Groupe Bizya - Cours n°5

Invité

Le soleil ne s'était pas encore levé, et la nuit gardait encore ses droits sur le monde et sur la terre. Les animaux n'étaient pas encore réveillés, ceux du jour dans tous les cas. La lueur diffuse qui commençait à s'élever de l'horizon ne parvenait pas encore jusqu'à eux, et c'est paisiblement qu'ils dormaient, hors du temps. C'est dans cet univers entre deux états, entre la nuit et le jour, entre le noir et le blanc, que Bella profitait de cette nouvelle journée qui s'annonçait. Elle avait eu le temps de réfléchir, depuis la dernière fois qu'elle avait vu Wanya, et elle savait pertinemment qu'elle ne serait plus la même désormais. Comme tous les apprentis qu'elle avait pu avoir, avant elle, comme tous ces apprentis qu'elle avait guidés, seuls, sur la Voie, avant d'arriver à l'Académie pour découvrir une nouvelle manière d'enseigner. Tous, lorsqu'ils étaient partis pour le Rentaï, avaient des peurs, et des envies, c'était normal, et à chaque fois, la décision de la montagne les avait chamboulés. Le meilleur exemple avait été Juu, qui était parti confiant vers l'immensité de sable du désert des murmures et qui en était revenu sonné.

Le soleil se couchait, derrière l'horizon, laissant ses rayons parcourir une dernière fois la terre, pour cette journée, et la baignait dans une ambiance douce et chatoyante. Le vent, paisible vent, glissait dans les feuillages, amenant une musique douce jusqu'aux oreilles tendues d'une Marchombre, qui était simplement assise sur une souche d'arbre, les deux paumes posées sur cette dernière, comme récitant une éloge à la Nature environnante. Ses traits étaient fins et doux, les traits d'une jeune femme d'une vingtaine d'années, alors qu'elle avait pris son premier apprentis depuis une bonne année. Ce dernier était parti pour le Rentaï quelques semaines plus tôt, et cela faisait presque un mois qu'elle était dans cette maison, sa maisonnette. Erwan venait de laisser son propre apprenti s'envoler, et cela faisait deux semaines qu'ils passaient ensemble, dans la beauté des matins, dans l'inconnu des lendemains. Mais là, Bella sentait que son apprenti reviendrait ce soir-là. Dans peu de temps. Comme si le vent était venu le lui murmurer.

Elle laissa alors aller son corps en arrière, et se blottit contre le ventre de son aimé qui était arrivé sans un bruit derrière elle, aussi léger que le vent. Fermant les yeux, elle se laissa entourer par son odeur, par sa présence, se sentant parfaitement à sa place. Elle voulait retrouver Juu, pour continuer à enseigner, car elle se rendait compte qu'elle aimait réellement cela, transmettre son savoir. C'était son premier apprenti, mais certainement pas le dernier, elle le savait. Et lorsqu'un léger bruit parvint à leurs oreilles, Erwan, derrière elle, se volatilisa, alors qu'elle s'était déjà redressée pour accueillir son apprenti. Lui adressant un immense sourire, elle se leva gracieusement, sa longue toge romaine glissant sur son épaule, la mettant à nu, cette épaule fine et musclée.

- Juu...

Il avait hésité, un instant, baissé le regard, avant de relever le menton, comme pour se forcer à planter ses yeux dans ceux de son Maître. Il semblait tout tremblant, plein de doutes. Non. Empli de doutes. Bella lui sourit tendrement, alors qu'il tentait d'articuler quelque chose, sans y parvenir.

- Je... Il..

Il prit une inspiration, souffla longuement.

- Le Rentaï ne m'a pas accepté...

Bella sourit tendrement, partageant la tristesse et les doutes de son apprenti, sans douter de lui pourtant. S'approchant tout doucement de lui, elle le saisit par les épaules et l'enlaça un moment, avant de s'éloigner de lui, pour simplement lui dire, d'un ton doux et conciliant, de ce ton fait avec les sonorités du vent...

- Le Rentaï ne décide pas de l'avenir des hommes, Juu...

Il avait haussé les épaules. Il n'avait pas encore assez réfléchi, et alors Bella le laissa encore deux longues semaines seul, sans rien lui demander. La première semaine, il n'avait rien fait, juste assis dans la Nature, à songer, sans doute à réfléchir, à se remettre en question. Et petit à petit, la vie l'avait à nouveau habité, et la seconde semaine avait été utile pour lui, car il s'était repris en main seul, avant de venir la voir, un soir, et de dire qu'il était prêt, simplement. Bella avait compris, et son enseignement avait repris, avec un lien encore plus fort qu'avant, entre apprenti et Maître. Deux nouvelles années de bonheur.

Il était Marchombre.

Bella sourit, à ces quelques souvenirs. Elle ne pouvait pas prédire des décisions du Rentaï, et personne ne pouvait se targuer de le faire. Elle se demandait juste ce qu'il adviendrait, dorénavant. Wanya n'était pas très sûre d'elle, elle perdait toute confiance en elle lorsqu'elle était confrontée à la société, mais son enseignement seul n'y ferait pas grand chose. La seule chose qu'elle pouvait faire, c'était lui apprendre à se connaître, et de là s'amplifierait sa confiance en elle. Mais dans une société, elle perdait presque pied, même si elle n'avait plus aussi peur qu'avant, qu'elle était passée par delà cette peur, en gagnant un peu en confiance, même si ce n'était pas encore cela. Mais cela viendrait, et Bella n'était pas une magicienne...

Lorsque l'apprentie arriva, parce que la Marchombre avait entendu ses pas et senti sa présence, même si le bruit de ses pas s'était étiolé, jusqu'à devenir presque imperceptible, Bella lui adressa un grand sourire, ouvrant les bras, pour l'accueillir, comme à son habitude. Elle la détailla un instant. La jeune fille ne semblait pas plus perdue que cela, et dans ce cas, elle lui parlerait du Rentaï et de son examen si elle en ressentait le besoin plus tard, lorsqu'elle le souhaiterai. Lui adressant un grand sourire, Bella l'invita à la suivre vers les Ecuries, pour prendre des montures. Elles allaient monter, et longtemps. Leur destination finale était la Passe de la Goule, dans l'immensité des Dentelles Vives. Le plateau de l'envol. Souriant à cette pensée, la Marchombre prit la jument qu'elle avait choisie et déjà pansée et harnachée, pour se hisser dessus avec souplesse et grâce, et inviter Wanya à faire de même sur son cheval.

Sans doute le lien entre la monture et la cavalière s'était-il resserré durant les derniers jours, et elle allait sans doute bientôt le constater. Elles chevauchèrent ainsi toute la journée vers le Sud, s'arrêtant pour manger, alors que Bella demandait à son apprentie de faire quelques exercices de tirs, au poignard ou avec son arc, à cheval ou à pied. Et elles repartaient. Ce petit manège dura quelques jours, peut-être une semaine. Elles coururent aussi beaucoup, les chevaux en mains, sur des terrains plus ou moins difficiles, mais à chaque fois Wanya se débrouillait plutôt bien, et Bella voyait qu'elle arrivait de toute manière à la fin de sa formation.

Se posant enfin un soir, Bella daigna enfin répondre aux questions ou réflexions que son apprentie avait pu poser durant le voyage, alors qu'elles chevauchaient - parce qu'il était difficile de parler lorsque l'on courrait...

Invité

Tu étais revenue du Rentaï en traversant le désert des Murmures, Wanya, reprenant le même chemin qu'à l'aller. Rebond était devenu ton meilleur ami, et le lien qui s'était tissé entre vous commençait réellement à compter, pour l'un et pour l'autre, parce qu'il était unique. Tu lui faisais désormais entièrement confiance, et lui te rendait cette confiance et cet amour. Il n'était plus aussi craintif que lorsque Bella te l'avait offert, il n'y avait pas photo, et cela te remplissait d'allégresse. Tu avais pris tout ton temps pour rentrer, profitant des premiers rayons chaud du soleil, alors que le printemps touchait presque à sa fin et que l'été venait déposer ses droits. Tu te souvenais de ton examen, parce que cela avait été une réelle expérience enrichissante. Tu te souvenais de ton ascension du Rentaï, alors que le doute t’étreignait encore, et pourtant te poussait en avant. Cette leçon-là, tu l’avais retenue, Wanya, c’était certain. Le doute devait te pousser en avant, et non pas être un obstacle à ton développement personnel. Finalement, après quelques hésitations, tu avais compris ce qu’était réellement ta greffe, en tentant de l’expérimenter, sans comprendre comment cela pouvait être possible que le Rentaï te l’eût accordée. Défier la gravité, même quelques secondes, relevait de l’extraordinaire pour toi, mais après tout, n’importe quelle greffe relevait de l’extraordinaire, n’est-ce pas ? Tu souris à cette pensée, perchée en haut de ton arbre. Tu te souvenais qu’après des journées de monte harassantes, tu étais enfin arrivée à l’Académie, et que tu avais laissé Rebond au box, sous une pluie finalement torrentielle, pour ne pas qu’il prît froid après l’effort.

Cela faisait maintenant deux jours que tu étais rentrée, peut-être un peu plus, tu ne savais plus très bien, et déjà Bella avait réussi à te solliciter pour un autre cours. Tu avais hâte de voir ton Maître, car tu voulais lui faire comprendre tout ce que tu avais ressenti. Parlerais-tu ? Sans doute peu, mais ce qui était certain, c’était que l’émotion qui te transcendait était loin de s’éteindre. Ce voyage, seule avec Rebond, pour aller solliciter la greffe, t’avais littéralement transformée, et si tu sentais toujours poindre le doute, tu te sentais forte d’une confiance en toi nouvelle. Tu avais grandi, tu avais évolué, et tu étais désormais fière de toi. Tu n’avais pas réellement expérimenté ce que ta greffe t’octroyait de faire, mais tu ne doutais pas que cela pouvait être bien pratique dans pas mal de circonstances. Ce qui était certain, pourtant, c’était que tu ne l’utiliserais pas pour rien, simplement parce que c’était un cadeau d’une valeur inestimable, et ensuite… Tu ne savais pas trop, c’était diffus en toi, mais parce que tu sentais qu’il ne fallait pas en abuser, simplement. Souriante, tu te laissas glisser le long du tronc de l’arbre, laissant tes doigts le caresser, t’accordant à lui sans plus d’effort. Tu étais Marchombre, tu le sentais désormais dans tous les fibres de ton être. Tu en avais souvent douté, parce que le manque de confiance en toi était toujours présent, et pourtant tu l’avais quelque part toujours su. Mais cela avait été une réelle révélation, alors que tu étais sortie du Rentaï, sans savoir encore s’il t’avait accordé la greffe ou non. Comme un soupir, tu atterris sur le sol, et te glissas dans les écuries pour aller chercher ton étalon, qui t’attendait, impatient. Cela faisait deux jours qu’il n’était pas sorti, c’était normal qu’il fût un peu excité, mais cela avait été un passage obligatoire, car tu ne voulais pas qu’il tombât malade : tu ne t’y connaissais pas encore assez en chevaux pour pouvoir bien le soigner.

Le pansant avec amour, tu le harnachas, posas quelques affaires sur l’arrière de la selle et grimpas sur son dos lestement, geste désormais rodé par l’habitude. Puis, tu le laissas se diriger dans la forêt, pour rejoindre Bella, qui t’attendait déjà sûrement. Elles partirent, après que cette dernière fût passée aux écuries pour s’occuper d’un cheval, vers le Sud, longeant les Dentelles Vives. Durant leur voyage, Bella te demanda plusieurs fois de tirer, avec un arc ou au poignard, en courant, aussi, en chevauchant, beaucoup. Tu t’accordais désormais facilement à ta monture, avec tout ce que vous aviez vécu ensemble, et à chaque fois un peu plus, tu suivais tes flèches, lançant ton âme avec elles, avec les poignards, les guidant jusqu’à leur point d’impact. Souriante, tu étais simplement heureuse, car tu te souvenais du début de ta formation, à rater presque toujours ce que tu entreprenais, à toujours douter, à être faible, tu le pensais réellement. Cette formation, cette Voie, la Voie des Marchombre, t’avait complètement transformée, et tu étais désormais toi, et toi-seule, tes craintes vis-à-vis des hommes s’étant envolées, le repli sur toi-même n’étant vrai que lorsque tu te sentais complètement menacée. Tu goûtais aussi au bonheur de sentir ton corps baigner dans une vitalité hors du commun, que tu pensais ne jamais pouvoir atteindre, et chacun de tes muscles répondait à chacune de tes sollicitations. Tout cela était tellement magnifique, et tu étais plongée dans une plénitude béate. Mais tu avais aussi envie de parler avec ton Maître, et alors qu’une petite pause était accordée, tu commenças à lui offrir des mots, simplement.

- Je… L’Oulan-Kil, c’était une expérience formidable. Pourtant, j’avais peur, je doutais de moi. Je ne pensais pas réussir, mais une force me poussait en avant, toujours. Ce n’était pas tant un examen que cela, avec le recul, comme tous les examens que j’ai pu passer, d’ailleurs. C’était réellement une expérience, qui m’a propulsée toujours plus loin sur la Voie…

Et le Rentaï… Le Murmure… Je crois… La greffe m’a été accordée. C’est étrange, je trouve…

Tu adressas un sourire timide à ton Maître, attendant une réponse qui ne vint pas. Bella restait silencieuse, mais tu savais qu’elle répondrait à un moment ou à un autre. Elle était ainsi, elle te laissait réfléchir avant de répondre. C’était une Maître, et ce n’était pas pour rien. Tu louais, depuis le début, sa pédagogie. Tu pensais réellement que l’on ne pouvait pas faire mieux qu’elle, même si tu ne connaissais pas les autres Maîtres. Simplement, parce que c’était elle qui t’avais guidée sur la Voie, et par cela, elle avait une place toute particulière pour toi, c’était réel. Vous repartîtes encore, chevauchant et courant parfois. Tu étais désormais dans ton élément, Wanya, et tout semblait vouloir s’accorder à toi, à moins que cela ne fût le contraire… Juste heureuse. Tranquille…

Invité

- Le doute doit te pousser en avant, Wanya. Et tu le sais. Et tu continues d'avancer, toujours sur la Voie. Sers-toi de ce doute qui te torpille continuellement pour continuer à avancer. Cela doit toujours te pousser en avant, je te l'ai déjà dit. Tu l'as compris...

Par contre, je ne comprends pas... Tu trouves étranges que le Rentaï t'aie acceptée ? Pourtant, tu as tout en toi pour le mériter, Wanya. Avoir ou ne pas avoir la greffe, qu'importe. Mais c'est lorsque elle ne nous est pas accordée que l'on se pose ce genre de question... Hors, tu n'étais pas persuadée de ne pas l'avoir, sinon le Rentaï t'aurait simplement appuyée dans ta manière de penser. Wanya, n'aies pas peur de t'écouter, et de laisser ta confiance surgir de plus profond. Ne la gâche pas...

Invité

- Je... Oui, c'est étrange. Pourtant, c'est ainsi que je le ressens. Ne peut-on pas douter de ce que d'autres nous attribuent ? Ne peut-on pas penser qu'on ne le mérite pas ? Je n'avais aucune idée de mérite, loin de là. C'était juste... Je voulais savoir. Je voulais savoir si ce que je pensais pouvait se réveler exact ou non. Je... Je crois que si le Rentaï m'avait refusée la greffe, je me serais simplement effondrée. Je me reposais trop sur son jugement, en quelques sortes...

Pourtant... Pourtant je sais que je ne suis que moi, et que j'avance, toujours, c'est ce qu'il compte. La greffe n'est pas grand chose, mais si elle ne représentait rien de particulier pour moi, parce que je n'en avait pas une idéologie définie, mais je comptais dessus... Néanmoins, je vois maintenant tout cela. Mieux vaut tard que jamais, non ? J'ai encore tellement de choses à apprendre, à comprendre...

Invité

- Pas tant que ça, Wanya... Pas tant que cela.

C'est parce que tu vois ce genre de choses que je peux affirmer que tu es déjà loin sur la Voie, même si elle est inifinie...

Invité

- Que... Ca... Je...

Ca veut dire... Ca veut dire que je ne vous suivrai plus ?

Invité

- Oui, Wanya. Tu ne me suivras plus, tu voleras de tes propres ailes. Parce que l'on ne peut pas rester Maître et Apprenti toute une vie. Nous resterons liées, évidemment. Un lien entre un Maître et son apprenti ne s'altère ni avec la distance, ni avec le temps. Je serais toujours avec toi, dans ton coeur. Comme toi tu seras en moi...

Invité

- Je... C'est étrange, pour moi, de penser une telle chose.
Après la mort de ma mère, mon père s'est servi de moi, et ne m'a jamais aimée. Il n'avait aucune affection, il... C'est un salop. Cela fait si longtemps, que je n'ai pas reçu tout cela. Je sais que ma mère est quelque part dans mon coeur, pourtant je veux m'en détacher. C'est comme.... un cercle vicieux. Presque....

Non, ce n'est que normal, n'est-ce pas ? Je... Je sais que vous resterez en moi, car votre enseignement me transcende, et je ne peux que continuer ainsi. Mais... cette conception des choses... Cela me fait un choc...

Invité

- Tu as la maturité pour comprendre, Wanya. Pour prendre des leçons. Je ne sais rien de ton père, et je ne prendrais pas le risque de le défendre ou de te défendre. Tu as beaucoup souffert, c'est normal que cela te semble étranger... Ecoute juste ton coeur...

Invité

- Je crois que c'est déjà ce que je fais... Lui aussi semble perdu...

Invité

- Je ne pourrais pas tout t'apprendre Wanya, et sûrement pas comment gérer les conflits que tu as pu avoir par le passé. Il y a des choses que tu dois découvrir par toi-même pour pouvoir avancer, car montrées, elles n'ont plus la même valeur.

Il peut être difficile de continuer. La Voie est cependant faite pour toi, comme tu es faite pour elle. Pour la suivre, toujours plus loin. Laisse juste tes doutes te porter vers l'avant, et non te faire reculer, Wanya.

Mais surtout, n'oublie jamais d'écouter ce que te dit ton coeur. Ce que te dit ton instinct. Car ils auront toujours raison...

Invité

- Je sais que je vais devoir apprendre beaucoup de choses par moi-même. Parce que l'on ne cesse jamais d'apprendre, et que pourtant l'apprentissage se termine, auprès d'un Maître en tout cas...

Tout ce qui compte, c'est d'avancer. Je veux avancer. Sans jamais arrêter d'apprendre.

Invité

Bella sourit. Son apprentie était loin d'être si peu sûre d'elle qu'elle le prétendait, au fond. C'était sa conscience, sa raison, parce qu'elle avait subi un traumatisme qu'elle était ainsi, trop prudente, toujours en train de douter d'elle-même. Mais elle finirait par guérir totalement. Bella n'en doutait pas une seconde. Mais elle savait aussi que cela ne serait pas elle qui permettrait à la jeune fille de se sortir de ce qu'elle avait pu subir, et des cauchemards qu'elle avait pu faire. Cette dernière était trop profondément atteinte pour que le traitement qu'elle pouvait lui octroyer fît effet. Bella ne voulait pas 'traiter', elle voulait aider. Et elle le faisait toujours de tout son coeur. Parce qu'elle aimait cela. C'était ainsi.

Laissant un silence s'installer entre elles, après ces quelques enchaînements de paroles, après cette conversation si étrange, et pourtant plausible. Les deux femmes se roulèrent dans des couvertures, avant de s'endormir pour la nuit. La journée suivante, elles chevauchèrent longtemps, ne s'arrêtant que pour manger, lorsque le soleil fut à son zénith, et repartant immédiatement après. Bella dirigeait son apprentie vers le sud, elles longeaient tranquillement malgré tout les Dentelles Vives, et Bella attendait avec impatience la rencontre qu'elle avait prévue. Les Dentelles Vives regorgeaient de créatures dangereuses, et la Marchombre avait une idée bien précise de ce qu'elle voulait rencontrer, évidemment. Cependant, tout cela ne prendrait pas forme avant deux ou trois jours.

Le soir, elles s'arrêtèrent, et Bella demanda à son apprentie de lancer encore une fois des poignards, mais en courant. Elle avait déjà fait cet exercice et s'en était très bien sortie, cela n'avait pour but que de délier un peu ses muscles, avec cette chevauchée éreintante.Puis, elle lui expliqua encore quelques petites choses sur la manière d'être efficace en faisant un feu, avant de la laisser se reposer. Elles repartirent encore, alors que le soleil était à peine levé. Elles montèrent toute la matinée, mais l'après-midi, Bella fit descendre Wanya de sa monture pour qu'elles courrussent toutes les deux. La Marchombre était en excellente forme physique, malgré son âge. Personne n'aurait osé lui demander si elle voulait de l'aide pour se déplacer, Bella volait de toute manière au dessus du sol, même en courant des heures, avec sa toge blanche. Elle transpirait, certes, et sa peau tirée et frippée se découvrait parfois sous ses larges manches, mais elle n'en souffrait pas.

Elle avait dépassé ces limites-là.

Et lorsque le soir était arrivé, Bella avait arrêté son apprentie tandis que le soleil était couché depuis déjà bien longtemps derrière les Dentelles Vives. L'air s'était saturé d'iode durant la journée, leur emplissant les poumons de sel, vivifiant leur coeur et leur corps. Et alors qu'elle faisait le camp, Bella entendit. Ce râle. Elle sentit. Ce froid glacial qui arrivait. Et elle sourit.

Parce que la Goule était là. Elle était venue jusque là pour que Wanya fût confrontée à l'une de ces créatures. Parce qu'elle devait continuer à prendre confiance en elle, et que chacune de ses victoires l'aidaient à s'en remettre, à relever le menton, à regarder plus loin, à ne pas avoir peur. La créature s'approchait lentement, et était encore à plusieurs mètres du campement, mais Bella était déjà sur ses gardes, car malgré leur apparence de vieilles femmes, ces créatures pouvaient être très rapides, et étaient difficilement mises hors de combat. Se tournant vers son apprentie, elle lui glissa simplement à l'oreille :

- Une goule approche, Wanya. Te battre à mains nues contre elle, ou même avec une quelconque arme, ne lui fera rien. Seules les flammes et le feu écartent les goules, ou les mettent hors de combat. Cependant, il te faudra être habile, car ce sont des créatures très rapides...

L'esprit du Marchombre s'accorde avec son corps. Non, l'esprit du Marchombre et le corps du Marchombre sont une seule et même entitée. Par là, il est faux d'affirmer qu'un Marchombre a de bons réflexes. Un Marchombre est réflexe. Il réagit, en comprenant, en acceptant, et laisse le poids de l'attaque de l'adversaire se retourner contre lui. L'accompagne...

Lui adressant un sourire, la Marchombre s'éloigna un peu du feu, pour prendre du recul par rapport à son apprentie. Wanya devrait faire preuve d'audace, contre cette goule. Bella ne doutait pas de la capacité de son apprentie à s'en débarrasser, mais elle se tenait tout de même prête à intervenir si le besoin s'en faisait ressentir...

[Désolée, RP un peu court...]

Invité

Ton Maître ne fit que sourire, Wanya. Sans te répondre. Mais après tout, qu'y avait-il à répondre à une telle chose ? Ce n'étaient que des constatations. Mais tu savais, au fond de toi, qu'un jour, tu pourrais passer outre. Pas tout de suite, certes. Tu avais encore un long chemin à faire. Mais tu y croyais du comme fer : tu te sentais Marchombre, c'était vrai. Mais à chaque fois que cette certitude prenait place dans ton esprit, d'autres parties de ce dernier venaient de prévenir que c'était en étant trop sûre de toi que tu t'éloigneras de la Voie. Pourtant, tu aurais voulu ne pas les croire. Tu aurais voulu pouvoir penser que tu étais Marchombre, au delà de tout, que tout le reste ne comptait pas. Mais c'était impossible. Il y avait comme un serpent insinué en toi. Une personnalité parasite. Tu soupiras, tandis que tu te roulais dans les couvertures que te tendais Bella. Et lorsque tu t'endormis, tu entendis pas très loin Rebond qui renâclait légèrement. Souriant, tu dormis pourtant bien, ce soir-là. De toute manière, cela faisait presque six mois que tu ne faisais plus de cauchemars. Jusqu'alors, ton père t'avais poursuivie même dans tes rêves. Et pas que ton père, mais tous ces hommes. Mais l'enseignement de Bella t'avait en partie guérie. Maintenant, il ne te restait plus qu'à vraiment comprendre tout cela, et à l'intégrer dans ton inconscient. Tu soupiras, encore. Le lendemain, Bella te fit te lever tôt, mais tu avais l'habitude maintenant, et cela ne te dérangeait pas. L'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt, n'est-ce pas ? Tu souris, tranquille, pansa ton cheval pour te remettre en selle pour toute une journée. Parce que vous ne vous arrêtâtent que pour manger, à midi, avant de repartir.

Le soir, Bella te réexpliqua un peu comment faire du feu, et un camp correctement, avant de te demander de lancer un poignard en courant. Hochant la tête, tu sortis le poignard qu'elle t'avais offert il y avait assez longtemps de cela, et te concentras un instant sur ta cible. Puis, tu commenças à courir. Pas très vite, au début, pour échauffer tes muscles qui étaient encore tous endormis. Tu commenças simplement à trottiner, et en passant devant ta cible, tu lanças ton poignard. Il vacilla un instant dans l'air, se plantant un peu en décalé sur la droite. Tu soupiras, allas le chercher, et recommenças, en faisant attention cette fois-ci. A lier ton pas et ton poignard. A être la lame et le sol. Ton poignard alla se ficher avec un bruit mat dans la souche, et tu souris, ne te déconcentrant pas pour autant. Et tu continuas. Encore et encore. Jusqu'à être totalement épuisée, et que pourtant ton poignard allât toujours se planter avec précision dans la souche. Exténuée, tu t'allongeas, toute essoufflée, une fine pellicule de sueur sur tout ton corps, et à peine tu eus posé ta tête sur le sol que tu t'endormis, tranquille. Tu aimais cette fatigue physique, c'était une bonne fatigue, et tu adorais t'endormir avec cette fatigue, car tu avais alors la certitude que tu allais bien dormir, et que tu serais en excellente forme le lendemain. Tes muscles s'étaient dorénavant habitués à l'effort, et tu n'avais plus que très rarement des courbatures, à ta plus grande joie. Le lendemain, encore une fois, Bella te réveilla tôt, et vous chevauchèrent toute la matinée, avant de courir toute l'après-midi. Toute la journée encore, vous longeâtes les Dentelles Vives, et tu sentais que Bella cherchait quelque chose de précis, sans pour autant savoir ce que c'était. Vous vous arrêtâtes alors que la nuit était déjà bien entamée, et tu soupiras. La course t'avais fait du bien, et tu aurais aimé pouvoir entrer dans un cours d'eau...

Mais Bella ne t'en laissa pas l'occasion. En effet, une ambiance froide venait de tomber sur le camp, alors que le feu était déjà allumé. Tu fronças les sourcils, ne comprenant pas ce qu'il se passait. Tournant ton regard vers ton Maître, tu lui lanças un regard interrogatif. Cette dernière souriait, comme si elle avait trouvé ce qu'elle cherchait depuis le début. Et alors que tu te tournais, tu la vit, cette vieille femme. Tu ne comprenais pas, mais les paroles de Bella vinrent te guider. C'était donc une goule, cette créature qui ressemblait à une très vieille femme... Mais la Marchombre avait aussi dit que les goules ne craignaient pas les coups, qu'ils fussent de métal ou de bois, ou même de chair. Le feu ? Pourquoi le feu ? Mais à peine la question fût passée dans ton esprit que déjà la goule se précipitait vers toi... Elle était rapide ! Et même très rapide. Tu ne dûs qu'à un réflexe surnaturel de ne pas te prendre son poing dans l'estomac. Sautant sur le côté, tu cherchas le feu du regard, bondis à droite, à gauche, pour la destabiliser, et plongea vers le feu, faisant une roulade contrôlée, récupérant un morceau de bois sous le foyer de la flamme, et la brandis devant toi. Ton action n'avait pas duré trois secondes, pourtant la goule était déjà sur toi, menaçante. Un cri sortit de sa bouche, te perçant les tympans, alors que le feu touchait à peine son poing qu'elle avait levé vers toi... Tu soupiras, mais ne pris pas le temps de plus réfléchir. Malgré toi, la tranche de ta main frappa sur la tempe de cette dernière... la traversa. Tu retins un cri de douleur, alors que cette fois-ci, c'était le poing de la goule qui s'était logé entre tes côtes. Dans un mouvement de hanche, tu pus te relever, et tu balayas l'espace devant toi avec ton bâton au bout enflammer.

Un nouveau cri retentit, tu serras les dents. Naturellement, ton bras fit un crochet à droite, pour s'avancer encore, alors que tu faisais un petit bond vers l'avant. Un autre cri, plus fort, et tu sentis sous le bâton la prise lâcher, et reculer. Elle venait de reculer ! T'enfonçant dans la brèche, tu pensas alors à ce que venait de te dire Bella : le Marchombre est réflexe. Tu étais réflexe. Tu étais dans le temps. Tu venais de le découvrir, alors que la goule reculait. Tu t'étais enfoncée dans la faille. Un sourire sur les lèvres, tu fondis encore en avant. Frappas encore deux fois, tourna le bâton, et crias, à ton tour. Presque feulant. Pour lui faire peur, même si cela ne faisait pas forcément effet... Mais à ta grande surprise, la goule recula, lança un léger grincement, avant de faire volte-face et de partir à toute vitesse dans la direction des Dentelles Vives. Tu la regardas, ne la poursuivant pas : de toute manière, qu'est-ce que cela t'aurais apporté ? Absolument rien. Tu soupiras, observas le bâton dans tes mains, avant de le lancer à nouveau dans le foyer du feu de camp que Bella avait fait. Puis, t'asseyant à côté de ce dernier, tu souris à ton Maître, prenant un morceau de viande, et commenças à manger goulument. Tu venais de découvrir quelque chose. Quelque chose d'essentiel, oui. Sauf que tu ne savais pas encore comment le formuler. Mais tu réalisais, doucement. Et un baume réparateur passa dans ta poitrine, et dans ton esprit. Tu étais juste toi, cela ne revenait à rien de croire que tu allais t'éloigner de telle ou telle chose. Si tu n'étais que toi, tu serais toujours heureuse, et il ne fallait pas que tu te mentisses... Tu étais toi, simplement !

Invité

L'apprentie avait réagi avec une vivacité toute étudiée qui tira un sourire satisfait à la Marchombre. Le combat qui s'ensuivit fut rapide et efficace, et à la plus grande surprise de Bella, Wanya s'en tira extrêmement bien. Mieux qu'elle ne l'avait cru. Un immense sourire prit place sur le visage de la vieille femme, qui regardait son apprentie se débrouiller contre la goule. Si elle ne semblait pas l'avoir fait sciemment, elle s'était faite réflexe dès le début du combat, alors que la créature fonçait sur elle avec une vitesse hors du commun. Chacun des gestes de l'apprentie était emprunt de grâce et de fluidité, mais aussi d'une redoutable efficacité, et alors que d'une passa rapide elle prenait un bâton enflammé dans le foyer que Bella avait fait quelques minutes plus tôt, cette dernière ne douta plus de l'issue du combat. Vivacité-même, jaillissement, son apprentie se mouvait avec une rapidité extraordinaire, qui en aurait bluffé plus d'un. Bella réalisa alors à quel point elle avait avancé sur la Voie. A quel point elle n'avait plus rien à lui enseigner. C'était le dernier voyage qu'elles effectuaient toutes les deux, elle en avait conscience, mais l'apprentie ne s'y attendait sans doute pas. Elle verrait, avec le temps.

Soupirant tranquillement, elle vit Wanya faire un bond en avant et lancer un cri, qui la fit presque rire. Non pas de moquerie, mais simplement de surprise. Son apprentie exprimait rarement de telles choses, et cela l'avait réellement surprise. Sereine, Bella s'approcha de son apprentie pour lui dire qu'elle avait fait du bon boulot. Mais dans le regard de la jeune fille, une nouvelle flamme s'était allumée. Elles avaient parlé d'évolution, quelques jours plus tôt. Il semblait que Wanya y fût sujette, à ce moment-là. Souriant à son apprentie, la Marchombre ferma les yeux et s'ouvrit. Pour écouter. Ecouter la plainte du coeur de Wanya s'éteindre progressivement, écouter son esprit qui se faisait plus confiant. Plus fort. Elle sourit, et laissa son apprentie manger et dormir en paix. Après tout, elle savait tout faire, et dorénavant, elle n'aurait plus qu'à apprendre seule. Juste seule. Parce que Bella lui avait enseigné tout ce qu'elle savait. Mais il restait quelques petites choses, qui, elle n'en doutait pas, seraient très vite acquises par l'apprentie.

Le lendemain, la Marchombre réveilla son apprentie alors que le soleil passait paresseusement derrrière les montagnes, à l'horizon. La faisant courir, elles se déplacèrent toutes les deux en courant toute la journée, traversant la passe de la goule à pied, les chevaux les suivant sagement. Le soir venu, Bella laissa son apprentie tranquille, et ne lui demanda pas d'exercices en plus, mais la laissant libre aussi de s'entraîner seule. Le lendemain, elles repartirent encore en courant, savourant le vent sur leur visage. La vieille femme appréciait la caresse de l'air sur son visage ridé, sur sa peau plissée. L'air ne l'avait jamais quittée. Et elle l'aimait aussi. Tranquille, elle courrait. Sans effort.

Ce fut en milieu d'après-midi qu'elles atteignirent enfin la côte océanique au sud de Gwendalavir. Les effluves marines remontaient loin à cette période de l'année, voilà pourquoi depuis trois jours l'air était empli d'iode. Elles longèrent toutes les deux les immenses falaises qui surplombaient l'océan capricieux, et arrivèrent bientôt près d'une plage où la houle était particulièrement ardue et forte. Un bâteau était en train d'amarrer, et Bella sourit, prise d'une idée subite. Lançant un regard taquin à son apprentie, elle se dirigea vers le bord de la plage et y attacha sa propre monture, invitant Wanya à faire de même, et alors elle s'approcha avec discrétion du bâteau. C'était un bâteau de pirates, qui débarquaient là sans qu'elles ne sussent pourquoi. Peu importait, en réalité. L'exercice serait amusant, ainsi. Faisant un léger signe de la main à Wanya, elle lui expliqua :

- Nous allons entrer dans ce bâteau, pour émousser un peu tes réflexes. Ne te laisse pas piéger par le regard des autres. Les éviter est plus facile que de s'en extirper lorsqu'ils sont refermés sur toi. Un Marchombre ne se fait pas piéger par un simple regard. Un Marchombre ne se fait pas piéger...

Sur ces quelques paroles, la Marchombre s'avança, aussi silencieuse qu'une ombre. Après un coup d'oeil à l'extérieur, elle passa dans le dos d'un homme qui tirait sur une corde pour pouvoir garder le navire sur la plage et se hissa derrière la poupe pour s'y hisser tranquillement. Une fois sur le pont, elle jeta un coup d'oeil autour d'elle, observant l'équipage qui s'activait à mettre le bâteau en sûreté. Ils étaient occupés, mais faisaient tout de même attention à ce qu'il se passait. Pour la Marchombre, cela ne représentait pas de difficultés, et elle savait que son apprentie saurait se faire oublier, elle aussi. Glissant jusqu'à l'immense gouvernail, elle se tourna vers son apprentie et lui glissa :

- Tu es Marchombre, Wanya. Montre-le. J'ai un défi à te lancer.

Laissant un petit silence, pour que son apprentie s'attendît à tout, elle continua :

- T'avancer au milieu de ces hommes, nue. Pour toi. Pour la Voie. Parce que tu dois avancer. Ne plus regarder en arrière...

Bella savait que ce qu'elle demandait à son apprentie était très difficile. A cause de son passé. Parce qu'elle avait déjà vu les milliers de cicatrices sur son corps, et ne doutait pas de ce qu'il avait pu se passer. Mais elle pensait réellement que Wanya devait passer par là. Elle était évidemment disposée à refuser cet exercice. Bella ne lui en voudrait pas. Mais elle ne cessait de penser que c'était indispensable pour son apprentie. Et son regard pâle faisait passer ce sentiment, cette certitude, qui coulait en elle...

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Tu t'étais endormie comme une masse, après ce combat bien étrange, pour toi, Wanya. Tu ne t'étaias pas réellement rendue compte de ce que tu avais fait, de ce qu'il s'était passé. Un combat avec une goule ? Tu t'étais endormie avant d'avoir réellement réalisé... Et ton sommeil fut lourd. Cependant, Bella te réveilla encore une fois à l'aube, vous mangeâtes rapidement, avant de repartir en courant. Cette fois-ci, vous courâtes toute la journée, et pas d'un petit rythme, loin de là. Bella semblait vouloir complètement expanser tes capacités et les éprouvait au plus haut point. Tu fus d'ailleurs agréablement surprise de sentir que ton souffle n'était pas irrégulier, et que si tu avais chaud et que tu transpirais énormément, tu n'étais pas tant essoufflée que cela. Pour une fois, Bella te laissa tranquille avant de te coucher, mais tu effectuas tout de même quelques étirements pour ne pas avoir trop de crampes et de courbatures le lendemain. Et encore une fois, vous repartîtes en courant, toute la journée. Il fallait dire que le ciel était immense dans ses tons turquoises, magnifique immensité, et la vue était un spectacle pittoresque qui s'offrait à vous.

Dans l'après-midi, après avoir longé les falaises de l'Océan toute la journée, vous atterîtes près d'une plage, sur laquelle un grand bâteau était en train d'amarrer. Fronçant les sourcils, tu ne comprenais pas pourquoi Bella venait de laisser son cheval à l'écart, mais la suivit tout de même, curieuse de voir ce qu'elle venait de trouver comme idée. Elle se glissa dans le dos d'un pirate, et se glissa le long de la poupe pour se retrouver sur le pont avant du bâteau. Soupirant légèrement, tu fis de même, gardant ta démarche fluide et légère pour passer dans le dos de l'homme. Une fois sur le pont, tu suivis donc Bella, jusqu'au niveau du gouvernail, au dessus de tous les pirates qui s'affairaient à mettre le bâteau à la plage. Tu la regardas un instant, clignas des paupières, avant de regarder autour de toi et de t'élever à ton tour, gracieuse, légère et discrète. Tu n'en revenais pas toi-même : tant que cela te surpris, tu t'arrêtas un instant, restant dans le champ de vision d'un pirate, qui sembla réfléchir un instant, clignant des yeux... Te reprenant, tu n'étais déjà plus là. Une simple hallucination. Comme un soupir, tu te coulas dans son dos, pour rejoindre Bella.

Tu souris en arrivant à ses côtés. Depuis ton combat de la veille, tu sentais quelque chose de changé en toi, même si tu ne pouvais pas exactement dire ce que c'était. Tu étais juste... étrange. Mais bien. Tu soupiras légèrement, te tournant vers ton Maître, un instant. Lui adressant un sourire, tu l'écoutas, et fus tout d'abord surprise, tandis qu'elle n'avait pas fini, mais laissait un petit silence. Un défi ? Tu fronças les sourcils, ouvrant la bouche pour demander de plus amples informations, mais elle continua alors que tu n'avais encore rien dit. Et ce qu'elle te dit te surprit au plus haut point, c'est le cas de le dire. C'était un défi, en effet, un défi que tu avais du mal à comprendre. A en comprendre l'utilité. Et alors que tu allais répondre, tu fermas tes lèvres pour réfléchir. Laisser les mots prendre leur place dans ton esprit. Les mots sont des armes. Ils ne se gaspillent pas. Tu pris le temps. Tu n'en revenais pas, à dire vrai, que Bella te demandât quelque chose de tel. C'était vraiment étrange. Mais tu sentais, comme elle, que c'était un moment décisif. Pour toi. Elle l'avait aussi dit clairement...

Finalement, tu soupiras, plantant tes yeux verts dans ceux de ton Maître, et hochant la tête. Te tournant vers le bastringage, tu soufflas doucement, avant de te dévêtir lentement. Tu n'osais pas trop, mais tu voulais le faire. C'était pour toi. Qu'importait ce que disait Bella, ce n'était pas pour elle que tu faisais tout cela. C'était pour toi. Pour avancer, pour toujours avancer sur la Voie, évoluer, aller toujours plus loin. Tu le réalisais maintenant : depuis le début, la Voie des Marchombres te poussais en avant, et te faisait prendre considération sur toi-même. Tu souris, tranquille. Lorsque tes vêtements ne formèrent plus qu'un tas à tes pieds, tu soufflas doucement, avant de te glisser, telle une ombre, sur le pont. Jetant des coups d'oeil autour de toi, tu te remémoras les dernières paroles de Bella sur le piège des regards. Tu avais failli te faire avoir, en la suivant, tu ne voulais pas commettre la même erreur. Tu avais peur, tu étais morte de trouille, à l'idée que l'un d'eux te vît, et prévînt les autres, et que cela se terminât en une orgie populaire... Tu respiras complètement. Avanças d'un pas.

Un pirate, là, tourna légèrement la tête. Dans un souffle, tu disparus dans son dos. Là, un autre qui se retournait, interpellait un compagnon. Tu devins le bois et la planche, le bâteau. Invisible. Pourtant, tu étais là, et tu observais. Tu observais les hommes qui s'activaient, la peur au ventre. Non. Plus maintenant. Ton corps offert au soleil, recouvert de cicatrices, qui brillaient sous sa lueur, reniait l'existence de ces stigmates qui le parsemaient, pour lui aussi avancer. Continuer à suivre la Voie, pour être celui qu'il était, dans le fond. Il s'était musclé, depuis le début de ta formation. Tes épaules s'étaient élargies, tes hanches aussi, ta taille s'était légèrement creusée, tes yeux pétillaient à nouveau de bonheur et de curiosité, tu étais redevenue l'enfant pleine de vie que tu avais été avant la mort de ta mère, mais en plus évoluée. Tu étais devenue adulte, tu avais grandi, pourtant. Tu avais compris que ton passé ne devait plus jamais t'empêcher d'avancer. Que tu devais t'en servir pour devenir plus forte. Souriant, tu marchas encore sur le pont. Les regards se tournaient, ne te voyaient pas, ne passaient même pas sur toi, ou alors parfois. Tu souriais. Faisant demi-tour, tu revins vers Bella. Heureuse.

Reprenant tes affaires, tu lui adressas un sourire lumineux, avant de fermer les paupières un instant, profitant de cet instant si unique. Tu te sentais réellement grandie. Tu n'en revenais pas toi-même, de ce que tu venais de faire. Tu avais eu peuyr, tu avais été terrifiée, mais tu avais avancé, relevant le défi, repoussant tes limites. Et un indescriptible sentiment de félicité t'avait envahie, une onde paisible de douce torpeur, de bonheur à long terme. Tu continuerais, c'était certain ! Tu sentais réellement que quelque chose se passait, mais tu n'avais pas envie de l'analyser, pas encore. Tu voulais juste profiter. Pleinement. Un sourire aux lèvres, tu attendais donc que Bella te proposât autre chose à faire, tu te demandais si vous alliez bientôt sortir du bâteau pour aller récupérer les chevaux, tu étais pleine de questions. Mais surtout impatiente. Impatiente de continuer !

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Bella observait son apprentie. Elle avait vu les frissons qui étaient passés dans son corps, elle avait vu le voile de terreur qui était passé dans son regard, elle avait sentit l'adrénaline de la peur grimper en flèche dans ses veines, mais elle savait qu'elle allait y aller. Parce que Wanya avait de la volonté, malgré tout, et que c'était pour elle. L'attitude de son apprentie était vraiment louable, et ce fut avec un sourire que Bella la laissa se dévêtir pour s'avancer sur la poupe du bâteau. Son corps était toujours recouvert de ces cicatrices qui brillaient au soleil, tirant une légère grimace à Bella, bien malgré elle. Elle ne savait pas ce qu'avait subi Wanya, c'était un fait. Mais jamais elle n'avait pensé lui demander quelque chose de trop difficile pour elle. Pourtant, elle en tremblait, l'apprentie. Mais elle avançait. Discrète comme une ombre. Elle se glissait dans les dos, évitait les regards, se confondait avec le mât... Oui, Bella en était maintenant persuadée : elle n'avait plus rien à lui apprendre. Une légère vague de tristesse passa dans son coeur, mais elle se reprit. Wanya devait s'envoler. C'était la seule suite possible.

Lorsqu'elle revint vers elle, la Marchombre hocha simplement la tête. Ne dit rien. Il n'y avait rien à dire. La laissa se rhabiller, la vieille femme retraversa encore une fois le bâteau, pour retourner sur la plage. Ses pas s'étaient fait doux et légers, comme des plumes. Aucun son ne sortait de sous ses pieds, de sous ses orteils, qui se posaient sur le bois du bâteau. Elle était l'air, elle le vivait pleinement, et un immense sourire barrait son visage. Elle était heureuse. Se glissant le long de la coque, elle regarda la plage et les grains de sable, pour aller chercher les chevaux, et elles montèrent toutes les deux sur leur monture, sans se presser. Plus rien ne pouvait les arrêter. Pourtant, ce fut au galop que Bella lança sa propre monture, et vers le Nord, cette fois-ci. Vers Al-Jeit. Elle allait rejoindre Al-Jeit, évidemment. Quelle autre ville ? Où elle-même s'était envolée, où tous ses autres apprentis s'étaient envolés...

Elles galopèrent un moment, puis trottèrent, alternant les deux allures pour avancer rapidement. Elles n'étaient pas spécialement pressées, mais Bella ne voulait pas repousser ce moment. Cela n'en serait que plus difficile. Surtout qu'elles en avait parlé peu de temps auparavant, donc certainement Wanya s'y attendait-elle. Le soir, Bella monta le camps et ne s'occupa pas de son apprentie, comme la veille, pour la laisser faire ce qu'elle jugeait nécessaire. Elles dormirent tranquillement, et repartirent à cheval encore une fois le lendemain. Al-Jeit se dressa devant elles en milieu d'après-midi, fière et magnifique. Le promontoire rocheux sur lequel elle était accrochée était impressionant, mais réduit à presque rien par l'immensité de la capitale. Elles passèrent sous la porte d'Améthyste, avant de laisser les chevaux aux écuries de la ville, pour s'engouffrer dans les rues de la cité. La nuit tombait doucement, et les lumières commençaient à s'allumer à tous les coins des allées, éclarant les sombres ruelles d'une douce lueur clairsemée.

Se tournant vers son apprentie, Bella lui adressa un sourire, et l'invita d'un signe du menton à la suivre, avant de s'élancer entre les ruelles. Elle grimpait, sautait, glissait, tombait, se rattrapait... Et elle ne se freinait plus. Elle n'en avait plus besoin, elle savait que Wanya pouvait la suivre désormais. Ou presque. En tout cas, elle bondissait, elle était vivante, elle était humaine, elle était Marchombre. Ses muscles, secs et pourtant souples, vieux aussi, répondaient cependant parfaitement à ses sollicitations, et cela lui donnait un goût de liberté dans la bouche, elle adorait littéralement cela. Se retournant cependant encore un peu pour vérifier la présence de son apprentie, elle se glissa dans une large ruelle, s'agrippa à une barre de fer, se propulsa sur une autre bâtisse et désigna un peu plus loin une immense tour qui grimpait dans la nuit, comme pour aller toucher la lune qui s'élevait, fière et pleine, dans la nuit d'encre, seulement parsemée des étoiles, âmes veillant sur le monde. Tranquilles.

Adressant un sourire à Wanya, sans un mot échangé, encore une fois, Bella désigna la tour qui était plantée là, pour une escalade. Mais elles n'allaient pas tout de suite monter, il fallait avant ajouter quelque chose, pour que la boucle fût bouclée. Se tournant vers son apprentie, Bella sortit de sous sa toge une longue corde, qu'elle passa autour des poignets de Wanya. Les emprisonnants, liés l'un à l'autre, sans pouvoir les détacher, se touchant tous les deux, devant elle. Bella intercepta le regard interrogatif de son apprentie et y posa le sien, serein, tranquille. L'ascension commença donc ainsi. Wanya, avec en quelques sortes seulement trois membres, et Bella, à côté d'elle. Cet instant était toujours magique, pour la Marchombre. Malgré tous les apprentis qu'elle avait pu avoir tout au long de sa vie, c'était toujours un moment hors du temps, hors de tout. Wanya, qui montait à son côté, difficilement, semblait l'appeler, et alors qu'elle ouvrait son âme pour sentir celle de son apprentie, elle comprit finalement d'où venait toute la souffrance de cette dernière...

Reprenant son souffle, parce qu'elle n'avait jamais pensé une telle chose, jamais ressenti une telle infâmie, Bella suivit encore son apprentie. Si proche, et si lointaine pourtant. Elle était pourtant là... Et lorsque enfin, les deux femmes atteignirent le ciel, le haut de la tour, Bella vint sectionner les liens qui enserraient les poignets de son apprentie.

- Tu es Libre, Wanya.

Un sourire.

Comme le vent et l'eau
Comme la Terre et l'air
Liées à jamais...

Ce fut le dernier indice que laissa Bella, avait de disparaître, tout à fait. De laisser son apprentie. Elle était Libre.

Elle était Marchombre...

Invité

Tu étais heureuse, Wanya. Heureuse d'avoir réussi. De t'y être tenue. Tu avais eu peur. Mais cela y était, tu sentais ce changement opérer en toi. Quelque chose, une coquille sans doute, venait de se fendre, et tu découvrais une facette de ta personnalité que tu ne connaissais pas jusqu'alors. Tu te sentais enfin toi-même. Qui aurait cru qu'un défi t'y aurait aidé ? Pourtant, c'était ce qu'il venait de se passer... Mais tu ne t'en rendais pas encore tout à fait compte. Adressant un large sourire à Bella, tu la suivis hors du bâteau, faisant toujours attention à ne pas te faire repérer. Vous récupérates les chevaux, avant de vous déplacer au trot et au galop. Tu sentais une douce torpeur d'envahir, et tu comprenais petit à petit que tout cela était ton dernier voyage. Qu'au terme de celui-là, tu n'aurais plus jamais Bella à tes côtés... Tu frissonnas, et Rebond accéléra un peu sous toi, en réaction à toutes ces émotions qui bouillaient en toi. Souriante, tu pressas tes mollets contre ses flancs, et il s'élança dans un galop irréel te tirant des larmes tant sa vitesse était importante...

Vous voyagèrent jusqu'au soir, et quelques jours encore, ainsi, en chevauchant, en ne s'arrêtant que pour manger, sans échanger une seule parole. Le silence était normal, entre toi et Bella. Il ne gâchait rien et parlait à la place des mots. Tu trouvais qu'un bel équilibre s'était créé, depuis le temps. Tu souris, tranquille. Le soir, tu t'adonnais à quelques exercices d'étirement et de musculation, avant de faire la gestuelle systématiquement avant de dormir. Vous étiez reparties vers le nord, et tu pensais que vous alliez vous diriger vers l'Académie, pourtant ce n'était pas sa route que vous suiviez... Tu eus ta réponse au bout de quelques jours. Al-Jeit se dressa devant vous, et un immense sourire passa sur ton visage, heureuse. Tu mis sans demander plus à Bella à nouveau Rebond au galop, et ton étalon prit cette allure avec une joie non dissimulée, l'agrémentant d'un petit coup de cul de gaieté. Lorsque vous passatent la porte d'Améthyste, tes yeux brillaient de mille feux : tu n'étais jamais entrée dans Al-Jeit, à dire vrai. Tu n'avais connu qu'Al-Poll.

Après avoir laissés les chevaux aux écuries de la ville, Bella se glissa dans les ruelles et tu t'appliquas à la suivre. Tu voyais qu'elle te surveillait, mais qu'elle ne tentait pas de trop ralentir pour t'attendre. Tu souris. Mais ton coeur se serra... Vous courutes sur les toits pendant de longues heures, avant que Bella ne s'arrêtât devant une immense tour, pour se tourner vers toi. Ne comprenant pas, tu lui lanças un regard curieux, et elle s'approcha de toi pour te lier les deux poignets. Toujours sans un mot. Et tu n'avais pas envie de briser le silence. Tu comprenais, tu sentais qu'il se passait quelque chose d'important. Quelque chose de capital. Une fois tes mains liées, Bella commença l'ascension, et tu tordis ton visage en une grimace, avant de tenter de la suivre. Tu n'avais en quelques sortes plus qu'un seul bras central, et c'était très bizarre comme sensation. Désagréable, même. Tu soupiras, mais n'abandonnas pas pour autant : tu voulais avancer. Réussir.

L'ascension n'était déjà pas facile. Mais avec cette corde, elle en devenait encore plus difficile, et tu crus plusieurs fois que tu n'y parviendraiq pas. Et même, tu faillis tomber, à un moment, ratant une prise avec son pied, tu basculas en arrière... Fermant les yeux, tu avais senti l'apesanteur se réduire jusqu'à ne plus exister. Pendant quelques secondes. Reprenant ton souffle, tu t'accrochas à la paroi un peu plus efficacement, et doucement tu refluas ce que le Rentaï t'avait accordé. Est-ce que les greffes avaient un réel sens ? Est-ce que c'était parce que quelque chose ou quelqu'un en aurait besoin que tu en avais hérité ? Etait-ce simplement pour toi ? Pour que tu eusses la certitude de ne plus jamais tomber ? Tu souris à cette pensée. Tu avais les poings liés, tes poignets commençaient à saigner sous la friction incessante de la corde sur ta peau. Mais tu étais heureuse. Tu te rendais enfin compte de l'ampleur de tout cela... Oh, l'ascension fut longue. Très longue... Mais lorsque enfin vous arrivates en haut, tu étais libérée. D'un immense poids...

Et les mots de Bella... Tu étais libre, Wanya. Libre ! Tu clignas des yeux, sans le vouloir. Ton Maître n'était déjà plus là. Seuls les mots, tracés dans la poussière, attestaient de sa présence là, quelques instants plus tôt. Des mots qui te transcendèrent, encore une fois. La poésie Marchombre. Tu souris, tranquille. Ne bougeas pas, restant parfaitement immobile. Puis, lentement, tu remis tes muscles en marche : tu effectuas la gestuelle Marchoombre. Encore et encore, t'immergeant dedans. Tu étais bien...

Marchombre !

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