Flots en vogue, Vagues à flots... [Libre]

L'eau.

Belle et tendre, miroitante, voleuse de lumière et d'énergie, voleuse de vie et d'envie.
Voleuse d'âmes, déploiement de Beauté à l'état pur.

Les vagues s'écrasent avec force sur les rochers qui balayent les côtes, juste là, embrassant le ciel et le vent de milliers de gouttelettes enivrantes, déployant des trésors de beauté et de diffractions pour attirer l'œil aguerri d'un artiste ou le cœur sentimental d'un Marchombre. Le soleil s'accrochait aux falaises, dressées vers l'immensité ondulante de la mer, de l'Océan qui s'étendait là, sous les cieux divins et infinis d'une journée de printemps. L'herbe, glissant dans les courants d'air, donnait l'impression, à son propre niveau, de vouloir rivaliser avec les vagues étincelantes de l'eau en créant ses propres reflets cuivrés et clairs dans l'ondulation des tiges.

Le vent sommeille, et pourtant sa présence n'en est que plus forte, près de la mer, remontant le long des falaises par simple mouvement de dépression, se glissant dans des cheveux ondulants librement, des cheveux lourds ramenés en dreadlocks qu'il tentait si souvent de soulever sans y parvenir, il y arrivait alors, heureux de pouvoir faire cette blague au propriétaire en question, perché sur l'ultime centimètre de terre qui le séparait du vide des falaises. Un centimètre d'adrénaline et de jeux avec le vent, qui lui aussi s'amusait à passer sur son torse nu pour le retenir, comme s'il ne voulait pas qu'il tombât des falaises.

Le jeune homme sourit, heureux de sentir les bourrasques sur son cors presque entièrement dévêtu. Son pantalon de lin blanc, un peu plus loin, avait quelques soubresauts dus au vent, justement, mais lui-même n'était presque qu'en tenue d'Adam, et souriait à la Nature, à la Mer et au Vent. Et son sourire, glissé sur ses lèvres, ne semblait jamais vouloir prendre fin, et sa source était avant tout dans ses yeux, ses yeux bleus pétillants de bonheur. Il ouvrit les bras, lentement, se calquant sur le vent, et entama la Gestuelle Marchombre doucement mais sûrement. Il était juste bien, calme, serein, en harmonie avec ce qui l'entourait. Et lorsque la Gestuelle s'arrêta d'elle-même, le vent se retira et lentement il bascula par dessus la parcelle de terre pour finir sa courbe épurée entre deux rochers, en dessous, dans l'eau tumultueuse. Souriant toujours, il se laissa bercer par les courants sous-marins, et la houle de l'eau, avant de mettre la tête hors de cette dernière pour respirer pleinement et de remonter la paroi encore mouillé.

Il prenait tout son temps, caressant sensuellement la roche sous ses doigts, se liant intimement à elle, se glissant avec fluidité et grâce de prises en prises, pour arriver à nouveau sur le promontoire terreux, et herbeux. Souriant au Vent, à la Terre et à l'Harmonie, le jeune homme s'étendit dans l'herbe, offert au soleil, les sens aux aguets.

Il avait laissé le Jaguar le porter pendant plusieurs jours, comprenant que ce dernier avait besoin d'une solitude totale et nécessaire. Cela faisait en effet bien longtemps qu'il ne lui avait pas laissé prendre le dessus, et se défouler, chasser, alors Erwan comprenait, et s'était laissé dominer par l'animal en lui. Il avait couru pendant des jours, il ne savait pas combien exactement. Mais il avait beaucoup couru, ne s'arrêtant qu'une fois ou deux pour chasser, et encore, lorsque c'était nécessaire. Car dans la plupart des endroits où il était passé, le gibier était abondant, et il avait pu continuer son chemin tout en courant, en continuant à courir. Ses pattes de félidé l'avaient porté loin, et il n'avait repris le contrôle que lorsque le vent maritime était venu glisser dans ses narines.

Soupirant, Erwan ferme les yeux et s'ouvre sur le monde. Tranquille. Souriant. Son ventre se mouve au rythme de sa respiration, profonde et complète. Il est juste heureux. Il pense à Inwëlle, à Nérylis, à Rilend, Mirage et Myia. Toutes ses apprentis, Nérylis celle qu'il aimait. Juste heureux et serein. Et, plongé dans un demi-sommeil, un bruit non naturel attire son attention. Une respiration. Il n'ouvre pas les yeux, ne rompt pas tout de suite le moment qu'il vit. Juste vif...

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Miss était plutôt fière d'elle-même, et heureuse. Fière d'elle-même, car elle avait enfin trouvé chaussure à son pied en achetant un cheval, enfin. Elle adorait marcher à pieds, courir, et elle le faisait dès que possible, mais cela faisait longtemps qu'elle voulait acquérir un cheval, tout en sachant pertinement qu'un cheval n'appartenait en réalité à personne sauf au vent. Elle l'avait acheté dans un élevage, un bon élevage qui avait même essayé d'évaluer ses connaissances pour ne pas lui donner n'importe quelle monture, un endroit très bien où l'on était à l'écoute et des cavaliers, et des chevaux. Elle avait seulement, finalement, dit qu'elle avait appris à monter chez les Frontaliers, et l'homme qui gérait les ventes l'avait jaugée un instant, avant de hocher la tête et de l'emmener près des écuries les plus éloignées de son bureau, où un bruit monstrueux était présent. La jeune fille avait hoché la tête, ne comprenant pas pourquoi on l'avait amenée ici. Et lorsqu'elle vit les têtes des chevaux sortir de la porte des boxes, elle avait compris qu'on l'avait emmenée ici parce qu'on estimait qu'elle pouvait s'occuper des chevaux dits difficiles, même si elle-même savait, par l'enseignement qu'on lui avait fait à la Citadelle, que ce n'étaient pas les chevaux qui étaient difficiles, mais l'éducation qu'on leur avait prodiguée, et qu'il était normal qu'ils se révoltassent. En tout cas, il était clair qu'ils la surestimaient, mais elle ne dit rien et se contenta d'observer. Toutes les têtes étaient tendues vers elles, tantôt les oreilles en avant, curieux et intéressés, tantôt les oreilles couchées sur le crâne et les naseaux pincés, agressifs et mécontents. Passant entre les deux murs opposés, Miss s'était arrêtée devant une porte où le cheval était retourné et montrait sa croupe à l'entrée du box. Fronçant les sourcils, la jeune fille s'était approchée et avait fait claquer sèchement sa main sur la croupe du cheval, qui avait sursauté et avait retourné doucement la tête vers elle.

Il avait une tête adorable et un regard doux, comme s'il était là sans raison, au milieu de ces chevaux aux comportements qui n'étaient plus naturels. Mais Miss savait qu'il fallait se méfier... Le cheval s'était finalement retourné vers elle, doucement, et avait placé ses naseaux dans ses mains tendues, lui tirant un sourire. Le vendeur, derrière elle, arborait un sourire entendu, comme s'il savait qu'elle allait venir là et choisir ce cheval en particulier. Fronçant les sourcils, Miss demanda alors :

- Pourquoi ce cheval est-il dans cette partie des écuries ?

- Parce que c'est un cheval qui a été éduqué pour se battre, et la moindre odeur de sang le rend fou, et il en devient très agressif à ce moment-là. Mais mis à part cela, c'est un très bon cheval, avec un bon dos, de sept ans tout juste, et volontaire. Il faudra juste de la douceur et de la fermeté pour le rééduquer...

Miss avait alors hoché la tête et payé l'éleveur, avant de seller le cheval en question et de partir au pas, doucement, vers le Sud. Elle avait alors décidé d'aller jusqu'à l'Océan, puisqu'elle ne l'avait jamais vu, et qu'elle avait le temps de se permettre un tel voyage. Elle repensait à Jia, et se disait qu'en fait, en y réfléchissant, la distance qui les séparait avait fini par prendre le dessus, comme elle l'avait prédit, et lui aussi, la première fois qu'ils s'étaient rencontrés. Ils s'étaient dit qu'ils essayeraient toujours de garder l'amour pour l'autre, mais cela n'avait pas suffi pour Miss, et elle s'en voulait. Mais elle ne regardait pas en arrière. Certes, elle n'était plus amoureuse de Jia, mais c'était une expérience unique qu'elle avait vécue avec lui, et elle ne le regrettait pas du tout. C'était dommage que cela fût terminé, mais c'était ainsi, et la jeune fille était toujours allée de l'avant sans se poser de question. Elle avait ainsi marché durant quelques jours, faisant connaissance avec sa monture, qu'elle dénomma Etincelle, parce qu'elle était aussi vive que l'éclair, quand il zébrait le ciel d'orage. C'était un petit hongre, pas très grand, tournant autour du mètre soixante, d'une belle robe rouan à dominance cerise, mais avec une tâche blanche sur le haut droit de la croupe, qui faisait qu'il était dénommé Pie Rouan. Sa tête était presque entièrement cachée sous la belle-face qui la constituait, lui attribuant ainsi deux yeux vairons magnifiques. Nyu était contente de sa monture, et cette dernière avait envie de connaître sa cavalière, c'était parfait.

A la fin du troisième jour, enfin les senteurs de l'Océan parvinrent aux narines et aux naseaux des deux voyageurs, Miss qui sourit et Etincelle qui accéléra le pas, tirant un éclat de rire à la jeune fille. Passant le long d'une lisière de forêt, ils arrivèrent bientôt dans une immense plaine, que l'herbe voulait faire liquide en y créant des reflets émeraudes clairs et foncés, comme de l'eau qui aurait ondulé sous le soleil. Ne retenant pas Etincelle, Miss le laissa passer au galop et profiter de l'étendue plate et régulière pour se défouler, ce que le petit cheval fit avec un plaisir visible. Il galopait, complètement débridé, et ses foulées s'allongeaient sans cesse, gagnant en vitesse à chaque fois que son pied propulseur touchait le sol. Et lorsque de vert, le paysage passa à bleu, le petit cheval ralentit jusqu'à s'arrêter complètement. Devant la cavalière et l'équidé, s'étendait à perte de vue l'immensité de la mer, avec d'immenses vagues poussées par la houle maritime... C'était beau, et c'était magique. Laissant le vent venir se glisser dans ses deux tresses, Miss inspira à fond un instant, fermant les yeux. Puis, l'un léger geste de la main, elle fit avancer Etincelle au pas le long de la paroi, vers l'Est. Ils ne marchèrent pas longtemps, avant que le cheval ne s'arrêtât brusquement pour regarder quelque chose qui bougeait, un peu plus loin. Fronçant les sourcils, Miss descendit d'Etincelle et le prit par la bride pour l'amener. C'était un pantalon de lin blanc, qui n'était pas là par hasard, cela se voyait... Levant les yeux, la jeune fille chercha quelqu'un à proximité, mais ne vit rien...

Soupirant, elle amena Etincelle un peu plus loin et l'entrava à un arbre, avant de revenir sur ses pas, près de ce pantalon. Elle inspecta les rebords de la paroi, ne voyant personne... Alors, elle s'avança et regarda en bas, dans l'eau, et sur le bord de la paroi, mais il n'y avait personne non plus... Agacée, Miss se tourna et balaya la plaine du regard, ne découvrant aucune silhouette, à son plus grand désarroi. Mais elle plissa les paupières, et soudain quelque chose attira son attention. Elle ne savait trop quoi, elle ne voyait rien de bien spécial, mais elle s'avança quand même... Jusqu'à découvrir un corps allongé dans l'herbe. S'arrêtant brusquement, elle laissa son regard glisser dessus, et ne put s'empêcher de pencher la tête pour plus le détailler. Un corps d'homme... Grand, d'après ce qu'elle pouvait en juger, avec des épaules larges, le torse nu, musclé sans l'être trop, les jambes dénudées, fines et fortes, des cheveux blancs ramenés en grosses mèches crépites... Elle papillona du regard plusieurs fois, avant de réussir à le détourner du corps allongé. Elle ne doutait pas qu'il l'eût repéré. Elle était persuadée qu'il était Marchombre, voire plus que cela, car une aura de puissance et d'Harmonie se dégageait de lui à plusieurs mètres à la ronde, imposant respect et réflexion à quiconque s'en approchait. Miss soupira, s'avança un instant, doucement, en essayant de faire le moins de bruits possible, et s'assit, droite, comme à son habitude, avec son port princier et haut, fixant l'horizon sans dire un seul mot... Mais souriante, sentant son regard dévier légèrement, malgré elle...

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Le printemps arrivait. Lentement, il replaçait son confrère l’hiver. Alors que celui-ci ne faisait que prolonger le désastre de l’automne, recouvrant les corps meurtris des feuilles et plongeant les terres dans une lente hibernation, le printemps, lui, était synonyme de vie et de chaleur. Il redonne à la Nature sa couleur émeraude et teinte les arbres de diverses couleurs pures et éclatantes. Blanc innocent pour les cerisiers. Rose discret pour les pêchers. Jaune rayonnant pour les genets. Mais ce changement n’affect pas seulement les arbres. Il redonne aussi la couleur rubis des tulipes ou s’amuse à dévoiler l’arc-en-ciel avec les différentes sortes de jacinthes. Chaque année c’est le même renouveau qui s’opère. Tout reprend vie en cette époque. Même Phébus à l’air d’être plus chaud et vigoureux dans sa tâche de chauffer le monde.

Une semaine… Cela faisait maintenant une semaine que Lacrya voyageait, seule. Elle était partie sans vraiment savoir pourquoi. Elle avait prévenu de son absence l’administration du Domaine. Mais elle n’avait dit ni où elle allait ni quand elle reviendrait. D’ailleurs, cela restait encore flou dans son esprit. Elle avait juste besoin de solitude. Non que la vie en société lui fût désagréable, mais parce que réfléchir en communauté n’était pas ce qu’elle préférait. Cela faisait un bon moment qu’elle ne s’était pas retrouvée totalement seule durant un long moment. Elle devait toujours faire quelque chose. S’occuper de ses élèves ou encore préparer ses cours. Mais elle ne se plaignait pas. Elle avait choisie de devenir maître. De guider les jeunes apprenties le long de la voie des envoleurs. De les former pour qu’un jour peut être il la surpasse. Qu’ils deviennent eux aussi fils du Chaos. Qu’ils prennent part à cette invasion lente et prometteuse.

Mais ses réserves de solitude étaient épuisées. Et même ses escapades en forêt de plusieurs jours n’avaient pas suffit à lui rende complètement sa sérénité. Elle avait donc annoncé à ses deux élèves, Oddy et Shaka, de s’entraîner seuls pendant un moment et de trouver la voie au fond d’eux. Et elle était partie. Sans destination précise. A pied, courant de tout son saoul, escaladant toutes les falaises qu’elle trouvait, nageant au grès des rivières tumultueuses. Elle se sentait parfaitement libre. Elle était devenue nuage. Ne se laissant porter que par le vent. Un vent puissant et volontaire qui jamais ne perdait sa force colossale et infinie.

Puis ce fut l’Océan. Cette étendue immense et absolue. D’un bleu à couper le souffle à toute personne. Balayé par divers souffles venus de toutes parts. Agité par de fines vagues qui venait ensuite mélanger le sable des plages dans leurs va-et-vient perpétuelles et insatiables. Au loin, il se mélangeait avec le bleu du ciel et formait une ligne en osmose parfaite. Lacrya s’assit, jambes relevées contre le menton maintenue par ses deux bras, le regard perdu dans l’immensité bleu. Elle resta un long moment dans cette position. Respirant pleinement. Goutant enfin à une solitude parfaite et complète.

Soudain, un bruit de galop attira son attention. Elle regarda dans la direction du son et vit une jeune femme sur un cheval arriver. Il était loin et Lacrya était presque sûre qu’elle ne l’avait pas vu. Elle se releva et alla un peu plus loin pour observer. C’est alors qu’elle remarqua, au pied de la nouvelle venue, un pantalon d’homme en lin blanc. Il y avait donc une troisième personne ? Lentement, elle essaya de se dissimuler derrière un rochet qui bordait la falaise. Elle recula doucement sans faire le moindre bruit. Calquant lentement sa respiration sur celle de la Nature qui l’entourait pour rester aussi invisible à l’œil qu’à l’oreille. Elle ne voyait pas où elle allait mais elle savait pertinemment qu’elle n’avançait pas vers le vide.

Elle avançait pas à pas, doucement. Soudain l’inconnue tourna les yeux et regarda un point derrière elle. Lacrya voulue avancer plus vite pour se dissimuler. Elle allait se retourner quand son pied butta contre quelque chose et elle bascula vers l’arrière. Un poussa un petit cri et tomba lourdement sur une chose chaude et molle. Elle se releva précipitamment et sortie instinctivement un poignard. Puis elle ouvrit les yeux en grand, découvrant ce qu’elle venait de percuter.

Elle se trouvait devant un homme. Celui-ci avait l’air surprit de cette brusque entrée en matière. Il devait environs avoir le même âge que l’envoleuse. Les traits de son visage étaient parfaits. Fins et légèrement sévères, ils instauraient le respect et l’obéissance. Ce visage était encadré par des cheveux d’un blanc pure et innocent, ramené en une série dreadlocks volant doucement dans le vent. Il était presque nu. Se peau quasiment entièrement offerte au Soleil, qui la colorait d’une belle couleur presque dorée. Cela mettait en valeur sa musculature. Très présente tout le long de son corps. Fine et pourtant puissante. Lacrya frissonna en imaginant les dégâts que pouvait provoquer un point balancé à pleine vitesse par un bras pareil. Ceux-ci était long et se terminait pas de grandes mains aux doigts fins et élancés. Ses jambes étaient grandes et taillées pour la course ou l’escalade. Il possédait aussi de grands pieds, puissants et colossaux sans pourtant être dénudé de beauté.

Mais ce qui frappa le plus la jeune femme, c’était ses yeux. Aussi bleu que l’océan s’étendant près d’eux. Elle ne pouvait détourner le regard. Soufflée par cette soudaine apparition. Ce n’ai que grâce à une volonté de fer que la jeune envoleuse réussie à ce relever et à ranger son poignard. Il ne servait à rien de se battre maintenant. Surtout pas avec une telle créature. Elle se rendit alors compte de sa taille. Immense face à celle de Lacrya. Il devait peut être même atteindre les deux mètres. Les joues légèrement empourprées, elle lui adressa quelques excuses et lui tendit la main pour l’aider à se relever.

Un bruit de galop, plus loin. Un tapotement de pas, sur l'herbe ondulante. Un, et puis deux souffles. Un arrêt, à l'endroit où un léger tissus blanc flottait dans la brise. Puis, quelques bruits de pas, explorateurs, qui passent et repassent, d'un endroit à un autre, cherchant sans trouver. Un sourire, sur le visage du corps allongé. L'air était frai, et amenait l'odeur, particulière du cheval qui arrivait, ainsi que celui de la personne qui le montait. Et lorsque le cavalier entrava son cheval à un arbre pas très loin de là, Erwan n'ouvrit toujours pas les yeux, préférant écouter, s'ouvrir. Il y avait une autre présence, à peine perceptible, un peu plus loin, qui se rapprochait, mais pas dans la même direction.

Ouverture.

Il sentait dans son ventre le jaguar se réveiller, même si pourtant il l'avait laissé prendre l'entier contrôle pendant des jours, alors, imperceptiblement, il fronça les sourcils, mais laissa les sens de l'animal prendre le dessus sur ses sens humains. Il y avait bien deux personnes, l'une près du cheval et qui était allée près des parois tombant dans l'Océan, et l'autre qui semblait se méfier, elle sentait l'adrénaline, même si sa respiration était calquée sur celle de la Nature. Elle avait quelque chose qui réveillait le jaguar dans son ventre, sans qu'il ne pût tout à fait le reprendre... Mercenaire ? Erwan expira doucement et longuement, continuant à s'ouvrir au monde. Les deux présences se rapprochèrent, il les sentais. Des présences féminines, lui tirant un sourire. L'avaient-elles vu ? Non, il ne semblait pas...

Mais maintenant oui. Il sentait un regard sur lui, la cavalière d'après ce qu'il pouvait en juger. L'adrénaline flua dans les veines de la seconde présence, qui recula précipitamment, il sentait les vibrations sur le sol... Et lorsqu'elle s'approcha un peu trop, il ne retira pas son épaule assez rapidement et un talon buta contre la pointe de cette dernière, alors qu'il l'effaçait complètement. La personne en question trébucha tout de même, et il roula rapidement sur le côté, ouvrant du même temps les yeux pour voir son environnement, les sens toujours aussi ouverts. La jeune femme qui l'avait touché n'était pas très grande, mais semblait avoir son âge environ, sans doute à un ou deux ans près. Il se releva souplement, alors qu'elle-même tendait sa main pour l'aider à se relever. Lui adressant un sourire, il la regarda rapidement. Il nota en particulier sa petite taille, et ses cheveux courts, blancs, ainsi que ses grands yeux foncés. Hochant simplement le menton en signe de salutations, il se tourna vers l'autre présence, un peu plus loin, qui était à son tour arrivée et qui ne pouvait que les avoir vus.

C'était une jeune fille, plus jeune qu'eux, et Erwan lui aurait donné quelque chose comme dix-sept ans. Elle n'était pas très grande non plus, faisant à vue d'oeil la même hauteur que l'autre jeune femme. Ce qui surpris Erwan, c'était la prestance et la confiance en elle qu'elle dégageait, et sans doute sans le faire exprès, car elle ne semblait pas hautaine. Quelque chose dans son attitude tendait vers l'Harmonie, mais il percevait autre chose qui ternissait cela, sans pour autant le supprimer. Tournant son regard cobalt vers la première, celle aux cheveux blancs, il nota alors que ce qui se dégageait d'elle n'était rien d'autre que le Chaos à l'état pur, et il sourit. Une Mercenaire ? L'autre, il ne savait pas trop où la placer, puisqu'elle semblait vraiment à l'équilibre entre Harmonie et Chaos.

C'était la première fois qu'il avait l'occasion de rencontre une Mercenaire, sans que cela ne commençât par un combat entamé par les fils du Chaos. Elle ne semblait pas agressive, en tout cas elle avait rangé ses poignards. Mais le jeune homme savait pertinemment que si elle décidait de s'attaquer à lui, il n'y aurait même pas une seconde de passée qu'elle aurait déjà pu les sortir de leurs pochettes et frappé. Un léger sourire en coin, il s'éloigna d'un pas, observa le paysage rapidement, notant l'arbre auquel était attaché le cheval de la seconde jeune fille et près duquel son pantalon l'attendait, glissant dans les caprices du vent. Il sourit, levant son visage vers le ciel un instant, contemplant son infinie beauté et étendue.

Le vent semblait vouloir jouer avec lui, glissant sur ses muscles abdominaux, murmurant à son oreille, soulevant ses cheveux, caressant sa peau nue. Il ne semblait pas du tout méfiant des deux jeunes femmes, et Erwan décida de lui faire confiance, même si le jaguar dans son ventre feulait méchamment, méfiant et prêt à bondir s'il se fallait. Le jeune homme savait que lorsque les instincts du fauve se faisaient trop présents et trop puissants, il pouvait prendre le dessus à tout moment, et c'est pour cela qu'il le laissa dans son ventre, malgré le vent qui l'encourageait à venir jouer. C'était un animal, il sentait ce genre de choses, et le jeune homme se faisait confiance de ce côté-là. La dernière fois qu'il avait rencontré un Mercenaire, il ne s'en était sorti que parce que le fauve avait pris le dessus, surprenant son adversaire et lui brisant les os de la nuque dans le même temps. C'était plusieurs années auparavant, lorsqu'il sortait tout juste de sa formation, et qu'il n'avait pas encore eu d'apprentis, pas même Alaya.

Soupirant doucement, il adressa un sourire tranquille aux deux jeunes filles et s'avança vers l'arbre pour prendre son pantalon, qu'il enfila rapidement, par dessus le peu de vêtement qu'il portait alors. Leur adressant un regard, il ne les invita pourtant pas de quelque manière que ce fût à le suivre, et alla simplement se poster, assis en tailleur, en haut des parois surplombant l'Océan, les yeux fermés, et les sens ouverts partout autour de lui, profitant du vent, qui jouait avec lui, lui tirant un léger sourire... Silhouette claire sur l'étendue infinie de l'eau, où la brume s'élevait par moment. La Brume... Son amie, elle aussi.

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Il y avait quelque chose d'étrange. Quelque chose qui n'allait pas, et Miss le sentait, étrangement. La jeune filel fronça les sourcils, mais avant qu'elle n'ai pu s'assoir où elle le souhaitait, une autre personne était arrivée, et avait trébuché sur le corps de l'homme qu'elle avait vu. Retenant un hoquet de surprise, Nyu passa sa main sur sa bouche, avant de voir que l'homme en question avait glissé sur le côté alors que la dernière personne avait repris son équilibre. Miss avait en même temps bondi sur le côté pour éviter la possible chute de la nouvelle venue, et en s'accroupissant rapidement, elle vit que cette dernière, dans son déséquilibre, avait sorti un poignard avec une vitesse phénoménale. Tentant de ne pas paraître surprise, la jeune fille se redressa quelque peu pour détailler la nouvelle venue, car elle ne l'avait vraiment pas vue... Mais d'un autre côté, elle avait aussi mit beaucoup de temps avant de voir enfin le corps de l'homme, comme s'il s'était confondu dans la Nature, comme s'il ne faisait qu'un avec ce qui l'entourait, et que sa présence n'était même pas perceptible. Et il semblait que c'était la même chose avec cette femme, même si elle n'avait pas la même chose dans son aura, ou dans sa manière de faire. Miss sentait qu'il y avait une différence fondamentale dans cette faculté, mais elle était bien incapable de mettre un mot dessus, ou même autre chose, c'était quelque chose qu'elle sentait dans son ventre et qui se ressentait.

Alors, Miss prit le temps, en se relevant lentement, de détailler la nouvelle venue. Elle n'était pas très grande, sans doute sa taille, et légèrement menue, avec une bouille enfantine. Ses yeux foncés semblaient vouloir tout percer à jour, alors que sa chevelure blanche contrastait avec le tout. Fronçant les sourcils, Nyu savait qu'elle l'avait déjà rencontrée, cette femme, ou alors apercçue... Au Domaine ! Réfléchissant, elle se rendit compte qu'en réalité, c'était l'une des Maîtres Envoleurs de la forteresse des Mercenaire, et qu'elle l'avait certainement croisée autour du Domaine, puisqu'elle-même n'y rentrait presque jamais. La saluant d'un léger signe de tête, sans plus de politesse ou de manière, elle tourna vivement la tête vers le jeune homme, qui avait sans doute d'ailleurs le même âge que la nouvelle venue, à y regarder de plus près. Ce dernier s'était levé sans appréhension, et Miss aurait juré qu'il ne faisait pas attention à elles deux, même si elle savait pertinemment que ce n'était pas le cas et qu'au contraire, il était sans doute très attentif. Ses yeux passèrent, sans qu'elle ne les retînt, sur le dos de ce dernier, suivant la courbe du V que ses épaules formaient jusqu'à son bassin, et le regarda aller s'habiller, avant de s'asseoir plus près de la falaise, en tailleur et de regarder l'Océan.

Jettant un coup d'oeil à l'Envoleuse, Miss lui adressa un sourire qui se voulait amical, avant de voir le regard que cette dernière posait sur le jeune homme. Immédiatement, sourire de miel devint ironique et moqueur. Levant presque hostentilement le menton, la jeune fille lui adressa un regard de défi, avant de s'avancer vers le jeune homme assis, et ouvert au monde. Oui, cela, elle le sentait. C'était cela. Ouvert, complètement, il semblait être partout et nulle part à la fois. C'était magique. Oui, elle n'en doutait plus, c'était bien un Marchombre, et indéniablement elle était attirée par la bulle d'Harmonie qui l'entourait, fascinée par ce qu'il faisait, même s'il ne faisait pas grand chose. Tournant légèrement la tête pour voir où était la Mercenaire, elle s'approcha lentement et s'assit à son tour à côté du jeune homme, regardant l'Océan, et osant parfois jeter un coup d'oeil au garçon. Quelque chose de spécial, en plus, se dégageait de lui, comme un côté animal et instinctif, conservateur et agressif, mais à la fois doux et adorable. Elle se sentait en sécurité, et pourtant savait qu'il fallait qu'elle se méfiât. Poussant un léger soupir, ne disant toujours rien, elle s'appuya sur ses avant bras, à l'arrière de son corps, pour offrir son visage et son décolleté au soleil. C'était l'une des rares fois où elle ne portait pas de jupe, mais un court short, pour monter à cheval, et son haut blanc cassé mettait en valeur ses immenses yeux violets. Soupirant d'aise, la jeune fille ferma les yeux, essayant d'être attentive, et prête à bouger à tout instant, même si elle savait pertinemment qu'elle bougerait bien moins vite que les deux autres personnes qui étaient présentes...

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Un regard. Un seul. Mais tellement perçant et puissant. D’où puisait-il cette force ? Etait-ce la couleur de ses iris ou alors la profondeur envoutante de ses pupilles ? L’envoleuse ne le savait pas mais elle se sentait mal. Mal à l’aise plus exactement. Troublée par un homme ? Lacrya rit intérieurement. Et puis quoi encore ? Avec sa fierté désabusée, jamais elle ne le reconnaitrait. Et pourtant… Elle soupira intérieurement.

Soudain le jeune homme se leva. Avec une grâce presque féline. Ses mouvements étaient emplis de souplesse et d’Harmonie. Harmonie ?! Lacrya sonda rapidement l’environnement dans lequel elle se trouvait puis regarda outre l’apparence de l’inconnu. Il semblait totalement ouvert à ce qui l’entourait et une bulle d’Harmonie et de communion parfaite avec la nature l’entourait. Marchombre… Et à en croire la puissance de l’aura, elle n’avait pas affaire à un simple apprenti. Peut être se trouvait-elle-même en face d’un maître. Aussi puissant voir plus qu’elle… Elle allait devoir rester sur ses gardes. Même si l’homme ne semblait pas lui vouloir de mal, mieux valait être prudent. C’est alors que Lacrya remarqua que le marchombre n’avait pas saisit la main qu’elle lui avait tendue et que celle-ci était toujours dirigée vers un endroit par terre, vide. Elle soupira doucement et ferma le point. Elle ramena ensuite son bras près d’elle et regarda une nouvelle fois l’homme. Celui-ci lui souriait doucement en la détaillant rapidement, puis il tourna la tête dans une autre direction.

La jeune envoleuse fit de même et découvrit sans surprise la jeune femme qui était arrivée à cheval. A vu de nez, elle devait être plus jeune qu’elle. Elle faisait environ la même taille que l’envoleuse et avait de longs cheveux lui descendant quasiment aux cuisses. Son visage était relativement banal. Elle n’était ni une grande beauté ni un laiderons. Neutre. Tout ce qu’il y a de plus vrai. La première pensée qui vint à l’esprit de la jeune envoleuse à l’égard de la nouvelle venue était en rapport avec ses cheveux. Comment avoir des cheveux aussi longs ne pouvait-il pas être gênant ? C’est alors qu’elle remarqua ses yeux d’un violet profond. Cela lui fit immédiatement penser à Miyuko, l’adolescente du lac Chen. Ils étaient presque identiques. Presque. Toujours cette couleur étrange. Couleur qui lui rappelait encore autre chose. Où avait déjà-t-elle vu cette jeune femme ? Elle se creusa l’esprit pendant un moment puis une lumière s’alluma soudain. Le Domaine… Elle devait-être une apprentie mercenaire. Elle en croisait tout le temps au grès des couloirs qu’elle s’étonna elle-même de l’avoir reconnu. Celle-ci, la reconnaissant sans doute, lui adressa un léger signe de tête puis tourna vivement la tête vers l’homme. Lacrya ne fit rien et baissa les yeux avant de les relever pour observer le comportement de l’apprentie face au jeune homme.

C’est alors qu’elle remarqua, non sans surprise, que le regard de la jeune femme glissait sans retenu sur le corps presque nu du jeune homme. Celui-ci se mit soudain en mouvement et alla chercher son pantalon qu’il revêtu rapidement. Il adressa ensuite un regard et un sourire aux deux femmes qui le regardaient puis alla s’assoir tranquillement face à l’océan en ne lançant aucune invitation à leur égard. Lacrya ne fit aucun geste. Elle s’arracha à la contemplation du dos de l’homme et posa son regard brumeux sur la jeune femme. Celle-ci la regardait fixement puis, dès qu’elle vit le regarde de l’envoleuse se poser sur elle, elle lui lança un sourire moqueur et ironique. Elle la regarda d’un air de défi puis se tourna vers l’homme et s’assit à coté de lui. Elle s’appuya ensuite sur ses avant-bras et offrit sa peau au soleil.

Lacrya resta un moment debout. Pourquoi ce regard ? Puis voyant, les fréquents regards en coins que jetait l’inconnue sur l’homme assit, elle comprit. Elle devait s’être éprit de ce marchombre. Mais pourquoi ce défi ? Elle avait peur que Lacrya s’interfère dans ses plans ? L’envoleuse retint un rire qu’elle garda pour elle. Il était vrai que la beauté de l’homme était grande. Presque divine. Mais au point de s’en éprendre… Non… Puis une idée germa dans son esprit. Pourquoi ne pas s’amuser un peu et faire concurrence à cette jeune femme ? Non… Mieux valait ne rien faire pour l’instant. Puis un autre dilemme s’ouvrit dans son esprit. Se joindre à eux deux ou repartir dans sa solitude ? Elle réfléchie un instant puis s’avança vers la falaise. Et s’assit un peu à l’écart sans pourtant se tenir trop loin des deux autres individus. Elle ferma elle aussi les yeux, ramena ses jambes contre son corps et ne bougea plus.

Erwan observait l'Océan, les yeux perdus dans le vague, lointains et pourtant vifs et attentifs. Il écoutait ce qu'il se passait derrière lui, et les regards qu'il sentait parfois sur sa peau le faisait doucement sourire. Il continuait de se délectait du soleil puissant sur sa peau, la dorant légèrement et lentement, mais sûrement. Le printemps était arrivé, et les beaux jours avec, il aimait cela, et sentait encore plus tout autour de lui le monde en effervescence. Malgré tous les printemps qu'il avait pu passer avec le jaguar découvert dans son ventre, c'était la première fois qu'il le sentait si présent et autant sur le qui-vive, comme s'il attendait quelque chose. Pendant les quelques jours durant lesquels il l'avait laissé prendre le dessus, il avait senti que l'animal cherchait un but spécifique, sans comprendre ce que c'était exactement. Il venait de le comprendre, en sentant les regards fuyant dans son dos : le printemps, et avec cela, évidemment, la poussée d'hormones. Mais ce qui le surprenait le plus, c'était que durant toutes les autres années, il n'avait jamais ressenti ce besoin chez l'animal qui se tapissait dans son ventre.

Lorsque la plus jeune des deux femmes vint s'asseoir à côté de lui pour s'offrir à son tour au soleil, Erwan tourna légèrement la tête vers la seconde, la Mercenaire. Il ne pouvait dire si elle était Maître, si elle était puissante ou non, et à dire vrai, il s'en fichait complètement. Il ne sentait pas le moins du monde une adrénaline de combat et de haine chez les deux jeunes femmes, et par conséquent, il savait qu'il n'avait pas grand chose à craindre. Et au pire, il savait que le jaguar réagirait encore bien plus vite que lui-même en tant que Marchombre, vu l'excitation qui le gagnait. Songeant qu'ils devaient faire un tableau bien amusant, tous les trois, assis sur le haut de ce surplomb rocheux, face à l'Océan d'un côté et entourés des prairies d'herbes ondoyantes de l'autre, Erwan soupira légèrement, tentant de calmer le jaguar dans son ventre qui tentait de sortir. Il savait que c'était totalement dû à la Mercenaire à côté de lui, qui avait d'ailleurs ramené ses jambes contre son torse, fermée sur elle-même. Tout cela l'intriguait, il avait des questions à poser, et ne comptait pas se gêner pour les poser, à dire vrai. Souriant, il glissa une petite phrase, dans le vent, gaie et pourtant piquante...

- Devrais-je me sentir oppressé de la présence de deux demoiselles à mes côtés ?

Prenant une inspiration, il tourna les yeux vers la jeune femme aux cheveux blancs, avant de rajouter :

- Comptant, d'autant plus, au moins une Mercenaire...?

Se redressant, il leva le menton vers le ciel, où quelques nuages épars glissaient lentement, doucement, au grès du vent qui les poussait dans leur dos, sans qu'ils ne pussent y résister. Erwan se demandait quel vent avait poussé ces deux jeunes femmes à venir jusqu'à l'Océan, et il se demandait toujours si le vent de la Vie pouvait être prévisible, et que, même s'il s'adaptait aux choix pris par les personnes, il ne les menait pas finalement là où il le souhaitait, même par des moyens détournés. Soupirant légèrement, il ramena ses jambes en tailleur, se pencha légèrement sur le côté, puis passa à genoux, chevilles allongées sous lui, les mains sur les cuisses. Les épaules détendues, le dos droit, il attendit que le vent vint se glisser jusqu'à son oreille, puis ouvrit les yeux lentement...

- Pourquoi le Chaos ?

Son murmure s'était confondu dans les voluptés du vent, doux et calme, glissant, susurrant, comme un battement d'ailes de papillon. Il savait qu'il pouvait avoir comme réponse "Pourquoi l'Harmonie ?", et était prêt, après tout, à répondre à cette question. C'était la Voie qu'il avait choisie, c'était ainsi, et ce n'était pas qu'une question de ressenti ou de destin, ou de quelque chose au fond de soi. Enfin, si, ce dernier critère était fondamental, n'importe qui ne pouvait pas devenir Marchombre. On naissait Marchombre, avec la flamme de la Voie, mais on pouvait tout à fait se séparer de la Voie, c'était le libre-arbitre. Il y avait des raisons, de vraies raisons, de choisir l'Harmonie, suivant le Marchombre. Comme de suivre le Chaos, certes. Après tout, ce n'était que complémentaire, contrairement aux idées reçues comme quoi Chaos et Harmonie étaient opposés. C'était comme l'Amour et la Haine. Ce n'était pas opposé, bien au contraire, c'était totalement lié. La passion qui s'égraine dans un sens ou dans un autre. La véritable opposition qui liait l'Amour et la Haine, c'était l'Indifférence. Erwan cherchait encore ce qui s'opposait totalement et irrémédiablement à l'Harmonie et au Chaos. Une autre force, il en était certain, mais laquelle ? Sans doute était-ce quelque chose qui dépassait l'entendement humain. Il était là pour repousser les limites, après tout, et un jour il saurait. Un jour, pas tout de suite...

Invité

Le temps s’écoulait doucement. Les secondes défilaient lentement, berçant le rythme monotone des vagues et chronométrant la vitesse du vent qui les agitait. Un souffle chaud s’engouffra dans les courts cheveux de l’envoleuse qui ne bougea pas. Elle le laissa jouer avec ses mèches blanches et ne fit rien quand celle-ci vinrent lui chatouiller le visage. Elle ferma juste les yeux et s’entoura doucement d’une bulle de Chaos qui assombrit l’atmosphère autour d’elle sans pourtant faire concurrence à celle d’Harmonie qui régnait autour du marchombre. Elle ne le faisait qu’au ras de sa peau pour rester discrète. Elle voulait seulement sentir de plus près la force et la puissance qui l’habitaient. Poussant un petit soupire d’aise, elle plaça son menton sur ses genoux repliés et laissa son regard vagabonder au grès des courant marin qui balayait l’étendue d’azur.

Il ne se passa rien pendant un long moment. Le silence qui régnait sur la scène était seulement troublé par les bruits de la Nature environnante. Mais il n’était pas le moins du monde désagréable. Le silence… Lui qui est parfois bien plus expressif que les mots. Parfois ? Non… Presque à tous les coups… Et ce silence là ? Qu’exprimait-il ? Le premier mot qui lui vint à l’esprit fut la sérénité. Il n’y avait aucune tension dans l’air. L’atmosphère était paisible et neutre. Oui… Ils auraient put rester des jours comme cela sans éprouver le moindre malaise. Rien ne se trouvait en suspension. Tout était parfaitement plat et fixé. Presque trop… Cela en devenait quasiment ennuyant… Mais Lacrya ne bougeait pas. Perdue dans les méandres tortueuses de ses pensées, elle regardait l’océan devant elle, en oubliant presque les deux inconnus à ses cotés.

Soudain elle sentie une pression infime s’exercer sur elle. Elle revint à la réalité et sentie alors le regard furtive et discret de l’homme sur elle. Elle sentie un léger frisson la parcourir. Elle détestait être dévisagée. Encore moins par un inconnu. Et encore moins par un homme… Pourtant elle ne bougea pas. Elle resta neutre, le regard toujours tourné vers l’horizon. Elle sentie alors, non sens un certain soulagement, que l’homme regardait ailleurs. Et c’est à ce moment précis que sa voix s’éleva. Se confondant avec le vent. Comme si il le dompter pour que ses murmures, portaient par ce souffle chaud, deviennent de véritable paroles, fortes et parfaitement compréhensibles.

Un sourire naquit sur les lèvres de Lacrya. Oppressé par deux demoiselles ? Plutôt oppressé par UNE demoiselle. Celle qui n’arrivait pas à détacher son regard du corps parfait du marchombre. Celle qui avait lancé un regard de défi à l’envoleuse. Celle qui brûlait d’être seule avec l’homme. Celle qui était arrivée à cheval… L’apprentie mercenaire. Dans le cas de Lacrya, il n’y avait aucuns soucis à se faire. Il était vrai que l’homme était fort séduisant mais au point de l’oppresser… Mais c’est vrai que la situation était plutôt comique. Un marchombre cerné par deux jeunes femmes, toutes deux suivant la voie parallèle à celle de l’Harmonie. Celle du Chaos. Lacrya sourit donc en silence à la question de l’homme sans pour autant détourner les yeux de l’eau.

Puis elle entendit le marchombre prendre une inspiration plus profonde que les autres. Et de nouveau cette pression sur ses épaules. Mais cette fois plus marquée et plus lourde. Nouveau frisson. Puis la fin de la phrase. Cette fois, elle tourna la tête et planta son regard perçant dans celui, qui l’était peut-être encore plus, de l’homme. Ainsi il savait. En même temps, Lacrya savait aussi qu’elle avait affaire à un marchombre. Pourtant elle ne lisait aucune crainte dans son regard. Parfaitement serein. Confiant même… Ce qui était aussi le cas de l’envoleuse. Bon, au moins il était quitte. Elle n’avait pas peur de lui et lui non plus. L’homme rejeta soudain sa tête en arrière et, se redressant légèrement, il observa les nuages. Lacrya, se décidant à ne pas ouvrir la bouche, reporta son regard ver l’Océan.

Le temps continua à s’écouler comme si rien ne s’était passé. Le silence s’était peut-être un peu alourdie, et encore… Il n’y avait eu aucune agressivité dans la voix du jeune homme. C’est une constatation plus qu’une question. Du moins, c’est ainsi que l’interprétait Lacrya. Celle-ci capta alors un mouvement à sa droite. Le marchombre venait sans doute de bouger pour prendre un autre positon. Aucune importance pour le moment… Puis sa voix. Une nouvelle fois. Toujours aussi faible et pourtant si présente. Mais cette fois, c’était une vraie question. Lacrya tourna alors les yeux vers lui avant de reporter une fois de plus son regard vers l’eau.

« Tu es né marchombre, je suis née mercenaire. »

La réponse avait été murmurée. Fusant dans le vent comme l’avait fait celle de l’homme. Sa voix avait été neutre et calme. Elle laissa sa voix mourir doucement. Il n’y avait rien à rajouter. Bien sûr, elle aurait put argumenter. Dire qu’elle l’avait senti au fond d’elle-même. Qu’elle trouvait ce monde trop faible. Qu’il avait besoin de changer. Qu’elle aimait sentir la force couler le long de ses veines. Que c’était sa destiné. Mais elle n’en fit rien. Elle aurait aussi put rebondir. Lui demander simplement « pourquoi l’Harmonie ? ». Mais elle ne fit toujours rien. Elle restait là, les yeux dans les vagues, refermant un peu plus ses bras qui entouraient ses petites jambes. Le silence parle de lui-même…

[Miss m'autorise à répondre avant elle ^^]

Invité

Miss n’était pas très bien, en y réfléchissant. Tiraillée entre l’envie de questionner ce Marchombre sur ce qu’il faisait réellement, et sa loyauté envers son camp, la Voie du Chaos, celle qu’elle était censée arpenter, d’ailleurs. Pourtant, elle n’avait jamais douté qu’elle ne voulait pas suivre la Voie du Chaos, mais bel et bien la sienne, sa propre Voie. Elle avait toujours été attirée par l’Harmonie, c’était un fait. Le Chaos, elle n’aimait pas cela, mais elle savait qu’elle ne s’en débarrasserait pas comme ça. Elle avait un côté Chaotique, et elle en avait tout à fait conscience, cela l’exaspérait. Soupirant bruyamment, elle ferma les yeux avant de les rouvrir. Puis, l’homme commença à parler. Il demanda s’il avait à se sentir oppressé entre les deux femmes. Elle sourit, tranquillement, mais hésitait. Elle avait envie de partir, de ne pas avoir à choisir entre les deux voies. Elle avait suffisament de doutes, et elle s’en voulait d’en avoir, c’était certain.

Soupirant, elle leva les yeux vers la Maître Envoleur, et lui sourit doucement. Puis, d’un assentiment de la tête, elle lui lança un ‘bonne chance’ des yeux, et se leva souplement. Posant ses grands yeux violets sur les deux personnages, elle les salua de la tête, finalement, et ne dit mot pendant quelques secondes. Puis, soupirant, elle se tourna sans bredouiller quoi que ce fut, alla vers son cheval et le libéra de son entrave, avant de l’enfourcher. Puis, elle serra les mollets, et la jument s’élança en avant, au grand galop. Les oreilles pointées en avant, on voyait qu’elle prenait un immense plaisir à se dégourdir les pattes, et Miss était persuadée qu’elle n’attendait que cela depuis quelques jours maintenant. Souriant à son tour, elle éclata finalement de rire, sa voix se répercutant à l’infini dans l’étendue de la plaine, et un cri, un cri de libération... Jusqu’à s’éteindre doucement. Et elle était heureuse. Libre !

[désolée pour le RP court, je voulais le clore... mais je vous rejoindrai une fois validée ! ^^]

Une réponse.

Une réponse, aussi plate et calme que ses questions.
Une réponse, qui en disait long sur la jeune femme, en réalité.
Une réponse, qui induisait tant d'autres questions, tant d'autres interrogations...

Une réponse.

Erwan s'y était attendu, en quelques sortes. Il s'était attendu à ce que la réponse de la Mercenaire fût aussi simple que l'aurait été celle d'un Marchombre lorsqu'on lui demandait pourquoi l'Harmonie. Pour lui, les longs discours ne disaient rien, mis à part sans doute l'hésitation de certains, face à l'immensité de la Voie et l'existence réelle de l'Harmonie, venant chuchoter à leur oreille. Oh, le jeune homme savait que certains Maîtres pouvaient se tromper sur la nature des apprentis, comme une ou deux années plus tôt une apprentie Marchombre de l'Académie avait rejoint sans doute les rangs des Mercenaires. Le libre-arbitre, encore une fois. On peut avoir la flamme, après tout dépend de la manière de s'en servir, et de l'exploiter. Du caractère, et de tout ce qui influe sur une vie. Le libre-arbitre, ce qui fait qu'aucun destin n'est réellement tracé, et que la vie elle-même nous en offre d'autres, comme de magnifiques choix, et que ces choix étaient la véritable liberté...

Un mouvement attira son attention, du côté de la plus jeune femme. Il sentait en elle une hésitation, un doute, un certain mal-être, comme si elle voulait quelque chose sans le vouloir, comme si elle cherchait à se mentir à elle-même. Fronçant les sourcils, Erwan tourna légèrement la tête pour l'avoir dans son champ de vision, et vit qu'elle s'était levée, lançant un regard entendu aux deux jeunes personnes. Soupirant, il ne fit qu'un hochement de tête, avant d'entendre dans son dos les bruits des sabots qui claquaient contre le sol et qui s'éloignaient lentement...

Le silence régnait.

Comme une étoile qui s'éteint
Comme un soleil qui explose
Le silence est d'or...

Soupirant, mêlant son souffle à celui du vent, léger, qui glissait, passait et repassait, le jeune homme ferma les yeux encore un instant, et se plongea dans ses propres entrailles, tentant de voir où s'en tenait le Jaguar dans son ventre. Ce dernier était toujours là, à l'affut, prêt à réagir au quart de tour au moindre mouvement suspect de la jeune femme à ses côtés. Erwan se demandait si le jaguar saurait se défendre seul. Certes, c'était un grand prédateur, mais un jaguar seul avait-il une chance contre une Mercenaire ? Il lui semblait que non, puisque d'après ce qu'il avait pu entendre, certains Maîtres Envoleurs défiaient des Brûleurs, donc ce n'était pas un petit jaguar qui allait parvenir à mettre à bout une de ces personnes surentraînées. Soupirant légèrement, le jeune Marchombre se demanda de la même manière si, parce que le Jaguar partageait sa vie avec lui, parce qu'il partageait sa vie avec le jaguar, ils pouvaient vaincre une Maître Mercenaire. Ce qui était certain, c'était que la bulle de Chaos qui l'entourait était presque palpable, alors qu'elle était calme. Il se demandait si de l'extérieur, elle pensait la même chose pour lui... Avait-il vraiment une bulle d'Harmonie ? Il ne le savait pas, c'était sûr, et ne pouvait pas en juger de lui-même.

Prenant une grande inspiration, il attrapa ses jambes entre ses mains, le regard braqué sur l'horizon. Les ramenant contre la poitrine, il prit encore un peu les rayons du soleil sur son visage, et sourit. Il était juste bien, même avec la Mercenaire à côté de lui, il ne ressentait pas de crainte. Au pire, il savait que le jaguar jaillirait, et il savait aussi que cela lui laisserait un temps de répit - la surprise, évidemment - pour se retransformer en homme et commencer la bataille. En réalité, il pouvait avoir un avantage, s'il réussissait à contrôler parfaitement les sens du Jaguar pendant un combat, il recueillerait bien plus d'informations sur son adversaire, et donc aurait de quoi le vaincre plus rapidement et plus efficacement. Il se promit d'essayer de travailler cela désormais. Quand il était calme, en haut d'un arbre, dans le lit d'une rivière ou autre, il pouvait maintenant facilement solliciter ces sens-là. Mais dès qu'il était en mouvement, ce n'était plus le cas, et cela lui échappait. Il se souvint, comme d'une évidence, du jour où il avait rencontré Nérylis, et où ses sens avaient explosé, littéralement, et où tout lui semblait perceptible. C'était une sensation étrange mais sensationnelle, magique, presque...

Soupirant, il continua à sourire. Tranquille.

[Un RP un peu court je trouve, excuse-m'en...]

Invité

Le silence… De nouveau maître de l’environnement des trois jeunes personnes. Une question l’avait déchiré et une réponse, calme et franche, n’avait fait que le soigner pour le rendre encore plus fort. Le vent avait emportait tout échos des mots pour ne laisser place qu’au vide d’un monde sans son. Sans son ? Non, loin de là. La Nature autour d’eux, indomptable et affranchie de toute obligation, continuait à chanter doucement sa mélodie claire et cristalline. Un calme serein avait pris place le long de la falaise. On pouvait même entendre le va-et-vient incessant des vagues qui se jetait sur la paroi rocheuse, emportait par un vent puissance et pourtant si doux.

L’apprentie, l’inconnu et Lacrya se tenaient toujours assis sur une hauteur surplombent l’Océan. La jeune envoleuse avait répondu à la question du jeune homme d’une voix neutre et sereine. Elle s’était coulée dans le vent et avait disparu aussi soudainement qu’elle était venue. Et le marchombre ne répliquait pas. En même temps, que répondre à cela ? Que dire devant une réalité implacable ? Les faits étaient les faits et rien ne pouvait changer cela. En tout cas, si sont intention était de vouloir la rallier à sa cause, il aurait sans nul doute répliqué au tac au tac pour mettre Lacrya de son coté. A moins qu’il préférait attendre. Ou alors il n’en avait absolument pas l’intention. Et cette dernière hypothèse semblait la plus plausible d’après son silence et son immobilité.

La jeune envoleuse eu un moment envie de lui demander pourquoi il lui avait posé cette question. Mais elle congédia rapidement cette idée. Demander cela serait rentré dans un débat sur l’Harmonie et le Chaos. Ce qu’elle n’avait aucune envi en se moment. Elle se demanda d’ailleurs pourquoi elle ne retournait pas à sa solitude. Puis se rendit compte que la présence des deux étrangers à ses cotés ne la dérangeait nullement. Ils étaient aussi silencieux qu’elle et ne semblaient pas vouloir se lancer dans de grande discussion. Même l’aura d’harmonie et de puissance que dégageait l’homme n’avait aucune emprise sur elle. C’est à ce moment là qu’elle comprit que ses réserves étaient pleines. Elle allait donc pouvoir reprendre son chemin vers le domaine et continuer ses cours jusqu’à ce qu’elle craque de nouveau.

Alors qu’elle commençait à se perdre dans les méandres de son esprit, elle perçu un mouvement sur sa droite. Elle décolla son menton de ses genoux et piva la tête pour voir l’origine de cette agitation. Elle vit alors l’apprentie se lever doucement. Elle crut déceler le doute et l’incertitude sur les traits de son visage mais la distance l’empêcher de le confirmer. Sans dire la moindre parole, elle se dirigea vers son cheval qu’elle avait laissé un peu plus loin, l’enfourcha et partie a galop vers ne destination inconnu à l’envoleuse. Celle-ci la suivit un moment des yeux puis reporta son regard vers l’océan. Le marchombre allait-il lui aussi s’en aller ?

Les minutes s’écoulèrent lentement et rien ne se passa. Lacrya laissa un moment son regard glisser vers l’homme avant de le reporter sur l’eau. Pour une personne extérieure, la situation devait être relativement comique. Un marchombre et une mercenaire de chaos, assis cote à cote, regardant dans la même direction, le même calme serein inscrit sur leur visage. C’est dans un tel moment que l’on voit à quel point les deux voies étaient proches. Elles sont comme deux parallèles. Jumelle en tout point et pourtant si différente. Suivant la même ligne tout en se dirigeant vers des lieux contraires. La voie de l’Harmonie et du Chaos… Lacrya avait suivit les deux. Commençant par celle des marchombres avant de ce rendre compte qu’elle se trompait totalement. Elle n’avait jamais était faite pour bailler dans l’harmonie. Sa vie avait toujours était liée au chaos et maintenant qu’elle le savait, elle faisait son possible pour enseigner ce qu’elle savait depuis toujours. Connaissances que nous possédons tous au fond de notre cœur mais qui a besoin d’un guide pour trouver la surface, la percer et s’épanouir…

Un autre mouvement attira soudain son attention. L’homme à coté d’elle venait de prendre la même position qu’elle. Lacrya l’observa une nouvelle fois. Malgré son calme impressionnant, on pouvait sentir de la méfiance dans ses muscles. Quoi de plus normal ? Tout marchombre à des raisons de se méfier d’un mercenaire. Sans doute redoutait t-il une attaque. Ou peut-être l’attendait-il… L’envoleuse ne savait pas. Mais ce qui l’étonnait le plus, c’est qu’elle-même ne ressentait aucune crainte. Aucune méfiance. Elle ne s’attendait absolument pas à être attaquée. Allez savoir pourquoi… Alors qu’elle reprochait à une jeune fille de ne pas être assez prudente, elle ne faisait le pas elle-même. Enfin si, elle était prudente. Mais pas autant que si la méfiance occupait une partie de son cœur.

Soudain, une envie irrésistible de bouger l’envahie. Sans faire vraiment attention à l’homme à coté d’elle, elle se leva souplement et s’avança au bord de la falaise. Elle sourie doucement en voyant l’eau claire et profonde en contrebas. Elle revint sur ses pas tout en s’éloignant légèrement de l’homme. Elle se dévêtit ensuite avec lenteur et ne garda qu’une bande de tissus qui entourait sa poitrine et une sorte culotte d’un marron relativement foncé qui cachait le bas de son corps. Elle déposa également les différentes armes qui étaient accrochées à ses membres par de petits harnais de cuir. Elle n’en garda qu’une seule au niveau de la cheville droite, un petit poignard sans ornements. Puis, sans vraiment se préoccuper de ce qui l’entourait, elle s’avança doucement vers le précipice. Elle écarta en grand les bras et se délecta de la caresse puissante du vent sur sa peau nue. Un petit frisson dut au froid balaya son dos et elle ne pu réprimer un petit sourire à cette sensation. Puis, sans crier gare, elle se laissa basculer en avant. Elle se laissa tomber comme une pierre, parallèlement à la surface, les bras toujours écartés, un sourire accroché au visage. Juste avant de rentrer dans l’eau, elle courba son corps pour terminer sa chute par un plongeon. Elle rentra dans l’eau sans une éclaboussure, comme si l’eau elle-même ne s’était pas aperçue de son entré furtive et délicate.

Lacrya vit une geste brusque et précis de la poitrine pour ne pas toucher le fond et remonta rapidement à la surface. Elle creva la surface dans une gerbe d’eau sans vraiment se préoccuper de la discrétion. Elle se mit ensuite en position dorsale et se laissa entrainer vers la falaise par les vagues qui roulaient sous son dos. Juste avant que sa peau ne touche la roche, elle plongea et s’éloigna. Puis, elle se remettait dans la même position et se relaissait porter par le courant marin. Elle fit ce petit manège plusieurs fois, un sourire toujours accroché aux lèvres.

Au bout d’un moment, l’image de l’homme se tenant prés de ses habits s’imposa dans son esprit. Elle l’avait presque oublié ! Au l’instant où le courant allait la projeter contre la falaise, elle se souleva de l’eau et attrapa une prise. Elle commença ensuite une lente escalade, heureuse de sentir tous ses muscles répondre a là moindre de ses envies. L’ascension fut rapide et légère. Elle se hissa avec grâce sur le bord et remarqua qu’elle avait dérivé de plusieurs mètres par rapport à son point de départ. Elle marcha un instant vers ses vêtements mais ne les remis pas immédiatement. Elle devait d’abord se sécher un peu. Telle une invitation, le soleil sorti de derrière un nuage et commença à chauffer l’atmosphère. Lacrya se laissa tomber au sol, mit ses bras derrière sa tête et poussa un petit soupire de satisfaction. Sans en avoir conscience, elle venait de reproduire presque à l’identique les mouvements de l’homme quelques instant plutôt. Mais, ignorante, elle laissa lentement les rayons de Phébus dévorer sa peau puis d’une voix faible et dénuée de toute menace, elle posa la question qu’elle avait renié quelques instants plus tôt.

« Pourquoi cette question ? »

Le débat pouvait maintenant commencer. Elle avait ses arguments et était parfaitement sûre d’elle-même. Maintenant, il ne restait plus qu’à voir si le marchombre lui aussi voulait se lancer dans une telle discussion. Et cela, elle en ignorait totalement la réponse.

- Pour apprendre, toujours plus. Pour comprendre, même si je me doutais qu'une réponse comme celle que tu m'as offerte surviendrait...

Invité

- Dois-je comprendre que tu aurais préféré une réponse plus développée que celle que je t'ai offerte? Si tu souhaites vraiment comprendre, je pourrais te parler pendant des heures sur mon choix. Mais je doute que tu comprennes un jour ma véritable motivation. Les mercenaires et les marchombres sont tellement proches et pourtant si différents…

- Non, ta réponse me convient parfaitement. C'est tout ce qu'il y a à dire, après tout.

Parce que je sais que je ne pourrais pas comprendre. Trop de choses nous séparent, et pourtant nous rapprochent.

Ce que je ne comprends pas, c'est la haine de certains de nos pairs les uns contre les autres. A quoi cela peut-il mener à part à la destruction des uns et des autres ? Il n'y a pas de noble cause à louer là-dedans... Ce ne sont que des questions personnelles, qui les ont sans doute aveuglés...

Invité

- Je ne pense pas que les origines de ce conflit soient personnelles. A mon avis, elles tiennent plutôt à de l’incompréhension. Nos deux voies n’étaient pas prédestinés à se combattre. Je pense que l’on aurait pu parfaitement vivre en paix.

La guerre a été déclenchée parce que certaines n’avaient pas compris ce que signifiait la véritable voie des mercenaires. Sur cette ignorance, ils ont mal agit et ont fait naître ce qui est aujourd’hui l’affrontement de l’Harmonie et du Chaos. Il se peut aussi que cela soit partie des marchombres. Ca, je ne peux pas le dire.

Ensuite, à suivit une série d’assassinats dans les deux voies, ce qui a créé les envies de vengeances qui rongent maintenant plus d’un parmi nous. Je pense que c’est ce que tu identifies comme questions personnelles.

Enfin… C’est du moins mon point de vu et il y a de forte chance que je me trompe sur un certain nombre de points. J’ai beau être une tueuse de marchombre et faire partie de l’élite des envoleurs, j’agis seulement quand cela est nécessaire. Jamais je ne prendrais part à un massacre inutile et volontaire. Même si cela doit m’obliger à continuer ma voie seule.

- Je n'ai pas parlé de conflit, mais de la haine qui rongent les coeurs...

Pour moi, il n'y a pas affrontement du Chaos et de l'Harmonie. Deux choses complémentaires ne peuvent pas s'opposer conflictuellement, ou alors elles courent à leur perte respective...

Tueuse de Marchombre, c'est donc ta Voie ? Pourtant, je suis là, à te parler, et tu n'es pas le moins du monde agressive. Ce n'est pas ce que j'appelle une Voie, dans ce cas-là, mais plutôt une désignation... La Voie est quelque chose que l'on a en soi, qui n'est que concept et non pas concret, dans le sens où on ne peut donner de nom désignant des actes... Non ?

Invité

- Tu as raison. L’Harmonie et le Chaos ne s’affrontent pas car, comme tu l’as dit, sans l’un, l’autre n’est rien.

Mais pour moi, la haine qui ronge ces cœurs est due à une incompréhension de la voie. Et je pense aussi que derrière ce sentiment, se cache un conflit plus profond ou alors un lourd désire de vengeance…

Je n’ai jamais dit que tueuse de Marchombre était ma voie. J’ai tout simplement dit que je l’étais. Comme tu le fais remarquer, si cela l’avait été, je ne serais pas là à discuter avec toi. Ma voie est celle du Chaos. Pas du meurtre. Tuer n’est pas inscrit en moi. Le Chaos si.

Et je suis une nouvelle fois de plus d’accord avec toi. La voie n’est pas concrète, on ne peut pas la toucher. Juste l’arpenter et s’en imprégner pour ne faire qu’un avec elle.

Erwan sourit à la remarque pertinente de la Mercenaire du Chaos. Il était vrai qu'elle n'avait pas dit que sa Voie était celle du Chaos, il l'avait questionnée ainsi pour comprendre comment elle fonctionnait et non pour avoir une réponse qu'il connaissait déjà, après tout, car des preuves étaient à l'appui. Le jeune homme se demandait simplement s'il était possible qu'un jour Marchombres et Mercenaires comprissent que tout les rassemblaient, ou presque, en tout cas que tout tendait à les rapprocher, et à faire une paix, mais celle-ci ne serait pas factice.

Après tout, tout n'était qu'une question de ressenti. Personne ne pouvait prétendre voir la vérité, ou la brandir à bout de bras, car tout le monde avait une vision différente du monde qui l'entourait, et que personne ne pouvait être totalement et irrémédiablement objectif. La société n'était qu'humaine, comme les dignitaires de la haute société, les Empereurs, et toutes les classes sociales existantes. Et l'humanité en elle-même n'était sans doute aucunement parfaite, et ceux qui pensaient détenir la vérité étaient bien orgueilleux.

Pour Erwan, chacun avait sa vérité et sa réalité. C'était d'ailleurs sur ce point qu'il s'était le plus souvent opposé avec sa mère, son Maître, durant ses années de formation. Pour elle, les Marchombres connaissaient la vérité et ne pouvaient que la voir, pour la mettre au profit du monde. Accordé à ce qui l'entoure, le Marchombre sait ce qui est, et ce qui n'est pas. Alors que pour le jeune homme, qui partageait sa vie avec le Jaguar, c'était totalement différent : Il n'avait pas la même notion de "vérité" lorsqu'il était animal ou humain. L'un ne rapportait que des faits, sans les sensations ou sentiments humains, et pourtant avait ses propres sentiments, égarés par des siècles d'instinct, alors que l'autre cherchait à connaître le monde au travers de sens qui semblaient ridicules, comparés à ceux de l'animal. L'un ne pouvait pas détenir plus la vérité que l'autre. Il n'y avait pas de vérité, mais juste des associations d'idées qui menaient à une esquisse de cette dernière.

Soupirant longuement, Erwan se releva, chercha un indice du regard, sur la lande qui s'étendait à perte de vue, à peine décaissée par des arbres assez chétifs en général. Le Marchombre inspira un grand coup, une large aspiration de l'air frais et piquant de la mer, chargé de sel et d'iode. Il sourit.

Est-ce que tout cela avait réellement une importance ?
Tout ce qu'il ressentait lui suffisait.
Il ne voulait pas s'imiscer dans un conflit qui n'était pas le sien.

Fermant les yeux, le jeune homme offrit ses paupières au soleil, qui commençait déjà à se coucher, par delà l'horizon, par delà les vagues de l'océan, distillant sur la surface de ce dernier une couleur ambrée chatoyante, mouvante sur les flots indistincts. Et le ciel, de sa couleur d'un bleu cyan, parsemé de quelques cotonneux nuages blancs, prenait à son tour une teinte orangée, presque rose, doucement. Il souriait, à l'horizon, et au monde, se perdant dans la contemplation de l'infini, par delà les vagues de l'Océan, qui s'étendaient, claires et vives, sous son regard admiratif.

Soupirant, il se tourna vers la jeune femme.
Lui souriant, tranquille.
Toujours serein.

Vagues déferlantes,
Flots en vogue,
Douce certitude

Face à la mer, il sourit, encore, laissant les derniers rayons du soleil jouer sur son torse découvert. Il avait envie de plonger, et d'aller s'ébrouer dans l'eau. Un sourire en coin adressé à la Mercenaire, et de trois bonds, il s'élança vers la crique, s'offrant au vide.

Il s'envolait.
Il volait.
Il flottait.

Un indicible bonheur vint le percuter au fond de son coeur, alors qu'il inclinait son corps pour rencontrer l'eau. Le vent lui parlait, murmurait à son oreille, et il l'écoutait avec attention, ouvert au monde. Dans son ventre, il sentit le Jaguar se tendre vers l'eau, voulant la rejoindre lui aussi. Parce que le jaguar est l'un des seuls félins à aimer se baigner - avec le tigre. Et l'eau vint à sa rencontre, sans un bruit l'accueillit en elle. Pourtant, tout cela n'avait pas toujours été ainsi. L'eau avait été l'élément le plus difficile à apprivoiser pour Erwan, dans son apprentissage. Et cela qui fit penser à Inwëlle. Cette dernière était bien plus accordée à l'eau et à la pierre qu'aux autres éléments, alors que lui-même avait eu des facilités pour s'accorder au vent et aux arbres, tandis que les autres éléments n'avaient chanté que plus tard.

Remontant d'un mouvement de jambes, Erwan souriait.
Il jouait avec les éléments, avec l'eau, avec les vagues.
Il était juste bien.
Accordé avec lui-même. Avec le monde.

Et lorsqu'il remonta, se glissa contre la roche, la caressa du bout des doigts, et revint près de la Mercenaire, en haut du promontoire. Soupirant légèrement, il laissa l'Harmonie s'échapper de ses poumons et de ses muscles, avant d'enchérir :

- Tuer n'est pas censé être inscrit dans l'humain... En tout cas, pas de la même manière que dans un prédateur, c'est certain. Normalement...

Tuer, Erwan le faisait chaque jour, pour manger, ou presque. C'était ainsi, chez le jaguar. Les hommes tuaient aussi pour manger, mais ils me connaissaient pas les limites de l'écosystème. Mais par tuer, Erwan ne voulait pas dire ce genre de choses, évidemment... Le langage des mots est une langue subtile, il faut connaître les sous-entendus qu'une situation peut permettre...

Invité

Un silence s’installa doucement entre les deux inconnus suite à la remarque de la jeune femme. Lacrya, s’attendant à une nouvelle réplique de la part du marchombre, ne pu s’empêcher de se relever sur les coude pour observer l’homme assit à ses cotés. Celui-ci souriait. Elle fronça les sourcils. Depuis le début de cette rencontre, il n’avait cessé d’avoir ce sourire accroché aux lèvres. Elle ne comprenait pas. Il semblait parfaitement serein. En harmonie parfaite avec ce qui l’entourait. Allant jusqu’à s’adapter aux imprévus qui tapissaient son espace, telle que Lacrya. Celle-ci soupira doucement et retomba mollement sur le sol.

Elle essaya de se rappeler sa dernière rencontre avec un marchombre. L’image de la petite Miyuko s’imposa à son esprit. Puis une chose la marqua. Elle aussi avait arboré ce sourire. L’harmonie était-elle si belle que cela pour que chaque arpenteur de la voie soit heureux au point de l’afficher constamment sur leur visage ? Et elle, quand avait-elle sourit de joie pour la dernière fois. Il y avait peu longtemps, avec ses élèves. Enfin, son élève, les autres aillant désertés son cours pour des raisons qu’elle ne connaissait pas et qui ne viendraient sans doute jamais se placer dans son esprit. Elle ne pu s’empêcher de laisser échapper un sourire à ces souvenirs heureux qui tapissait la mémoire de ses cours.

Soudain, le jeune homme se leva et s’avança vers le bord de la falaise. Lacrya le vit furtivement s’offrir au soleil. Elle ne pouvait pas voir son expression car il se tenait de dos mais devinait parfaitement ce sourire qui devait être encore présent sur son visage. Peut-être même encore plus épanoui que l’ancien. Un vent léger fit doucement voler ses cheveux ramené en dreadlocks, les faisant difficilement décoller de sa peau doré par les derniers rayons projetés par Phébus. Elle ne pu s’empêcher de laisser ses yeux glisser sur son dos nu. Elle détourna ensuite les yeux et se remit sur les coudes, heureuse de sentir ses abdominaux travailler un peu.

Quand elle reporta son attention sur le marchombre, il lui adressait un sourire en coin. Puis, il s’élança vers le bord et sauta. Il disparu rapidement du champ de vision de Lacrya qui se demandait si cela n’était pas une invitation. De toute façon, même si ça l’était, elle n’y aurait pas répondu. Son corps venait à peine de sécher, ce n’était pas pour retourner une fois de plus dans l’eau qui devait s’être refroidie en même temps que la température. Elle sentit également un petit frisson lui parcourir le bas du dos. Elle se leva souplement et alla récupérer ses affaires toujours au sol. Elle replaça ses armes le long de son corps et enfila son vêtement. Elle alla ensuite se placer au même endroit que l’homme quelque instant avant sa chute.

Elle ne jeta pas un coup d’œil en contrebas, sachant parfaitement que le marchombre avait depuis longtemps touché l’eau même si aucun son ne lui était parvenu. Elle resta là, immobile telle une statue de cire, le regard rivé sur l’horizon. C’est là que ce déroulait la véritable bataille. Celle entre le jour et la nuit. Entre la terre et le ciel. Entre la Lune et le Soleil. Les nuages se teintaient d’une couleur de sang, comme pour accompagner ce qui se déroulait en ce moment. Guerre quotidienne. Tuerie quotidienne. Vainqueur quotidien. Toujours le même. Avec son armée d’étoile écrasant la lumière comme si elle n’avait jamais existé. Plongeant le monde dans une obscurité douce et apaisante.

Pendant que ses yeux s’égaraient dans un spectacle fabuleux et cruel, son esprit lui, se perdait dans son passé proche, replongeant dans la discussion qui venait de se dérouler. C’était la première fois qu’elle parlait de cela à une personne qui arpentait la voie adjacente. Avant, elle n’avait eu que le point de vu, trop subjectif à son gout, des autres mercenaires. Elle en avait entendu dire que leur seul raison de vivre était le meurtre de marchombre. D’autres qui voulaient détruire le monde entier sans ne laisser aucun survivant. D’autres se rangeaient de son coté en essayant d’aller plus loin que la simple définition du Chaos. Mais jamais elle n’avait eu l’avis d’un marchombre. Et celui-ci, margé elle, lui plaisait. Lacrya se demanda si tout le monde pensait comme lui. Mais la réponse était évidente. Non… Sinon la haine ne viendrait que des mercenaires, ce qui n’était pas le cas. Elle fut légèrement déçue de tomber sur une personne à l’esprit si vif. Avoir l’avis d’une personne haineuse du Chaos l’aurait peut être fait plus avancé. Même si les paroles qui lui avaient offerte l’aideraient à pousser sa réflexion encore plus loin.

Elle ferma un instant les yeux et se rassit doucement au sol pour reprendre sa première position, replié sur elle-même. C’est à ce moment que la tête du marchombre émergea de falaise pour se hisser souplement sur le bord. Il resta un moment immobile, un vent d’harmonie soufflant autour de lui. Puis il parla. Sa réplique tira un sourire à la jeune mercenaire. Un esprit vif et intelligent. C’est cela qui le caractérisait le mien. Sans doute... Encore une fois, il avait raison…

- Je ne pense pas qu’il y ait de normalement qui tienne. Un être humain sans aucune modification n’a pas besoin de tuer pour vivre. Nous avons en effet besoin de viande pour manger mais il pourrait faire comme les charognards et ne prendre que les êtres déjà tué par d’autre. Un charognard a-t’il besoin de tuer ? Non, je ne crois pas. Si une personne n’a jamais tué, ce qui est parfaitement impossible, elle n’en mourra pas. Tuer n’est pas dans notre instinct. Du moins à la base. Car au file du temps, suite aux guerres et aux éducations qui ont suivis, on pourrait croire qu’il l’ai devenu. Mais au plus profond de l’humanité. Au cœur de notre être, tuer n’est pas un mot employé.

Elle se tut et reporta son regard vers l’horizon. Elle venait d’exposer une idée à laquelle elle avait beaucoup réfléchie au cours de ses deux formations. Elle ne savait pas si elle était juste ou non. Mais c’était l’opinion qu’elle s’était faite sur la question et ne changerait sans doute pas d’avis sauf devant des arguments imparables.

- Non, je ne pense pas. L'homme est un prédateur, pas un charognard. Il a besoin de tuer, pour se nourrir, et donc pour survivre. Notre métabolisme n'est pas fait pour manger de la viande passée, c'est donc vers la viande fraîche que l'on doit se tourner.

Un prédateur ne peut pas se contenter de la viande passée, il ne la mangera pas, et au contraire, même, il la fuit parce qu'il sait que ce n'est pas bon pour lui. Nous savons tous que la viande passée, daubée, est mortelle pour l'homme. Le parallèle est bien là. Un homme, quel qu'il soit, est fait à la base pour tuer, car il se nourrit de viande autant que de végétaux. Mais un prédateur ne tue que par nécessité, alors qu'au fil du temps, comme tu dis, l'homme a commencé à tuer non plus pour survivre, mais par plaisir. C'est donc cette tuerie-là qui n'est pas censée être naturelle...

Invité

- Je commence à me perdre… Il y quelques instants, tu affirmais que tuer n’était pas inscrit dans l’être humain comme il était inscrit dans le prédateur. Et après, tu affirme que l’humain et un prédateur et qu’il est fait pour tuer… Je dois avouer que je n’arrive plus à te suivre.

Je n’ai jamais dit que l’être humain était un charognard. Comme tu l’as dit, il ne peut pas vivre avec de la viande passé. Mais il peut vivre avec de la viande fraiche tué par un autre. Je pense que l’homme n’a pas la nécessité de tuer. Ce n’est pas instinctif chez lui. Contrairement au prédateur qui ressentira une envi irrésistible d’enlever la vie à ses proie, l’humain ne la ressent pas. Tuer est inscrit dans le prédateur, pas dans l’humain. Du moins c’est ce que je pense…

- Tu n'as pas compris... Je dis que tuer sans nécessité est en train de s'inscrire chez l'être humain, alors que cela ne devrait pas être le cas... A la base, ce n'est pas même tuerie qui est inscrite en nous. Il y a deux sens au mot tuer, pour moi...

Invité

- Et pourrais-tu m'offrir ces deux sens?

- Non. Car je n'ai pas encore la réponse exacte...

Invité

- Alors comment peux-tu savoir qu'il n'y a que deux sens? Pour moi, Tuer change de sens à chaque fois qu'une personne l'utilise car les raisons ne sont jamais les mêmes...

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