blonde éclatant de rire reprit la parole.

- Oh, c’est pas aussi drôle que les tresses de Nuhadu ! Mais j’aime bien la sensation. Fais gaffe, je risque de le refaire !

Nuhadu ?! Elle connaissait Nuhadu ? Le même qui lui avait sauvé la vie il y avait peu ? Au vu du prénom, il ne devait pas y en avoir dix milles dans les parages et alors que Shalie allait prendre la parole, elle fut une nouvelle fois interrompue par un homme qui aborda Libertée. Alors que celle ci tirait la langue à Shalie, la blonde se retourna vivement une nouvelle fois avant de le saluer un grand sourire aux lèvres.

On pouvait dire qu'elle ne manquait pas d'énergie et cela plaisait à Shalie. Après tout on se sentait toujours mieux avec des personnes joyeuses qu'avec des personnes tristes. Continuant de manger, elle suivit l'échange entre l'homme et Libertée. Apparemment les intentions de se dernier étaient de charmé la demoiselle, mais cette dernière ne semblait pas être disponible. Baissant l'éponge, il regarda alors Shalie avec un regard interrogateur dans les yeux. Etre le deuxième choix, elle en avait l'habitude et un grand sourire aux lèvres répondit à sa question.

- Pour ma part je suis à la recherche d'une bande de malfrat histoire de régler définitivement un compte avec eux.

Ambiance de folie. Se tournant alors vers Libertée, elle reprit la parole.

- Vous avez parlé d'un dénomme Nuhadu tout à l'heure. Est ce qu'il est métisse et dégage tout le temps une bonne humeur ?

Shalie savait qu'elle aurait du s’intéresser au moins pour la forme à l'homme, aussi pour se faire pardonner, elle lui adressa quand même un autre joli sourire, genre je suis toute gentille toute douce même si je viens tout juste de te dire que je voulais faire la peau à des vilains pas beaux.

La réponse de Shalie eu l'effet escompté, ce dernier recula légèrement une lueur inquiète dans le regard. Bien bien bien. Elle adorait voir ce genre de lueur dans les yeux des autres, ça donnait toujours une petite impression de bien être et de puissance. Elle le faisait rarement, parce que ça ne se faisait pas et qu'elle était une jeune femme bien élevée, polie et serviable.

- Dis, tu trouves que j'ai une tête à m'appeler madame ?! Ne me vieillis pas s'teuplait ! Déclara alors Libertée avant de faire un clin d'oeil et d'éclater de rire.

Ha encore quelqu'un qui n'aimait pas qu'on la vieillisse en utilisant le vouvoiement. C'était toujours pile où face dans ce genre de situation. Histoire de limiter la casse et de ne pas passer pour une impolie, Shalie partait dans le principe de tutoyé ses aînés. Pour les gens de son âge et les plus jeunes ça dépendait du contexte de la situation.

Libertée ne paraissait en plus ne pas être bien âgé. A vu de nez, Shalie dirait qu'elle avait plus de vingt ans, ça c'était sur, mais moins de trente. Vingt cinq ans peut-être ? Voir moins ... En tous les cas elle était assez jeune pour pouvoir être la grande soeur de la jeune femme. Alors qu'elle offrait un sourire d'excuse, la blonde reprit la parole.

- Je crois qu'on parle du même ! Un beau jeune homme hein ? C'était mon élève !

Son élève ? Son élève en quoi ? En soin médicaux ? Surement pas du fait que Nuhadu lui même avait avoué qu'il n'était pas super doué dans ce domaine. Alors qu'elle était perdue dans ses réflexions, l'homme qui ne voulait pas en rester là, avait reprit la parole poliment. D'une oreille distraite elle écouta quand même ce qu'ils disaient au cas où ça serait intéressant. Ainsi elle apprit le nom de l'homme et qu'il tenait un élevage de siffleur. Finissant son assiette, elle but une nouvelle gorgée de bière pour tout faire passer quand Libertée reprit la parole.

- Mais au fait, Shalie, comment connais-tu Nuha ?

La question à un million, où pas. Se raclant légèrement la gorge, elle jeta alors un petit coup d'oeil vers Kuryan avant de se concentrer sur son aînée et de lui répondre en toute honnêteté.

- Je me rendais tranquillement à Al-Jeit et j'avais fais un arrêt dans une ville quand une bande de malfrat m'est tombé dessus. N'étant pas du genre à me laisser faire, je me suis défendu, mais des gens se sont ajoutés au groupe et j'ai du battre en retraite. Alors que j'allais sauté d'un bâtiment, j'ai eu la mauvaise surprise de me retrouver face à un dessinateur qui m'a empaler le flanc avec un pieu .... Bref je suis tombé, je me suis blessée à la cheville et c'est alors que j'étais au bord de l'agonie que Nuhadu est apparu. Pour faire court il m'a soigné et sauver la vie tout simplement.

Pour cela Shalie lui en était reconnaissante. Elle avait d'ailleurs une dette envers lui et comptait lui rendre l'appareil des que cela serait possible. Gardant pendant quelques secondes le silence, l'apprentie poussa un petit soupir avant de reprendre la parole.

- Tout à l'heure vous, enfin tu as dit que c'était ton élève? Élève en quoi ?

Shalie était vraiment curieuse de savoir en quoi Nuha avait été un élève, il fallait dire que tant lui que Libertée n'étaient pas super âge. Ils étaient même relativement jeunes. Après Shalie savait que l'âge ne voulait rien dire, mais quand même ... Songeuse, elle enroulait pensivement une mèche de ses cheveux violet autour de son doigt quand Libertée se pencha légèrement vers elle, comme si elle allait lui révéer un secret. Histoire d'être dans le ton, Shalie se pencha à son tour.

- C'était mon apprenti... Maintenant, il est marchombre !

Marchombre ? Marchombre ?! Nuhadu était un m-a-r-c-h-o-m-b-r-e ?!! Shalie n'en revenait pas. Elle avait rencontré un marchombre et elle ne s'en était même pas rendu compte ! D'une certaine manière, ça expliquait pas mal de choses sur son sauvetage et le fait qu'il dégageait un truc, mais quand même ... Stupéfaite, Shalie se redressa, posant son coude sur le bar elle regarda Libertée s'attendant à ce que cette dernière ne se mette à crier que c'était une surprise.

Pourtant quelque chose lui disait au fond d'elle que Libertée était plus que sérieuse. Alors que Shalie était dans sa bulle d'étonnement Kuryan posa une bonne question qui était même une évidence. Il demanda à la jeune femme si elle aussi était une marchombre et cette dernière lui confirma cela.

Logique en somme, si Nuhadu était son apprenti alors elle était maître marchombre ... C'était le troisième qu'elle rencontrait et dire qu'on lui avait toujours affirmé que cela ne courait pas les rues. Depuis qu'elle était apprentie Shalie ne faisait qu'en rencontrer sur sa route, à croire que c'était le destin. Alors qu'elle était perdue dans ses pensées, Kuryan lui demanda si elle connaissait un certain Dowan. Après quelques secondes de réflexions, Libertée répondit négativement.

Shalie se demanda alors si elle avait déjà croisé Aïwen où bien si elle connaissait Pia. Cela serait drôle d'une certaine manière. Jugeant que ça ne coûtait rien de lui demander, surtout si elle avait des nouvelles d'Aïwen, Shalie se décida de poser la question.

- Les noms d'Aïwen Jok et de Pasitilipia Vite te disent-ils quelque chose à tout hasard ?

- Han d'accord ...

[Désolée du temps de réponse et de la réponse ]

- Haha ! Ca explique bien des choses !


(clin d'oeil )

- Combien de temps, en tout ?

- Trop peu à mon gout !

Shalie avait perdu le compte. Cela faisait combien de temps qu'elle avait entamée sa formation ? Dès jours elle avait l'impression que cela faisait seulement la vieille qu'elle s'était retrouvée à l'Académie et d'autres elle avait l'impression que c'était il y a un siècle. La jeune femme savait qu'elle était encore loin d'être prête pour passer à l'étape supérieure. Elle avait soif d'apprentissage et des fois elle aurait aimé que cela se termine, bien qu'elle n'était pas prête. Cela faisait d'ailleurs quelques temps qu'elle n'avait pas eu de nouvelles de Pia. Shalie essayait de ne pas y penser, mais au fond d'elle, elle espérait que cela ne ferait pas comme avec Aïwen ...

Elle ne voulait pas encore changer de maître, devoir tout recommencer, ré-installer une base de confiance, montrer de quoi elle était capable, de faire ses preuves. Encore sur les derniers points, cela ne la dérangeait pas tant que ça, car elle se devait d'être alerte tout le temps, mais c'était surtout au niveau de la confiance que cela l’embêtait ... Ravalant ses doutes, elle adressa alors un sourire à la jeune femme avant de reprendre la parole.

- Et toi ? Tu as d'autres apprentis ?

Un léger sourire se dessine sur les lèvres de Libertée.
Sirotant doucement son verre d’alcool, elle tourne son regard vers l’homme qui les avait accostées pour voir de quoi il en retournait. Il semblait un peu perdu, sans doute n’y connaissait-il pas grand-chose sur les marchombres en réalité. Enfin, il fallait bien avouer que de toutes façons, une minorité de marchombres eux-mêmes savaient que dans l’Académie, on formait plusieurs apprentis simultanément – même si en fait, cela dépendait…

Par exemple, Libertée avait guidé d’abord Nuhadu. Quand elle l’avait récupéré au détour d’un chemin, alors qu’il était en train de se faire cribler de pierre par son autre maître, il était accompagné de deux jeunes filles, mais aucune d’entre elles n’avait voulu continuer avec elle… Tant pis pour elle ! Et même si le jeune homme avait lui-même mis un certain temps à s’en remettre, c’était mieux ainsi. Et maintenant qu’elle avait fait une nouvelle mission de récupérage, il n’y avait toujours qu’une seule apprentie dans le groupe !

Mais bon, après tout elle n’allait pas s’en plaindre. Cela était sans doute plus facile ainsi, et surtout cela permettait de bien se concentrer sur l’apprenti, et de ne pas s’éparpiller. Quand même, on ne pouvait pas nier que guider plusieurs élèves devait être délicat !
Et Shalie qui avait trois camarades… Cela voulait dire qu’ils étaient quatre ! Le maximum dont un groupe pouvait être composé ! Pour Libertée, c’était carrément énorme, et elle se demandait à quel niveau ils étaient rendus. Et si cela tiendrait encore longtemps…

Poussant un long soupir, Libertée joua sur les pieds de sa chaise et bascula en arrière en se tenant à peine au comptoir. Un petit sourire espiègle sur le visage, elle ferma les paupières une seconde.

- Et votre ami, Dowan, par où gravite-t-il actuellement ?

L’homme mit quelques secondes à se rendre compte que c’était à lui qu’elle s’adressait, et sembla se revigorer. Se redressant, il bomba légèrement le torse, ce qui tira un sourire entendu à Libertée.

- Je ne sais pas exactement. La dernière fois que je l’ai croisé, il voulait aller dire bonjour aux Faëls… Il faut vraiment avoir un grain pour faire une chose pareille !

Libertée éclata de rire, de son rire frai et claironnant, et posa une main légère sur l’épaule de Kuryan.

- Ou une âme d’enfant ! Les Faëls sont pleins de défis, et ils rivalisent si aisément avec nous que c’en devient très intéressant ! Je trouve que ce sont des défis absolument géniaux que de les rencontrer !

- C’est bien ce que je dis ! L’homme adressa un clin d’œil de connivence à Shalie, avant de continuer un sourire presque moqueur mais amusé sur les lèvres : Il faut avoir un grain. Tous les enfants sont un peu fous, et les marchombres aussi !

Libertée fronça le nez avant d’éclater de rire encore une fois, et se tourna vers le comptoir pour redemander un verre. Se léchant pensivement le doigt qu’elle venait de tremper dans la sauce de son assiette tout juste terminée, elle se tourna vers Shalie.

- D’ailleurs, Pia n’a-t-elle pas du sang Faël ? Il me semblait qu’elle avait les oreilles pointues ! J’aimerais faire une course de désescalade avec elle…






[ Désolée pour le temps de réponse, et le RP qui ne fait toujours pas avancer le Shmilblick ! La prochaine fois, je mets un peu d'action ]