[-16] Quand le bleu se pare de rouge [ Kaünis ]

De surprise, Dolce redressa brusquement la tête. Si vivement que les tendons et les muscles de son cou protestèrent dans une douleur perçante. S’attrapant la tête, comme si ça pouvait faire passer la douleur, il se massa quelques secondes le point qui faisait mal, avant de chercher des yeux Kaünis.

- Tu la connais ?
Là, il était vraiment dans la merde. Mais pire que jusqu’au cou, il avait l’impression d’avoir plongé dedans la tête la première alors que même dans cet instant il ne pouvait pas empêcher son regard de descendre sur le tatouage et les seins encore un peu tendus de Kaünis, nus. Elle avait enfilé son pantalon, pourquoi était-elle restée torse nu ainsi ? Un début de réponse se dessina dans son esprit quand il vit le bord de ses tétons se contracter tout seul… Il faillit sourire, mais la question de la jeune femme le prit au dépourvu.

- Qu’est-ce que vous avez tous, avec les Marchombres, sérieux ?

Il fronça les sourcils, incertain de ce qu’elle voulait dire par « tous ». En tout cas, apparemment, Kaünis connaissait suffisamment Syndrell pour savoir qu’elle était Marchombre. Une boule se forma dans la gorge de Dolce alors qu’il réalisait que du coup, elle pouvait en parler aux Mentaïs. C’était la fille de l’un d’entre eux, ainsi que de l’Envoleuse qui avait sans doute le plus de Marchombres à son actif.
Par extension, le fait qu’il ait tué pas mal de ses comparses voire deux Mentaïs pouvait remonter également. Pourtant, ce n’était pas du tout de la méchanceté ou du calcul qu’il voyait dans le regard de la jeune Envoleuse, juste de la curiosité et de l’incompréhension. Il poussa un petit soupir.

- Je ne sais pas de qui tu parles par « tous », mais… On va dire que ce n’est pas qu’une question de camp. Ceci dit… Je me pose la même question.
Sa gorge se serra un instant, et il réussit à prendre une inspiration avant de continuer.
- Ne dis rien, s’il te plait. Je risque gros…
C’était faible de  s’en remettre à la jeune femme, mais il ne pouvait pas prendre le risque de compter sur elle sans tenter de lui en parler. Il ne la connaissait pas assez.

Il risquait gros lui-même, et il n’avait pas envie d’attirer encore plus d’ennuis à Syndrell non plus.
Là, ses sentiments faisaient une énorme boule chaotique, qui ressemblait à l’un de ces buissons de désert, roulant au grès du vent et qu’il était impossible d’attraper sans se piquer.

La Marchombre représentait beaucoup pour lui.
Est-ce que c’était toujours de l’amour, qu’il avait au fond de la tête du cœur ? Le genre d’amour, amoureux ? Il ne savait plus. Et la vision de Kaünis, à ses côtés, n’aidait pas à clarifier les choses.

Il devait partir.

[ Fronce les sourcils ]

- A qui ? Au Domaine ? J'm'en fous de ce que tu fais de ta vie hein.

[ Un sourire moqueur ]

- Par contre, pour Syndrell, j'peux rien te garantir. J'aime trop faire chier les gens pour le plaisir.

Bon, qu’elle ne dise rien au Domaine, c’était un bon début. Étonnamment, il avait envie de la croire… Aussi, sans aucun doute, à cause de la suite de sa réponse. Kaünis était franche dans son discours, et n’essayait pas de l’entourlouper : elle avouait même qu’elle aimait embêter les gens et qu’elle risquait de le dire à Syndrell si elle la croisait. En même temps, quelle était la probabilité qu’elle la recroise un jour ?

Dolce ne savait pas exactement s’il préférait que la Marchombre apprenne ce qu’il avait fait de sa bouche ou de celle de Kaünis. Il n’avait pas envie d’en parler à Syndrell avait d’être sûr de ce qu’il en était dans sa tête. Il voulait d’abord démêler l’enchevêtrement de ses sentiments.

Se redressant lentement, l’Envoleur se rhabilla sans pouvoir encore s’empêcher de jeter des coups d’œil en direction de Kaünis. Elle était toujours là, à demi-nue comme une amazone, délicieusement belle et affreusement désirable.
Il s’effrayait lui-même.
Un long soupir franchit ses lèvres, alors qu’enfin il se recouvrait totalement de tissus. Il se sentait un peu moins vulnérable ainsi, plus à même de résister à ses propres pulsions, ce qui était un comble en soi en sachant ce qu’il avait raconté plus tôt.

Se secouant intérieurement, l’Envoleur se redressa sur ses deux jambes en roulant des épaules pour s’étirer doucement. Il se tourna vers Kaünis avec un petit sourire sur les lèvres.
- Je… Je dois aller retrouver mon cheval. Des apprentis m’attendent.
Il essayait de ne pas la regarder, mais c’était très compliqué. Et difficile.
Il finit par se pencher au-dessus du vide, glissant ses pieds dans des petites anfractuosités pour commencer à descendre.
- J’espère te recroiser…
C’était sorti tout seul et il s’asséna une baffe mentale pour cela. Avant de dévaler la paroi pour aller rejoindre Singa.

Il ne savait toujours pas s’il faisait un détour par Al-Chen ou pas quand il monta sur le dos de son cheval…






[ Court pour un RP de clôture, mais Dolce est bien chamboulé quand même ! Alors moi je dis, oui pour un autre RP... Mais plus tard hein ! ]

Se mordant les lèvres, Kaünis regardait Dolce qui se rhabillait. Quoi, elle avait dit un truc de mal ? Elle s’en fichait. Il avait posé une question, il avait eu une réponse, point barre. A la ligne. Fallait pas se prendre la tête comme ça pour quelques mots, c’était bien mal la connaître. A part les doubles-sens pour faire tourner en bourrique les gens, et encore, elle était pas toujours douée… Elle aimait dire les choses comme elle les sentait et ressentait, et puis tant pis si ça faisait chier. Elle allait pas changer sa manière d’être pour les autres.

Ouais !
Il avait raison, Dolce. Elle avait accordé trop d’importance à tout ça. Elle devait pas oublier, juste faire avec, et puis merde. Vivre sa vie. Sa vie de maintenant. Sa vie de demain aussi. Elle savait pas ce qui allait arriver, et en fait, elle s’en fichait un peu. Il lui fallait des objectifs, des trucs à programmer, même si elle suivait jamais les programmes pour quoi que ce soit. Au moins, avoir une idée de où elle voulait aller.

Où, avec qui, comment.
Déjà, elle avait ce rendez-vous avec Syles.
Elle voulait y aller, et puis… Et puis, en fait, même après une partie de baise monumentale, il lui manquait. Elle avait envie de lui dire qu’elle était désolée de s’être mise dans des états pareils, et qu’elle ne voulait plus qu’il tente de se sacrifier pour rien. Elle voulait qu’il la frappe si jamais ça venait à se reproduire, car ça marcherait mieux que de s’apitoyer sur son sort. Voilà.

Forte de cette nouvelle décision, de ces nouvelles certitudes, Kaünis redressa le menton vers le ciel qui devenait vraiment noir et où la lune naissait pour nimber le paysage de sa lumière argentée.
Une étoile filante.
La vie est une étoile filante, hein ?
Un large sourire éclaira son visage, alors que la voix de Dolce la tirait de ses pensées.

- Je… Je dois aller retrouver mon cheval. Des apprentis m’attendent. Elle fronça les sourcils, avant de hausser les épaules. Elle n’avait rien à dire de toutes façons, qu’il s’en aille. Elle se demanda un instant si son cheval, c’était celui qu’il y avait dans la combe, mais ne demanda même pas, reportant son regard sur l’horizon sombre piqueté d’étoiles.
- J’espère te recroiser… Cette fois, elle tourna la tête vers l’homme, dont elle croisa le regard une demi-seconde avant qu’il ne descende la paroi de roche. Ouais, elle voulait bien le recroiser, elle aussi. Et plus que ça même ! Son ventre se réchauffa à cette pensée, alors que son sexe pulsait encore douloureusement à cause des frottements. Mais c’était bon.
Se mordant la lèvre, Kaünis s’allongea sur la roche un instant, coudes ouverts, pour contempler la nuit.

La vie est une étoile filante…
Une étoile filante qui rencontre des astéroïdes.
Elle venait de s’en prendre un en pleine tronche, d’astéroïde, et drôlement gros en plus. Elle avait failli s’écraser dans une atmosphère, en fait, mais c’était reparti parce qu’elle ne s’était pas encore trop approchée. Fallait qu’elle fasse gaffe, quand même.

Mais là, ça pulsait en elle.
Mieux, ça bondissait, comme un petit animal, ça voulait aller partout, ça rayonnait, ça irradiait.

Elle ferma les yeux, un sourire éclairant la nuit.
Un nom sur les lèvres.
Syles.