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 A vif [Gil]

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MessageSujet: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeJeu 30 Mai 2013, 12:22

≈≈≈ Naïs ≈≈≈

Mon cœur rate un battement.

Je chute.

Et les quelques secondes qui suivent semblent littéralement les plus longues de ma vie. Je veux crier. Mais aucun son ne sort de ma bouche. Étrangement une drôle de sensation d’apesanteur m’envahit et je préfère me concentrer dessus plutôt que de voir ma vie défiler dans ma mémoire. Le vide s’ouvre sous moi et le cri du guerrier témoigne de la hauteur de la tour. La plus haute d’Al-Jeit je crois. Dans un dernier effort désespéré, je tente de me raccrocher à quelque chose, n’importe quoi, avant de me résigner très vite. Pour profiter de ces dernières secondes et sentir l’air fouetter mon visage. Après tout, ce n’est pas tous les jours que je suis sur le point de mourir…

* *
*


≈≈≈ Nwëlla ≈≈≈

Deux semaines plus tôt


A peine les sabots claquent-ils sur les pavés de la petite cour que Reni vient immédiatement à ma rencontre. Cela fait longtemps que je n’ai pas eu l’occasion de le voir et je dois bien avouer que sa gentillesse naturelle m’avait manqué. C’est avec un sourire large jusqu’aux oreilles que je le gratifie d’une bise et d’une accolade purement amicales. M’accompagnant jusqu’aux écuries de l’auberge qu’il n’avait pas tenu à délaisser après les derniers évènements, même pour tout l’or du monde, il a tôt fait de me mettre au courant des dernières nouvelles. La petite Opale fait désormais ses dents et gambade – presque – librement dans l’établissement. Paraît-il qu’elle tient beaucoup d’Ainhoa, et même de Naïs par certains côtés. A mon avis, vu comme c’est parti, cette petite risque de donner pas mal de fil à retordre à ses parents en grandissant ! Mais ce qui me fait froncer les sourcils imperceptiblement, ce n’est ni la seconde grossesse surprenante d’Ainhoa, ni le message de Gil parvenu à Atal quelques jours auparavant, c'est plutôt l'annonce du retour de Naïs. Voilà pourtant plusieurs semaines qu'elle n'avait donné aucune nouvelles et Seth avait été un peu déboussolé, se demandant quelle mouche avait bien pu piquer sa mère. Évidemment, malgré ses grands yeux qui reflètent une maturité presque inquiétante pour son âge, il garde une certaine innocence enfantine. Toutefois, au fond de lui, il savait pertinemment que sa mère avait besoin de partir, de rester un peu seule quelques temps ne serait-ce que pour assimiler le choc de la naissance de son petit frère surprise mais aussi pour envisager une solution à tout ce pétrin. C'est sans doute pour cette raison qu'il n'avait pas posé de questions ! Je dévisage un instant Reni tout en passant mes doigts dans ma longue chevelure aux mèches dorée. Sur un simple signe de celui-ci, je laisse ma jument à ses soins – pas de doutes qu'elle sera chouchoutée comme une reine – avant de traverser la cour d'un pas alerte et rapide.

Alors que je pousse la porte d'entrée en bois massif, Ainhoa m'accueille avec un large sourire. La petite dans ses bras lève victorieusement ses points en l'air avec un long « gaaaa » suraigu et particulièrement éloquent, il faut l'avouer. Mon regard croise alors celui de la sœur de Naïs, et après un bref silence significatif, nous ne pouvons nous retenir d'éclater de rire. Aussi légère qu'une brise je me glisse près d'Opale pour déposer une bise éphémère sur sa joue potelée.

⁃ « As-tu fais bon voyage ? » questionne bien vite Ainhoa tandis que la bambin joue avec les cheveux de sa mère.
⁃ « Très bon oui ! Il paraît que Naïs est revenue ? »
⁃ « Oui, c'est exact »

Un léger soupir, empreint d'hésitation, plane dans l'atmosphère.

⁃ « Tu devrais aller voir Atal. Il est en haut je crois »

Hochant la tête, je ne me le fais pas dire deux fois ! Gravissant les escaliers quatre à quatre, je ne tarde pas à trouver celui que je cherche. M'arrêtant sur le seuil de la pièce, je ne peux m'empêcher de l'admirer quelques secondes avec un sourire béat un peu idiot. Ses cheveux d'un noir de jais tombent en mèches folles et désordonnées sur sa nuque. Je résiste un instant à l'envie puissante d'aller entourer son torse agréablement musclé de mes bras, me contentant simplement d'apprécier du regard la carrure de ses épaules. Secouant la tête, je finis par m'avancer et, dans un souffle, je mêle mes doigts aux siens. Son regard perdu au loin semble songeur. Par la barbe de Merwyn, ça devrait être interdit d'être aussi beau ! Et lorsque le mauve pur de mes yeux caresse l'horizon, c'est pour apercevoir la silhouette fine de Naïs. Même recroquevillée sur elle-même, Seth tout contre elle, elle domine littéralement le paysage. Avec un sourire, je me fais la réflexion qu'elle semble s'être un peu remplumée et d'avoir repris un peu du poil de la bête, physiquement du moins. Car, du reste, une question me trotte dans l'esprit depuis quelques secondes.

⁃ « Qu'est-ce qu'elle a ? »

Tournant la tête, je croise le regard si particulièrement ambré d'Atal. Je sens l'air me manquer un instant, avant de me suspendre instinctivement des yeux à ses lèvres.

⁃ « Ah ! Tu ne voudras jamais me croire ! » plaisante-il avant de reprendre le plus sérieusement du monde « J'ai reçu un message de Gil il y a quelques jours. Evidemment, j'en ai informé Naïs ! »

Quelques secondes de silence filent et j'ai tout juste le temps d'apercevoir la moue de mon amant avant qu'il ne continue, toujours en contemplant la silhouette de l'Envoleuse au loin.

⁃ « Il y avait une drôle de lueur dans son regard, que je ne saurai définir... En tout cas, si je ne savais pas pertinemment qu'elle est aveugle, j'aurai juré qu'elle pouvait me voir à cet instant précis ! »

Diable ! Mais qu'il arrête de faire durer le suspens ! Ah c'est certain, il a un formidable talent de conteur d'histoire, mais parfois, comme maintenant, l'impatiente que je suis voudrait bien connaître la fin rapidement !

⁃ « Et ? Qu'est-ce qu'elle a dit ? »

Atal plante son regard dans le mien d'un air grave. Si je m'attendais à ce qu'il allait dire...

⁃ « Elle m'a juste dit qu'elle s'en fichait et elle partie sans se retourner ! »
⁃ « Quoi ? Naïs ? T'es pas sérieux ? » répliquais-je immédiatement.
⁃ « Parfaitement, si » soupire-t-il.

Tâchant tant bien que mal d'ordonner mes pensées, mon regard se pose sur Naïs qui, au loin, n'a toujours pas bougé d'un poil ! Si l'air terriblement sérieux d'Atal n'avait pas parlé à sa place, j'aurai cru à une mauvaise blague. Naïs ? En vouloir à Gil ? C'est une mauvaise blague ! Clignant des yeux, je soupire longuement en me demandant ce qu'il avait bien pu se passer dans l'esprit de Naïs pour qu'elle veuille plus entendre parler de Gil. Inventant des réponses toutes plus farfelues les unes que les autres, j'en viens rapidement à la seule conclusion possible.

⁃ « Ta sœur est une véritable énigme... » murmurais-je non sans un léger brin d'humour.
⁃ « Pas tant que cela »
⁃ « Qu'est-ce que tu veux dire ? »
⁃ « Nwëlla, tu connais Naïs aussi bien que moi ! Ça devrait pourtant te paraître clair ! » plaisante Atal en laissant glisser son regard sur l'horizon « Tu sais bien que quand ça va mal, elle a toujours tendance à se renfermer dans sa carapace. Seulement voilà il n'en reste presque plus rien et je crois que cela lui fait très peur mais elle est plus têtue qu'une mule et continue à s'y accrocher. Ce n'est pas faute d'avoir essayé par moi-même, mais j'ignore qui pourra lui redonner confiance de ce côté-là ! »

Atal finit par hausser les épaules d'un geste d'impuissance tandis que je hoche la tête en comprenant où il voulait en venir précisément. Soupirant, je passe une main baladeuse le long du torse d'Atal, suivant les lignes de ses muscles bien dessinés.

⁃ « Peu importe quand et comment, mais toute cette histoire finira par se tasser, tu verras ! Après tout, comme tu l'as si bien dit, la chance tourne. En attendant, tu ne crois pas qu'il y a des choses plus intéressantes à faire plutôt que de se torturer vainement l'esprit ? »

Un sourire mutin se dessine sur mes lèvres et un puissant désir m'enflamme les entrailles comme jamais. Bon sang ! Je suis totalement, irrémédiablement, complètement accroc à lui...

* *
*


≈≈≈ Naïs ≈≈≈

Fériane. Je ne compte même plus le nombre de fois où j'y suis passée ces deux derniers mois. Pas pour moi, non. Pour un bébé. Un tout petit bébé. Mon bébé. J'ai longtemps réfléchi quand à ce petit bout qui ne demande qu'à vivre. De vieux souvenirs douloureux me hantant encore, j'en ai beaucoup pleuré aussi. Cela fait désormais quelques jours que j'ai reçu la lettre fatidique de Moryqane qui m'informait que je peux venir chercher cet enfant. J'avoue avoir été tentée, sur l'instant, de m'enfuir loin – peu importe où, mais très loin. Qui sait, si j'avais écouté ma raison, je serais peut-être sur un navire faisant voile vers mon île natale ? Mais mes entrailles m'en ont tout bonnement empêché. Foutu instinct maternel ! Si seulement il ne me retenait pas aussi puissament ! Rien que l'idée d'abandonner ce petit bout à l'aube de sa vie, mon estomac s'en retourne tout entier tandis que ma gorge se noue. Je suis morte de trouille, mais je n'arrive pas à partir. Là, derrière cette porte de bois massif qui s'ouvre doucement en grincant sinistrement, m'attend un bébé, plein de vie et de vigueur. Et même, selon le Rêveur, il possède déjà plein de nos expressions, à Gil et à moi. Comme la première fois, je reste figée sur le seuil, incapable d'esquisser un seul pas.

⁃ « Tout va bien se passer... » sourit Moryqane en enlacant doucement mon bras.

Mon coeur cogne si fort dans ma poitrine qu'il pourrait presque m'en briser quelques côtes. Je sens même l'air me manquer un instant. Toutefois, c'est sans résistance aucune que je me laisse guider à travers la pièce. Derrière moi, Atal est resté muet depuis notre arrivée à la Confrérie presque vingt minutes plus tôt. Il ne semble pas très à l'aise non plus à vrai dire. Tel que je le connais, il doit sûrement s'inquiéter de ma réaction. Prenant une profonde inspiration, j'essaye tant bien que mal de mettre un peu mes peurs de côté pour le moment, et dans un regain de courage et de force, c'est presque instinctivement que je m'agenouille près du berceau. La petite main du bébé se referme alors sur mon doigt, ce qui me tire un léger sourire. C'est fou qu'il puisse déjà exister déjà tant de force à l'intérieur ce si petit poing.

⁃ « Il t'observe avec un grand intérêt. Où est le père ? » me questionne le Rêveur resté à proximité.
⁃ « Je doute qu'il vienne ! » répliquais-je d'un ton peut-être plus brutal que je ne l'aurais voulu.
⁃ « Ah » répond-il d'un ton neutre.

Plusieurs longues secondes de silence s'écoulent avant que Moryqane ne fasse volte face et me laisse seule dans la pièce avec Atal. C'est évident, le Rêveur sait quelque chose que j'ignore. Depuis deux mois, je commence amplement à connaître ses mimiques par coeur. Et le mutisme d'Atal me fit réaliser rapidement que Moryqane et mon frère manigancaient je ne sais quoi dans mon dos. Et je n'aime pas particulièrement cela. Alors que je m'apprête à faire cracher le morceau à Atal, un bruit de pas qui m'est étrangement familier pénètre lentement dans la pièce. Enfer, cette démarche ! Je saurais la reconnaître entre mille ! Oh non ! Je vais les massacrer ! Mon frère autant que le Rêveur ! Ils savaient qu'il venait. Grinçant des dents, je ne daigne même pas me retourner pour faire face au père du bébé. S'enhardissant, Gil s'approche un peu plus encore ; désormais, je sens presque sa main hésitante juste au dessus de mon épaule. A la seconde précise où l'Envoleur allait finalement se décider, tout s'embrouille encore plus dans ma tête. N'écoutant que ma tête qui me hurle de fuir – de le fuir –, je repousse violemment la main de Gil avant de m'enfoncer dans les couloirs sombres de la confrérie d'une allure rapide et alerte. Sans vraiment m'en rendre compte, je file désormais comme une flèche sans trop savoir où me mènent exactement mes pas. Ou plutôt si – vers les écuries, vers mon échappatoire ! Bousculant quelques Rêveurs indignés au passage, je ne tarde pas à rallier les écuries et scelle Océan avec une détermination sans faille. Lançant l'étalon au galop, celui-ci passe les portes de la confrérie à une vitesse folle juste avant que deux Rêveurs ne la referment en bougonnant. Je suis aussi terrifiée qu'une gamine...

* *
*


La brise fraiche glisse sur ma peau et me fait frissonner légèrement. Si le printemps, quoique timide, revient petit à petit, les températures nocturnes, même dans cette contrée méridionale de l'empire restent relativement basses. Frottant mes mains l'une contre l'autre pour les réchauffer, je redouble d'attention et me campe un peu mieux sur mes appuis lorsque deux gardes passent dans un bruit de ferraille. Roulant silencieusement du plus haut toit de la tour nord d'un palais d'Al-Jeit que je ne connaissais que trop bien pour avoir rêvé un millier de fois, au moins, de l'incendier littéralement. Jamais cependant je n'ai pu m'approcher d'aussi près – jamais osé tout simplement. Retenant au bord du toit, je reste à l'affût tel un prédateur.

⁃ « Fraîche soirée hein ? »
⁃ « Grrmmf ! Tu parles, j'ai les doigts complètement gelés. Enfin, je préfère encore me taper la ronde de nuit plutôt que d'être à l'intérieur. L'Envoleuse a encore une fois réussi à lui filer entre les doigts et en plus elle a réussi à entrer en contact avec Huwwol. Il est dans un colère noire le seigneur ! »
⁃ « Ah ! Un vrai courant d'air celle-là ! »

Laissant les deux soldats à leur discussion, je souris à demi en imaginant la rage noire dans laquelle se trouve actuellement Samoan. Mais avant que je n'ai esquissé trois pas, le bruit distinct d'un projectile lancé à toute vitesse, mortel et précis me fait tourner la tête. Sans même réfléchir, je me jette instinctivement sur le côté, esquivant in extremis une chaîne en fer aux dents ascérées et redoutablement affûtées. D'une nouvelle vrille sur le côté, j'échappe encore au piège qu'un guerrier fait tournoyer d'une extrême habileté, comme cela faisait entièrement et indéniablement partie intégrante de lui. Par la sainte culotte de l'Empereur, d'où est-ce qu'il sort celui-ci ?! Cette fois-ci, alors que je jure intérieurement, l'acier trace une ligne de feu sur ma joue. En trois pas de félin je m'approche un peu plus du guerrier. Mon coeur bat la chamade, mais tout se déroule très vite : dans un réflexe prodigieux, je saisis l'une de mes étoiles de jet, toujours accrochées à ma ceintures, et après une ultime rotation sur moi même pour éviter la chaîne d'acier, je laisse filer deux projectile à une vitesse redoutable. Et d'une précision mortelle. Car trois secondes plus tard, le guerrier grogne, touché. Profitant de sa faiblesse, je bondit et laisse ma greffe pulser au plus profond de moi-même. Dans un chuintement imperceptible, mes griffes sortent avant que je ne les enfonce littéralement dans l'épaule de l'homme. Déséquilibré sur le rebord du toit, il tient toutefois bon et parvient à aggriper le col de ma chemise.

Mon cœur rate alors un battement.

Je chute avec lui.

Et les quelques secondes qui suivent semblent littéralement les plus longues de ma vie. Je veux crier. Mais aucun son ne sort de ma bouche. Étrangement une drôle de sensation d’apesanteur m’envahit et je préfère me concentrer dessus plutôt que de voir ma vie défiler dans ma mémoire. Le vide s’ouvre sous moi et le cri du guerrier témoigne de la hauteur de la tour. La plus haute d’Al-Jeit je crois. Dans un dernier effort désespéré, je tente de me raccrocher à quelque chose, n’importe quoi, avant de me résigner très vite. Pour profiter de ces dernières secondes et sentir l’air fouetter mon visage. Après tout, ce n’est pas tous les jours que je suis sur le point de mourir…

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Giliwyn SangreLune
Maître Envoleur
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Giliwyn SangreLune


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Age: 40
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Signe particulier: Son prénom est celui de son père, son nom de famille celui de sa mère. Yeux vairons.

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MessageSujet: Re: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeSam 20 Juil 2013, 11:43

Il s'était mis à pleuvoir bien avant le lever du jour, et le temps ne s'était pas amélioré depuis lors. Aux environs de midi, le ciel était toujours chargé de nuages gorgés d'eau et les averses s'espaçaient sans pour autant s'interrompre. Mais au coeur du printemps, la pluie était toujours reine : elle apportait fraîcheur et soulagement tant à la nature qu'aux hommes et aux bêtes, portée par un vent tiède, humide et parfumé. Odeur de vie et de liberté. Libertée. Oh, misère ! Gil émit un claquement de langue agacé. Il inspira vivement, emplissant ses poumons dans l'espoir de se laisser à nouveau distraire par les multiples fragrances que la brise orageuse lui faisait goûter. En vain. Son oeil brun et son oeil bleu brillaient tous deux d'un éclat sauvage qui ressemblait à celui de ses mauvais jours, mais avec une nuance imperceptible : cette fois, il était en colère contre lui-même, et non pas le monde entier. Quelle différence ? jeta la petite voix de son for intérieur, et Gil songea qu'elle avait la même intonation que Kaünis. Tout était différent, désormais ! Il ne se cachait plus derrière des causes invoquées par le désespoir, la peur ou son flegme. Il avait commis une erreur et il en était seul responsable.

Non, rectifia-t-il en appuyant ses coudes sur le rebord de la petite fenêtre ouverte. Je ne suis qu'à moitié responsable. Cette idée aurait dû le réjouir, du moins lui ôter cet air bougon imprimé sur ses traits ; au lieu de ça, il avait l'impression d'avoir les épaules écrasées par un poids invisible, un fardeau jusqu'alors inconnu et qui le terrifiait. Son coeur rata un battement dans sa poitrine lorsqu'il réalisa soudain que lui, Giliwyn SangreLune, était mort de trouille. A cause d'un enfant ! Un petit machin rose et duveteux qui n'avait pas deux mois. Cinq kilos et sept cent grammes. Cinquante huit centimètres. Tu parles d'une terreur... Un courant d'air frais balaya le visage de Gil, agitant les mèches qui retombaient devant ses yeux. Des yeux vairons. Comme ceux de l'enfant. L'histoire était-elle donc faite pour se répéter ? Etait-ce là un signe, une évidence, un message à son attention ? Du genre "Désolé vieux, mais un jour ce p'tit bonhomme te tueras en te laissant crever dans ton propre sang. Allez, sans rancune !"

Le regard de Gil s'assombrit. Il n'avait jamais cru en ce qu'on appelait le destin et il n'y croyait pas plus aujourd'hui. Son propre drame n'était qu'une erreur de parcours, comme il en avait souvent commis depuis ; mais cet enfant était difficile à caser dans une telle catégorie. Il n'était pas fautif, il était arrivé, voilà tout. Par surprise. Gil se demanda s'il avait été une surprise pour ses parents. Le Marchombre et l'Envoleuse avaient-il réellement cru pouvoir bâtir quelque chose ensemble ? Fonder une famille faisait-il partie de leurs plans ? Tu te poses trop de question, avait dit un jour Seren. Il y a parfois des choix qui s'imposent d'eux-mêmes , parce qu'ils deviennent une évidence, une certitude profonde qui ne mérite pas la moindre réflexion. Tant que tu te poses des questions, c'est que tu n'es pas en mesures d'obtenir la réponse que tu cherches... Gil réprima le juron qui s'était formé dans son esprit à l'intention de son ancien mentor. Pas par égard envers ce dernier mais parce que la silhouette d'un cavalier luttant contre le vent et la pluie avait attiré son attention. Naïs. Gil la suivit du regard tandis qu'elle traversait au galop la cour de Fériane, puis elle disparut à l'intérieur de la Confrérie. Une main se posa alors sur son épaule.

- J'arrive.

Moryqane eut un bref hochement de tête. Il ouvrit la bouche comme pour dire quelque chose, se ravisa finalement et tourna la talons, quittant la chambre pour aller accueillir celle dont il attendait depuis longtemps la visite.




*





- Je suis désolé.
- Pas autant que moi...
- Je veux dire, je suis désolé que tu ne comprennes pas ce que cette attitude cache.


Gil haussa un sourcil. Moryqane et lui se trouvaient dans la chambre du bébé. Imperméable à ce qui se passait près de lui, celui-ci dormait à poings fermés dans son petit lit, une couverture infinement douce posée sur le ventre. Dans un geste qu'il n'avait ni pensé ni réfléchi, Gil la lui remonta jusqu'au menton.

- Tu m'expliques ?
- Ce n'est pas compliqué. D'un côté il y a Naïs. De l'autre, toi. Et au milieu, ce petit bonhomme.
- Merci, j'avais compris.
- Non, tu ne comprends pas. Trois personnes, Gil. Mais il y en a seulement une à la fois. Naïs, l'enfant ou toi. Pas Naïs, l'enfant et toi.
- Jouer sur les mots ne résoudra rien !
- Ne pas jouer non plus !


Les deux hommes s'affrontèrent du regard en silence. Quoi que d'apparence frêle et bien plus jeune que l'Envoleur, Moryqane avait une prestance qui en imposait. Gil fut le premier à détourner les yeux.

- Je ne sais pas ce que je dois faire, avoua-t-il dans un souffle.
- Ce n'est pas à moi de te le dire... mais je vais te le dire quand même : retrouve-la. Peut-être n'est-elle pas celle qui partagera ton amour, toutefois elle est la mère de ton enfant, et c'est avec elle que tu va partager ce petit. Trouve-la, Gil. Et dis-lui.
- Lui dire quoi, bon sang ?


Un sourire joua au coin des lèvres du Rêveur.

- Que tu es mort de trouille.





*




Les yeux levés vers le sommet de la tour, Gil fronça les sourcils. Cet endroit n'avait rien de plus ni de moins que les autres quartiers huppés de la capitale. D'ailleurs, s'il ne connaissais pas aussi bien Naïs, il aurait tourné les talons depuis longtemps. Mais voilà, il restait là, tapi dans le noir, au pied d'une tour escaladée un peu plus tôt par l'Envoleuse. Et il attendait qu'elle en redescende. Sauf qu'apparemment, Naïs avait du temps à tuer. Gil grogna. Il n'était pas de nature patiente. Faisant les cent pas à la manière d'un loup en colère, il parvint à s'exhorter au calme. Une demi-minute. Trente secondes plus tard, il était collé à la pierre froide de la tour et il se hissait vers le haut. La pluie la rendait glissante, sans compter la mousse qui la recouvrait à certains endroits. Le froid mordait ses doigts et le vent cinglait ses joues. Il allait émettre une mise en garde à voix haute lorsqu'il se souvint que Kaünis ne l'accompagnait pas, cette fois. Alors il poursuivit son escalade dans le plus grand des silences. Pourtant, dans sa caboche, ça hurlait à tout va. Il rageait.Qu'est-ce qui t'a pris, hein, princesse ? Fuir, sans un mot, sans un échange, sans un contact ? Fuir alors que je me suis fait violence pour ne pas en faire autant ? Enfer ! Tu n'as pas intérêt à refaire ce coup-là ! Si tu fais mine de te tirer, je t'assomme.

Il était à mi-hauteur au-dessus du sol lorsqu'un bruit étouffé parvint à ses oreilles. Gil s'immobilisa dans une posture qui ne plaisait pas aux muscles de ses bras et leva les yeux juste à temps pour voir deux corps basculer dans le vide. Un homme, une femme. Naïs !! Gil se plaqua contre la paroi et tendit son bras droit. Ses doigts se refermèrent sur le poignet de l'Envoleuse. Une formidable douleur fusa dans l'épaule de l'Envoleur, lui tirant un grognement étouffé. Bon sang, Naïs n'était pas lourde à ce point, si ? La réponse lui sauta aux yeux lorsqu'il les baissa. L'homme était toujours cramponné à son amie. C'était un type solidement bâti, vêtu de cuir sombre et armé jusqu'aux dents. Un tueur. Qui était couvert de sang. Priant pour qu'il ne s'agisse pas de celui de Naïs, Gil resserra sa prise autour du poignet de celle-ci et serra les dents. Il n'allait pas tenir longtemps. Un juron lui échappa.

- Bouge pas, marmonna-t-il à l'attention de la jeune femme.

L'instant d'après, une aiguille de métal quittait son poignet droit, frôlait la joue de Naïs et s'enfonçait dans l'oeil de l'homme qui s'accrochait à elle. Il la lâcha. Sous le choc et le soulagement qui en résultèrent, Gil faillit lâcher Naïs à son tour. Dans son mouvement pour rétablir sa prise, il glissa de trois bons mètres contre la pierre de la tour. Puis ses doigts crochetèrent l'encoignure d'une meurtrière et il arrêta leur chute. Sans un mot, il aida Naïs à s'accrocher à la muraille. Puis il se plaça à sa hauteur, son visage à quelques centimètres du sien. Et laissa enfin libre court à la colère qui l'emplissait tout entier.

- T'es cinglée ou quoi ? Cette chute aurait pu te tuer !

Il chuchotait pour ne pas se faire repérer par les gardes qui patrouillaient un peu plus haut, mais il aurait fallu être sourd, ou complètement idiot, pour ne pas percevoir sa fureur.

Et Naïs n'était ni l'un, ni l'autre.



[Ouf, je réponds enfin ! Il y avait un moment que j'avais quelques idées derrière la tête, mais jamais le temps pour les mettre en oeuvre ! J'espère que tu ne m'en veux pas pour cette looooongue attente !]
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MessageSujet: Re: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeDim 28 Juil 2013, 11:57

≈≈≈ Naïs ≈≈≈

Une main. Une poigne solide aggripe mon poignet, arrêtant net ma chute et m'évitant ainsi une mort certaine. Instinctivement, mes doigts se referment autour du poignet de mon sauveur tandis que de l'autre main, je crochète une prise. Mon coeur bat à cent à l'heure. De cette chute interminable. Et plus encore, de reconnaître cet Envoleur aux folles mèches sombres qui ne quitte jamais complètement mes pensées. Gil ! Bon sang ! M'a-t-il suivie depuis Fériane ? Bien que ce soit fort probable, je suis sacrément contente qu'il soit là : et pour cause, c'était moins une ! Mais, je n'ai pas le temps de soupirer ; je me plaque un peu plus contre la paroi, et retiens un instant ma respiration, tout juste le temps que Gil lance ses aiguilles sur le tueur solidement agrippé à ma cheville malgré son épaule réduite à l'état de bouillie. C'est sans un cri que celui-ci tombe finalement dans le vide – mort bien avant d'avoir heurté le sol. Acceptant l'aide de Gil pour me hisser sur le mur, je me retrouve bien vite à sa hauteur. Tandis qu'un petit groupe de soldats passent au dessus de nous sans nous repérer, l'Envoleur rapproche son visage du mien à tel point que nos souffles s'entremêlent, et laisse sa colère se déverser d'un seul coup. Durant de longues secondes, je  garde le silence, réfléchissant à cette réaction qui me tire un léger haussement de sourcil. Cette chute aurait pu me tuer ? Et alors ? C'était loin d'être la première fois que je défie la mort ! Pourquoi donc se met-il dans un état pareil ? Levant les yeux au ciel dans un vieux réflexe, comme si je n'avais jamais été aveugle, je soupire et me risque à un peu d'ironie.

« Sans blague ? » répliquais-je.

J'hésite un instant. Ravie que tu t'en soucie ! Je ravale ma salive et commence à descendre sans un mot de plus, soulagée de ne pas avoir dit quelque chose que j'aurais pu regretter et qui, en plus, aurait été parfaitement injuste. Ne faut-il pas qu'il tienne à moi un minimum pour me tirer des griffes de Samoan, se démener pour m'arracher à une mort certaine ? Secouant la tête, je parviens, non sans difficultés à faire le vide dans ma tête. Mes pieds ne tardent pas à toucher le dallage humide du sol. La pluie avait rendu les pierres glissante et cette désescalade délicate. Sans attendre, je file dans une petite ruelle du quartier sans doute le plus chic de la capitale. Au loin, l'agitation règne : Samoan aura dû retourner toute la ville pour me retrouver. Et si Hanwol est dans le coin, j'ai plutôt intérêt à me faire toute petite car si je fais échouer le plan du Mentaï, je ne donne pas cher de ma peau. Gil dans mes pas, je serpente dans les rues telle une ombre. Nous parvenons rapidement à atteindre la porte d'Emeraude, gardée par deux soldats. En les entendant discuter, je peste en silence. Evidemment, ils ont été prévenus de toute cette zizanie que j'ai semé dans les quartiers chics d'Al-Jeit. Plaquée contre le mur, je réfléchis à toute vitesse avant de déchirer le bas de ma chemise pour la nouer sous ma poitrine. Le col subit le même sort afin de le transformer en décolleté plongeant. Enlevant mes bottes non seulement pour conserver une démarche plus silence mais aussi pour me donner l'air d'une traînée, je les confie à Gil sans lui demander son avis, puis j'ébouriffe mes cheveux négligemment. Sortant de ma planque, je m'avance vers le premier soldat qui se tend sitôt qu'il m'aperçoit.

« Qui va là ? »

Je continue de m'avancer doucement, l'air parfaitement inoffensive. L'homme baisse alors sa garde. Le silence semble inquiéter son collègue.

« Alec, tout va bien ? » questionne-t-il.
« Oui, oui. Ce n'est qu'une fille des rues ! »
« Ah ! Ah ! Qu'attends-tu pour lui faire sa fête nigaud ! » éclate-t-il de rire, aussitôt rassuré.

S'il savait ! Un demi sourire énigmatique sur les lèvres, je franchis les derniers mètres qui me séparent de l'homme et me plaque contre lui tandis qu'il réprime un petit gémissement. D'une main faussement baladeuse, je le saisis derrière la nuque. J'ai tout juste le temps de sentir son sexe se durcir par l'envie avant de lui briser la nuque d'un geste sec et précis. Mortel. L'homme est mort bien avant de toucher terre. Le même sourire en coin accroché aux lèvres, je me glisse silencieusement à la suite du second garde, tel un félin prêt à bondir sur sa proie. J'ai à peine le temps de désarmer le type du tranchant de la main, de l'empêcher de crier ou de se débattre, qu'un projectile sorti de nul part fuse vers moi. Vers nous. Et touche l'homme. Une fabuleuse lame d'une vingtaine de centimètres environ dépasse de sa gorge. Il s'effondre à son tour dans un gargouilli écœurant. Guettant l'obscurité un instant, je finis par redescendre pour rejoindre Gil quand je sens une poigne rude et forte, vieillie par les années, m'entraîner dans une petite ruelle. Dans un réflexe de survie, je porte la main à ma ceinturepour y trouver mon poignard. En cinq secondes à peine, le tireur se trouve fermement coincé contre le mur, une lame froide posée sur la jugulaire. Mais la voix de l'homme ne tremble pas une seule seconde, surprenante de sang-froid.

« C'est ton frère qui m'envoie, Atal »

Au nom de mon frère, je relâche quelque peu la pression pour le laisser parler plus librement.

« Parle »
« Ainhoa a été blessée, grièvement. Elle se trouve entre la vie et la mort »

La nouvelle me fait littéralement l'effet d'une bombe. Ma soeur, blessée. Morte ? Presque morte ! Non. Non, non ! Impossible ! J'avais toujours fait mon possible pour la tenir à l'écart de tout cela, même si rien qu'en s'occupant de Seth comme son propre fils, elle risquait sa vie indéniablement. Des vagues successives mais non moins violentes s'abbattent sur moi : désespoir, colère, tristesse, détresse. Ma soeur, elle qui est si fragile. Je suis en plein cauchemar. Pourtant, pas une seule larme ne coule. Mes yeux restent secs alors que je sens que je suis sur le point de craquer, intérieurement. Heureusement, une main se glisse doucement dans la mienne, chaude et rassurante. Gil...


* *
*



« Et Reni ? Opale ? » m'entendais-je dire d'une voix égale, presque dénuée d'émotion.
« Mort ! La petite est vivante par je ne sais quel miracle... »

Samoan, même considérablement affaibli, avait encore une fois fait du joli boulot ! Ma soeur se trouve entre la vie est la mort. Encore une fois je culpabilise pour ne pas avoir su la protéger correctement de ce psychopate. Dans un réflexe, Atal avait apparemment pris la mer vers les Alines avec Ainhoa et Opale, évidemment, ainsi que Seth, le petit et Nwëlla, ma Nwëlla qui répond toujours présente quand les ennuis se pointent à l'horizon.

« Mon équipage est prêt à appareiller. Nous pouvons partir dès que tu t'en sens le courage... »
« Merci » fis-je en hochant la tête d'un air hagard.

C'est sans un mot de plus que je me lève et quitte la table pour aller me coucher dans la chambre, à l'étage. La pièce est un peu petite et les draps sentent un peu le rance, mais pour une nuit dans cette auberge, à vrai dire, je n'en ai cure. Le silence me paraît pesant, lourd de tristesse. Tandis que je me déshabille, de chaudes larmes commencent à couler sur mes joues. Mes vêtements glissants sur le sol, je me recroqueville sur le lit, donnant libre court à ma tristesse. Mais la porte ne tarde pas à s'ouvrir...
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Giliwyn SangreLune
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MessageSujet: Re: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeDim 11 Aoû 2013, 15:49

- Sans blague ? railla Naïs en levant ses yeux aveugles au ciel.

Gil se retint de la flanquer dans le vide, et il regretta sincèrement qu'elle ne puisse pas le voir lui tirer la langue avec humeur. Déjà l'Envoleuse descendait, comme si de rien n'était. Il venait de lui sauver la vie, non ? Sans la douleur lancinante dans son épaule, Gil en aurait fortement douté. Mais Naïs était Naïs : effrontée, inconsciente du moindre danger, elle filait comme une flèche et il fallait s'accrocher pour la suivre. Voilà pourquoi Gil s'empressa de la rejoindre. Pas question de la perdre sitôt retrouvée ! Il devait lui parler. Sauf que la discussion ne faisait pas partie du programme de la jeune femme. A peine avait-il posé le pied par terre qu'elle s'éclipsait déjà dans les ombres de la nuit. Pestant dans sa barbe, Gil lui emboîta le pas. D'accord, Princesse. Joue-là comme tu veux. Tu ne pourras pas m'éviter indéfiniment !

Il la suivit jusqu'à la porte d'Emeraude. Deux gardes patrouillaient. Dos contre le mur, Gil les regarda discuter à voix basse. Il s'apprêtait à interroger Naïs sur ses intentions lorsqu'il vit celle-ci déchirer sa chemise et la nouer sur son ventre, dégageant son nombril et sa peau mate. Il haussa un sourcil, puis comprit alors qu'elle agrandissait son décolleté. Il se plaqua à nouveau contre le mur, son attention braquée sur les gardes, et c'est presque mécaniquement qu'il attrapa les bottes que Naïs lui tendait. Il la suivi des yeux lorsqu'elle s'avança à la lumière vacillante des torches d'une démarche incroyablement sensuelle. L'ombre d'un sourire joua au coin des lèvres de Gil. Ces deux-là allaient tomber dans le panneau sans même s'en rendre compte...

- Qui va là ?
- Alec, tout va bien ?
- Oui, oui. Ce n'est qu'une fille des rues.
- Ah ! Ah ! Qu'attends-tu pour lui faire sa fête, nigaud ?


C'est elle qui va te faire ta fête, mon pote ! Un bruit sourd confirma sa pensée et Gil se décolla du mur, prêt à se fondre dans les ombres pour rejoindre Naïs. C’est à ce moment-là qu’il l’aperçu. Réagissant à une vitesse incroyable, il tira un couteau de sa ceinture, et il s’en fallu d’un cheveu pour que la lame ne quitte sa paume avec une précision mortelle. Non, pas un cheveu. Un geste. Un doigt ganté qui se lève et qui se pose doucement sur des lèvres pincées en un sourire un peu étrange. Chut, camarade. Intrigué, Gil suspendit son geste. Il attendait la suite. Il avait suffisamment confiance en Naïs pour ne pas sauter directement sur l’intrus et lui arracher la gorge. Elle pouvait très bien le faire toute seule si nécessaire. D’ailleurs, c’est l’intention qu’elle eût lorsque l’homme s’approcha d’elle. Un sourire satisfait glissa sur les lèvres de Gil lorsque l’Envoleuse plaqua l’inconnu contre le mur. Il allait se détourner quand une voix s’éleva dans le calme de la nuit.

- C’est ton frère qui m’envoie, Atal.
- Parle.
- Ainhoa a été blessée, grièvement. Elle se trouve entre la vie et la mort.


Gil n’avait absolument aucune idée de qui cet homme pouvait bien parler. Il connaissait seulement Atal et c’est peut-être ce qui alluma un signal d’alarme dans son esprit : pour que le frère de Naïs envoie quelqu’un à sa place, la nouvelle était grave et la situation urgente. Gil hésita. Devait-il laisser ces deux–là s’expliquer entre eux ? Il y a quelques années de cela, il aurait jugé n’être pas concerné par cette affaire. Il en aurait profité pour tirer sa révérence, comme il savait si bien le faire. Mais en voyant les épaules de Naïs s’affaisser, écrasées par un poids terrible, Gil comprit qu’il lui était tout simplement impossible de tourner les talons. Par la sainte culotte de tous les Empereurs de l’univers, mon vieux, tu vas encore te fourrer dans les ennuis… Il enjamba le corps d’un garde qui avait une lame plantée en travers de la gorge. Joli coup. Puis il s’arrêta à hauteur de l’épaule de Naïs.

- On ferait mieux de se tirer de là, dit-il en glissant d’autorité sa main dans celle de son amie. Sauf si vous préférez attendre la relève.

Ils s’éclipsèrent. Tandis qu’ils remontaient une rue à pas de loup, Gil jeta un coup d’œil à leur mystérieux messager. C’était un homme de taille moyenne, vêtu de noir et de cuir souple. Quelques mèches grises dépassaient de son capuchon. Un moment, il tourna la tête vers Gil et la lune éclaira les traits rudes de son visage, accentuant les creux et les ombres. Enfer, mais c’est un papy ! Gil se garda bien de faire le moindre commentaire. Il se souvenait de la lame enfoncée dans la gorge du garde. Ce type avait peut-être l’air d’un grand-père, il avait la force et la précision d’un homme de vingt-ans. Troublé, Gil resserra ses doigts sur ceux de Naïs. Ils finirent par déboucher dans le quartier des commerces. Ils étaient fermés en cette heure, mais une auberge ouvrait encore ses portes.

Quelques minutes plus tard, Naïs et le vieil homme étaient attablés dans un coin de la salle tout juste occupée par deux ou trois voyageurs de passage. Ils discutaient, les sourcils froncés par la gravité de la situation. Gil se tenait un peu plus loin, en retrait. Accoudé au bar, il les observait d’un air songeur, une bière tiède et mousseuse posée à côté de son coude. Il se tenait à distance pour signifier son indifférence, mais cela ne l’empêchait guère de tendre l’oreille et d’écouter. Et ce qu’il entendait ne lui plaisait pas du tout.

- Et Réni ? Opale ?
- Mort ! La petite est vivante par je ne sais quel miracle…


Malgré lui, Gil serra les poings. Samoan. Pas besoin de prononcer le nom de cette ordure pour deviner qu’elle était impliquée dans l’histoire. Responsable, même, et cette idée lui donnait la nausée. Dire qu’il avait tenu la vie de cet homme entre ses mains. Il avait été si près d’en finir avec lui. Si près…. Et pourtant, trop loin. Samoan lui avait échappé, et maintenant il poursuivait ses odieuses machinations.

- Mon équipage est prêt à appareiller. Nous pouvons partir dès que tu t’en sens le courage…
- Merci.


Gil se redressa en voyant Naïs se lever de sa chaise. Elle passa devant lui sans s’arrêter et disparut dans l’escalier qui menait aux chambres. Impassible, Gil s’appuya à nouveau contre le comptoir et but une longue gorgée de bière. Elle était affreuse. Il grimaça, puis avala une autre gorgée.

- Là d’où je viens, si jamais l’on ose servir une piquette de ce genre, on risque la prison.

Gil posa sa chope sur le comptoir et posa le regard sur le vieil homme qui venait de le rejoindre. Il avait rabattu son capuchon en arrière, dévoilant une masse de cheveux gris qui retombaient sur ses épaules. A la lumière, son visage paraissait moins vieux. Il avait des yeux très bleus et une vilaine cicatrice courait sur sa joue droite, depuis la temps jusqu’à la commissure des lèvres. Celles-ci esquissèrent un sourire sardonique.

- Souvenir d’un Ts’Lich mal luné. Ce jour-là, j’ai cher payé mon orgueil de jeune soldat…

L’évidence sauta aux yeux de Gil avec un temps de retard.

- Vous êtes un légionnaire.
- Je l’étais. J’ai pris ma retraite.


Une retraite qui le conduisait à s’attaquer aux gardes de la cité. Gil garda le silence, et celui-ci s’installa un moment entre les deux hommes. Ce fut le vieil homme qui le brisa.

- Vous allez l’accompagner ?
- Où ça ?
- Dans les Alines. Sa famille, enfin ce qu’il en reste, s’est réfugiée dans les îles.
- Et c’est votre équipage qui doit l’y conduire, n’est-ce pas ?


Pour toute réponse, l’ancien légionnaire se contenta d’un sourire énigmatique. Gil soupira. Il était venu ici pour trouver des réponses, pas pour voir du pays. Il était venu pour parler avec Naïs. Au lieu de cela, il se retrouvait à boire la plus mauvaise bière de tout l’Empire en compagnie d’une vieille recrue de la Légion Noire, un type qui avait survécu à sa rencontre avec un Ts’Lich et qui possédait un navire. Mieux valait ne pas envisager ce que cela induisait.

- Va pour les Alines, décida-t-il en se redressant.
- Bien. Demain, à l’aube ?
- On sera prêts.


Un signe de tête, et Gil disparut à son tour dans l’escalier. Le parquet grinça sous ses bottes. Parvenu dans le couloir, il s’arrêta. Hésita. Etait-ce le bon moment pour s’entretenir avec Naïs ? Il en doutait sérieusement. Finalement, il prit le chemin de sa chambre et ferma la porte derrière lui. Porte qui s’ouvrit une minute plus tard. Sans bruit, Gil traversa le couloir et se glissa dans la chambre de l’Envoleuse. C’était la dernière chose à faire, il le savait. Et si Libertée avait pu assister à la scène, elle l’aurait étranglé avec ses cheveux avant même qu’il n’ait atteint le lit de Naïs. Mais Gil n’avait aucune arrière-pensée en tête. Pas vraiment. La pièce était plongée dans le noir. Il ne voyait rien mais la respiration saccadée de Naïs parvenait à ses oreilles. Elle pleurait.

- Princesse…

Sans attendre de réponse, Gil s’allonge près d’elle et la prend dans ses bras.

- Ne pleure pas, murmure-t-il, le nez dans ses cheveux. S’il te plait, Naïs, ne pleure pas.
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MessageSujet: Re: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeSam 17 Aoû 2013, 17:16

≈≈≈ Naïs ≈≈≈

Princesse...

Recroquevillée sur moi-même, si seulement je pouvais me faire oublier du monde entier. Juste ne plus souffrir. Que cette impression de suffoquer s'instompe. Tandis que mes larmes coulent en silence, il me prend soudain l'envie de me laisser mourir. Pour enfin connaître la paix, au moins une fois dans ma vie. Et ne plus avoir mal – si mal, tellement mal, trop mal. Mon coeur saigne et cette voix, cette présence qui trouble ma solitude désespérée. Entre deux sanglots, le son qui sort de ma gorge est incroyablement rauque. J'ai mal.

« Fff... fiche... » prononcais-je de façon à peine audible, à peine compréhensible, incapable de dire un mot de plus. Trop mal.

Princesse...

Les bras protecteurs de Gil m'enserrent et un poids semble s'envoler, comme par magie. Mais les larmes, elles, continuent de couler en cascade le long de mes joues. Une boule s'est formée dans ma gorge, m'empêchant presque de respirer. Instinctivement, naturellement même, je me retourne et me blottis au creux de l'étreinte de l'Envoleur. Un élan de haine se mêle à la douleur et j'ai comme une envie de meurtre. Lorsque je déglutît un étrange goût de fer se propage dans ma bouche.

« Je... Je le déteste... »

Ne pleure pas...

Je veux crier, mais j'en suis tout bonnement incapable. J'ai la désagréable impression que mon crâne va exploser d'un instant à l'autre. Seul le rythme régulier d'un tam-tam et de douces caresses dans les cheveux m'ancrent encore dans la réalité et me permettent de ne pas devenir complètement folle de chagrin. Lentement, presque sans m'en rendre compte, mes yeux se ferment ; je sombre dans un sommeil sans rêves.

* *
*


Un sursaut. Je me réveille brusquement. Mon coeur cogne dans ma poitrine. Est-ce moi qui viens de crier ou ai-je simplement rêvé – ou cauchemardé ? Ne me laisse pas crie encore une voix dans mon crâne, comme un étrange écho. Il me faut quelques longues secondes pour calmer ma respiration saccadée. Glissant ma main dans mes cheveux, je tâche de reprendre mes esprits. Lentement, les souvenirs me reviennent, un à un. Ma soeur, l'homme à la capuche, Gil. Tout est bien réel. D'ailleurs, l'Envoleur, s'il reste silencieux pour le moment, est réveillé, je le sais. Un instant je me demande la raison de son retour vers moi. Vient-il pour tirer les choses au clair ? Me rassurer et me dire que je ne serai pas abandonnée, une nouvelle fois, pour élever ce gamin ? Ou bien est-il juste revenu pour m'informer qu'il compte disparaître de ma vie à jamais ? A cette idée, une boule d'angoisse se forme dans ma gorge. Je n'ose même pas envisager cette situation. Même pas l'ombre d'une toute petite seconde. Pourtant, cela me fait peur. Soupirant, je m'extirpe des draps doux et soyeux. Un léger frisson me parcourt de part en part lorsque mes pieds effleurent le plancher froid. Traversant la pièce je m'adosse à la fenêtre éclairée par les rayons pâles de la lune. Il doit rester au moins deux heures avant que le soleil ne se lève. Pas un chat ne rôde dehors. Pensive, je ramène mes jambes tout contre ma poitrine.

« Gil ? » prononcais-je dans un soupir « Pourquoi tu es revenu ? »

Voilà plusieurs minute que la question me trottait dans la tête. Pourquoi ? Jusqu'à trois semaines auparavant, je le croyais disparu dans la nature. Parti, avec Libertée peut-être. Sûrement même. Menant une vie loin des soucis et du danger. Libre. Vivant juste d'amour et d'eau fraîche. Une bouffée de colère, teintée de déception et d'une tristesse infinie envahie mon coeur quelques secondes.

« Honnêtement, je te pensais avec Libertée. Loin » murmurais-je en fronçant les sourcils « Je croyais vraiment que... que... tu ne reviendrais jamais... »

Par tous les enfers ! Voilà que l'émotion, l'angoisse accumulée ces dernières semaines me fait bafouiller. Je tremble comme une feuille. Doutant que ce soit la fraîcheur de la nuit qui soit en cause, j'enfouis un instant ma tête dans mes mains en essayant de me calmer.

« Tu ne sais pas la meilleure ? » commencais-je en tentant un brin de dérision « Ton apprentie pense que tu es amoureux... De moi... C'est stupide, non ? »

Tellement stupide. Je me demande encore où Kaünis a été pêché cette drôle d'idée. Enfin, elle avait quand même remarqué que Gil a indéniablement changé. Donc elle a finalement à moitié raison. Il est amoureux, non pas de moi, mais de Libertée. Depuis le début. Et ce que nous avons vécu ne signifierait rien ? J'en ai peur. Parce qu'au fond, même si je suis totalement amoureuse de Pan – sa présence me rassure et semble m'entourer d'une bulle protectrice, pleine de douceur et de promesses – je me mentirais à moi-même si je disais et affirmais que je n'éprouve rien pour Gil. Offrant mon corps à la lumière de la lune, je glisse une mèche rebelle derrière mon oreille.

« Je suis amoureuse de Pan et ça me paraît clair maintenant – je t'avoue que l'aime à la folie. Mais, je... je t'aime... aussi... autant... » je finis dans un soupir « J'ai peur, surtout que tout se finit toujours mal avec moi... »

La boule d'angoisse s'amplifie soudain, là, dans ma gorge.

« Oh bon sang ! Tout est de ma faute ! Si seulement j'avais été moins... naïve... Tout aurait été moins compliqué ! Et tu n'aurais pas été enchaîné à moi de cette façon... »

La brise fraîche me tire un long frisson. Tout est dit – ou presque. Mon coeur bat un peu plus fort. Ma respiration s'accélère quelque peu dans l'attente d'une réponse qui ne saurait tarder à tomber. Heureusement que je suis assise, je crois bien que j'aurais été incapable de tenir debout.




[Je me suis un peu emballée - tu me sonne si ça te convient pas ! Enfin, en tout cas, on dirait que ma petite Naïs avait finalement besoin de parler Very Happy]
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MessageSujet: Re: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeMar 20 Aoû 2013, 18:40

Ce n’était pas la première fois que Gil consolait Naïs, et il se sentait à nouveau coupable. De quoi, au juste, il n’en savait rien ; il n’était évidemment pas responsable de ce qui était arrivé à la famille de l’Envoleuse. Mais il en était à l’origine. Après tout, c’est lui qui avait laissé Samoan filer quand celui-ci était pourtant à sa merci… Il soupira. Combien de temps allait-il encore maudire cette terrible erreur ? Aussi longtemps que Naïs souffrirait, songea-t-il en s’efforçant de la tranquilliser. Mais Naïs pleurait à chaudes larmes, libérant une tension probablement accumulée depuis un bon moment. Il desserra légèrement son étreinte en la sentant se retourner, puis modifia sa position de sorte de se placer sur le dos, la jeune femme blottie dans ses bras, la tête nichée au creux de son épaule. Elle s’accrochait à son tabard avec l’énergie du désespoir et Gil sentit l’émotion former une boule dans sa gorge. De sa main valide, il dégagea quelques mèches de son front, essuya ses joues, caressa ses cheveux.

Ne pleure plus…

Au bout de ce qui lui semblait être une éternité, Naïs finit par s’endormir d’un sommeil agité mais néanmoins bienfaiteur. Il n’en ferma pas l’œil pour autant. Allongé dans le noir, il fixait les lattes du plafond que l’on devinait vaguement dans la pénombre. Tout son côté gauche était engourdi par le poids inerte de Naïs. Il aurait probablement dû regagner sa chambre en catimini, pourtant il resta là, immobile, attentif aux bruits qui lui parvenait depuis l’extérieur par la fenêtre entrouverte, sensible à la brise légère qui agitait doucement les rideaux et déposait un baiser frais et léger sur sa peau. Il n’avait ni la force ni l’envie de bouger. Trop de pensées agitaient son esprit. Samoan et son rire sardonique. Les paroles du légionnaire. Des souvenirs, des images en pagaille de Libertée. Libertée riant aux éclats, Libertée endormie, Libertée ondulant lascivement sous lui… Les sanglots de Naïs. Sa chute vertigineuse, qui aurait pu lui être fatale s’il ne s’était pas trouvé au bon endroit, au bon moment.

Espèce d’idiote, songea-t-il dans un demi-sourire. Puis il chercha sa main et referma doucement les doigts sur son poignet, parce qu’il avait eu peur, parce qu’il avait besoin de sentir battre son pouls avec la douce énergie du sommeil. Son parfum, frais et exotique, emplissait la pièce. Il était différent de celui de Libertée. Il ne lui faisait pas tourner la tête, ni ne le rendait fou, mais Gil savait que sans lui, il manquerait indéniablement quelque chose dans sa vie. Il tenait trop à elle pour envisager de la perdre. Samoan allait payer cher ce nouvel affront. Et cette fois, pas question de flancher ; dans l’obscurité de la chambre, Gil se fit la promesse que sa prochaine rencontre avec ce tordu serait également la dernière. Juré, promis. L’esprit moins tourmenté, Gil se laissa bercer par la respiration lente et mesurée de Naïs. Il ne s’endormit pas complètement, se contentant de somnoler. Pour cette raison, il sentit son pouls s’emballer et ouvrit les yeux bien avant qu’elle ne s’éveille d’un bond.

Il crut qu’elle allait se rendormir, mais Naïs avait visiblement besoin de se changer les idées. Il ne chercha pas à la retenir lorsqu’elle se glissa hors du lit avec sa légèreté coutumière. Dehors, la nuit pâlissait déjà, et l’ombre de l’Envoleuse se dessinait devant la fenêtre. Retrouvant la mobilité de son bras gauche, Gil attendit patiemment que le sang circule à nouveau normalement dans ses veines et que les derniers fourmillements s’estompent avant de joindre ses deux mains derrière sa nuque. Il restait silencieux. Il n’avait jamais été très bavard et puis, il n’avait pas grand-chose à dire. Sa présence se passait de mots. Ce fut Naïs qui finit par briser le silence. Elle s’était assise sur le rebord de la fenêtre, et comme d’habitude, elle avait ramené ses genoux contre sa poitrine.

- Gil ? Pourquoi tu es revenu ?

Il ne répondit pas, laissant filer les secondes et le silence. Il attendait la suite.

- Honnêtement, je te pensais avec Libertée. Loin.

C’était le cas. Et pourtant, c’était bien à cause – ou peut-être grâce à Libertée, qu’il était ici. Mais ça aussi, Gil le garda pour lui.

- Je croyais vraiment que… que… tu ne reviendrais jamais…

Murmure inquiet. Question muette. Gil se mordillait pensivement la lèvre inférieure. Il réfléchissait au moyen de répondre à Naïs sans la blesser. Elle était déjà sous le choc d’une mauvaise nouvelle, ce n’était donc pas le moment de lui parler de la solution qu’il avait trouvée à leur sujet. Pourtant, c’est avec une voix plus ferme que l’Envoleuse reprit :

- Tu ne sais pas la meilleure ? Ton apprentie pense que tu es amoureux… De moi… C’est stupide, non ?

Quoi ?!

Abasourdi, Gil mit plusieurs longues secondes à digérer cette information. Kaünis avait rencontré Naïs ? Et toutes les deux, elles avaient discuté sentiments à son égard ? Un frisson de frustration le secoua et il tordit mentalement le cou de son élève. Elle ne perdait rien pour attendre, celle-là... Amoureux. Haussant un sourcil, Gil jeta un coup d’œil en direction de Naïs. Elle semblait perdue dans ses pensées. Il la regarda glisser une mèche derrière son oreille. Avait-elle conscience que ce simple geste lui conférait un charme fou ? Comme pris en faute, Gil sursauta et rentra la tête dans les épaules en faisant la moue. Sa frustration augmenta d’un cran. Hélas, Naïs n’en avait pas terminé avec lui…

- Je suis amoureuse de Pan et ça me paraît clair maintenant – je t’avoue que je l’aime à la folie. Mais, je… je t’aime… aussi… autant… J’ai peur, surtout que tout se finit toujours mal avec moi… Oh, bon sang ! Tout est de ma faute ! Si seulement j’avais été moins… naïve… Tout aurait été moins compliqué ! Et tu n’aurais pas été enchaîné à moi de cette façon…

Il était étrange que les mots de Naïs ressemblent à ceux qu’il avait offert à Libertée. Gil réalisa alors à quel point l’Envoleuse et lui se trouvaient dans la même galère. Comme si la chance prenait un soin tout particulier à les éviter. D’une certaine façon, c’était une bonne chose : il se sentait moins seul, et sans doute qu’elle aussi. Mais comment savoir ce qui se passait à l’intérieur du crâne de Naïs ? Celle-ci s’était plongée dans un profond mutisme et Gil comprit que son tour de parole était arrivé. Il prit une longue inspiration, bloqua un bref instant ses poumons remplis, puis expira doucement. Les mains sagement croisées derrière sa nuque, il tenta de se donner un air impassible. Plutôt facile dans la semi obscurité de la chambre.

- Tu t’épuises inutilement, dit-il finalement. Tu réfléchis trop. Plus tu gamberges, plus tu te fais des nœuds au cerveau.

Seren lui avait fait cette remarque avec moins de tact et plus de violence. En vérité, Gil était étonné que la colère qui sourdait en lui ne jaillisse pas comme il s’y attendait. Au contraire, il s’exprimait avec un calme solide, infaillible et rassurant. Mais qui rassurait-il réellement ?

- Tu as raison : avant de venir, j’étais avec Libertée. On a beaucoup parlé.

De Naïs, du bébé, d’elle, de lui. Il s’étaient disputés, s’étaient réconciliés, s’étaient aimés. Fort.

- Je l’aime. Comme tu aimes Pan – peut-être plus. C’est merveilleux et compliqué à la fois. Je lui ai dit que je t’aimais aussi. Pas de la même façon : toi, tu es un peu moins que ma moitié, mais un peu plus qu’une petite sœur. Tu es mon ombre, ajouta Gil dans un sourire.

Il décroisa les bras et se leva pour s’approcher lentement de la fenêtre. Ses pas étaient silencieux. Il s’arrêta à côté de Naïs. Dehors, la nuit pâlissait à vue d’œil mais le soleil tardait encore à poindre, et les quelques étoiles qui saupoudraient le ciel brillaient vaillamment. Elles promettaient une journée sans nuages et sans pluie.

- Soyons honnêtes envers nous-mêmes et envers ceux que nous aimons, Naïs. Nous deux, c’est aussi mystérieux que le secret de l’œil d’Otolep. C’est pas de l’amour, c’est pire ! Alors à quoi bon se torturer l’esprit ?

Il s’interrompit brusquement. C’était mal dit, tout ça, mais il ne savait absolument pas comment s’y prendre pour expliquer ce qu’il avait en tête. Pourtant, dans son esprit, c’était simple… ou presque.

- D’accord, soupira-t-il en appuyant ses mains sur le bord de la fenêtre et en arrondissant le dos à la manière d’un chat. Je reconnais qu’on est mal barrés. De là à dire que tout est de ta faute… J’étais là, moi aussi. On a dansé tous les deux ensembles. Et dans le désert des Murmures, on étaient bien tous les deux dans cette case, non ?

Il leva la tête et observa un bref instant le visage de Naïs, éclairé par les premières lueurs de l’aube. Il se retint de lui caresser la joue.

- On est dans le même bateau…
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MessageSujet: Re: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeMer 21 Aoû 2013, 19:58

(Elle sourit distraitement à l'évocation de leurs péripéties dans le désert des Murmures)

- « Enfin, ça ne résout pas notre problème tout ça ! Qu'est-ce que tu comptes faire maintenant, Gil ? Partir ? »

(Elle enroule pensivement une mèche de cheveux autour de son doigt)

- « Ca serait plus facile, tu ne crois pas ? Parce qu'il faut quand même se rendre à l'évidence que, quoi que l'on fasse, on les fera toujours souffrir d'une manière ou d'une autre. Un beau jour, ils en auront marre, partiront et on se retrouvera seuls comme deux idiots. On aura plus qu'à s'en mordre les doigts... »

(Ses tripes se retournent rien qu'à l'idée de perdre Pan)

- « Il vaudrait mieux leur épargner ça, tu ne crois pas ? Vaudrait-mieux que tu m'oublie... Non ? »

(Elle se relève et vacille, comme prise d'une sourde angoisse)

- « Non, en fait non, autant m'arracher le coeur tout de suite »

(Elle sourit timidement)
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MessageSujet: Re: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeJeu 22 Aoû 2013, 12:59

- Enfer, ça non plus, ça ne nous fait pas avancer ! T'oublier ? Je ne crois pas en être capable. Et puis c'est idiot.

(Il penche la tête sur le côté, réfléchit.)

Tu aimes Pan. J'aime Libertée. Restons-en là. On est adultes, non ? On sait ce qui nous pend au nez si on flanche...

Naïs ? Qu'est-ce que tu comptes faire de cet enfant ? Est-ce que... tu lui as donné un nom ?
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MessageSujet: Re: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeJeu 22 Aoû 2013, 13:52

(Elle glisse une main dans ses cheveux tout en réfléchissant)

- « Je ne sais pas, Gil. Je n'en sais rien ! » (elle inspire longuement pour refouler un vent de panique) « Pour la première fois depuis longtemps, je ne sais pas quoi faire... »

« Ce n'est pas la réponse que tu espérais hein ? »
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MessageSujet: Re: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeJeu 22 Aoû 2013, 15:05

- J'espérais juste que tu sois un peu moins paumée que moi...

(Soupir)

Et Pan ? Comment il prend cette histoire ? Ce type m'a l'air de bien encaisser les coups...
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MessageSujet: Re: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeJeu 22 Aoû 2013, 15:35

- « Je, je... Je ne l'ai pas encore revu à vrai dire. Mais, je crois que je peux compter sur lui »  

« Gil, » (sa voix tremble)  « j'ai peur... » (elle essuie une larme d'un revers de main) « Pour ce gosse, pour nous, pour Pan et... Libertée. J'ai l'impression que ma vie m'échappe ! Que l'histoire se répète ! On aurait pas dû... »

(Elle cède finalement à une crise de panique)
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MessageSujet: Re: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeVen 23 Aoû 2013, 12:48

Elle croyait pouvoir compter sur lui. Gil se retourna pour faire face à la fenêtre et laissa son regard se perdre dans la lueur de l’aube. La chambre de Naïs donnait sur la cour de l’auberge ; petite, elle était entretenue avec soin, depuis les plantes visiblement comblées en eau jusqu’aux tables impeccablement lustrées. Il devait être possible de prendre ses repas sur la terrasse et l’endroit ne manquait pas de charme. Un chat tigré s’était installé sur un banc. Gil le suivit des yeux tandis qu’il jouait avec un insecte en battant l’air de ses pattes, mais son attention était ailleurs. Il pensait à Pan. Cet homme l’avait fasciné au premier regard, et pas seulement parce qu’il portait une paire de cornes sur la tête… Bon, d’accord, ce détail l’avait laissé coi un moment, mais Gil était de ceux qui se moquent bien des apparences. Il avait deviné que quelque chose de magistral se cachait sous cette allure de colosse étranger. Il ne s’était pas trompé.

En plus d’être un guerrier hors-pair, Pan était un grand sensible. Son attitude envers Naïs le prouvait. Quoi que souvent indifférent au monde qui l’entourait, Gil savait reconnaître certains sentiments humains, et parmi eux la tendresse ; elle brillait dans chaque regard que Pan posait sur Naïs. Oui, c’était un homme de confiance, et il s’en remettait à lui sans la moindre hésitation. Il n’aurait jamais laissé Naïs en compagnie d’un sale type. Elle devait bien le savoir, non ? Alors pourquoi cette tristesse ? Pourquoi cette hésitation ? Pourquoi ce « je crois » ? Il fronça les sourcils en se rappelant sa propre histoire avec Libertée. Ils s’étaient disputés au sujet de Naïs. Sa petite marchombre était jalouse – comment lui en vouloir ? – et il la trouvait adorable lorsqu’elle se mettait en rogne. Mais il l’avait blessée, et il se maudissait pour cela. Comment Pan avait-il réagi ? Gil ne se souvenait plus très bien. Lui-même sous le choc de la révélation, qui avait pris les traits d’un nouveau-né, il n’avait pas fait attention au reste. Seul le départ de Libertée l’avait profondément marqué. Néanmoins, Pan était quelqu’un de très magnanime. Le fait qu’il n’ait pas trouvé Gil pour lui refaire le portrait en était la preuve…

- Gil… J’ai peur… Pour ce gosse, pour nous, pour Pan et Libertée. J’ai l’impression que ma vie m’échappe ! Que l’histoire se répète ! On n’aurait pas dû…

Il tourna la tête pour voir Naïs fondre en larme.

- Naïs !

Incapable d’ajouter quoi que ce soit, Gil referma ses bras sur elle. Vraiment, il n’aimait pas qu’elle soit dans cet état de faiblesse insoupçonnée. Elle qui était si vive, si forte se transformait soudain en une petite chose vulnérable, et tout ce qui restait de sa puissance se retrouvait concentré en un mur épais et solide qu’elle érigeait entre elle et le monde extérieur. Une carapace inviolable et incompréhensible, même pour Gil. Désemparé, il frémit en la sentant trembler contre lui.


- Hé…

Il glissa un bras sous ses jambes et la souleva dans ses bras.

- Décidément, c’est pas ton jour, murmura-t-il en l’emportant vers le lit.

Il s’assit au bord du matelas et, Naïs sur les genoux, entreprit de la calmer. Il essuya ses larmes du bout de ses pouces. Embrassa le sommet de son crâne, ses tempes, ses joues humides. Caressa sa nuque, son dos, massa doucement ses épaules pour qu’elle se détende. Inventa toutes sortes d’anecdotes pour la faire rire. C’était presque devenu une habitude, cette façon de consoler une femme en pleurs ! Et pourtant, Naïs et Libertée ne réagissaient pas pareil face à la douleur. La première pleurait toutes les larmes de son corps quand la seconde cessait de respirer. L’Envoleuse tremblait comme une feuille, la marchombre s’était évanouie. Et alors que Libertée était devenue raide comme un piquet, l’obligeant à frictionner ses membres pour les détendre un par un, Naïs était toute molle dans ses bras, petite poupée de chiffon qu’il s’efforçait de réanimer.

- Du nerf, ma Princesse ! chuchota Gil. Me laisse pas tomber comme ça, dis…

Il l’embrassa sur le nez avant de caler sa tête dans le creux de son épaule. Appuyant son menton sur le sommet de son crâne, il continua de la bercer tout en analysant la situation. Et si Naïs avait raison ? S’il était vain pour eux de continuer ainsi, voire même malsain ? En y réfléchissant bien, Naïs avait pleuré les trois ou quatre dernières fois qu’ils s’étaient vus. Elle avait failli perdre la vie au moins trois fois et il l’avait mise en danger à plusieurs reprises. Pan et Libertée n’étaient pas les seuls à pâtir de cette relation pour le moins étrange… Mais fallait-il vraiment qu’il s’en aille, qu’elle l’oublie ? Le cœur lourd, Gil réalisa qu’il était prêt à faire ce genre de sacrifice pour elle. Il préférait la savoir heureuse aux côtés de Pan plutôt qu’en pleurs à cause de lui. Mieux vaut être seul que mal accompagné, pas vrai ?

- Le jour se lève, dit-il au creux de son oreille. Repose-toi encore un peu.

Mais elle ne put se détacher de lui, ni lui d’elle, et il finit par s’allonger, Naïs blottie contre lui. Tout va s’arranger, murmurait-il en peignant doucement ses cheveux avec ses doigts. Il ne savait pas qui il cherchait réellement à convaincre, mais c’est ainsi qu’il s’endormit, une main perdue dans la douce chevelure de la jeune femme, l’autre posée sur sa hanche. Quiconque les aurait vu aurait pensé à deux amants et se serait attendri, ignorant qu’il s’agissait de plus – bien plus que cela. Une fraternité informelle, une amitié indestructible. Sauf, peut-être, par la portée d’un choix à faire…
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MessageSujet: Re: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeMer 28 Aoû 2013, 22:19

≈≈≈ Naïs ≈≈≈

J'ouvre un oeil paresseusement. Puis l'autre, tout doucement. Et je tâche d'ordonner un peu mes idées. Par la sainte culotte de l'Empereur, voilà que je me tape un mal de crâne impossible ! J'ai dormi plus que mon compte, mais l'impression d'être au bout du rouleau, du moins physiquement, fatiguée, vidée, me tenaille. Tandis que je me recroqueville imperceptiblement sur moi-même, je sens une main protectrice m'enserrer un peu plus. Gil. Un léger sourire étire mes lèvres avant que les souvenirs me reviennent petit à petit. Ma soeur. Notre conversation. Inspirant longuement, je refoule la boule d'angoisse qui commence à se former au fond de ma gorge avec toute la volonté dont je suis capable. Instinctivement, je mêle mes doigts à ceux de l'Envoleur, encore endormi. Il allait falloir que je parte, cependant une foule de sentiments contradictoires se livrent bataille en moi. D'un côté, ma soeur a besoin de moi plus que jamais, et d'autre je n'ai aucune envie de prendre le large en laissant Gil derrière moi – sans compter Pan qui doit sûrement s'interroger encore sur les raisons de ma fuite. Ramenant un peu plus la main de Gil contre moi, tout contre ma poitrine, pour essayer d'y puiser la force nécessaire à ce voyage qui s'impose, je ne m'attends pas le moins du monde à ce que trois petits coups presque inaudible frappent à la porte.

Haussant un sourcil, je soupire tout bas et laisse s'écouler quelques longues secondes de silence avant de me détacher lentement de l'Envoleur. Tandis que je m'assieds sur le rebord du lit, une rafale de vent s'engouffre dans la chambre à travers la fenêtre ouverte, promettant une première journée de navigation éreintante. Difficile même ! Glissant une mèche rebelle derrière mon oreille, je finis par me lever et traverser la pièce en silence d'un pas léger et aérien. Enfilant mes vêtements en vitesse, je vais pour ouvrir la porte : Iorys semblait posté sur le seuil depuis un petit moment. Dans un instant d'hésitation, je lui confie mes bottes et me retourne. Juste le temps de me glisser près de Gil qui flotte encore dans une sorte de demi sommeil réparateur. Ecartant quelques mèches folles de son visage, je dépose un baiser léger sur sa joue mal rasée – si près de la commissure de ses lèvres que je peux sentir son souffle chaud sur ma peau.

Me retournant sans plus tergiverser, je rejoins Iorys et ferme la porte en silence. Son soupir est équivoque ; en effet, alors que nous descendons les escaliers, il ne retient pas longtemps ses mots – redoutable de lucidité.

« Il ne vient plus finalement ? »
« Je ne pense pas qu'il veuille s'embarquer pour un voyage si long ! » soufflais-je en me forgeant un masque d'impassibilité « Tu sais, quelqu'un d'autre l'attend, ailleurs... »

Un long silence s'installe entre nous avant qu'il ne hausse simplement les épaules tandis que je sors une pomme de ma sacoche, la faisant rouler sur mon épaule pour l'attraper de l'autre main.

« Si tu le dis » répond-t-il sans grande conviction alors qu'il enfourche son cheval.

Me hissant souplement sur la scelle, je laisse mes pensées vagabonder encore quelques secondes vers Gil. La mort dans l'âme je lance Océan dans un trot léger, suivant le rythme imposé par Iorys. Pas un chat sur les chemins en ce début de matinée, seul le chant des oiseaux nous accompagne tout le long du chemin. Durant l'heure qu'il nous a fallu pour rallier le port d'Al-Jeit, exposé à la merci des humeurs océaniques, nous n'échangeons pas un mot. De temps à autre, Iorys siffle un air de musique entraînant, me sortant ainsi de mes pensées. Petite distraction au milieu d'une foule de problèmes. L'odeur du sel monte envahit mes narines, m'enveloppe toute entière ; elle porte en son sein comme un arrière-goût d'aventure. Ayant laissé nos montures dans les écuries les plus proches, nous ne tardons pas nous trouver plongés dans l'agitation des docks. Louvoyant habilement entre les gens qui se pressent, nombreux, au marché au poisson pour profiter de la pêche du matin. Nos pas nous mène au bout d'un quai isolé où se trouve amarré un vieux rafiot secoué par les flots.

« Salut ! » dit une voix, me tirant de mes réflexions « Tu dois être Naïs ? Moi, c'est Akemi, je suis la fille d'Iorys et son second accessoirement. Bienvenue à bord ! » ajoute-elle en me tendant une main amicale.
« Merci de ton accueil » répondis-je en lui serrant la main.

Alors que la fille remonte sur le bateau, je me fais la réflexion qu'elle doit sûrement être une sacrée meneuse. Hochant la tête, je m'apprête à monter sur le bateau quand, cette fois-ci, c'est la voix d'Iorys qui m'arrête dans mon élan, résonnant dans ma tête. Naïs, attends ! Quoi ? Pourquoi ? Attends me susurre mon instinct. Au fond de moi, je connais la réponse et c'est sans doute pour cela que je me retourne. Juste pour entendre s'approcher d'un pas que je saurais reconnaître entre mille, un certain Envoleur mal rasé que j'ai laissé à A-Jeit à peine une heure auparavant. Gil ! Mon coeur fait un bond dans ma poitrine. Avant que des dizaines de questions n'assaillent mon esprit. Je croyais qu'il partirait, retrouver Libertée. Surtout après ce que j'ai dit ce matin. Oublie-moi ! En vérité, plus j'y réfléchis et plus je me rend compte à quel point c'est loin d'être une solution. Car s'il me paraît de plus en plus clair que j'ai Pan dans la peau, jamais je ne serait capable de tirer un trait sur Gil. Nous deux, c'est aussi mystérieux que le secret de l'oeil d'Otolep ! Au moins, oui ! Mais il n'empêche qu'il contribue à mon équilibre, pleinement et complètement. Ce besoin de son contact, doux et rassurant est peu à peu devenu vital ; et s'il ne semble pas s'en rendre tout à fait compte – évidemment puisqu'il est complètement fou de sa marchombre – cette certitude pulse en moi, puissante. Un large sourire fend mon visage, l'instant d'après je me jette dans ses bras, enserrant son torse musclé des miens. Posant ma tête tout contre lui, j'écoute un instant les battements sourds de son coeur. Jamais je n'aurais cru que l'Envoleur m'accompagne dans ce voyage par delà les mers. Et pourtant...

« Merci, Gil... »

Murmure, venu du fond du coeur.

* *
*


Akemi disait vrai ce matin. Ces rafales de vents étaient mauvais signe. La mer devient de plus en plus mauvaise depuis quelques un peu plus de trois heures à présent. A mesure que les creux se font plus dangereux, la tension augmente et chacun retrouve son poste. La pluie commence à tomber à petites gouttes tandis qu'au loin, le tonnerre gronde, menacant comme l'estamac d'un tigre affamé. Inconsciemment, tous mes muscles se contractent et mes cheveux se hérissent sur ma nuque. Toutefois, c'est avec un sourire mutin que je profite d'une vague un peu plus puissante que les autres pour déséquilibrer Gil dans une joute enfantine. C'est avec regret que je me hisse sur le pont, mon rire résonnant encore, pour aider les hommes à réduire la voile. Cette fois, la pluie tombe à grosse goutte et le vent s'intensifie – dire que nous avions quitté Al-Jeit sous un grand soleil. Pestant en silence, je frissonne légèrement avant de m'accrocher aux haubans, malmenée par les rafales de vent.

Un éclair zèbre le ciel. Le tonnerre gronde violemment. Est-ce pour me prévenir ? Pour me dire de me méfier ? Quoi qu'il en soit, je ne m'attendais pas à une telle violence. La vague surgit, puissante, dangereuse. Mortelle. Je résiste quelques secondes, vainement. L'eau m'attire, m'aspire à elle et je finis par lâcher les cordages. Même pas le temps de prendre une respiration. Même pas le temps de me demander ce qu'il se passe. L'océan, traître, m'entraîne dans ses profondeurs abyssales. Un instant je reste immobile, vidée de lutter contre les éléments. Et à vrai dire, je me rend compte que je suis bien là. L'air me manque. Mes poumons ne tardent pas à me brûler, terriblement douloureux. Coulant comme une pierre, à moitié assommée, je cherche ce qui pourrait me relier à la surface. Me ramener à la vie. A la souffrance, la douleur, la perte. Est-ce que tout ça en vaut la peine ? Je dois probablement délirer. Eclair de lucidité avant que mes poumons ne commencent à se remplir d'eau – avant de sombrer, littéralement.

Boum. Boum. Boum.

...





[Un peu curieuse cette réponse, mais voilà, je me suis emportée là-dessus... Quelle sacrée celle-là ! xD]
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MessageSujet: Re: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeSam 31 Aoû 2013, 15:42

Gil remua dans son sommeil. Il était en train de rêver et c’était fichtrement plaisant car un sourire béat flottait sur ses lèvres. Dans son rêve, il était affalé dans un champ de blé. L’air sentait bon l’été, un vent tiède agitait doucement la chevelure de miel du brin de femme assise près de lui. En appui sur ses bras tendus, la tête renversée en arrière, elle avait fermé les yeux pour apprécier la caresse du soleil sur son visage. Elle était nue. Pourtant Gil ne pouvait détacher son regard de ces pommettes bien dessinées, cette ligne de la mâchoire qu’il mourait d’envie d’effleurer. Il n’en eut pas le temps. La belle ouvrit soudain les yeux et plongea son regard rose dans le sien.

Libertée !

L’Envoleur sursauta, ouvrit les yeux et tendit instinctivement le bras vers celle dont il venait de rêver. Sa main caressa les draps froissés et ne rencontrèrent que tu vide. Dépité, le jeune homme roula sur le côté en marmonnant dans sa barbe. Un rêve. C'était juste un rêve. Décidant qu’il avait encore une chance de le retrouver, Gil bâilla, s’étira et se lova dans ses draps. Il était sur le point de s’enfoncer à nouveau dans le sommeil lorsqu’enfin, ses neurones principaux se reconnectèrent entre eux. Il ouvrit brusquement les yeux, se redressa et regarda encore une fois le côté gauche du lit. Vide. Pourquoi vide ? Le jeune homme bondit, ouvrit la porte et sortir en trombes dans le couloir, le drap encore à moitié enroulé autour de lui. Il se rua dans la chambre voisine – celle qu’il était censé avoir occupé durant la nuit. Vide aussi. Il retourna dans la première chambre, se planta devant la fenêtre. Son regard bicolore étincela à la lumière du jour.

Toi, si je t’attrape, je te jure que ça va barder !!




*




Le temps n’était pas propice à une petite balade en mer. Le ciel avait cette couleur indéfinissable, ni grise ni bleue ni blanche, qui piquait les yeux et agaçait prodigieusement par cette odieuse hésitation : pleuvra, pleuvra pas ? Pleuvra un peu. Quelques gouttelettes glacées seulement, histoire d’ajouter un peu de maussade à cette désagréable journée. Mais le pire restait le vent. C’était lui que redoutaient les pêcheurs et les marins, car c’était lui qui apportait la tempête dans son souffle puissant. Or, tempête et bateau faisaient rarement bon ménage. Pourtant,  l’embarcation amarrée au port était sur le départ : l’équipage s’activait sur le pont et dans les haubans, chargeant les derniers paquets et vérifiant une dernière fois les cordages. En voyant les quelques personnes prêtes à embarquer sur le quai, Gil talonna sa monture.

Il dévala la pente qui menait aux docs, sauta par-dessus l’énorme malle que transportaient des hommes vers le port et galopa jusqu’au navire. Il ne fit pas attention ni à l’embarcation, ni aux gens qui le regardaient passer avec de grands yeux, certains admiratifs, d’autre courroucés par une telle agitation. Apercevant enfin ce qu’il cherchait avec tant de conviction, il poussa un juron et sauta à terre sans prendre la peine d’arrêter son cheval, qui poursuivit sa course jusqu’à ce qu’une silhouette encapuchonnée ne l’attrape par la bride. Gil traversa à grandes enjambées la distance qui le séparait de Naïs. Il avait la ferme intention de lui en coller une – elle le méritait, après tout ! Mais lorsque la jeune femme se retourna pour se jeter dans ses bras, sa détermination flancha.

Vola en éclats lorsqu’elle se blottit contre lui. Coupé dans son élan, frustré au possible, furieux et amusé tout à la fois, Gil leva son poing serré… et s’en servit pour frotter le crâne de Naïs. Tête de mule. Tu me le paieras, jura-t-il lorsqu’elle se tortilla pour lui échapper. Il se doutait qu’elle l’avait volontairement laissé en arrière pour un tas de raisons qui, pour la plupart, lui échappaient ; mais s’il était disposé à tirer sa révérence, il n’en ferait rien avant d’avoir aidé son amie à retrouver sa famille. Elle pouvait bien essayer de l’en empêcher, il était prêt à s’enchaîner à elle s’il le fallait ! Et devant l’air déterminé de Gil, Iorys éclata de rire.

- Réveil difficile ? lança le légionnaire d’un ton où la moquerie était reine.

Gil jeta un regard noir à Naïs – elle ne pouvait pas le voir, mais elle sourit quand même. Peste !

- J’ai été… mal informé au sujet de l’heure du départ, marmonna-t-il.

Iorys rit à nouveau et tendit les rênes de Pic à son cavalier pour lui asséner une bourrade dans le dos.

- Ravi de te compter tout de même parmi nous, camarade ! Sois le bienvenu sur mon vaisseau !

Gil posa alors pour la première fois le regard sur le navire qui devait l’emmener sur l’océan déchaîné. Et son moral dégringola jusque dans ses bottes.




*




Gil aimait l’Océan.
Il l’avait découvert pour la toute première fois à l’âge de dix-neuf ans, et cette rencontre restait gravée dans son cœur et sa mémoire. Le fracas des vagues sur les brisants, le goût salé des embruns, l’incroyable palette de couleurs qui dansaient entre l’eau et le ciel ; même les cimes enneigées des Dentelles Vives ne valaient pas, à ses yeux du moins, la beauté du Grand Océan. Question de point de vue, et il était prêt à défendre le sien avec acharnement tant il était sensible à l’appel du large. Il y avait d’ailleurs cédé dix ans plus tôt et c’était une expérience unique dont il gardait également le souvenir. A l’époque, il était en plein apprentissage avec Seren, qu’il avait temporairement quitté sur un coup de tête après une énième dispute particulièrement violente. Le hasard l’avait conduit sur la côte sud ; pendant une semaine, il avait traîné dans le port, observant le ballet incessant des matelots qui chargeaient et déchargeaient les navires, détaillant les innombrables esquifs qui venaient s’y amarrer, s’abreuvant des anecdotes que les marins rapportaient, le soir venu, dans les tavernes bondées.

Comment s’était-il retrouvé embarqué à son tour ? Aujourd’hui encore, il se posait cette question sans trouver la réponse parfaite. Une impulsion, un brusque changement de direction, une folie, tout était possible et, quelle qu’en fut la véritable raison, il s’était ainsi retrouvé sur l’Aiglon pour une destination inconnue. Il n’avait rien trouvé de mieux pour mettre une distance raisonnable entre Seren et lui. Le roulis incessant de l’Aiglon avait failli avoir raison de sa volonté mais, après trois jours et deux nuits passés à vider davantage que le contenu de son estomac par-dessus bord, il avait commencé à découvrir le quotidien des matelots. Et à l’apprécier. Rompu aux exercices les plus dangereux et compliqués qui soient en tant que mercenaire, Gil n’avait pas perdu courage en s’astreignant aux tâches ingrates et difficiles qu’on lui avait attribué. Se lever avant l’aube pour lessiver le pont, seconder le maître coq, vérifier la cambuse, danser sur les cordages, éviter les rixes et surtout les mauvais coups, pêcher, réparer les filets, dormir dans un hamac aux côtés d’une vingtaine d’hommes plus ou moins louches et prendre son quart sous la voûte éthérée, voilà ce qui l’avait occupé cinq mois entiers.

Il avait mouillé dans les plus grands ports de l’Empire, essuyé les tempêtes les plus terribles, connu la faim, la soif et la peur à plusieurs reprises, récolté son lot de cicatrices ; et quand on lui avait proposé de faire partie de l’équipage au titre de cambusier, l’idée de quitter définitivement la terre ferme pour vivre une toute nouvelle liberté l’avait effleuré. C’est alors que l’Aiglon, qui croisait par les Alines, avait été sabordé et coulé par des pirates. Gil s’en était sorti de justesse en s’échouant sur une plage où les pêcheurs d’un village qui vivait en autarcie, le clan du Dauphin, l’avait trouvé. De retour sur le continent, il avait rejoint Seren et avait battu ce dernier en combat libre en utilisant les techniques apprises au sein de l’équipage de l’Aiglon. Depuis, Gil n’avait plus remis le pied sur un navire.

Mais lorsqu’il se retrouva à bord du Maraudeur, il retrouva instinctivement les gestes et les réflexes enfouis dans sa mémoire. Debout sur le pont, il éprouva du regard les cordages et les voiles qui claquaient dans le vent. L’envie de se hisser dans les haubans le tarauda. Trop occupé à faire taire cette envie, il ne vit pas qu’on l’observait à  la dérobée depuis qu’il était monté à bord. Jusqu’à ce qu’un picotement familier sur sa nuque lui fasse tourner la tête vers l’auteur de ce regard perçant. On aurait dit un homme, avec ses cheveux coupés en brosse et son accoutrement, mais les formes que ne dissimulaient pas la chemise et les longs cils qui bordaient ses grands yeux bleu ne trompaient pas. Appuyée avec nonchalance contre le bastingage, la jeune femme avait croisé les bras sur sa poitrine. Un sourire malicieux jouait sur ses lèvres.

- Toi, t’es pas un gars de la terre.

La remarque tira un sourire à Gil.

- Ça dépend des jours, dit-il en glissant ses pouces dans sa ceinture. Et toi, tu es la plus respectée de la bordée.

Elle pencha la tête sur le côté.

- Qu’est-ce qui te fais dire ça ?
- Ta présence sur ce vieux rafiot, pour commencer. En général, les femmes ne sont pas les bienvenues à bord. Question de croyances. Tu n’es pas en train de t’activer pour le départ, donc tu n’es pas un simple gabier. Les deux hommes qui viennent de nous croiser ont baissé les yeux, non pas par dédain mais par respect. Et tu as les yeux de ton père.


Elle éclata de rire et se détacha du bastingage pour se planter devant lui.

- Pas mal pour un étranger ! Je suis Akemi "la Bastagne", dit-elle en lui tendant une main protégée par une mitaine en cuir. Le second et maître d'équipage de ce vieux rafiot.
- Gil SangreLune, répondit l’Envoleur en serrant sa main. Il peut vraiment naviguer ?
- Mieux qu’aucun autre navire de cet Empire.


Le clin d’œil qu’elle lui lança acheva de le convaincre.




*




Akemi n’avait pas menti. Pour miséreux que paraisse le Maraudeur, c’était un vaillant esquif et il affrontait les éléments avec audace. Iorys avait en outre un excellent équipage, dirigé d’une main de maître par la fille de l’ancien légionnaire ; Gil savait qu’une parfaite cohésion entre matelots et une précision de manœuvre impeccable est ce qui fait la force d’un navire. Voilà bien une heure que celui-ci bataillait dans la tempête, secoué dans tous les sens par un vent à décorner les bœufs et malmené par des vagues de plusieurs mètres. Malmené par l’Océan démonté, le Maraudeur tanguait, gémissait, craquait dans le vacarme assourdissant du tonnerre et des bourrasques. Une pluie battante lessivait le pont et un épais brouillard rendait chaque tâche plus compliquée et dangereuse qu’elle ne l’était déjà.

- SangreLune !

Gil essuya son visage d’un revers du bras. Il était trempé jusqu’aux os et ses longues mèches gouttaient dans ses yeux, brouillant sa vision. Il leva la tête ; Akemi lui désignait le mât. Réduire la voilure, comprit-il. Tout en se tenant au bastingage pour ne pas céder aux coups de vents et aux trombes d’eau salée qui se déversaient sur le pont, Gil fit un pas en avant. Glissa lorsque Naïs lui fit un croche-pied. Tendit le bras pour attraper sa cheville et la faire basculer à son tour. Il se redressa le premier et la dépassa pour commencer à grimper dans les cordages qui mordaient ses paumes. Il n’avait pas dépassé la moitié de son ascension lorsque le Maraudeur plongea. Il piqua du nez dans le creux d’une vague et celle-ci balaya le pont. Il baissa les yeux, vit une silhouette se faire happer et projeter par-dessus bord comme un fétu de paille.

Naïs !

Il attrapa une corde, sauta sur le pont et se rua vers le bastingage. Il allait l’enjamber lorsque quelqu’un l’expédia en arrière d’une bourrade. Akemi. Elle avait passé une ligne d’amarrage autour de sa taille et, sans la moindre hésitation, plongea dans les eaux tourmentées. La corde se tendit et céda sous la poulie. Gil lâcha un juron et se jeta à plat ventre pour saisir le bout avant que celui-ci disparaisse à son tour. Emporté par une force terrible, il glissa jusqu’au bastingage qu’il heurta de plein fouet. Sonné, aveuglé, il banda ses muscles et se mit en butée pour retenir son précieux fardeau. Deux hommes lui prêtèrent main forte. En ahanant, ils commencèrent à tirer la ligne. Elle coupa la chair de leur paume aussi efficacement qu’un couteau mais ils ne faiblirent pas et bientôt, une main gantée d’une mitaine de cuir agrippa le bastingage. Gil la saisit et se pencha pour attraper la jeune femme sous les aisselles. Sans forces, Akemi s’effondra sur le pont, Naïs à côté d’elle.

- Bordel… de… merde… haletait la fille du capitaine.

Gil était déjà penché sur Naïs. Celle-ci était pâle comme un mort et elle avait les lèvres bleues de froid. Elle ne respirait pas.

- Non !

Plaquant ses mains sur la poitrine de son amie, Gil commença un massage cardiaque. Il comprimait son thorax avec force, les yeux rivés sur le visage figé de Naïs.

- Respire ! cria-t-il avant d’interrompre son massage pour poser ses lèvres sur les siennes et lui offrir son souffle.

Une vague s’écrasa sur eux, lourde et glacée.

- Naïs ! insista Gil en s’acharnant de plus belle sur la poitrine de l’Envoleuse. Espèce d’idiote sans cervelle ! Respire, bon sang !!

Peut-être l’insulte fit-elle mouche. Quoi qu’il en soit, Naïs s’arc-bouta soudain et recracha enfin toute l’eau qu’elle avait ingurgité. Gil la fit basculer sur le côté pour l’aider et se laissa tomber en arrière, le souffle coupé. Son regard croisa celui d’Akemi. Incapable de dire quoi que ce soit, il formula un « merci » silencieux qu’elle accueillit d’un hochement de tête avant d’attraper la main d’un de ses hommes et de se relever d’un bond. Le temps que Gil se redresse à son tour, elle avait déjà atteint le pont supérieur et criait ses ordres comme si rien ne s’était passé. Stupéfiant.

- Debout, Princesse.

Sans lui laisser le temps de répondre, Gil glissa ses mains sous les aisselles de la jeune femme pour la hisser sur ses jambes. Le Maraudeur était toujours balloté comme un bateau de papier. Gil enroula un cordage autour de son poignet et encercla de son autre bas la taille de Naïs pour la maintenir contre lui.

- Essaie de rester entière jusqu’à la fin de cette traversée, tu veux ? grogna-t-il en baissant la tête lorsqu’une vague passa au-dessus de leur tête.



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MessageSujet: Re: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeDim 01 Sep 2013, 22:34

La nature se déchaînait, littéralement. Les redoutables vents du sud sifflaient une bien inquiétante mélodie qui aurait pu aisément s'apparenter à une ode funeste. La foudre s'abbattait sur les flots, zébrant le ciel de leur pâle lumière. Le grondement furieux du tonnerre menaçait de déchirer les entrailles de la terre. Les flots semblaient composer une danse particulièrement dangereuse, défiant un peu plus la colère du ciel. Il aurait fallu être fou pour s'aventurer en mer par une telle tempête, même sur le bateau le plus insubmersible de tout l'empire ; nul marin ne l'ignorait. Dans le village, il se murmurait qu'il s'agissait, de mémoire d'homme, de l'une des plus violentes tempêtes de l'histoire de l'empire. Chacun restait calfeutré chez soi, les fenêtres barricadées solidement. Cependant, un peu plus tôt dans la matinée, un vieux rafiot qui ne prêtait pas de mine, avait appareillé malgré le vent et le ciel ni bleu, ni gris annoncant une certaine dégradation du temps. Perdu au milieu de l'océan, le Maraudeur était malmené par la violence des vagues, des vents et de la pluie.

*


≈≈≈ Naïs ≈≈≈

Respire !

Cette voix lointaine, m'appelle, presque suppliante. Elle semble profondément empreinte d'une peur indescriptible. Qui cela peut bien être ? Qui peut bien vouloir me ramener à la vie alors que je m'accroche à la mort malgré la pression sur ma poitrine ? Qui peut bien tenir à moi à ce point ? Je ne reviendrai pas, cette fois-ci, sans une bonne raison – une vraie bonne raison.

Respire !
Non !

*

La tempête avait fait sa première victime. Elle gisait, là, inerte, sur le pont du Maraudeur. Sa peau sombre était d'une pâleur cadavérique. Ses lèvres avait pris une teinte bleutée. Elle ne respirait plus. Seule sa beauté sauvage aux doux parfums exotiques trompait la mort. Ses cheveux sombres et humides retombaient sur autour d'elle, lui créant ainsi une sorte d'auréole. L'homme penché au dessus d'elle massait sa poitrine avec l'étrange énergie de celui qui a peur de perdre un être cher. Il défiait la mort qui s'était emparé de ses traits fins depuis déjà une petite éternité. A chaque seconde, la femme semblait s'éloigner du monde, de lui, de la vie. Jusqu'à ce qu'une ultime pression sur sa poitrine, ne la ramène à elle.

*


≈≈≈ Naïs ≈≈≈


Espèce d'idiote sans cervelle ! Respire bon sang !

De l'air ! Enfin ! La douleur dans mes poumons s'appaise lentement tandis que, roulant sur le côté avec l'aide de Gil, je recrache toute l'eau que j'ai avalé quelques minutes plus tôt. Complètement désorientée, il me faut plusieurs longues secondes encore avant de retrouver une respiration à peu près normale, de sentir mon sang pulser puissament dans mes veines et mon coeur battre à un rythme fou. M'attrapant sous les bras, Gil me remet sur mes jambes sans que je n'ai le temps de protester ; heureusement, qu'il me tient solidement car je vacille dangereusement encore un instant ! Par la sainte culotte de l'Empereur, à force de jouer ainsi avec le feu – ou l'eau dans le cas présent – un jour je mourrai pour de bon ! Tout en balayant cette pensée d'un revers de main, je me fais la réflexion qu'en attendant, l'idiote sans cervelle que je suis doit encore une fois une fière chandelle à Gil : sans son acharnement à me sauver la vie, il y a longtemps que je ne serait plus de ce monde !

Au loin, sur le pont supérieur, Akemi lance des ordres, imperturbable. Sa voix s'éléve comme un phare dans la tempête. Elle guide son équipage dans le chaos, pas de doutes, c'est bien la fille de son père : une meneuse née ! Me saisissant d'un bout que Gil me tend, je lui adresse un sourire empreint d'innocence. Un sourire d'ange qui en aurait fait fondre littéralement plus d'un. Le nouant autour de ma taille – cela éviterait au moins que je me noie – je fais volte face. La voilure ne se réduira pas toute seule !

* *
*


Depuis la tombée de la nuit, le temps s'améliore d'heure en heure. Si les vents malmènent encore le Maraudeur, la pluie a désormais cessé. Les rires gras des marins réchauffent l'atmosphère mieux que ne le pourraient la chaleur d'un feu. Seul Iorys, resté dans sa cabine, manque à la petite fête. Assise sur un tonneau, je trinque avec le Borgne, un vieux loup de mer endurci qui connaît Iorys depuis des années. Son haleine pue l'alcool – forcément après la demi douzaine de pinte qu'il a déjà englouti – mais il n'est indéniablement pas en reste !

« Alors, paraît qu'on te ramène au pays ma Jolie ? »
« Enfin, si je reste entière jusque-là, oui... »

Le Borgne éclate d'un rire tonitruant avant de finir sa bière d'un trait.  

« Bah, t'en fais pas ! Par ma barbe, t'es sur l'rafiot l'plus sûr d'tout l'empire : Akemi t'aurait jamais laissé à la flotte » plaisante-t-il « Et t'chéri non plus ! » ajoute-t-il d'un ton équivoque.

Hein ?

« Qui ? Gil ? Ce n'est pas... »
« T'les choisis bien on dirait ! C't un bieau gamin qu'a le pied marin, musicien et en plus l'a sacrément l'air de t'nir à toi ma Jolie ! »

Sentant le rouge me monter aux joues, je profite que l'attention du bougre soit momentanément détournée pour m'éclipser discrètement. Les dernières notes joyeuses d'un morceau de flûte s'envolent dans l'atmosphère. Je reste un instant les bras croisés, perdues dans mes pensées, avant qu'un sourire amusé n'étire mes lèvres. Me glissant, plus légère qu'un rêve, derrière Gil, je laisse mes doigts courir à ceinture pour y dérober l'instrument – ce n'était pas la première fois me soufflait un souvenir à la fois si proche et si loin – et lui passer sous le nez presque trop facilement.

« C'est de la part de l'idiote sans cervelle ! » le défiais-je en tirant la langue effrontément.

Filant, aussi rapide qu'un feu follet, je serpente entre les tonneaux. Me sachant poursuivie, je descends dans la cale, ne serait-ce que pour pimenter un peu le jeu. Ombre parmi les ombres, je contourne les hamacs et fait tourner Gil en bourrique durant de longues minutes avant que je ne me retrouve coincée. Décidée à ne pas lui rendre la victoire plus facile, je me coule souplement tout contre lui, contre son torse, et lui fais un croche-pied. Ou du moins je le voulais. Parce que, déjà, il réagit, redoublant de rapidité, m'obligeant ainsi à reculer et l'affronter dans une joute amicale, comme deux véritables gamins ! Nos rires résonnent dans l'air, insouciants et légers. J'en aurais presque mal aux abdominaux !

Soudain, je me sens basculer en arrière et mon coeur rate un battement avant que je ne réalise que je venais de me prendre les pieds dans un hamac. Tout se déroule alors très vite. Dans un réflexe, je me rattrape aux bras de l'Envoleur, l'entrainant dans ma chute plus qu'autre chose. Sans trop comprendre ce qu'il m'arrive, je me retrouve allongée sur le bois, pouffant d'un rire nerveux alors que Gil m'écrase de tout son poids. Aussitôt, l'Envoleur cherche un appui pour se relever ; dans l'obscurité, ses doigts ne réussissent qu'à trouver mes frêles poignets. Me figeant, je réalise seulement notre proximité. Nos souffles s'entremêlent. Les pointes, déjà durcies – enfer ! –, de mes seins effleurent son torse à travers sa chemise ouverte tandis que je me tortille sous Gil. Mon corps réagit, éveillant des sensations que j'aurais voulu garder enfouies profondément en moi. Je déglutis avec difficulté tandis que mon coeur cognait dans ma poitrine. Le temps semble avoir suspendu son cours tandis que j'essaye vainement de faire taire les réactions en chaine de mon corps.

Par la sainte culotte de l'Empereur...





[Ma petite Naïs ? Bah, ce n'est pas son genre à s'attirer des emmerdes, non :roll:Tiens, en parlant de catastrophe... marteau ]
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Giliwyn SangreLune
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MessageSujet: Re: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeLun 02 Sep 2013, 23:14

Aussi incroyable que cela puisse paraître, Naïs était toujours entière lorsque la tempête s’éloigna du Maraudeur, laissant le navire secoué mais lui aussi vaillant. Un exploit, tant pour l’un que pour l’autre, et c’est ce qui expliquait en partie la raison de l’euphorie qui régnait à bord depuis que la houle s’était calmée. On se mit à rire, à ouvrir les tonneaux et servir la piquette dans une ambiance que seuls les hommes de la mer connaissent. Gil se sentit brusquement replongé dix ans en arrière. Les yeux grand ouvert, il observait la démarche massive des gabiers et regarder le vin couler à flot. Il buvait les paroles du Borgne, le charpentier. C’était un homme fascinant, non pas parce qu’il avait l’âge d’être leur grand-père à tous mais parce qu’il savait raconter les histoires mieux que personnes. Il captait sans effort l’attention de son public et le tenait en haleine jusqu’à le surprendre d’une pirouette digne des plus grands romans de ce monde. On prenait plaisir à l’écouter et quelques instants seulement suffisaient à s’adapter à la rudesse de son langage.

L’Océan aussi était stupéfiant. Après des heures à lutter avec acharnement contre sa fureur, l’équipage voguait désormais sur une mer d’huile ; plus calme qu’un lac, plus mystérieuse qu’un lagon avec cette lueur lunaire qui adoucissait les ténèbres mais ne rivalisait pas avec les lanternes du Maraudeur. En vérité, l’Océan était d’humeur changeante, mais Gil l’aimait sous toutes ses facettes, qu’il soit tranquille ou complètement démonté. En mer, il n’y a pas de demi-mesure : on n’aime la vie à bord ou on ne l’aime pas. Gil l’appréciait. Et il n’était pas le seul. Perchée sur un tonneau, une chope à la main et la tête légèrement penchée sur le côté, Naïs s’abreuvait des anecdotes du Borgne. Son visage détendu et souriant prouvait qu’elle était parfaitement à son aise, en dépit de la mésaventure qui avait failli lui coûter la vie quelques heures plus tôt. Akemi lui avait prêté une de ses chemises. En la voyant vêtue de la sorte et riant aux plaisanteries de l’équipage, Gil lui trouva des allures de pirate. Pas mal pour une princesse, concéda-t-il en s’éloignant vers le pont supérieur.

Un léger bruit de voix lui parvint tandis qu’il enjambait une casse renversée pour gravir les quelques marches menant à la barre. Akemi était en train de discuter avec le timonier, un homme aux cheveux longs rassemblés en catogan dans son dos, qui avait un regard perçant et parlait peu. La fille de’Iorys menait ainsi la conversation, émaillant son discours d’ordres sur le cap à tenir. Gil les observa un instant, fasciné de voir à quel point Akemi en imposait malgré sa frêle stature. Ce type avait beau être sous ses ordres, il paraissait capable de la broyer en deux d’une seule main. Lorsque Gil s’avança, les deux hommes se jaugèrent un bref instant du regard, comme pour éprouver la carrure, la prestance de l’autre ; puis l’Envoleur hocha la tête et le timonier en fit autant.

- Gil, voici Jak, dit La Mirette. C’est lui qui nous a sorti de la tempête.
- Beau boulot.
- Ouais.


Ce ouais voulait aussi bien dire « merci » que « c’est normal, c’est mon métier, je suis payé pour ça », et Gil décida que ce Jak lui plaisait. Il le regarda manœuvrer la barre avec dextérité puis leva les yeux vers Akemi.

- Et toi ?
- Quoi, moi ?
- Ça t’arrive de piloter le Maraudeur ?
- Seulement si j’y suis contrainte. Et si La Mirette est malade.


Autrement dit : jamais.

- Diriger un équipage est une chose, ajouta Akemi. Diriger un navire en est une autre. Moi ce que j’aime, c’est être là-haut.
- Là-haut ?
répéta Gil en levant le nez.
- Suis-moi !

Déjà la jeune femme attrapait les cordages. Elle se hissa sans effort au poste de vigie et l’homme en poste, La Lorgnate lui laissa la place sans rechigner. Question d’habitude, comprit Gil en se hissant près d’Akemi. Un vent frais et mouillé lui cingla le visage, l’obligeant à se placer de profil et à plisser les yeux tandis que le rire d’Akemi résonnait à ses oreilles. Elle avait les bras écartés de chaque côté d’elle et les yeux fermés. Comment décrire l’expression peinte sur son visage ? Une émotion comme celle-là se passait de mots et Gil songea fugacement à la poésie Marchombre. Libertée lui en avait parlé une fois avant d’abandonner face à son impassibilité la plus totale. Si on lui avait donné de quoi écrire, peut-être aurait-il réussi à enrichir l’alavirien de quelques sonorités que lui inspirait le bonheur d’Akemi.

- Est-ce que tu fais ça souvent ?
- Monter à la vigie ?
- Plonger pour sauver des vies.


Akemi ouvrit ses yeux bleu et observa un moment son interlocuteur en silence.

- Si je ne l’avais pas fait, tu aurais plongé, pas vrai ?
- Ouais.
- C’est un « ouais » façon La Mirette ?
- Si tu veux…


Nouveau rire, nouveau silence. Gil apprécia ce moment de tranquillité pure, de presque solitude au-dessus de l’Océan qui les rapprochait doucement des Alines. En baissant les yeux, il découvrit le Maraudeur sous un angle bien différent et ô combien merveilleux : les lanternes, l’agitation des marins, la voix rocailleuse du Borgne et le murmure des vagues conférait à l’embarcation un nouvel aspect, plus mystérieux et moins démoralisant. Si Akemi ne lui avait pas pincé le bras pour attirer de nouveau son attention, il se serait cru en train de rêver.

- Qu’est-ce que c’est ?

Elle désignait sa ceinture. Gil y porta la main sans comprendre, puis son visage s’éclaira et il tira sa flûte pour la lui présenter.

- Mon arme fétiche.
- Incroyable…
- Quoi, la flûte ?
- Non, toi. Tu n’as rien d’un musicien, SangreLune.


Mis au défi par cette simple remarque, Gil porta l’instrument à ses lèvres et croisa les doigts pour que l’eau ne l’ait pas endommagée. Les premières notes s’élevèrent dans la nuit, légères et parfaitement ajustées ; de perplexe, Akemi devint sidérée, puis attentive et Gil s’amusa de voir ses yeux s’agrandir à la manière de ceux d’un enfant. C’était quelque chose, de jouer à un tel endroit. Ce n’était sans doute pas ordinaire et il s’imprégna de cet instant avec bonheur. Ses yeux vairons sourirent lorsqu’en bas, les marins entonnèrent un chant qui s’accordait à sa mélodie. Ce fut magique. Puis la tête de La Lorgnate apparut et le matelot se débarrassa de ses deux visiteurs avec la délicatesse d’un Raï de mauvaise humeur. Gil fit la course avec Akemi pour redescendre, perdit de bonne grâce et accepta une énième rasade de vin. Bientôt, il eut l’esprit assez embrouillé pour oublier la raison de sa présence sur ce navire. Il n’était plus qu’un marin parmi les autres, un homme qui profitait de l’instant présent en buvant les parole d’un vieux loup de mer et qui, pour une fois, était heureux d’être là où il se trouvait.

Une main glissa doucement le long de sa hanche. Gil tourna la tête et réagi trop tard : déjà Naïs s’élançait, sa précieuse flûte entre les mains. Comme au bon vieux temps, hein ? Posant sa chope, l’Envoleur se lança à sa poursuite sous les commentaires salaces de l’équipage, virevoltant avec moins de grâce que d’ordinaire entre les tonneaux. Il était ralenti par l’alcool et perclus par la fatigue, mais pour rien au monde il aurait abandonné cette partie ! Elle disparut dans la cale, il la suivit. Sauta par-dessus des malles, renversa une ou deux tables, se cogna une demi-douzaine de fois sans jamais s’avouer vaincu. L’idiote sans cervelle ne méritait pas de gagner. Profitant de ce qu’elle ne pouvait pas évaluer les lieux du regard et anticiper ses actions, il fit un bond formidable, roula sur le sol et la coinça contre un mur. Ou plutôt, voulut la coincer ; elle lui faucha les chevilles et il n’évita la chute que d’extrême justesse. La provoqua aussitôt pour répondre à sa passe audacieuse, l’obligeant à reculer. Encore. Encore…

Jusqu’à ce qu’elle trébuche. Tendant les bras dans un réflexe pour la retenir Gil se sentit basculer à son tour. Il jura en tombant, grogna en s’écroulant lourdement sur Naïs, pesta en tentant de se redresser. Se figea en la sentant se figer. Il ne voyait rien dans cette obscurité aussi épaisse que de la purée de pois mais cela ne l’empêchait pas d’entendre, de toucher et de sentir. La respiration rauque de Naïs. Son souffle sur ses lèvres. Pris de cours, Gil fit une autre tentative et ses mains trouvèrent les poignets de la jeune femme. Il les serra. Pas très fort, juste assez pour se prouver – leur prouver – que tout ceci n’était pas un rêve. Qu’il fallait se réveiller.

- Gagné, murmura-t-il.

Le souffle de Naïs s’accéléra. Les battements de son cœur aussi. Il sentait son pouls s’emballer sous ses doigts. Détail insignifiant qui déclencha une véritable tempête de désir. Gil eut l’impression qu’une vague de chaleur déferlait sur lui et emportait ses dernières défenses. Il aurait dû se dégager. Il aurait dû arrêter le jeu. Mais Gil se sentit plonger tête en avant dans le brasier qui l’animait et il fut incapable de faire marche arrière ; il se pencha et posa ses lèvres sur celles de Naïs. Doucement. Comme s’il n’y croyait pas lui-même, comme si le moindre geste brusque pouvait faire éclater la bulle d’obscurité et les dévoiler au monde. Et lorsque la jeune femme réagit, il s’abandonna à cette force incroyable qui le poussait de l’avant. Ses doigts glissèrent le long des bras de l’Envoleuse, ses lèvres se firent plus exigeantes, son ardeur plus pressante. Il approfondit son baiser, n’ayant plus conscience que de Naïs.

Elle, en train de soupirer.
Elle, en train de l’embrasser.
Elle, en train de vivre.

Et Naïs, Gil, comment tu l’aimes ? Est-ce que tu la désires toujours ?

Un éclat de raison déchira la brume qui enveloppait ses pensées et Gil sursauta comme s’il s’était blessé. C’était le cas : il s’était brûlé les ailes en approchant trop près de la lumière.

Si je reste, c’est tout le temps. Je te suivrai comme ton ombre, sans jamais te lâcher. Tu n’auras plus de moment pour toi, plus de moment juste avec Naïs !

Gil s’écarta brutalement de Naïs et se redressa d’un bond. Il entendant Naïs haleter dans le noir et sa propre respiration lui répondait. Lentement, il porta la main à ses lèvres, les effleura sans y croire. Et pourtant…

- Je suis désolé.

Il tourna les talons avant d’avoir de nouveau du mal à se contenir. Le Maraudeur tangua, le projetant contre le mur avec force. Il ne ralentit pas l’allure, fila comme une flèche à travers la cale ; il ne poursuivait plus personne, c’était lui qui cherchait à s’échapper. Comme il grimpait les marches à toute vitesse, il heurta la personne qui descendait : Iorys. L’ancien légionnaire s’arrêta et croisa un instant le regard vitreux de Gil. Haussa un sourcil en le découvrant les cheveux ébouriffés et la chemise froissée. S’effaça pour laisser le jeune homme passer. Gil jaillit sur le pont et courut jusqu’à la poupe du navire. Là, le souffle court et la mine défaite, il se pencha par-dessus le bastingage, comme pour vider ses tripes d’un mal invisible. De l’eau lui éclaboussa le visage, il n’en avait cure. Ça dissimulait les larmes qui roulaient sur ses joues en plus de calmer les bouffées de chaleur, de colère et de frustration qui le secouaient. Il finit par se laisser glisser sur le sol, épuisé, démoralisé.
Déterminé.

Car il venait juste de prendre une décision cruciale : s’éloigner de la lumière avant d’y perdre davantage que ses ailes.
S’éloigner de Naïs.





*



- Terre !

Le cri le plus puissant du monde. Il avait jailli de la bouche de La Lorgnate et chacun avait interrompu sa tâche le temps de lever le nez en direction du sud. Une bande rocheuse se découpait nettement à l’horizon. Les Archipels Alines. Gil hocha la tête et se replongea dans le tressage de sa cordée. Un travail délicat que le Borgne avait cru ne jamais pouvoir lui apprendre, jusqu’à ce que l’Envoleur ne montre suffisamment de progrès pour mériter un compliment du gabier. Depuis, il poursuivit son travail avec acharnement, aussi bien pour ne pas décevoir le vieux loup de mer que pour éviter de croiser Naïs. C’était impossible sur un rafiot de cette taille, et le peu de fois où ils s’étaient vus, ils étaient parvenus à respecter une neutralité parfaite en échangeant des banalités. Salut, ça va ? Oui, ça va. Bien dormi ? C’était mouvementé hier, hein ! Bon, ben, je te laisse…

Je te laisse. Je t’en foutrais, des « je te laisse », ronchonnait mentalement Gil en s’appliquant sur sa corde. Il jeta un coup d’œil en direction de Naïs et le ballet de ses doigts ralenti la cadence tandis qu’il observait son profil songeur. Que se serait-il produit la veille s’il n’avait pas interrompu ce moment d’ivresse ? Son cœur se serra à la pensée qu’il aurait pu trahir Libertée une nouvelle fois. Et il s’enfonça les ongles dans les paumes en réalisant qu’à défaut de blesser l’une, il avait réussi à blesser l’autre. Pinçant les lèvres en une moue qu’Akemi, qui l’observait à la dérobée, trouva absolument adorable, Gil s’efforça de se concentrer sur son travail. En vain. Il ne parvenait pas à se sortir de l’esprit les images qui, il le savait, allaient le hanter encore un moment. Des images et des sensations. Il cligna des yeux, rata un rang, jura vertement. Le Borgne éclata de rire, Akemi leva les yeux au ciel et Gil s’enfonça encore plus profondément dans la morosité. Il fallait se rendre à l’évidence : Libertée était sa force et Naïs, sa faiblesse. C’était ainsi et il ne pouvait rien y faire.

Ou plutôt si : il pouvait partir. C’était sa décision et, quoi qu’il lui en coûte, il la mettrait à exécution. Une fois Naïs et les siens en sécurité. Juré promis, Cabochard ? A nouveau, Gil leva les yeux vers Naïs. Ouais, ouais.

Promis juré.





[Ouais ben si ça continue ça va continuer et continuellement alors... continue xD]
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MessageSujet: Re: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeLun 09 Sep 2013, 10:43

≈≈≈ Naïs ≈≈≈


Alors que le Maraudeur arrive doucement à quai, je me hisse sur les haubans pour aider les marins à réduire la voilure. Le vent, joueur, s'engouffre dans mes cheveux sombres gonflant un peu plus la voile, ce qui tire un énième juron au vieux Borgne. Dans un exercice d'équilibre périlleux, je traverse la vergue qui me sépare de la hune pour rejoindre le vieux loup de mer qui déjà me tend un bout avec un geste d'humeur.

« Attrape ça gamine et réduis la grand voile ! » grogne-t-il.

Sans un mot, je saisi la corde et me lance dans le vide sans plus tergiverser. Le poids de mon corps suffit à réduire la voilure. Sautant sur le pont sans lâcher le bout, je l'attache rapidement en un noeud solide et efficace, mais facile à défaire – c'est là tout le secret des noeuds marins d'ailleurs. Errant au hasard, je manque de heurter Gil de plein fouet. Aussitôt je recule précipitamment, comme si le simple fait de le toucher allait déclancher une véritable tornade. Glissant une mèche rebelle derrière mon oreille d'un air sombre, je contourne l'Envoleur sans un mot. Mes pas, vifs et rapides, me mènent jusqu'au bastinguage. Une drôle de sensation me prend d'un seul coup, désagréable et douloureuse. Inspirant profondément, je refoule la bile qui me serre la gorge et me brûle l'estomac. Les larmes me montent aux yeux et, même elles me piquent douloureusement. D'un geste rageur, je m'essuie les joues d'un revers de bras tout en me demandant comment nous avions pu en arriver là ? Comment cela avais pu se produire alors que je m'étais autrefois juré que cela ne m'arriverait plus – plus jamais ?

* *
*


Gagné

* *
*


Tout avait commencé par un simple jeu. Un jeu de gamins – de grands gamins. Un jeu du chat et de la souris. Le temps avait arrêté son court avant qu'il n'emporte leurs rires, ce qui n'était  indéniablement pas sans rappeller cette nuit fraîche d'hiver, à Fériane, qui avait mis Naïs Jol et Giliwyn SangreLune sur la même route. Comment avaient-ils pu en arriver là ?

* *
*


Une vague de souvenirs m'emporte. Mon souffle s'accélère et j'ai presque l'impression de sentir les lèvres de Gil sur les miennes, passionnée et presque exigeantes. Toute une palette de sensations multicolores m'envahit – je frissonne, je gémis, je le veux, je m'abandonne complètement et irrémédiablement. Et puis, soudain, plus rien. Seuls subsistent trois petits mots qui me vrillent les tympans.

* *
*


Je suis désolé

* *
*


Trois petits mots. Ils s'aiment profondément, passionnément, éternellement. Et pourtant, ils se déchirent, se blessent, aiment, vivent. Parce qu'ils se débattent, ils se détruisent l'un l'autre. Comme si la fatalité les poursuivait inlassablement. Triste histoire.

* *
*


« Naïs ! » appelle une voix que je connais bien.

Nwëlla coupe court à mes pensées moroses. Pour toute réponse, je lui souris sans vraiment en avoir le coeur avant d'enjamber le bastinguage pour la rejoindre. Une légère odeur sucrée envahit l'atmosphère à mesure que je me rapproche de mon amie de toujours. Mon coeur fait un bond dans ma poitrine tandis que le babillement joyeux d'un bébé s'élève dans l'air. Enfer ! Elle est venue avec lui – mon fils. Je sens soudain tous les muscles de mon dos, de ma nuque, de mon corps, se raidir alors que je tends machinalement la main vers la petite chose à l'aube de sa vie dans les bras de l'Envoleuse. Ses doigts, si frêles, si légers, si fragiles, effleurent la paume de ma main avec une extrême délicatesse. Une bulle de profonde intimité se crée autour de nous, seuls nos doigts entremêlés me retiennent ancrée dans la réalité. Secouant la tête, je m'autorise à respirer à nouveau avant que l'intensité d'un regard brûlant posé sur ma nuque ne me fasse frissonner. Gil ! Je fronce les sourcils imperceptiblement, l'air grave.

« Où est-elle ? » demandais-je, d'un ton froid ne laissant transparaître aucune émotion.

Le silence qui suit me semble incroyablement long. Ma gorge se noue, ma respiration s'emballe, mon coeur cogne dans ma poitrine. Je veux crier. Pleurer. Mourir. Que ce cauchemard s'arrête ! Au lieu de cela, je renforce la façade de la femme sûre d'elle et forte que je montre au monde.

« Viens » murmure Nwëlla

Je suis mon amie sans un mot ; seuls les babillements joyeux du bébé meublent le silence pesant. Nos pas nous mènent dans un établissement qui ne paye pas de mine, face aux quais. Sitôt que nous pénétrons à l'intérieur, une délicieuse odeur salée envahit l'atmosphère. Nwëlla salue plusieurs personnes alors que nous serpentons entre les tables de l'immense salle à manger, jusqu'aux escaliers. Le bois est imprégné d'une odeur de cire et de propreté clairement perceptible. Bien qu'entretenu, il grince tout de même sinistrement sous nos pieds. Bientôt, nous arrivons dans un couloir étroit, isolé des chambres de l'étage inférieur, et au bout, une porte. La pièce dans laquelle repose ma soeur est vaste, chaude et agréable. En me rendant compte que je peux parfaitement entendre sa respiration sifflante, mon coeur se serre. Machinalement, presque comme un robot, je prends le bébé des bras de Nwëlla pour le blottir tout contre ma poitrine. Le contact de sa peau douce, son odeur sucrée possèdent l'étrange pouvoir de ne pas me faire complètement perdre la raison. Je me tourne un instant vers mon amie.

« Laisse-moi »
« Comme tu veux... » répond-t-elle avant de sortir en silence et de fermer délicatement la porte.

Seule, enfin seule, je craque.

* *
*


≈≈≈ Atal ≈≈≈

Cela fait maintenant toute l'après-midi que Naïs s'est enfermée avec Ainhoa. Qui sait ce qu'elle peut bien ressasser ainsi, dans sa solitude ? Si la lune est déjà haute dans le ciel, la chaleur est toujours aussi étouffante. Voilà qui me change un peu de la douce fraicheur d'Al-Chen. Embrassant l'horizon du regard, je soupire. Ca y est, le voici ! Là haut-sur la hune, seul, il est recroquevillé sur lui-même. Comme ma soeur, il semble porter toute la misère du monde sur ses épaules ! Ah, ces deux-là ! Avant de monter sur le Maraudeur qui tanguait tranquillement, j'adresse un bref signe de tête à Akemi qui discute avec un type que je ne connais pas – un pirate certainement. Sautant par dessus le bastinguage, je m'élève sur les haubans avec une facilité presque déconcertante, une pinte de bière dans une main, éclairé seulement par les rayons timides de la lune. Il ne me faut pas longtemps pour rejoindre Gil et lui tendre en silence la pinte qu'il vide d'un trait sans hésiter. Fronçant les sourcils, je suis son regard perdu au loin. Vers une fenêtre ouverte. Naïs. Le petit. Tous les deux endormis sur le rebord de la fenêtre. Je secoue la tête, désbusé, avant de m'asseoir à côté de l'Envoleur. Il semble dans un tel état qu'il serait sûrement plus sage de le laisser seul avec lui-même. Mais je ne serai pas un ami si je m'en allait sans lui parler.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »

Seul le silence me répond. Au fond, je le sais, mais je voulais l'entendre dire.

« Que comptes-tu faire ? »

La lueur au fond de ses yeux dépareillés me répond mieux que n'auraient su le faire des mots, des phrases. Il ce regard un peu fou de quelqu'un qui va faire quelque chose à laquelle il ne croit pas vraiment. Quelque chose qui le déchirait et qui ferait plus de mal que de bien. Une bêtise réalisais-je en haussant un sourcil.

« Tu connais Naïs, tu sais comme moi qu'elle ne fais rien dans la demi-mesure et c'est ce qui la rend si forte et si fragile à la fois »

Je laisse mon regard courir dans les étoiles, la brise jouer dans mes cheveux avant de reprendre.

« Quand... Samoan... est parti, la laissant seule, enceinte, elle s'est presque laissée mourir. Les mois qui ont suivi ont été difficiles, malgré nos parents qui se sont beaucoup occupé d'elle. Elle a fait des cauchemards, souvent. Et puis, s'est finalement jurée de ne jamais plus aimer, de ne jamais plus avoir d'enfants alors qu'elle avait la vie devant elle »

Je souris imperceptiblement : j'avais réussi à capter l'attention de l'Envoleur. Dans ses yeux, je peux voir qu'il commence à comprendre cette carapace qui entoure ma soeur, qui la fait parfois agir d'une drôle de façon.

« C'est seulement après cinq longues années que cet ordure a commencé à se manifester à nouveau. Tu sais sans doute que le frère jumeau de Seth est mort sept ans auparavant, tué par les sbires de Samoan » continuais-je, observant du coin de l'oeil la réaction de Gil « Mais pas seulement, nos parents aussi sont morts, ce jour-là. Elle s'en est voulue, terriblement. Et encore une fois, elle s'est sentie délaissée »

Le regard de l'Envoleur brille dans le noir, communiquant des émotions que je ne saurai clairement identifier.

« Et puis, tu es arrivé, d'abord. Pan ensuite. Je l'ai vue peu à peu reprendre goût à la vie, réapprendre à aimer, à sourire. Tout les deux, chacun à votre manière, vous l'avez métamorphosé, et tu ne t'imagine même pas à quel point » souriais-je « Seulement voilà, mon petit neveu surprise pointe le bout de son nez. Tu fuis. Elle fuis. Je ne l'ai pas vu pendant presque trois mois après la naissance du petit. Je te parie qu'elle s'est persuadée revivre la même histoire qu'il y a dix ans ! »

Alors que je glisse un regard vers ma soeur, le silence s'installe à nouveau quelque secondes.

« Toi, elle, c'est certain, ça m'échappe. Il y a quelque chose entre vous, différent que l'amour que tu porte à Libertée ou qu'elle porte à Pan, certes, mais c'est incroyablement fort. Si tu pars maintenant ou demain, sans tirer les choses au clair avec elle, sans la rassurer, tout ça va mal se terminer... et vous n'aurez plus que vos yeux pour pleurer ! »

Tournant la tête pour adresser un sourire amical à Gil, je constate qu'il n'est déjà plus là, mais en contrebas des haubans, croisant Nwëlla qui monte pour me rejoindre. Se blottir tout contre moi. Pousser un soupir d'aise. Heureuse. Tandis que je regarde Gil s'éloigner à gands pas légers.




[J'ai bien cru ne jamais m'arrêter, qui l'eu cru : Atal le Sage devient aussi bavard que sa soeur xD]
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Giliwyn SangreLune
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MessageSujet: Re: A vif [Gil]   A vif [Gil] Icon_minitimeLun 09 Sep 2013, 23:09

Le port était en effervescence. Partout on criait, on riait, on se faisait signe, on s’embrassait. Le Maraudeur s’ébranla tandis que les marins s’affairaient avec l’ancre, les voiles, le chargement.  Debout sur le point, Gil croisa le regard d’Akemi. Elle sourit.

- Prêt, SangreLune ?

Il considéra un instant les contours colorés des îles, les vagues puissantes qui venaient s’écraser sur les criques ou lécher doucement les plages, les mouettes qui tournoyaient gracieusement dans le ciel. Son regard bicolore revint sur la jeune femme, brillant d’une détermination nouvelle. Il sourit à son tour.

- Plus que jamais, Premier Lieutenant !
- Te fous pas de moi et rend-toi utile, gros débile !
- Chef, oui chef !


Et voilà.
C’était parti.





*




La porte de la cabine de Iorys était entrouverte, mais Gil frappa quand même quelques coups légers sur le battant récemment repeint.

- Entre, camarade. Je te sers un verre ?

L’Envoleur acquiesça tout en pénétrant dans les quartiers du capitaine. La cabine était à l’identique du Maraudeur : petite, vieillotte et encombrée de bric-à-brac. Une table, une couchette, une commode et deux fauteuils pour tout mobilier, le reste n’était que fatras. Des piles de livres anciens s’entassaient le long du mur et les romans se disputaient aux encyclopédies maritimes. Des cartes, des compas jonchaient la table, des feuilles volantes étaient éparpillées sur le sol et sur le lit ; Gil prit soin de ne pas marcher dessus tandis que le père d’Akemi sortait deux verres et une bouteille de la commode.

- Pour une fois, je suis content de regagner la terre ferme, dit-il en remplissant un verre, qu’il tendit à Gil. Cette fichue tempête a bien failli nous coûter gros.

A nouveau, Gil hocha la tête en silence. Iorys parlait du Maraudeur, qui avait eu de la chance de ne pas donner de gîte après que ciel et mer se soient ligués contre lui, mais aussi de l’équipage : certains matelots avaient hérité de quelques coupures, bleus et bosses, mais c’était un moindre mal quand on connait toute la fureur dont est capable l’océan. Et puis, Naïs avait fait le grand plongeon. Sans Akemi, elle serait peut-être en train de nourrir les poissons à l’heure qu’il était. Cette sombre pensée tira un frisson à Gil. Ne pense pas à ça, se morigéna-t-il en regardant Iorys se servir en vin. Ne pense pas à Naïs ! Mais l’ancien légionnaire ne devait pas lui faciliter la tâche. Après avoir trinqué et savouré une gorgée de son millésime, il observa Gil avec une intensité qui troubla le jeune homme, jusqu’à briser le silence qui s’était installé dans la cabine.

- Cette traversée n’a pas connu que des succès. Pourtant, Naïs semblait sincèrement heureuse que tu sois des nôtres, en quittant le continent.
- Qu’est-ce qui vous fait croire qu’elle ne l’est plus ?
- Voyons, SangreLune ! Difficile de ne pas remarquer ce genre de tension à bord d’un navire. Et puis ma fille n’a pas sa langue dans sa poche…


Garce !

- Akemi est une sacrée personne.
- Ce n’est pas moi qui dirai le contraire. Mais ne change pas de sujet.
- D’accord,
marmonna Gil en posant le verre sur un coin de la table pour fourrer ses poings serrés dans ses poches. J’ai merdé, vous êtes content ? Et puis, je ne vois pas ce que ça peut vous faire, ce genre d’histoire. C’est entre elle et moi.
- Ça, c’est évident,
reconnu Iorys avec amusement. Et pourtant, je ne peux m’empêcher de te donner un petit conseil. Si tu veux l’entendre, bien sûr.
- Allez-y,
soupira Gil.

Iorys sourit. De petites rides se dessinèrent à la pointe de ses yeux, mais il paraissait moins vieux lorsqu’il souriait. Peut-être à cause de l’éclat malicieux qui scintillait dans ses prunelles sombres.

- Garde ton cap, mon garçon. Ne te perds pas en route. Tu t’es fixé un chemin visiblement semé d’embûches, dis-toi qu’elles font partie du voyage et fonce.
- La métaphore est belle.
- Tu veux que je traduise ? Très bien. Ne laisse pas la peine de Naïs devenir la tienne. Il y a des choses qu’on ne peut changer, même avec toute la volonté du monde ; si elle ne peut pas être heureuse avec toi, elle le sera avec quelqu’un d’autre. C’est certain. Alors cesse de culpabiliser pour rien.
- Je la blesse continuellement,
fit Gil d’un ton rauque. Je ne veux plus qu’elle souffre à cause de moi.
- Ce n’est pas à toi de panser ses blessures, camarade. Tu fais déjà beaucoup pour elle ; il est peut-être temps qu’elle suive sa propre voie et toi la tienne.


Gil leva un regard surpris vers Iorys. Que savait-il exactement à leur sujet ? Cet homme semblait capable de tout comprendre, il donnait l’impression de déjà tout savoir et pourtant, il n’était pas en train de se vanter, ni même de se mêler d’affaires personnelles ; la conversation était intime, mais Iorys imposait un respect qui fascinait et rassurait Gil tout à la fois. Troublé, il ouvrit la bouche pour questionner le marin, mais déjà celui-ci le poussait doucement vers la porte.

- Garde ce conseil dans un coin de ta mémoire, et va profiter de l’ivresse du débarquement !

Ainsi congédié, Gil remonta lentement sur le pont. Ne pas culpabiliser, hein ? Facile à dire, mais comment pourrait-il seulement affronter Naïs après ce qu’il s’était passé ? Il la vit dès qu’il posa le pied sur le pont. Elle était perchée dans les haubans, en compagnie du Borgne, et il s’arrêta un instant pour la regarder rire avec le gabier. Lorsqu’elle plongea dans le vide, il ne put s’empêcher de sourire. Naïs était une bien étrange personne, en vérité. Mystérieuse, aérienne, sauvage, fascinante. Et incroyablement chiante. Dépassé par l’affection qu’il lui portait, il secoua la tête ; l’éviter, garder ses distances était douloureux mais nécessaire. Iorys n’avait pas tort : s’il voulait garder son cap, il lui fallait faire des choix. Un choix.

Iorys ne s’était pas non plus trompé au sujet du débarquement. Au fur et à mesure que le Maraudeur approchait du port, l’équipage s’animait, tel un essaim de guêpes qui s’affole ; gagné par l’allégresse qui transportait les marins, Gil profita des quelques minutes qui lui restaient avant de quitter le navire. Il prêta main forte à ses compagnons de voyage, sous les ordres d’une Akemi exigeante et excitée comme une puce à l’idée de faire escale dans un endroit qu’elle appréciait particulièrement, échangea quelques plaisanteries avec le Borgne, et enfin, le port se dressa devant eux. Quelques personnes se massaient sur le quai. Des mères, des épouses, des sœurs… Toutes les femmes que les marins laissaient derrière eux pour prendre la mer étaient là, fidèles au poste. Gil réalisa alors que la plupart des membres de l’équipage de Iorys venait d’ici, des Alines ; il comprit également le bonheur qui illuminait les traits d’Akemi alors que, accoudée à ses côtés, elle regardait la terre se rapprocher.

- Quelqu’un t’attend, dit-il en l’observant avec amusement.
- Mon âme sœur. Elle est là, juste à côté de ma mère. Tu les vois ?

Il voyait une femme aux courts cheveux grisonnant – la femme de Iorys – et une jeune femme aux longs cheveux blonds. Celle-ci agitait la main à s’en décrocher le bras. N’y tenant plus, Akemi se hissa sur le bastingage et, d’un plongeon puissant et gracieux, creva l’eau claire qui bordait le port. Il ne lui fallut que quelques minutes pour gagner le ponton d’amarrage où sa compagne l’attendait. La jolie blonde hissa son petit marin tout mouillé et Gil sourit en les voyant tomber dans les bras l’une de l’autre.

- Cette enfant ne saura donc jamais garder sa place jusqu’à ce que l’ancre soit jetée,[/color] marmonna Iorys en passant dans son dos.

Le sourire de Gil s’élargit. On devinait une tendresse infinie dans la voix du capitaine et il y était sensible, comme aux effusions d’Akemi et de son aimée, là-bas, sur le ponton. Gil pensa à Libertée. Au bonheur qu’il aurait de la retrouver, sitôt rentré sur le continent. Mon cap. Le Maraudeur finit par jeter l’ancre. Les passerelles ajustées, les marins commencèrent à descendre. Gil resta volontairement en arrière. Après tout, personne ne l’attendait. Il avait le temps d’aider le Borgne à nouer les bouts et décharger la cambuse. Il ne restait plus grand monde à bord lorsqu’il traversa le pont à son tour, son sac sur l’épaule. Naïs ne l’avait pas attendu. Sans attendre de savoir si ce détail lui faisait quelque chose, Gil descendit à son tour et s’arrêta un instant, savourant le bref étourdissement qui prenait chaque marin retrouvant la terre ferme. Les fourmillements avaient déjà disparus de son ventre lorsqu’il repéra Naïs.

L’Envoleuse lui tournait le dos et il soupira avant de se décider à la rejoindre. Il n’avait pas fait trois pas qu’un coup de poing, franc et taquin, s’abattait dans son dos. Ruisselante d’eau, les joues roses et l’air gouailleur, Akemi le toisa de toute sa hauteur, les mains sur les hanches.

- Dix minutes qu’on est arrivés et tu m’as déjà oubliée, râla-t-elle.
- Tu es difficile à oublier, ma belle.
- C’est ça. Te fais pas de bile, je vais me faire une raison. Contrairement à nous, tu es là pour les affaires, hein ?
- On peut dire ça.


Elle hésita un instant, partagée entre la bouderie et l’affection. Finalement, un sourire se dessina sur ses lèvres.

- Le Maraudeur repart dans trois jours. Sois pas en retard, SangreLune.

Il referma son poing sur celui qu’elle lui qu’elle lui tendait en un salut typiquement marin.

- Promis juré !
- Ouais, ouais…
- Gil ?


Surpris qu’une voix familière surgisse tout à coup, Gil se retourna. Un éclat de joie dansa dans ses yeux vairons. D’instinct, il ouvrit les bras pour les refermer sur celle qu’il considérait comme sa meilleure amie.

- Nwëlla.
- C’est bon de te revoir,
souffla-t-elle. J’avais peur que tu ne viennes pas…
- Dis pas de conneries.
- Pardon.


Elle se dégagea de son étreinte, et il la regarda, soudain très bête. Elle tenait un bébé dans ses bras.

- C’est…
- Oui. Gil, je te présente Makeno.
- Makeno…
murmura Gil en tendant une main hésitante.

Il avait changé. En l’espace d’un mois, il avait grandi, grossi ; c’était encore une chose minuscule dans les bras de l’Envoleuse, mais qui n’avait plus rien à voir avec le petit être qui avait vu le jour à Fériane. Celui-ci remuait, plein de vie, et regardait Gil avec une intense curiosité. Et lui, il sentit quelque chose mordre violemment ses tripes, dans le creux de son ventre, au moment où les minuscules petits doigts s’enroulèrent autour du sien. Un instant, le monde entier retint son souffle et le temps arrêta sa course pour permettre à ces deux êtres de se rencontrer vraiment. Et puis Gil redevint Gil. Il lâcha la petite menotte, recula d’un pas, se referma. L’instant magique s’était envolé.

- Tu viens ? Naïs nous attend.
- Partez devant.
- Comme tu veux,
soupira Nwëlla devant sa moue renfrognée. Tu nous trouveras dans cette auberge, là-bas.

Il hocha la tête ; les mots étaient coincés dans sa gorge et refusaient de sortir. Et puisqu’il faisait la grève de la parole, Nwëlla rejoignit Naïs sans demander son reste. Gil les regarda traverser le quai. Il enfonça ses mains dans ses poches et quitta le ponton pour faire un tour. Il avait autant besoin de se dégourdir les jambes que de s’aérer l’esprit. Makeno, répétait Nwëlla dans sa tête. Il s’appelle Makeno. Alors, elle lui avait trouvé un nom, finalement. Il ne savait pas vraiment si cette pensée le chagrinait. Non, décida-t-il en s’arrêtant sur une plage de sable blanc. C’était mieux ainsi. Nommer revenait à accepter un choix, or il n’avait toujours pas fait le sien. C’était pour ça qu’il était revenu voir Naïs. Encore une fois, le hasard lui faisait un pied-de-nez en l’envoyant précisément là où il n’avait pas prévu d’aller, mais la présence de l’enfant remettait au goût du jour le problème du départ : qu’allait-il faire ?

Les minutes, puis les heures s’écoulèrent ainsi, longues, silencieuses et chaudes, sans qu’aucune réponse ne lui vienne. Puis le jour laissa place à la nuit, et Gil fut incapable d’entrer dans l’auberge que lui avait indiqué Nwëlla. Alors il retourna sur le Maraudeur, qui dansait doucement à son pont d’amarrage, sous l’œil bienveillant de la lune. Akemi le regarda monter d’un air surpris mais ne dit rien. Et le Borgne, qui prenait son quart comme chaque soir, se contenta de lui asséner une bourrade dans le dos avant de bourrer sa pipe et de s’éloigner. Chacun sentait qu’il avait besoin de rester seul, cette nuit. Un homme, toutefois, ne comprit rien à ce message silencieux et désespéré que l’immobilité et le mutisme de l’Envoleur clamait. Ou peut-être qu’il s’en moquait complètement.

- Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Fous le camp, Atal. Laisse-moi tranquille.

- Que comptes-tu faire ?

T’en coller une si tu insistes, répondit le regard de Gil. Bien sûr, le frère de Naïs ignora la menace pour s’accouder au bastingage et admirer un petit moment les lumières du port. La chambre d’Ainhoa était allumée. Il soupira.

- Tu connais Naïs, dit-il doucement. Tu sais comme moi qu’elle ne fait rien dans la demi-mesure et c’est ce qui la rend si forte et si fragile à la fois.
- Je sais surtout qu’elle est insupportable,
marmonna Gil.

Atal eut un petit rire. Et Gil renonça à le frapper.

- Quand… Samoan… est parti, la laissant seule, enceinte, elle s’est presque laissée mourir. Les mois qui ont suivi ont été difficiles…

Comme ça, sans rien avoir demandé, Atal se mit à raconter l’histoire de Naïs. Une histoire dont Gil connaissait seulement certains pans. Une histoire un peu triste. Pourtant, il y avait dans la voix de son ami quelque chose d’indéfinissable, une force qui atténuait la douleur et donnait un peu de baume au cœur. Gil mit un certain temps avant de le reconnaître. L’espoir. Atal en était pétri, et Nwëlla aussi ; en la voyant sur le quai, Makeno dans les bras, c’est ce qui l’avait à ce point bouleversé. Vous ne renoncerez jamais, vous deux, n’est-ce pas ? Gil regarda Atal. Il lui tournait le dos et continuait de parler. Il n’avait jamais été aussi bavard. Touché, Gil hocha légèrement la tête. Puis il s’éclipsa. C’était grossier et incroyablement lâche, mais qui pouvait comprendre, si ce n’était Atal ?

Gil sauta sur le ponton et traversa le quai. Parvenu en bas de la fenêtre ouverte, il leva les yeux vers Naïs. Elle l’avait entendue, c’était sûr. Pourtant elle ne bougea pas. Mais Gil ne se démonta pas. Il se baissa, attrapa un caillou entre ses doigts et le lança. Le projectile rebondit contre le volet ouvert, à droite du visage de la jeune femme.

- Viens avec moi.

Ce n’était pas un ordre, en dépit de son ton éternellement bourru, mais bien une invitation. Déjà Gil s’éloignait vers le port, laissant la nuit l’engloutir. Il retourna sur la plage, s’arrêta au bord de l’eau. Son regard dériva vers le Maraudeur, que l’on devinait un peu plus loin. Atal était-il toujours à bord ? Un murmure, à peine plus doux qu’un éclat de soie. Gil se retourna.

- Je vais te dire une bonne chose, ma jolie. Tu m’énerves. Je crois que personne ne m’agace autant que toi – mon élève mise à part. Tu es une tête de mule de la pire espère, une petite fille complètement inconsciente du moindre danger. Une plaie.

Les mots sortaient sans fureur. Tout juste un peu de colère, beaucoup de rancœur. Dans son dos, les vagues chantaient en déboulant sur la plage.

- Tu t’apitoies sur ton sort et tu attires les problèmes comme un aimant. Le Maraudeur lui-même en a bavé, avec toi à son bord. Tu n’es pas une fille du Chaos, tu es le Chaos. Mais tu sais quoi ?

Il fit un pas en avant et, brusquement, la prit dans ses bras. Il la serra aussi fort que l’affection qu’il avait pour elle.

- Je t’aime pour tout ça, Naïs, murmura-t-il au creux de son oreille. Tout ça. Je crois que c’est pour cette raison que j’ai toujours peur de te faire du mal. Et que je t’en fais involontairement, en fin de compte. Alors écoute-moi.

Il se recula juste assez pour effleurer sa joue satinée.

- Je vais m’en aller. Tu as l’habitude, avec moi, tu sais que je suis comme ça. Mais cette fois, ce sera pour de bon. Je…

Sa voix se brisa, il se racla la gorge pour continuer :

- Je dois garder mon cap… Je dois retrouver Libertée. Toi, tu vas retrouver Pan. Et Makeno… Il est magnifique, et il sera toujours ce que nous avons fait de plus beau, toi et moi. Mais c’est Atal qu’il appellera « papa ».

Sa voix était devenue un murmure avec lequel composait le chant des vagues et le souffle du vent. Une mélodie qui n’existait que pour elle, sa Princesse, la première qui l’ait réellement vu tel qu’il était vraiment.

- Je serai toujours là pour vous. Pour toi. Un mot, un appel suffira. Le reste du temps, tu penseras à moi lorsque le soleil enflammera l’horizon, entre chien et loup ; et tu te souviendras de ces instants de lumière, et tu auras ce petit sourire qui illumine ton visage… Je t’imaginerai en train de tenir tête à une garnison entière, ou de danser sur la place d’un petit village de paysans… Ce sera dur, au début. Il faudra tenir.

Il lui pinça doucement le menton pour qu’elle lève les yeux vers lui. Des yeux aveugles, des yeux qui pouvaient voir au-delà du possible.

- Tu tiendras, Naïs. Et tu garderas ton cap. Tu seras forte, tu l’es toujours…

Il baissa la tête et l’embrassa. Une dernière fois, leurs souffles se mêlèrent, amers de larmes, brûlants d’espoir. Ce fut lui qui, le premier, rompit cet au revoir majestueux. La voyant sur le point d’ajouter quelque chose, il posa un doigt sur ses lèvres.

- Ne dis rien. Je vais partir et tu ne vas pas essayer de me suivre. Ta sœur a besoin de toi. Mais n’oublie pas, Princesse : désormais, je serai ton ombre. Invisible, insaisissable… et jamais loin.



Promis.


juré.






*





Le port était en effervescence. Partout on criait, on riait, on se faisait signe, on s’embrassait. Le Maraudeur s’ébranla tandis que les marins s’affairaient avec l’ancre, les voiles, le chargement.  Debout sur le point, Gil croisa le regard d’Akemi. Elle sourit.

- Prêt, SangreLune ?

Il considéra un instant les contours colorés des îles, les vagues puissantes qui venaient s’écraser sur les criques ou lécher doucement les plages, les mouettes qui tournoyaient gracieusement dans le ciel. Son regard bicolore revint sur la jeune femme, brillant d’une détermination nouvelle. Il sourit à son tour.

- Plus que jamais, Premier Lieutenant !
- Te fous pas de moi et rend-toi utile, gros débile !
- Chef, oui chef !


Et voilà.
C’était parti.





[... Bon, c'es un sacré rebondissement, ça. Pas du tout prévu avant que je ne le ponde par écrit mais... si, ça se tient ; je crois que c'est sans doute le premier acte d'homme mature que Gil réalise, c'est quelque chose ! A toi de voir si tu rebondis à ton tour, mais honnêtement, je pense qu'on peut se garder l'idée d'un Rp pour plus tard (celui où on filera enfin une bonne raclée à Samoan), et donc tu peux conclure à la suite. Si ça te convient, bien sûr, sinon, MP ! Wala wala !]
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