Everyone will tell you I'm insane... [ Libre ]

Poussant un long, long soupir, Kaünis se retourna dans sa couverture de camp.
Elle s’était enroulée autour du feu éteint, dont seules les cendres dégageaient une sorte de chaleur, désormais. Elle ne voulait pas prendre le risque de le laisser allumé toute la nuit, ça aurait pu attirer un peu trop l’attention, surtout des bestioles pas cool. Alors, elle se recroquevilla autour du foyer éteint en grommelant toute seule.
Elle avait froid. Ça la gonflait.
Royalement.

En plus, Voyage ne voulait résolument pas se coucher, alors elle ne pouvait même pas profiter de la chaleur de son ventre pour dormir. Bon, en même temps, la jument n’avait jamais tenté de se coucher à côté d’elle, alors bon, elle n’avait jamais eu ce privilège de se blottir contre sa grosse bedaine.
En fait, elle avait surtout besoin de chaleur humaine. Elle en avait marre du froid de la nuit.




La nuit pâlissait à peine quand l’Envoleuse se réveilla.
Se redressant sur un coude, elle se leva à la force des abdominaux en massant ses hanches qui lui faisaient encore un peu mal. Ça allait beaucoup mieux, ceci dit.

S’étirant avec application, Kaünis finit par attraper son arc calé en travers de sa selle pour aller chasser alors que Voyage broutait tranquillement, attachée à un arbre avec une longue longe.
Se glissant sans aucun bruit dans les arbres et les buissons alentours, elle se fondit dans le paysage le temps de trouver une proie. La vie diurne naissait à peine en ce début de journée, alors que le soleil n’était pas encore levé et elle apprécia d’entendre quelques trilles d’oiseaux joyeux. Bon, ça la gonfla vite, mais heureusement ça changeait régulièrement, du coup ce n’était pas trop lassant.

Une flèche encochée sur son arc pas bandé, la jeune femme avançait entre les troncs avec assurance, parfaitement silencieuse. Elle repéra bien vite un chemin de gibier, ainsi que le bruit d’un ruisseau et se posta un peu en hauteur à quelques pas de là…
Il ne fallut pas longtemps pour qu’un lièvre se pointe pour boire, et il fut traversé de part en part par une flèche parfaitement ajustée. Un sourire triomphant sur les lèvres, Kaünis bondit de sa branche…
Se réceptionna mal, et sa hanche gauche envoya une douleur perçante dans son bassin qui la fit glapir sur le coup.
- Raaah, putain, ça me gonfle ces trucs sérieux ! Elle ronchonnait toute seule, attrapant son lièvre par les oreilles pour le ramener près de son feu de camp.

L’attitude de Voyage lui indiqua qu’il y avait quelqu’un, quelque part, d’embusqué…
Elle ne s’en formalisa pas.
S’agenouillant, l’Envoleuse commença à dépecer son petit déjeuner avant de l’embrocher pour le faire dorer sur son feu.

En attendant que ça cuise, elle recommença ses exercices de renforcement musculaire des jambes et des hanches en insistant particulièrement sur ceux qui lui faisaient mal.
Elle détestait sentir son corps galérer comme ça. Alors, elle s’appliquait à le pousser dans ses retranchements, sans pour autant se refoutre les articulations en vrac non plus.

Ce fut l’odeur de la peau de son lièvre en train de croustiller à la cuisson qui l’arrêta dans ses exercices, et elle commença à manger avec avidité sa viande.
Ce ne fut qu’au bout de quelques minutes, les mains pleines de gras et le visage éclaboussé de bouts de viande grillée qu’elle leva le menton en poussa un long soupir.

- Bon, alors soit tu sors de ton trou et tu viens bouffer parce que t’as faim, soit tu te montres parce que bon, c’est chiant de se sentir observé quand même, soit tu te tires parce que ça commence à me foutre les nerfs en pelote là. Elle fit une pause, le temps de passer sa langue sur ses lèvres pour récupérer un peu de jus de viande qui s’y collait. Et personne n’aime vraiment quand je me fous en rogne !

Ah, ça, c’était bien vrai !

Explorer la région. Voilà ce que je m’étais fixé comme objectif lorsque j’avais quitté Dolce et Julian. J’avais découvert, en tombant sur une carte dans le réfectoire du Domaine, que je connaissais peu de choses de l’Empire. J’avais plus appris au cours de mes trois ans passés en mer qu’au cours de mon enfance... Je n’avais pris ma décision qu’à la fin de ce premier entraînement, comme s’il avait été nécessaire pour que je réalise ce choix.

C’était le cas. Je m’étais senti réellement prêt à partir sans but précis, moi qui détestais habituellement ce genre de plan fumeux. Qu’est-ce qui pouvait bien me motiver de la sorte ? La curiosité ? La soif d’aventure ? Un peu des deux sans doute, et peut-être aussi un soupçon de ce sentiment dont Syles m’avait parlé. Cette sensation de liberté qui m’échappait encore dans sa globalité.

Je crois que j’avais besoin de me sentir libre de mes mouvements, surtout après avoir suivi Dolce ; je me rangeais à son autorité parce qu’il en imposait, comme maître, et puis il m’intriguait, mais rien n’était plus grisant que la simple perspective de pouvoir aller où bon me semblait. J’avais lancé un brin d’herbe pour choisir une direction, il s’était envolé vers l’est.

Ce serait donc l’est.

Depuis Al-Jeit, de nombreux sentiers filaient vers le sud, en direction du Pollimage. Celui que j’avais emprunté était très fréquenté et je n’avais eu aucun mal à trouver une personne qui accepte généreusement de me trimballer à l’arrière de sa charrette. J’avais voyagé un petit peu ainsi, confortablement appuyé contre des ballots de paille. Un brin glissé entre les dents, j’avais observé la course lente des nuages.

Lassé par le cahot tranquille du chariot, j’avais fini par continuer à pieds, m’éloignant de la route pour bifurquer vers l’est, en direction de l’Arche qui s’élançait fièrement dans un voile de brumes roses. Elle était si belle que mes premiers pas furent hésitants ; après avoir quitté la mer, étais-je prêt à quitter la terre ? Marcher sur l’Arche, c’était s’envoler dans une féérie de couleurs et d’impossibles.

Tellement d’impossibles que j’en avais peur. J’étais un homme de logique et de raison, peu rassuré par les limites sans cesse repoussées par l’Imagination. Un pont aussi grand, aussi beau ne pouvait exister sinon dans les rêves, et pourtant je sentais bien quelque chose de solide sous mes pieds. L’Arche brillait de mille feux dans la nuit. Il n’y avait pas de soleil pour l’éclairer et la lune, mince croissant qui dessinait un sourire dans le ciel, n’était pas de taille à produire autant de lumière. Ce n’était pas possible…

Une petite fille remarqua mon manège et s’approcha doucement. Elle n’était pas du genre timide, ça se voyait au premier coup d’œil. Elle tendit la main et je me raidis d’instinct, prêt à l’envoyer balader comme toujours lorsque j’avais envie qu’on me laisse tranquille. Mais quelque chose dans son attitude m’empêcha de le faire. Elle me tendait la main. C’était une invitation. J’avais le droit de la refuser aussi bien que je pouvais choisir de l’accepter. Combien de fois m’avait-on permis de prendre cette décision ?

Je glissai un doigt dans sa petite main et son sourire fut plus lumineux que l’Arche, si c’était possible. Joyeuse comme si je lui avais fait le plus beau des cadeaux, elle m’entraîna à sa suite. Quelques pas seulement, le temps de m’habituer, de me rassurer. D’accepter.

L’Arche se passait de raison, tout simplement.

Et lorsque la petite fille me lâcha, je continuai sans un regard en arrière.






L’Arche était loin dans mon dos et n’était plus visible depuis quelques heures déjà lorsqu’enfin la nuit s’estompa, laissant place à un ciel grisonnant. Je compris que le soleil ne serait pas de la partie mais cela n’entama pas mon humeur : j’étais soulagé qu’il ne fasse pas trop chaud. Je détestais la chaleur.

Tandis que je progressais dans la Passe de la Goule, je rencontrai de moins en moins d’habitations. Les fermes se faisaient ici plus rares et la nature, délaissée par l’homme, plus fière qu’ailleurs ; je traversai un champ de lin d’un pas tranquille puis me glissait dans l’ombre d’un sous-bois brumeux. La fatigue aurait dû me tomber dessus comme un couperet mais ce voyage me tenait en haleine ; je n’étais pas épuisé, j’avais plutôt envie de manger.

Drôle de pulsion dont je compris l’origine en humant l’air frais et piquant du matin : ça sentait bon la viande grillée. Des chasseurs ? Des voyageurs ? Des gens, forcément. Ils ne m’intéressaient pas mais comme j’avais faim, je m’approchai doucement. J’avais pris soin d’emporter de quoi grignoter jusqu’à ce que je sois obligé de chasser ma propre nourriture, mais si celle-ci était déjà prête, pourquoi se fatiguer inutilement ?

Je m’accroupis dans les broussailles et observai la scène avec curiosité. Piqué sur une broche, un bout de viande cuisait au-dessus d’un petit feu et dégageait un fumet qui me donnait l’eau à la bouche. Là-bas, attaché à un arbre, un cheval broutait tranquillement. Quelques sacs étaient posés sur le sol mais il n’y avait personne…

Vraiment ?

Je m’apprêtais à sortir de ma cachette lorsque je l’aperçus enfin. Elle était en train de faire des étirements, un peu plus loin. De les achever plutôt, et elle se redressa souplement, dévoilant un corps fin et délié. Ses longs cheveux noirs glissèrent en arrière lorsqu’elle s’étira comme un chat, avant d’aller s’accroupir près du feu. Je la regardai attraper la viande, s’y brûler les doigts et la langue alors qu’elle mangeait.

Jusqu’à ce que sa voix claire brise le silence.






Un bref instant, j’envisageai de m’en aller. Cette fille avait clairement l’air de ne pas plaisanter, et puis elle n’était pas particulièrement cordiale. Mais elle m’avait repéré et puis, à sa manière, elle me proposait de la rejoindre. Mon ventre gronda pour me pousser à accepter cette curieuse invitation. Je soupirai. Je n’étais pas obligé de lui parler. J’allais manger un peu et reprendre ma route.

Rassuré par cette idée, je sortis des broussailles et fit quelques pas prudents dans sa direction. Elle continuait de manger avec cette allure sauvage ; on aurait dit une louve en train de mettre en pièces sa proie. Elle était armée. Et dangereuse. Mon sixième sens me le soufflait tandis que je m’approchais encore, et il ne se trompait jamais.

Sans un mot, je m’accroupis en face d’elle et attrapai un bout de viande pour le porter à mes lèvres. Du lapin. Cuit à point et délicieusement chaud et tendre dans ma bouche. J’avalai rapidement, me resservis et tâchai à mon tour mes doigts et mes joues de jus gras. C’était assez étrange, cette discussion silencieuse, mais ça me convenait parfaitement.

Parce que oui, nous discutions sans employer de mots.
Elle m’observait à travers le voile de ses cheveux noirs, j’étais attentif à ses gestes. Sa nervosité semblait être retombée mais sa curiosité grandissait. Moi aussi, j’étais intrigué, et ce n’était pas fréquent.

Que faisait-elle ici, toute seule ? Voyageait-elle comme moi ou bien vivait-elle dans cet endroit sauvage ? Elle donnait l’impression d’être plus hostile que la nature dans laquelle nous nous trouvions. Et si elle me disait soudain qu’elle avait été élevée par des loups, je la croirais sans hésitation.

Ce fut pourtant moi qui brisai le silence de cette conversation sans paroles.

J’avais toujours besoin de réponses à mes questions.

- Tu vas où ?

Je partais du principe qu’elle voyageait.

Les loups, c’était une autre histoire.

La jeune femme avait le regard braqué sur les buissons qui bougeaient légèrement, elle vit donc le jeune homme qui en sortit pour s’approcher.
Ah, ben quand même !
Kaünis ne se gêna pas pour le détailler de bas en haut, puis de haut en bas. Il était grand mais semblait quand même vachement jeune, trop maigrichon.

Il vient s’accroupir à côté d’elle pour attraper un bout de viande, et elle ne le lâche pas du regard. Il mange, alors bon, elle ne se formalise pas : pas besoin de parler, hein. Au moins il était sorti de son trou, donc il était pas trop lâche non plus. Et il avait suffisamment de culot pour lui prendre de la bouffe et manger avec elle. Alors bon, il pouvait être muet, elle s’en tapait, ça la dérangeait pas tant que ça.

Toujours en train d’avaler des bouts de viande, Kaünis sentit un peu de graisse dégouliner sur son menton et l’attrapa du bout de la langue.

- Tu vas où ?

Surprise, l’Envoleuse suspendit son geste un instant, avant de se lécher les lèvres pour redresser le menton et poser son regard sombre sur le jeune homme.
Tiens, il parlait ? En plus, il posait une question quoi. Il était sérieux ? Grognant toute seule, Kaünis se redressa pour soulager ses hanches qui commençaient à tirer un peu trop fort.

- Qu’est-ce que t’en as à foutre ? demanda-t-elle agressivement, avant de hausser les épaules. Vais vers le Sud, le bout de la forêt de Barail.
Elle avait envie de demander d’où il venait mais à vrai dire… mais en fait, ça ne lui apporterait rien.
- Ça va au moins, c’est bon ?
Elle ne put s’empêcher de ricaner.

- Qu’est-ce que t’en as à foutre ?

Très curieusement, la violence de la question, pas plus que la question elle-même, ne me troubla ; j’étais en train de manger et je me concentrais généralement tout entier sur cette tâche. Peut-être aussi que ce ton-là allait bien avec cette fille-là. Hargneux et glacial. Du coup je pris à peine conscience de la direction qu’elle indiqua ensuite.

- Ça va au moins, c’est bon ?

Je hochai la tête sans m’arrêter de manger. C’était putain de bon oui ! Avec la faim que je me traînais depuis un moment déjà, le goût de ce lapin cuit à point sur ma langue c’était parfait. Et je m’en mettais partout. Je devais avoir l’air au moins aussi sauvage qu’elle, mais après tout, qui est-ce que cela gênait ? J’avais faim. Elle avait faim. Nous mangions, ou plutôt dévorions notre repas. S’il fallait qu’un besoin vital devienne gênant…

Au bout d’un moment, lorsque les crampes de mon estomac furent calmées, je levai la tête et observai mon interlocutrice. Terme passablement mal choisi étant donné que nous ne disions rien mais bon…

Elle était jolie si je me fondais que les canons de beauté de l’Empire. Jolie et ténébreuse, à cause de l’ombre dangereuse qui fonçait le vert de ses yeux, du noir profond de ses cheveux et de l’aura menaçante, provocatrice qui émanait d’elle ; nul ne pouvait moins incarner la fragilité que cette fille, qui donnait l’impression de pouvoir briser le crâne d’un homme à mains nues.

Je n’avais pas peur. J’avais beau envisager toutes les possibilités, rien n’y faisait : aussi étrange que celui puisse paraître, je n’étais pas effrayé par cette sauvageonne qui se fichait pas mal de la bienséance et de la courtoisie. Moi, je passais le plus clair de mon temps seul et sans autres règles que celles, strictes, que je m’étais fixées.

La sauvagerie, je connaissais bien.

Naya était la seule personne qui ait réussi à m’apprivoiser – un peu. Dolce semblait avoir ce projet fou mais je ne lui faisais pas encore suffisamment confiance pour l’en juger capable ou non. Pourtant, j’avais l’étrange impression que si cette fille me demandait de faire quelque chose… je le ferai. Pas pour ses yeux que je fuyais par habitude. Ni pour ce repas qu’elle partageait avec moi alors que je n’avais rien fait, rien mérité pour obtenir ce droit.

Mais parce que la solitude qui l’entourait, bulle de folie et de bonheur enragé, éveillait mon intérêt. C’était rare. Ça méritait que je m’y attarde un peu.
Non ?

- Y’a quoi au bout de la forêt de Barail ?

Je me mis à grignoter un petit os avec application mais j’étais désormais intéressé par ses paroles, et je continuai de la détailler pendant qu’elle me répondait. Un corps mince et délié, des vêtements qui dévoilaient sans dévoiler, un tatouage étrange sur la poitrine… Chaotique, ce dessin. Il allait bien avec sa personne.

Et des armes. Un coup d’œil suffisait à deviner qu’il ne s’agissait pas de simples outils pour se défendre. J’étais d’ailleurs prêt à parier qu’elle savait bien s’en servir.

Très, très bien.

- Et c'est tout ?



[On pourrait en dire autant de cette réponse après tout ce temps mais c'est celle qui a jailli instantanément, alors il faudra t'en contenter ! ]

- Tu aimes cette personne.


[Et non, ce n'est pas une question mais une affirmation !]

- Qu'est-ce que ça peut bien te foutre ?!

[Avec agressivité]

(Il lève un bref instant les yeux par-dessus son os avant de répondre calmement)

- Rien du tout. C'est un simple constat. Ta voix n'avais pas la même intonation quand tu as évoqué ce quelqu'un. Tu t'énerves toujours quand on parle de lui ?

[ Hausse les épaules. Puis, plus calmement ]

- Je m'énerve toujours tout court.

Je levai les yeux et m’essuyai doucement le menton. Des Faëls ? Je ne savais pas ce que c’était… J’étais né dans un univers refermé sur lui-même, celui des nobles, un monde dans lequel on ne laissait pas entrer l’original, la différence.

J’avais été les deux à la fois.

Non, je ne savais pas ce que c’était, les Faëls, puisque j’avais grandi coupé de ce monde, mon véritable monde, avec ses villes, ses fleuves, ses montagnes… J’avais découvert les océans mais la terre ferme demeurait pour moi un secret encore bien trop grand. Je n’étais même pas sûr de connaître en détail la géographie de l’Empire.

Je n’étais même pas sûr de trouver la forêt de Barail.

Alors franchement… des Faëls ?

- C’est quoi ?

J’avais besoin d’en savoir plus. Pas certain que cette fille soit la meilleure guide de Gwendalavir mais je n’avais qu’elle sous la main et puis… elle avait l’air d’en connaître un bout. Je n’osais pas la détailler ouvertement alors je lui jetai seulement quelques regards en coin, mais ça se voyait comme le nez au milieu de  la figure, en fait : elle avait l’aventure dans la peau.

Est-ce qu’elle avait déjà parcouru ce pays en long, en large et en travers ?
Est-ce qu’elle avait vu l’œil d’Otolep dont parlait Qyllie dans ses histoires du soir pour m’endormir ?
Est-ce qu’elle avait déjà croisé un Raï ?

Est-ce qu’elle allait vraiment répondre à toutes mes questions ?

J’en doutais. Elle avait l’air de s’ennuyer rapidement, c’était peut-être pour ça d’ailleurs qu’elle se mettait régulièrement en rogne… Je clignai des yeux. Moi aussi, je m’ennuyais vite. J’avais toujours besoin de faire quelque chose. De penser à quelque chose.
D’apprendre quelque chose.

Et brusquement je réalisai que je ne connaissais pas son nom – ni elle le mien. La faim avait vraiment parlé la première, et justifié les moyens… Je me laissai tomber sur les fesses, croisai les jambes en tailleur et, le dos bien droit, je pris une profonde inspiration.

- Je m’appelle Keilan.

Voilà, c’était fait. Fichues interactions sociales.
Comme si j’avais besoin de ça pour vivre, moi…

- Des trucs qui ressemblent à des humains en plus petit avec les oreilles pointues. Et qui parlent une autre langue.

[ Pause, elle fronce les sourcils ]

- Ok.

[ Un sourire en coin ]

- Tu viens d'où ?

- Tu me poses la question pour faire la conversation ou tu veux vraiment savoir ?

(Regarde les flammes qui meurent doucement, soudain pensif)

D'où on vient, c'est pas le plus important. C'est où l'on va qui vaut vraiment le coup, non ?

[ lève les yeux, intéressée ]

- Ouais. Tu veux aller où, alors ?

- Au bout de la forêt de Barail.

(croise très brièvement son regard)

Te méprends pas, je veux pas voyager avec toi. Je suis un solitaire. Mais tu m'as donné envie d'aller voir cet endroit.

[ sourire moqueur avant de hausser les épaules ]

- Et après ?

- Je sais pas. Je verrai bien.

(réfléchit à voix haute s'en s'en apercevoir)

J'ai le temps, de toute façon. Mon prochain cours n'aura pas lieu avant un moment...

- Cours ?

[ Lueur d'intérêt ]

[ hausse les épaules ]

- Rien.