Groupe Budr - Cours n°2

Une fois n’était pas coutume, Notok se réveilla seul dans son lit ce matin-là. Après une nuit particulièrement agitée, il faut bien l’avouer, mais Judh était partie plusieurs heures avant que le soleil ne se lève. Un léger soupir franchit les lèvres de l’homme, qui se redressa sur sa paillasse : il devait maintenant se lever. L’astre diurne dispensait une douce clarté sur le monde, tandis que ses premiers rayons venaient lécher l’horizon pour le réchauffer.

Se relevant tranquillement, Notok s’étira longuement la plupart des muscles : il se sentait un peu courbatu, il devait bien l’avouer. C’était toujours ainsi avec Judh, ils arrivaient encore à s’épuiser l’un et l’autre. Mais peut-être était-ce mieux ainsi ? Il ne savait pas trop, et ne voulait pas le savoir. Cela était ainsi, et cela lui convenait.

Le souvenir d’un regard violet clignota dans son crâne, et il secoua la tête pour l’en chasser.
Miss… Il espérait réellement pouvoir la croiser une fois, au détour d’un couloir, dans l’Académie. Il était certain qu’elle passait régulièrement : il avait pu voir son nom accroché à deux morceaux de papier, attestant qu’elle avait deux groupes d’apprentis avec elle. Et la description d’une jeune femme aux yeux violets, aux longs cheveux châtains, et pleine de vie ne correspondait pas forcément à beaucoup de monde : il avait ainsi pu apprendre qu’elle avait une fille, et bien un compagnon…
Quelle chance il avait !

Enfilant rapidement son pantalon, Notok passa seulement un débardeur sans manche sur son torse, avant de s’avancer vers le miroir qu’il y avait dans sa chambre pour se raser.




- Mes Maîtres-Mots ? Liberté. Harmonie. Envol.
Liberté, parce que c’est le plus important je pense dans le cœur d’un être vivant. Se sentir Libre, même si on est enfermé entre quatre mur. Sentir son cœur, son âme, libre.
Harmonie, c’est l’évolution de nos gestes, toujours en harmonie avec ce qui nous entoure, comme une danse est en harmonie avec la musique. Bouger, en étant lié au Monde, et avancer de pair avec lui.
Envol, parce que l’oiseau est l’animal le plus proche du Vent, parce que c’est ouvrir ses ailes et partir, libre et en harmonie avec le Vent. Envol, c’est le mot qui regroupe, qui résume, qui conclue les deux autres.
Un quatrième s’est imposé à moi durant mon premier cours et durant cet examen. Ouverture. Oui, pour tout ce que je viens de dire.

Notok hocha la tête.
Un éclat dans le regard.
Un sourire sur les lèvres.

- Et bien, Eole… Nous voilà partis pour de nouvelles aventures !

Un clin d’œil, et Notok s’avança vers la jeune fille d’un pas. Tranquille. Serein. Dans ses mots, on pouvait sentir la force de l’évidence ; dans son regard, la puissance des mots ; dans son âme la certitude que la Voie coulait en elle.

- On se retrouve dans deux jours, aux premières lueurs de l’aube, près des écuries.




Les écuries.
C’est où se rendait Notok, alors qu’il se grattait pensivement le menton qu’il venait tout juste de raser – ça piquait un peu. Un cheval ? Il n’en avait tout simplement pas à lui. Cela faisait longtemps qu’il n’avait plus eu d’équidé comme compagnon – depuis la fin de sa formation, alors que son Maître avait récupéré la jument qu’elle lui avait prêtée. Il était déjà allé faire un tour dans celles de l’Académie, pour repérer un peu les animaux ; c’était aussi ainsi qu’il avait appris qu’Eole possédait déjà un cheval à elle, et cette nouvelle l’enchantait.

Il savait monter à cheval, certes, mais ne connaissait pas toutes les subtilités de l’équitation. Cela l’arrangeait que son apprentie eût déjà monté à cheval, tout simplement parce qu’il n’aurait pas à reprendre les bases, même s’il ne doutait pas que des conseils étaient toujours les bienvenus.

L’attendant près de la porte, il la salua chaleureusement quand elle arriva.
Un sourire sur les lèvres, il l’invita donc à entrer dans les écuries et à s’occuper de sa monture, car ils allaient partir à cheval. Il la laissa donc faire, décidant lui-même de sa monture – un étalon nommé Cheyenne, bicolore – qu’il pansa tranquillement, avant de harnacher.

Quand les deux équidés furent fin près, ils sortirent donc des écuries, et Notok récupéra un sac qu’il avait laissé à l’entrée pour le donner à Eole, en prenant un second lui-même sur les épaules.

- Ce sont nos provisions, et deux trois petites choses indispensables…

Un clin d’œil, et ils enfourchèrent leur monture tranquillement, les mettant dans un pas dynamique. Le hongre de la jeune fille semblait plutôt sociable, et Cheyenne et lui ne se montèrent pas la tête, contrairement à ce que le marchombre aurait pu penser.

Notok passait en revue ce qu’il avait pu constater de ce que savait l’apprentie : elle savait donc monter à cheval – un minimum, pour avoir le sien, de toute façon –, tirer à l’arc, escalader, trouver un équilibre incertain… Ouverte, surtout, et c’était vraiment ce qu’admirait le marchombre chez elle : ainsi, elle pouvait tout apprendre, et à une rapidité ahurissante ! Un sourire sur le visage, il engagea finalement la conversation :

- Depuis combien de temps montes-tu à cheval, Eole ?

- Et bien, Eole… Nous voilà partis pour de nouvelles aventures ! On se retrouve dans deux jours, aux premières lueurs de l’aube, près des écuries.

Les yeux d’Éole s’illuminèrent, un large sourire se dessina sur son visage.

~~~

C’est un sourie sur les lèvre que la jeune fille se réveilla ce matin là, avant même que les premiers rayons du soleil ne traversent la fenêtre. Elle avait tout pour être heureuse : deux auparavant, elle avait réussit son premier examen, elle était maintenant au rang de Il-Sal, et ce jour-là, elle commencerait son deuxième cours.
Éole se leva et s’habilla rapidement. Son Maître lui avait donné rendez-vous dans les écuries... partiraient-ils ? Hors de l’Académie ? Une vague d’excitation la traversa. Elle allait peut-être voyager avec son Maître, découvrir un peu plus Gwendalavir... mais où iraient-ils ?
Enfin... elle verrait bien. En attendant, il fallait rejoindre Notok.

Notok. Son Maître. C’était lui désormais. En effet, la jeune fille avait commencé son apprentissage avec une marchombre, Aléa. Au départ, son groupe comportait quatre filles : Lunemria, Naïma et Kunst. Elles était parties alors que le premier cours avait à peine commencé... puis ce fut au tour d’Aléa de s’en aller. Elle avait terminé le cours, avant de se volatiliser... Éole l’avait revue à Al-Poll, mais après... plus rien. Elle avait attendu, son apprentissage ne pouvant se faire sans Maître... Et puis est arrivé Notok. Un Marchombre qui avait tenue à la rencontrer avant son examen, geste que la jeune fille avait apprécier. Et désormais, il était devenu son Maître.
Éole pensait à tout cela en marchant vers l’écurie. Heureuse. Elle avait recommencé à avancer sur la Voie.

C’est donc un sourire aux lèvres qu’elle arriva à l’écurie. Le Marchombre était déjà là. Il la salua puis l’invita à préparer son cheval.
La jeune fille s’avança vers le box où Bolshoï l’attendait. Bolshoï... cela faisait depuis son retour d’Al-Jeit qu’elle ne l’avait pas vu. Elle s’approcha de lui et lui caressa le museau en y déposant un léger baiser. Elle le brossa, lui faisant lustrer son poil d’un noir profond, puis alla lui chercher sa selle et son filet, avant de se retourner vers Notok, qui lui tendait un petit sac, lui adressant un clin d’œil. Elle l’attrapa et le mit sur son dos.
Ils montèrent en selle. Ça y est ! Ils étaient partis ! Bolshoï sembla bien s’entendre avec la monture de son Maître, un étalon pie. Était-ce le sien ? Il sembla à la jeune fille avoir déjà aperçu ce cheval dans l’écurie avant que Notok n’arrive... Enfin, cela était sans grande importance.

Ils menaient leurs montures d’un bon pas, plutôt dynamique, quand le Marchombre lui demanda depuis combien de temps elle montait à cheval. Éole réfléchit un instant, comptant les années, avant de répondre, souriante :

- Depuis environ une dizaine d’années. J’avais douze ans lorsque ma mère m’a offert Bolshoï.

La jeune fille sourit, se remémorant ce jour merveilleux où le cheval est arrivé au ranch. Elle l’a tout de suite apprécié. Quelques mois plus tard, sa mère le lui avait acheté... Le dernier cadeau qu’elle lui avait fait... avant de s’évanouir dans la nature...
Éole se tourna vers son maître, une lueur de curiosité dans le regard.

- Et on va où ?

Dix ans…
Dix ans !
Notok tourna son regard vers l’apprentie qui chevauchait doucement à côté de lui.
Dix ans !
Il n’en revenait pas.
Certes, lui montait depuis un peu plus de dix ans. Juste un peu plus, mais pas régulièrement, et il n’avait pas sa propre monture. Mais contre toute attente, un sourire étira ses lèvres : elle devait dans ce cas parfaitement connaître Bolshoï, ce qui était un réel plus.
Alors que lui-même ne connaissait pas l’étalon qu’il avait sous les fesses, mis à part son nom, Cheyenne. Cela ne le dérangeait pas réellement, après tout, car il avait toujours autant à apprendre, et que son apprentie en sût plus que lui sur quelque chose était tout à fait normal : chacun avait ses propres expériences et sa propre vision des choses.

- Et on va où ?

Un sourire étira les lèvres de Notok, qui répondit à la jeune fille d’un clin d’œil mystérieux, avant de mettre sa monture au trot. Ils trottèrent ainsi côte à côte pendant un certain temps, et Notok, après avoir apprécié à sa juste valeur le niveau d’équitation d’Eole, la laissa évoluer seule : elle savait peut-être même mieux monter à cheval que lui !
Notok lança bientôt Cheyenne au galop, et l’étalon ne se fit pas prier : il semblait regorger d’énergie. Ils galopèrent un moment, en direction du Sud.

Et puis, estimant qu’il en avait déjà assez vu quant à l’équitation de son apprentie, Notok arrêta sa propre monture pour en descendre tranquillement, et demander à Eole de faire de même : ils allaient courir !
L’encourageant d’un sourire Notok se cala tout d’abord dans une foulée plutôt tranquille. Puis, voyant que la jeune fille se débrouillait pas trop mal, il accéléra légèrement la cadence, l’encourageant en lui donnant quelques conseils simples, et lui expliquant aussi pourquoi il la faisait courir, évidemment.

- Pense à redresser la tête. Ne regarde pas le sol, mais où tu veux aller. Ouvre les épaules, pour dégager tes poumons, laisse tes jambes trouver leur propre foulée : tu ne dois avouer d’influence que sur le rythme, la cadence, mais pas la foulée.

Un sourire.
Les chevaux, qui trottaient derrière eux tranquillement, ne semblaient pas affectés le moins du monde par ce rythme tranquille.

- La course fait travailler le muscle cardiaque, et permet à ton corps de mieux appréhender les efforts, par la suite. Cela te procure une certaine endurance, et entraîne tes cellules à produire les substances les meilleures dans ce cas-là.

Ils courraient donc.
Longtemps, en tout cas jusqu’à ce que la jeune fille demande grâce, enfin. Notok, quant à lui, ayant l’habitude de se déplacer en courant, était tout juste légèrement transpirant, et obligea la jeune fille à marcher après son effort, car sinon cela aurait des conséquences non négligeables sur son métabolisme.
Elle était particulièrement essoufflée, mais Notok fut par contre inflexible sur cela : elle devait continuer de bouger.

Quand enfin elle eut repris son souffle, le Marchombre lui adressa un large sourire.

- Et bien, c’était pas mal tout ça !

Il la fixa un instant. Elle avait les pommettes encore légèrement rosies par l’effort, et le jeune homme sourit encore une fois.

- On ne va cependant pas se contenter de cela. Tiens.

Il sortit un poignard de son sac, et le tendit, manche en avant, à Eole. Lorsqu’elle s’en fut saisie, il lui expliqua la suite de l’exercice :

- Je vais lancer moi-même mon poignard, une fois. Le but sera que tu arrives à planter le tien à moins de cinquante centimètres autour du mien.

Tranquillement, il prit son propre poignard, avant de s’éloigner des montures, qui s’étaient mises à brouter tranquillement l’herbe rase qui s’étendait désormais à perte de vue : la passe de la goule étant ce qu’elle était, une plaine cachée du vent par les Dentelles Vives d’un côté, et dominée par le soleil de l’autre.

Suffisamment éloigné, il traça un cercle sur le sol, et s’y plaça lui-même.
Lançant un regard à Eole pour être sûr qu’elle le regardait, il lui adressa un sourire, avant de prendre la position la plus basique du lancer de poignard : la jambe du côté dominant légèrement en retrait, l’autre un peu en fente, les talons ancrés dans le sol, le buste légèrement tourné… Il leva le poignard au niveau de son visage, pliant le coude, ouvrant l’axe de son épaule… avant de lancer le poignard.
Geste précis, rapide, empreint de finesse.
L’arme tourbillonna un instant, et Notok, un sourire sur les lèvres, bougea avant même qu’il ne soit planté dans le sol, quelques mètres plus loin.

Laissant la place à son apprentie.

- A toi. Ne te sens pas obligée de le lancer d’un coup, tu peux t’amuser un peu avec avant, il faut que tu mesures toute la portée de ce que tu as dans les mains…

Un clin d’œil.

- Ouverture, toujours !

Le regard flamboyant, Notok observa la jeune fille se débrouiller avec cette nouvelle découverte – ou pas.

Le Marchombre lui répondit d’un clin d’œil malicieux... elle devrait attendre d’être arrivée.

Il lança sa monture au trot, avant de la faire partir au galop. Éole le suivit et Bolshoï se mit à galoper. Oh ! Comme elle le sentait heureux de pouvoir galoper ainsi. La jeune fille ferma un instant les yeux, goutant à la douce caresse du Vent qui faisait voler ses cheveux. Heureuse.
Notok avait eu l’air surpris quand elle lui avait dit que cela faisait une dizaine d’années qu’elle pratiquait l’équitation... Elle avait tellement de choses quand elle était petite ! Un sourire étira ses lèvres.
L’air frais sentait bon. Elle rouvrit les yeux, gardant son Maître dans son champ de vision pour ne pas le perdre. Quoique dans ces plaines... elle aurait du mal.

Il s’arrêta finalement et descendit de sa monture, enjoignant Éole de faire de même, ce qu’elle fit, laissant les rênes autour de l’encolure de l’andalou noir. Notok se lança dans une gentille course, à petites foulées. Elle s’élança derrière lui, se rappelant la première fois qu’elle avait couru avec un Marchombre. Une plutôt. Elle n’était pas des plus endurante, mais elle aimait courir, doucement comme cela, c’était parfait. Sauf que le Marchombre accéléra. Elle cala ses pas en rythme avec ceux de son Maître, et entreprit de faire le vide en elle, et de s’ouvrir.

Éole ferma les yeux, s’efforçant de mettre en application ce que venait de lui dire son Maître. Le Vent caressait sa nuque, l’enveloppant d’une douce chaleur, qui la portait. La Terre chaude sous ses pieds, avec l’herbe rase, douce aussi... elle la sentait pulser sous sa voute plantaire, à chaque pas, à chaque foulée. Ouverture. Le Monde la soutenait.

Elle couru comme cela un moment derrière Notok. Elle tint plus longtemps que la première fois avec Aléa. Elle sourit. Mais bon, son corps n’est pas inépuisable, et elle n’a pas encore l’endurance d’Aléa ou de Notok. La jeune fille commença à se fatiguer. Il fut de plus en plus difficile pour elle de respirer. Elle chercha du soutien dans les courants chauds du Vent, mais bientôt, l’effort fut si dur, qu’elle n’arrivait même plus à se concentrer pour sentir les Forces autour d’elle... L’air lui brûlait la gorge, elle n’arrivait plus à réguler sa respiration.

- Maître...

Elle avait murmurer ce mot, plus suppliante qu’elle ne l’aurait voulu. L’épisode lui rappela celui de son premier cours, où elle s’était sentie si mal d’avoir fait arrêté tout le monde... et Lunemria qui lui en avait voulu, mais uniquement par orgueil, finalement, c’était qui avait osé demandé grâce, et toutes les apprenties en avait été soulagées... elles avait toutes finies dans le même état.
Cette fois-ci, c’était différent, déjà parce qu’elle était désormais seule, et puis elle avait acquis un peu plus d’expérience. Ce qui ne l’empêchait pas d’être à bout de souffle. Elle s’arrêta de courir, continuant à marcher. Notok lui rappela l’importance de ne pas stopper sechement un effort de ce type, elle aquiesça à chacune de ses paroles. Aléa le lui avait déjà dit, et bien d’autres avant elle. Marcher, en soufflant bien, pour se remettre d’un tel effort, ça, elle savait à quel point c’était important pour le corps.

Une fois qu’elle eut reprit son souffle, Notok lui tendit un poignard. Un poignard ? Elle n’en avait jamais utiliser de sa vie... Elle se rendit compte aussi qu’elle n’avait pas prit son sabre... Tant pis. Elle prit le poignard en souriant. Elle avait appris à tirer à l’arc, maintenant elle apprendrait à lancer un poignard. Elle trouvait cela juste génial. Il y avait tant de choses à apprendre... Et elle était là pour apprendre, à l’infini.

Son Maître traça un cercle au sol et se plaça dedans. Il lança son poignard, qui alla se fixer quelques mètres plus loin. Éole observa chacun de ses gestes.

- A toi. Ne te sens pas obligée de le lancer d’un coup, tu peux t’amuser un peu avec avant, il faut que tu mesures toute la portée de ce que tu as dans les mains…

Il lui adressa un clin d’œil avant d’ajouter.

- Ouverture, toujours !

Ces mots résonnèrent dans sa tête. Elle ferma un instant les yeux, prenant une grande bouffée d’air frais. Elle les rouvrit et observa l’espace autour d’elle. Ils étaient arrivés dans une plaine aride à l’herbe rase, des montagnes serpentaient d’un côté : les Dentelles Vives. Éole n’avait pas beaucoup voyagé mais elle avait entendu parler de ces montagnes. N’était-ce pas par ici qu’il y avait la Passe de la Goule ? Elle demanderait plus tard à Notok...

La jeune fille reporta son attention sur le poignard qu’elle tenait dans la main : il est assez léger, plutôt fin. Elle se plaça dans le cercle tracé par son Maître, imitant sa position : une jambe légèrement en retrait, l’autre en fente... une minie quatrième fondue ! La jeune fille sourit à cette pensée... Elle amena le poignard au niveau de son visage, le coude plier, l’épaule ouverte, répétant le plus précisément possible les gestes du Marchombre.
Ouverture. Éole laissa son esprit vagabonder, sentant le poignard entre ses doigts. Comme avec une flèche, elle se laissa faire un avec la lame. Elle ouvrit les yeux, fixa le poignard planté dans les sol, visa et lança l’arme. Elle la suivit, comme si c’était elle qui volait, sciant l’air en deux, comme si c’était elle ensuite qui se plantait dans le sol... à quelques bons mètres quand même du poignard de Notok... Ba ! On ne peut pas réussir du premier coup...
La jeune fille se tourna vers son Maître :

- A vrai dire, je dois vous avouer que je n’ai jamais touché à un poignard de ma vie...

Éole sourit, un peu gênée...

- Je ne suis pas sûre d’avoir correctement effectué les bons gestes... Est-ce que vous pourriez me les remontrer s'il vous plait ?

Notok observait avec attention l’attitude de son apprentie. Cette dernière semblait avec une facilité d’ouverture au monde tout simplement allucinante ! Comme si c’était devenu réflexe, pour elle. C’était probablement le cas, et le Marchombre ne put qu’admirer l’enseignement de sa précédente Maître d’avoir réussi à faire changer cette habitude des gens à ne pas s’ouvrir à l’environnement aussi rapidement, et efficacement.

Quand elle prit le poignard, il ne put manquer la lueur heureuse qui traversa le regard de l’apprentie, et le sourire sur son visage s’élargit encore plus.
Lorsqu’Eole lança l’arme, elle avait déjà un bon geste. Et vraiment, ce réflexe de suivre l’arme jusqu’au bout… Par contre, elle avait vraiment du mal à viser, et quand elle lui demanda de remontrer les gestes, le marchombre secoua doucement la tête de gauche à droite.

- Non, je ne vais pas te remontrer les gestes. Parce que chaque corps est différent, et qu’ils trouvent leur marque sur eux-mêmes, pas sur celui des autres. Par contre, je veux bien t’aider à trouver ta position.

Lui adressant un sourire, il alla récupérer le poignard avant de s’approcher d’elle en lui demandant de se remettre tel qu’elle pensait que le geste serait le plus sûr.

- Ne trouve-tu pas que tu tires un peu trop sur ton épaule ? Relâche-toi, détends-toi. Il n’y a pas le feu ! Tu es là pour apprendre, et se crisper ainsi n’apportera que des parasites à ton tir.

Lui prenant les deux épaules, il appuya légèrement dessus pour que la jeune fille sente à quel point elle était tendue. Lorsqu’elle en prit conscience, elle parvint à relâcher ses muscles, et immédiatement sa posture s’améliora nettement.

- Voilà. Il faut toujours que tu sois la plus détendue possible. Quand on est détendu, on contrôle bien mieux les contractions, même les plus minimes, de nos muscles. Alors que s’ils sont tendus, on engendre des tensions qui sont bien moins précises…

Inspectant encore la posture de la jeune fille en scrutant le dessin de ses muscles sous sa peau, Notok releva encore quelques tensions, notamment dans ses cuisses et sur son torse, au niveau de sa respiration. Il lui montra qu’il fallait qu’elle respire bien latéralement, en gonflant ses côtes, car si elle commençait à respirer vers le haut, elle faisait bouger ses épaules – même de manière minime – et engendrait de nouvelles tensions.
Lorsqu’il considéra que l’apprentie avait enfin une très bonne position, selon son corps et ce qu’il lui disait, il s’éloigna d’un pas et lui demanda de tirer à nouveau.

- Il faut toujours viser avec les deux yeux. Il n’y a pas que ton cerveau qui travaille pour connaître la trajectoire du tir : c’est aussi un ressenti, par rapport à ta position. Il suffit que tu veuilles emmener ton poignard à un endroit, et ton corps va s’orienter.

Ce tir fut nettement meilleur que le premier.
Alors, dans un sourire, Notok lui demanda de recommencer, plusieurs fois. Jusqu’à ce qu’elle arrive à planter cinq poignards de suite dans la zone qu’il avait désignée…






[ Désolé, c'est un brin court... ]

Notok secoua la tête. Il lui expliqua clairement que chaque corps avait ses propres gestes, qu’ils n’étaient pas les mêmes pour tous. Mais il acceptait de trouver sa propre position, ses propres gestes. Le Marchombre lui adressa un sourire avant d’aller récupérer le poignard qu’elle avait lancé. Il lui demanda de se placer dans la position qu’elle pensait la plus juste. Éole se replaça donc comme avant, une jambe en retrait, l’autre en fente, le poignard près de sa joue. Son Maître s’approcha d’elle.

- Ne trouve-tu pas que tu tires un peu trop sur ton épaule ? Relâche-toi, détends-toi. Il n’y a pas le feu ! Tu es là pour apprendre, et se crisper ainsi n’apportera que des parasites à ton tir.

Pour accompagner ses paroles, il mit ses deux mains sur les épaules de la jeune fille. Elle sentit en effet qu’elle était un peu tendue, et que ses épaules étaient un peu trop hautes. Elle souffla, relâchant ses épaules, essayant de détendre au maximum tous ses muscles. Notok lui expliqua que, détendue, on contrôlait bien mieux nos muscles. Un léger sourire naquit au coin des lèvres de la jeune fille.
Le Marchombre l’observa un instant, vérifiant sa posture, ainsi que la tension de ses muscles. Il lui désigna quelques endroits qui étaient encore crispés, comme dans ses cuisses ou dans son torse et il lui conseilla de respirer en gonflant les côtes et non vers le haut. Éole ferma les yeux quelques secondes, cherchant une respiration calme et profonde, gonflant les côtes comme son Maître le lui avait expliqué, voyageant à l’intérieur d’elle-même pour détendre tous ses muscles, jusqu’au plus infime. Elle ouvrit ses paupières et constata que son Maître s’était éloigné d’un pas.

- Il faut toujours viser avec les deux yeux. Il n’y a pas que ton cerveau qui travaille pour connaître la trajectoire du tir : c’est aussi un ressenti, par rapport à ta position. Il suffit que tu veuilles emmener ton poignard à un endroit, et ton corps va s’orienter.

Viser avec les yeux... Il était vrai que la jeune fille avait plutôt le réflexe d’en fermer un... Cette fois-ci, elle y fit plus attention, se concentrant pour garder ses deux yeux ouverts. Elle fixa le poignard de Notok, à quelques pas de là.
Éole fit le vide en elle, se détendant encore un peu plus. Elle sentit le poignard pulser dans sa main, la Terre battre sous ses pieds, le Vent souffler dans ses cheveux. Ouverture. Un mot qu’elle n’était pas prête d’oublier, ça non. Elle regarda le poignard au sol, décider à lancer le sien juste à côté, à faire en sorte que les deux armes se frôlent, voir même se touche. Elle lança le poignard. Son esprit parti avec. Comme Notok l’avait dit, son corps s’orienta, dans la direction où elle souhaitait que l’arme parte. Et l’arme filait, tranchant l’Air, pour enfin se planter à quelques centimètres de la zone désignée par son Maître. Un sourire passa sur le visage d’Éole. Comme sur celui du Marchombre, qui lui demanda de recommencer, ce qu’elle s’empressa de faire. Elle recommença comme cela plusieurs fois. Quand elle eut planter cinq poignards à moins de cinquante centimètres de celui de son Maître, il en paru satisfait. Et elle était heureuse.

Éole souffla un bon coup, le bras un peu engourdi et les jambes fatiguées. Elle se tourna vers son Maître, un sourire éclairant son visage et faisant briller ses yeux noirs.

- Au fait... Où sommes-nous ? Il me semble que ce sont les Dentelles Vives à côté de nous, n’est-ce pas ? Je n’ai jamais beaucoup voyager... je me fis à ce que les gens autour de moi disaient. N’y a-t-il pas la Passe de la Goule dans ces montagnes ?

Un brin de curiosité s’alluma dans les yeux de la jeune fille, avide de connaître chaque recoin de Gwendalavir, et d’ailleurs.

- Au fait... Où sommes-nous ? Il me semble que ce sont les Dentelles Vives à côté de nous, n’est-ce pas ? Je n’ai jamais beaucoup voyagé... je me fie à ce que les gens autour de moi disaient. N’y a-t-il pas la Passe de la Goule dans ces montagnes ?

Un sourire étira les lèvres de Notok, alors qu’il portait son regard sur son apprentie. Elle s’était vraiment bien débrouillée avec son poignard, et il ne doutait pas que désormais, elle s’améliorerait rapidement, puisqu’elle en avait compris le fonctionnement. Il suffisait de donner les bons réflexes au cerveau, et tout se ferait naturellement, et toujours mieux.
Et il pouvait peut-être dire où ils se trouvaient ?
Ils allaient encore bouger, jusqu’à la fin de la journée, pour trouver un bon endroit pour camper. Après, ils cesseraient de se déplacer, mais n’arrêteraient pas pour autant les exercices, au contraire. Mais ce n’était pas encore, et il verrait en temps voulu.

- Oui, la chaîne de montagnes que tu vois là, ce sont les Dentelles Vives. La Passe de la Goule, c’est précisément où nous nous trouvons. Elle s’étend depuis le Pollimage et jusqu’aux Dentelles Vives, dans le sud jusqu’aux Océans et au passage qui permet facilement de traverser les Dentelles.

Ainsi, elle montait à cheval depuis des années et n’avait jamais exploré Gwendalavir ? Cela pouvait sembler étonnant, ainsi dit. Mais si elle s’était sentie en sécurité et bien, avec un ancrage, une sorte de nid à elle… Pourquoi pas. On pouvait faire de grandes boucles, à cheval, sans forcément partir plusieurs jours.
Dans ce cas, elle ne devait pas trop connaître l’art de survivre, et de se servir du strict minimum, ni les règles élémentaires du camping. Un sourire se dessina sur les lèvres de Notok, qui posa à son tour des questions sur la jeune fille :

- Tu n’as pas voyagé avec Aléa ? Faire un feu, un campement, des tours de garde… Cela te dit quelque chose ? L’as-tu déjà expérimenté, en groupe ou seule ?




[ Très court, mais je ne me voyais pas faire juste un dialogue ^^ ]

En effet, Eole semblait peu expérimentée dans les voyages. Mais cela allait changer, il le savait ; en tout cas, il allait lui donner l’occasion de bouger, de voyager, d’explorer Gwendalavir.
Notok avait du mal à envisager de ne pas parcourir le monde ; depuis sa plus tendre enfance, et parce qu’il était orphelin, il n’avait jamais cessé de vagabonder et de découvrir des choses. Comment fonctionnait le monde, où trouver à manger, savoir se débrouiller seul, se réchauffer, survivre tout simplement... cela n’était devenu qu’un réflexe ; il n’avait jamais eu le choix, car il tenait profondément à sa vie.

Mais cela ne l’avait pas empêché d’apprécier tout ce qui s’était présenté à lui. Ou tout ce à quoi il s’était présenté. Ses voyages l’avaient toujours fait grandir et mûrir. Ils lui avaient apporté ce qu’il lui manquait : cette impression d’avoir une maison. C’était le monde entier, son chez-lui. Il n’avait plus besoin d’un endroit-repère, n’en avait pas eu besoin longtemps. Depuis ses dix ans, il courrait les rues et les chemins. Il avait trouvé Nuia, ils avaient avancé côte à côté tous les deux durant quelques années, avant d’être séparés… A cause de lui, sans aucun doute. Il n’avait pas réagit assez tôt, n’avait pas compris immédiatement ce qu’il se passait…

Secouant la tête pour ôter les souvenirs de son regard, Notok finit par hocher la tête.

- Il n’est jamais trop tard, n’est-ce pas ?

Un sourire sur les lèvres, il jeta un coup d’œil à Eole, avant d’éclater de rire.
Son regard d’or brillant d’un éclat nouveau, il s’inclina légèrement vers son apprentie.

- Je ne compte pas rester au même endroit tout le temps, loin de là. Tu vas donc apprendre à faire un camp. Trouver un endroit idéal, le mettre en place, trouver du bois, faire du feu, chasser et dépecer un animal pour manger, reconnaître les végétaux comestibles… Vaste programme, n’est-ce pas ?

Détaillant son apprentie, le jeune homme sourit encore une fois.
Il y avait quelque chose, avec cette jeune fille, qu’il ne s’expliquait pas. Comme s’il avait l’impression qu’elle pouvait comprendre bien des choses sans qu’il n’ait à les lui expliquer. Comme si… Non, ce n’était même pas descriptible. Mais cela l’intriguait profondément. Il ne sentait infiniment curieux vis-à-vis de la jeune femme. Il avait réellement envie de la comprendre, de la connaître.
Un soupir franchit ses lèvres.

" Mm, Eole donc ? Elle m’a l’air bien cette jeune fille ! Elle fait déjà briller ton regard… Elle doit être jolie ! "

Secouant la tête, il se remit les idées en place.
Eole devait avoir dix-huit ans. Pas bien plus, mais il ne la voyait pas en avoir moins. Et c’était son apprentie. La discussion intérieure était close, de toute façon. Même s’il sentait bien que cela l’irritait passablement. Prenant une grande inspiration pour se calmer, il expira longuement avant de se tourner vers la jeune fille tranquillement.

- On va commencer par la chasse, je pense que c’est quand même le plus important. Tu m’as dit que tu avais déjà tiré à l’arc, donc, et j’ai pu voir cela durant ton… évaluation. Tu as quand même réussi à atteindre une cible qui bougeait doucement. Je vais donc te proposer un nouvel exercice avec l’arc.

Lui laissant donc le temps de prendre son arc, Notok se dirigea vers un arbre non loin de là et lui arracha quelques feuilles rapidement. Un sourire sur les lèvres, il expliqua donc à Eole qu’il allait d’abord lancer ces feuilles une à une en l’air, et qu’elle devrait réussir à les transpercer avant qu’elles n’atteignent le sol.
Puis, il corsa l’exercice. Il commença à en lancer plusieurs en même temps. Puis, il prit des pommes de pains, qui trainaient sur le sol, et les lança à leur tour – elles étaient bien plus dur à atteindre en vol.
Et il ne faisait qu’augmenter la difficulté de l’exercice, mettant toujours plus à l’épreuve les capacités et réflexes de son apprentie…

…et elle s’en sortait plutôt bien !
Alors certes, il y avait des ratés, mais elle n’avait fait cela auparavant, d’une part, et d’autre part… Il faut s’habitude et pratiquer pour mieux comprendre comment les choses fonctionnaient, comment elles se mouvaient et tombaient, comment la flèche pouvait réagir aux différentes pressions extérieures. Car le temps n’était pas idéal non plus : un léger vent soufflait, et au-dessus d’eux, les nuages s’accumulaient lentement, gris et profonds, amenant pluie et éclairs avec eux.

Notok sentit rapidement le temps tourner.
Et quand il arrêta l’exercice, considérant qu’elle s’était bien débrouillée pour la journée, les gouttes les rattrapaient déjà. Rentrant la tête dans les épaules, le marchombre poussa un long soupir, avant de lancer à Eole qu’ils allaient s’abritaient comme ils le pourraient : il se mit donc à courir dans la direction des Dentelles Vives à bonne allure pour réussir à trouver le couvert des rochers avant que la pluie ne se transforme en déluge. Ils coururent rapidement, avant de trouver un bosquet d’arbres et de s’y enfoncer.
Les chevaux ne semblaient pas non plus très contents du voyage, mais ils suivaient, sachant que les humains les réchaufferaient quand ils seraient arrivés… Mais quand seraient-ils arrivés ?
Bientôt.
Ils courent. Glissent. La boue commence à se former, avec ce sol d’argile et l’herbe printanière qui pousse. Les tiges, gorgées d’eau, deviennent de véritables patinoires. Sous les arbres, la terre meuble est moins imprégnée, mais les grosses gouttes qui coulent le long des troncs et des feuilles tombent sur leur crâne, désagréable au possible.

Un sourire étira les lèvres de Notok.
Pourtant, il aimait la pluie. Combien de fois s’était-il retrouvé torse nu sous la pluie, offert, les bras ouverts et le visage serein, vers le ciel ? Des centaines. Peut-être plus que cela, encore.
Pourtant, présentement, il sentait plutôt une immense tempête arriver. Alors qu’il faisait plutôt beau jusqu’alors. Le vent se levait et se faisait insistant, et la pluie plus drue et dense. La forêt s’est faite silencieuse. Devenue silence. Plus un seul oiseau, plus une seule trace de vie…
L’orage approche.
On entend son grondement dans le lointain. Il se rapproche, et vite. Notok finit par saisir la manche de son apprentie pour s’élancer plus rapidement encore sous les branches des arbres. Les chevaux galèrent aussi, glissant régulièrement sur le sol devenu spongieux, trébuchant plutôt souvent aussi.

Ca y est.
Le déluge est lancé.
On ne voit pas à un mètre devant.
Se fiant à son instinct, Notok continue tout droit, à travers les arbres. Il sent la paume chaude d’Eole dans la sienne, et la presse encore un peu. Ses vêtements, détrempés déjà, collent à sa peau, entravant ses mouvements ; ses cheveux mi-longs, dégoulinant, tombent dans ses yeux et font une rigole qui glisse jusqu’en bas de son menton, passant par ses lèvres. Quand il respire, il avale de l’eau, ou bien la recrache. Son pantalon, alourdit, menace de céder à chaque pas, tiré par ses talons qui se prennent dedans. Il se félicite intérieurement de ne pas avoir de chaussures aux pieds, car cela aurait été une sensation particulièrement horrible.

Un mur commence à se dresser devant eux, et Notok soupire de soulagement. Il se précipite contre le pied des Dentelles Vives et les longe pendant quelques minutes, la pluie battant son dos, ne lâchant toujours pas son apprentie. Soudain, à côté d’eux, la montagne reflue, et le marchombre n’hésite pas un instant : il se précipite à l’intérieur de l’abri.
Les chevaux les suivent, et finalement… tout le monde rentre dans ce qui semble être une grosse caverne. Le sol est fait de roche, mais légèrement en pente, ce qui empêche l’eau à l’extérieur d’y stagner. Un soupir franchit les lèvres de Notok, et il se rend compte qu’il tient toujours Eole… Il la lâche brusquement, et se tourne vers sa monture pour la desseller. Il la bouchonne pour essayer de la réchauffer : elle tremble de froid. Finalement, quand il voit qu’elle est moins frissonnante, Notok la laisse tranquille et commence à essayer de faire un feu avec le peu de bois qu’il a dans son sac.

Quelques flammes frétillent.
Dehors, les éclairs zèbrent le ciel, accompagnés presque immédiatement du tonnerre retentissant. La pluie, diluvienne, n’a pas diminué d’intensité.
Il soupire, les mains tendues vers le feu. Torse nu, il a étalé sa chemise sur une pierre pour la faire un peu sécher, ainsi que son pantalon. Ses cheveux continuent de dégouliner, mais moins.
Son regard doré trouve celui d’Eole, et il sourit.

- Quelle belle impression pour une première sortie ! Tu vas croire que je te porte malheur…

Les premières gouttes se mirent à tomber. Éole leva la tête vers les nuages noirs... l’orage n’était pas loin. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle avait toujours aimé ces nuages. Elle se sentait en sécurité. Le fond de l’air était chaud et ces premières gouttes de pluie ne la gênaient pas, au contraire, elle se sentait apaisée.
Notok lui annonça qu’ils allaient chercher un endroit où s’abriter. Elle hocha la tête et le suivi, en direction des Dentelles Vives. Elle jeta un coup d’œil derrière elle pour s’assurer que les chevaux les suivaient. Il s’enfoncèrent dans un bosquet.
La pluie augmentait. Les gouttes, de plus en plus nombreuse, tombaient sur leur épaules, fouettaient leurs visages. Éole souriait. Le Vent s’était levé, et elle avait l’impression qu’il portait sa course. Sous ses pieds le sol n’était que boue, glissant, où ses pieds nus s’enfonçaient en clapotant. Ses longs cheveux noirs ruisselaient. Elle était trempée de la tête aux pieds.
La pluie ne lui a jamais paru désagréable... mais il faut dire qu’elle était toujours sûre qu’elle pourrait se mettre au sec, se laver, se changer, être au chaud... Là, c’était différents. Si ils trouvaient un endroit où se mettre à l’abri, rien ne leur assurait qu’ils seraient au chaud...

Soudain, un premier grondement de tonnerre se fit entendre au loin. L’orage approchait. Notok saisit la main de la jeune fille l’entraînant encore plus vite à travers les arbres. La pluie tombait de plus belle. Éole commençait à avoir froid, à fatiguer. Si le Marchombre ne la tenait pas fermement, elle se serait effondrée sur place. Elle peinait à respirer, l’eau rentrant dans sa bouche, dans son nez. Sa vue était brouillée par les gouttes d’eau qui ruisselaient sur ses yeux.
Et le tonnerre grondait. Les éclairs illuminaient le ciel. A chaque fois, la jeune fille comptait dans sa tête les secondes qui séparaient la lumière du bruit... l’orage se rapprochait. Bientôt, elle ne comptait plus que cinq ou six secondes...
Heureusement, les Dentelles Vives commencèrent à se dessiner devant eux. Il ne manquait plus que de trouver une grotte où s’abriter. Ils longèrent la montagne. Notok la tenait toujours. Une caverne se présenta enfin et ils s’élancèrent tous à l’intérieur, y compris les chevaux. Éole souffla, soulagée d’être enfin à l’abri.
Dehors, le tonnerre fait rage. Elle ne comptait plus les secondes, l’éclaire était tout de suite accompagnée d’un grondement sourd. L’orage était sur eux.
Notok lâcha brusquement sa main avant d’aller s’occuper de sa monture. Éole fit de même. Elle se dirigea vers Bolshoï, qui était aussi trempé qu’elle, et s’empressa de le desseller et de le bouchonner, tout en le caressant et en lui murmurant des mots réconfortant.

La jeune fille s’approcha ensuite de son Maître qui avait allumé un feu. Il avait étalé sa chemise et son pantalon sur une pierre pour les faire sécher.
Elle tremblait de froid, ses habits mouillés lui collaient à la peau. Elle ne réfléchit pas plus d’une demie seconde avant de les enlever et de les mettre à sécher sur une pierre comme l’avait fait son Maître. Elle se retrouva ainsi en sous-vêtement près du feu, tentant de se réchauffer. Son désir d’être au sec l’avait emporté sur sa pudeur.
Le regard doré du Marchombre se planta dans ses deux prunelles noires. Il sourit.

- Quelle belle impression pour une première sortie ! Tu vas croire que je te porte malheur…

Elle lui rendit son sourire, rieuse. L’orage continuait de gronder, le Vent n’arrêtait pas de souffler, la pluie de tomber, mais elle se sentait bien. Elle se sentait bien parce qu’elle avait toujours aimé le tonnerre, parce qu’elle était enfin à l’abri, au sec, presque au chaud.

- Je ne croirais jamais cela ! J’aime beaucoup l’orage, la pluie, le Vent... quand je suis à l’abri !

Elle rit. Cette course sous la pluie l’avait épuisée : elle ne sentait plus ses jambes, elle frissonnait, elle avait la gorge en feu, mais elle n’avait jamais été aussi heureuse ! Maintenant qu’elle était à l’abri, elle trouvait cela plutôt drôle ! Et puis...

- Et puis au fond de moi, j’ai toujours pensé que la pluie portait chance... en tout cas, pour moi, j’ai toujours eu de la chance lorsqu’il pleuvait.

Éole sourit à son Maître. Oui, la pluie lui avait toujours porté chance. Elle planta son regard dans celui de Notok, les yeux pétillants.

- C’est quoi la suite du programme ?