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 [-16] L'ombre du silence [Irae]

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Bastian Derue
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Bastian Derue


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MessageSujet: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeVen 20 Déc 2019, 23:12

"Non, décidément, la seule personne à même de nous comprendre, c'est bien nous-mêmes. Et quelles discussions s'offrent alors à nous ! De la réflexion cohérente, de la philosophie défendable, de l'humour intelligent et intelligible, de la force de caractère, de l'émotion... Nom de Dieu ! Je me préfère à toute autre compagnie !"
Michael Roch, La Boîte de Schrödinger


Bastian dégaina si vite ses lames que l’acier chanta dans la nuit. Son adversaire ne vit rien d’autre qu’un éclat avant de mourir. Le deuxième homme qui se tenait juste à côté de son comparse eut juste le temps d’avoir peur, puis il s’effondra sur le corps sans vie de l’autre. Déjà le Mentaï se faufilait dans une rue adjacente. Il se coulait dans les ombres comme s’il n’était pas fait de chair et d’os et semait la mort sur son passage. Une mort rapide, efficace, propre. Du coin de l’œil, il vit qu’Ewon s’était débarrassé de ses assaillants : l’envoleur filait à présent vers la place de la bourgade. Eclairée par deux ou trois lanternes fatiguées, elle offrait un espace dégagé qui leur permit d’agir ensemble et dans la facilité. Une poignée de minutes s’écoulèrent, quand enfin le dernier homme tomba à terre.

Le silence reprit ses droits, incroyablement lourd après le fracas du combat. Bastian était encore à demi plongé dans ce dernier. Genoux fléchis, prêt à réagir si nécessaire, il scrutait les alentours du regard, tous ses sens aux aguets. C’est ce qui lui sauva la vie. Incapable d’entendre le sifflement des flèches, il les vit déchirer la nuit, droit sur lui. Elles rebondirent contre le pavé, là où il se tenait encore une fraction de seconde plus tôt ; il roula vivement, sentit un trait frôler sa hanche et percer son long manteau, se redressa et, dans le même élan, dessina : l’écran doré qui apparut le protégea des nouvelles attaques. Il en profita pour repérer la position des archers. Un sur le muret qui ceignait la place, deux sur le toit de la bâtisse qui s’élevait sur sa gauche.

Gestes souples forgés dans l’habitude et l’expérience, il rengaina ses wakisashi pour tirer deux poignards qu’il lança sans viser plus d’une seconde. Deux archers basculèrent, mortellement blessés. Le troisième tenta de s’échapper ; il fut fauché en plein élan par une gigantesque faux jaillie de nulle part et qui, sitôt son méfait accompli, s’évanouit dans la nuit. Le calme revint, pour de bon cette fois. Désormais certain qu’il ne risquait plus rien, Bastian se détendit et chercha des yeux son collègue. Le découvrit étendu au milieu de la place, le corps criblé de flèches.

Et merde.


*


Bô Angda s’apprêtait à aller se coucher quand on frappa à sa porte. Elle soupira, fit quelques mouvements pour détendre ses cervicales que quelques heures de paperasse avaient rendu douloureuses, puis se leva. En tant que pivot entre l’Ordre et le Domaine, elle ne pouvait pas ignorer les responsabilités qui étaient les siennes, fut-ce minuit passé depuis plus de deux heures. Elle étira les muscles fins qui dansaient sous sa peau d’ébène avant de se résoudre à repousser son sommeil pour aller ouvrir la porte de son bureau. Sur le seuil se tenait Bastian Derue. Immense, drapé dans son manteau noir, sa capuche baissée et sa coule relevée qui laissait simplement apercevoir deux yeux d’un gris profond, silencieux comme une pierre tombale, il la regardait d’un air las. Mais Bô ne s’y trompa pas : il était un pire bourreau du travail qu’elle.

Déjà rentré ? s’enquit-elle en utilisant directement leur lien télépathique.

Il se contenta de hausser les épaules. Bô n’était pas inquiète. S’il était de retour, c’était que la mission était close : elle pouvait compter sur lui pour ce genre d’entreprise périlleuse. Cependant…

Où est passé Ewon ?

Cette fois-ci, le Mentaï pointa quelque chose du pouce, dans son dos. En regardant derrière son épaule, Bô découvrit un long sac posé sur le sol du couloir. La toile était tachée de sang.

- Dis-moi que ce n’est pas vrai ! s’exclama-t-elle à voix haute. Tu as encore perdu un binôme ?!

Bastian lut le reproche sur ses lèvres mais il demeura impassible. Il se contenta de baisser sa coule, laissant apparaître une mâchoire carrée, des joues couvertes d’un léger chaume et une moue qui signifiait à peu près ceci : j’y peux rien s’ils sont tous mâtiné de médiocrité ! Sentant poindre une migraine, Bô se pinça l’arête du nez. Elle finit par soupirer puis s’effaça pour le laisser entrer. Il fit quelques pas dans la pièce, son regard magnétique balayant le moindre recoin avec attention. Il ne s’agissait pas de curiosité mal placée mais d’un réflexe guerrier qui avait largement fait ses preuves. Les mains croisées dans le dos, il attendit patiemment que sa supérieure hiérarchique lui admoneste un sermon bien senti avant de le renvoyer chez lui. Habitué à la fraîcheur et surtout à la solitude régnant en maître dans les cachots où il vivait, il se sentait toujours un peu mal à son aise dans les étages du Domaine.

Tu es impossible, fit Bô, reprenant la communication de pensée à pensée. C’est le troisième partenaire qui trépasse en mission avec toi depuis six mois. En tant que Mentaï, tu devrais être en mesure de les protéger, quand même !

Il se garda bien de répliquer qu’il n’avait rien d’une nounou et que si les envoleurs qu’on lui filait entre les pattes étaient incapables de se mettre à couvert au bon moment, c’est qu’ils avaient mal terminé leur formation. Bastian n’était pas d’un naturel prolixe, et puis dans ce genre de situation, il préférait essuyer la tempête plutôt que de l’affronter de plein gré. Si cela ne tenait qu’à lui, il partirait en mission tout seul ! Nul autre que Galaad, son meilleur ami, n’était apte à le suivre, voilà tout… Il semblait pourtant que Bô s’entête à lui refourguer un bleu. Elle passa derrière son bureau, farfouilla dans ses papiers et finit par trouver celui qu’elle cherchait.

D’après nos renseignements, cinq sphères graphes seraient en chemin vers Al-Poll. Le convoi qui les achemine vers le nord est parti hier d’Al-Chen. Demain, tu iras l’intercepter pour les récupérer.
Combien ? demanda Bastian, sortant de son mutisme.

Bô frissonna, comme chaque fois qu’elle percevait sous son crâne la voix grave et puissante du Mentaï.

Si Zahine ne s’est pas trompée, douze gardes et un dessinateur.
Je peux me débrouiller seul.
Certainement pas. Il est possible qu’un marchombre se mêle au groupe. La présence d’au moins un dessinateur va accaparer toute ton attention, gommeur ou pas gommeur : tu as besoin d’un appui.


Visiblement satisfaite, Bô griffonna quelque chose sur la feuille puis la tendit à Bastian.

Voici ton ordre de mission, et le nom de ton nouveau partenaire.

Bastian le lut, réprima un soupir, passa sa main dans ses courts cheveux.

Je peux y aller ?
Oui, merci.


Il se détourna et venait de franchir le seuil de la pièce quand la voix de Bô l’arrêta.

Oh, et, Bastian ? Tâche de le ramener en un seul morceau, celui-là.

Bastian referma la porte dans son dos, froissa le papier et le fourra dans la poche de son manteau de cuir. Ce n’était pas gagné.


*


Quatre heures de sommeil suffirent pour qu’il récupère : le matin le trouva frais et dispo, prêt à effectuer une nouvelle mission pour le compte de l’Ordre. Dans son appartement établi dans les souterrains du Domaine, au beau milieu des cachots, il se prépara selon son habitude : d’abord, il se débarrassa de la paperasse qui envahissait son bureau, puis il plia soigneusement ses vêtements dans son sac et choisit soigneusement ses armes. Chaque tâche était effectuée dans un ordre précis, selon des rituels qu’il appréciait. Galaad appelait ça de la maniaquerie poussée à l’extrême. Regrettant que son frère d’armes ne fût pas là pour l’accompagner dans cette nouvelle aventure, Bastian enfila ses mitaines puis son long manteau, fit coulisser ses lames dans leurs gaines, jeta son sac sur son épaule et prit la direction de la cour du Domaine.

Un ciel gris et lourd pesait sur la région. Relevant le col de son manteau, Bastian posa son sac et s’adossa au mur d’enceinte de l’école. Le papier que lui avait donné Bô était toujours en boule dans sa poche mais il n’en avait pas besoin pour se souvenir du nom inscrit dessus : Ìrae Courtesy. Maître envoleuse depuis peu, le renseigna sa mémoire affutée. Greffée au niveau des mains, de type combustion. Il ferma les yeux, plongé malgré lui dans un passé pas si lointain où lui-même était en charge des greffes des envoleurs en fin de formation. Une erreur commise lors de la dernière lui avait valu d’être mis à pied, en quelque sorte ; il n’avait pas été banni mais c’était tout comme. Voilà pourquoi il s’était installé dans les cachots. Pourquoi il n’intervenait plus sur aucune greffe. Pourquoi peu de gens, au Domaine, le croisaient. Il avait dû…

Ce ne fut pas son ouïe qui l’alerta, évidemment, mais son odorat ; captant soudain une fragrance inconnue, devinant une présence non loin de lui, Bastian ouvrit ses yeux gris.


Dernière édition par Bastian Derue le Mer 06 Mai 2020, 21:05, édité 1 fois
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Ìrae Courtesy
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeSam 21 Déc 2019, 13:12

Rallier le Domaine depuis Al-Chen n'avait pas été si long ou pénible que cela. De fait, le voyage avait été plaisant, alors Ìrae avait estimé que sa durée n'avait pas été un grand problème. Embarquant avec Écume sur un navire qui traversait le Lac, elle avait bien profité du voyage – contrairement à sa jument qui appréciait peu d’être enfermée dans les cales d'un bateau.

Les eaux du Lac lui rappelaient un peu son île natale, et elle appréciait toujours de chevaucher les vagues. Cela lui rappelait ses parents, sa sœur Dies, sa nièce Elune qu'elle n'avait jamais vu, la décennie qui les séparait, les rochers qu'elle avait escaladé, les remous qu'elle avait apprivoisé dès l'enfance...

Cela lui rappelait aussi Heiren, son maître décédé. Il l'avait menée plus loin qu'elle n'aurait pu le rêver et lui avait offert la possibilité de découvrir toujours plus. Elle lui était infiniment reconnaissante de l'avoir prise avec lui, de l'avoir formée, d'avoir supporté son caractère tempétueux et changeant comme le feu sous le blizzard.

Elle ne ressentait jamais de tristesse en pensant à sa mort. Il avait vécut comme il s’était éteint, et elle avait toujours vu venir le jour où il partirait, au vu de son âge quand il l'avait prise sous son aile.

« Tu es la pire des apprenties que j'ai pu avoir, et la plus prometteuse », lui avait-il dit un jour, alors qu'elle s'était éclipsée, vers la fin de sa formation, durant son sommeil, pour se balader dans les Dentelles Vives, le rendant fou quand il s'était rendu compte qu'elle avait prit la poudre d'escampette sans le moindre remord.

Un éclat de rire pour elle quand elle était revenue, un soupir exaspéré pour lui, mais elle n'avait oublié l'étincelle presque tendre de son regard.

Battement de paupières. Ses pensées quittèrent son maître pour retourner aux eaux qu'elle défiait maintenant.

L'immensité du Lac la fascinait à chaque fois qu'elle s'y attardait, tout comme l'art des navigateurs qui par leur Imagination se faisait se mouvoir le vaisseau sur les eaux profondes. Bien que trouvant le Dessin très intéressant, elle ne regrettait pas son propre chemin. Déjà, elle n'avait pas le Don. Ensuite, l'ivresse nocturne et du combat, celle d'être libre et du chaos... Cela lui suffisait amplement.

Même si elle n'était jamais satisfaite.

C'était aussi pour cela qu'elle avait décidé de devenir Maître Envoleuse. Pour savoir si elle pouvait trouver satisfaction dans le fait de former des aspirants au chaos.

And I know
He will never be satisfied
I will never be satisfied

L'écume la frappant au gré des vagues, accoudée au bastingage et sous l'étonnement des marins, elle éclata de rire.

Elle doutait d'être satisfaite un jour.

* * *

Une fois pied à terre, Ìrae monta sur sa jument qui trépignait d'impatience. Cette dernière partit aussitôt au galop, à la plus grande joie de sa cavalière. Le vent sifflait à ses oreilles, le paysage devenait flou sous ses yeux. Son cœur battait à tout rompre, et un rire réprimé jouait dans sa poitrine. Elle se précipitait vers l'avenir qu'elle s'était choisie, comme d'habitude, et elle savait que malgré toutes les erreurs sur lesquelles elle trébucherait elle n'en ressortirait toujours que plus heureuse et accomplie.

Elle savait, songeait-elle en défiant le vent à la course, que les mercenaires du Chaos renvoyaient d'eux une image sombre, noire, sadique et sans pitié. Elle n'y réchappait pas totalement. Si elle devait tuer, elle le ferait et sans sourciller. Néanmoins, elle aimait rire, danser après un peu d'alcool, flirter et se moquer ; elle aimait vivre.

Et attirer les ennuis.

Arrivée au Domaine, elle amena Écume à l'écurie, la soigna et brossa longuement pour s'excuser du périple – bien qu'elle ne doutait point que son impétueuse jument en avait adoré la fin. Ceci fait, elle lui laissa quelques friandises, embrassa sa crinière puis monta dans sa chambre.

Jetant ses habits aux quatre coins de la pièce avant de s'effondrer sur son lit, elle sourit doucement avant de commencer à plonger dans le sommeil. Elle n'avait aucune idée de ce qui l'attendait maintenant qu'elle était de retour, mais cela pouvait bien attendre quelques heures...

* * *

Le jour la trouva en pleine forme. Après une série d'étirements, elle partit pour les bains puis attrapa deux pommes aux cuisines – une pour elle, une pour Écume, qui fut bien contente de voir sa maîtresse, nettement moins de comprendre qu'elle ne sortirait pas encore.

Intenables, toutes les deux.

Jetant le trognon de sa pomme par-dessus son épaule, regagnant le bâtiment principal pour aller dans les bureaux des maîtres envoleurs, elle songea qu'il était peut-être – peut-être – temps de se pencher sur ce qu'on attendait d'elle.

* * *

Pas ce à quoi elle s'attendait, c'était certain.

Elle ne commencerait pas à former un élève dans l'immédiat, lui avait-on expliqué. D'abord, elle avait une mission à accomplir. Des sphères graphes à intercepter. Cela devrait être intéressant, avait-elle estimé. Il y aurait un dessinateur, des gardes, éventuellement un marchombre... De quoi s'amuser. Elle soupçonnait le Domaine de vouloir d'abord tester plus amplement ses capacités, mais n'en eut cure. Si elle devait s'intéresser à ce que les autres pensaient d'elle...

Mais le plus intriguant était son partenaire de mission.

Bastian Derue.

Elle en avait entendu parler en long, large et travers. La majorité du Domaine semblait le craindre ou l'éviter, et son propre maître ne lui en avait que peu parlé. Mentaï sourd et solitaire, il se démarquait néanmoins, probablement contre son gré, et cela attirait son attention.

La curiosité est-elle un vilain défaut ?...

Ìrae repassa par sa chambre pour se préparer. Une de ses habituelles chemise écru lacée à la poitrine et tenue par un serre-taille noir, un pantalon gris près du corps, de hautes bottes en cuir, une veste sur mesure où elle rangea ses outils ; deux poignards à ses mollets, une courte épée courbe dans son dos et, bien sûr, son pendentif en forme de loutre, qu'elle rangea dans les plis de son haut.

Attachant un sac à sa ceinture, ses yeux firent le tour de sa chambre sobre – elle n'y passait pas assez de temps pour prendre la peine de la personnaliser. Son regard doré croisa celui que lui renvoya son miroir. Une main passée dans ses cheveux or sombre pour tenter de les mettre en ordre, dégageant les boucles à son oreille droite.

Bastian Derue.

Peut-être valait-il mieux ne pas le faire trop attendre. Ce serait fâcheux qu'il lui en veuille dès le début. Elle vérifia qu'elle avait les affaires nécessaires ; vêtements, pierre à aiguiser, une arme de rechange...  S'estimant prête, elle quitta sa chambre. Tant pis pour Écume, mais partir avec un Mentaï excluait d'avoir besoin d'un cheval.

Un regard vers le ciel sombre, qui faisait ressortir le métallisé de ses cheveux, à défaut de les orner d'or. Marchant à grand pas, elle se répétait les informations qu'elle possédait sur Bastian. Son instinct lui disait qu'il y avait quelque chose de bien plus intéressant derrière les dires et les craintes courant à son sujet. Elle resterait probablement sur sa faim, néanmoins, vu le personnage.

Ìrae l'aperçut de loin, contre le mur d'enceinte, et se dirigea vers lui. Il était impressionnant physiquement, jugea-t-elle, aux antipodes de sa propre personne ; quand elle était fine et élancée, il était nettement musclé, ainsi que plus grand qu'elle. Sans marquer la moindre hésitation, elle se planta devant lui. Il était sourd, retint-elle, mais devait pouvoir lire sur les lèvres. L'on disait qu'il parlait à autrui via l'Imagination ; cela faciliterait la communication, mais ce serait à lui d'établir la liaison.

- Salut, fit-elle avec le fantôme d'un sourire dans sa voix, captant les yeux gris, je suis Ìrae. Bastian, je présume ?
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Bastian Derue
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeMar 24 Déc 2019, 13:00

Immédiatement le regard de Bastian fut happé par celui de la femme qui s’était arrêtée devant lui. Lac insondable, il était fait d’or liquide et accrochait le peu de lumière qu’il y avait. Il l’accrochait lui. Reprenant la maîtrise de ses yeux, Bastian les fit dériver sur le reste de la personne en face de lui : ils glissèrent sur les mèches aux teintes de miel curieusement assorties à une peau ambrée, tracèrent le contour d’un visage fin, évaluèrent la tonicité d’une silhouette menue mais élancée, se posèrent sur les mains, délicates en apparence et pourtant calleuses au niveau des paumes, habituées qu’elles étaient à manier la lame attachée dans son dos, et enfin remontèrent vers ses lèvres en mouvement.

Présentation. Si la simplicité de cette dernière avait des accents de sincérité, Bastian demeurait sur la réserve : chacun des envoleurs qui l’avait récemment suivi dans ses missions s’était montré ouvert et sympathique. Cela ne les avait pas empêchés de commettre une erreur infime et de mourir bêtement. Silencieux, le mentaï laissa filer quelques secondes supplémentaires, prenant le risque de passer pour un connard au profit d’une observation plus approfondie : cette femme allait-elle survivre à cette aventure à ses côtés ? Il ne souhaitait pas sa mort, pas plus qu’il ne l’avait espérée pour ses prédécesseurs ; toutefois il se refusait à la surveiller en permanence pour lui épargner un triste sort. Elle n’avait sans doute guère plus le choix que lui, mais il voulait être certain qu’elle l’accompagnait en toute connaissance de cause.

Alors il tendit sa main vers elle. Succédant à sa présentation, le geste passait pour une réponse du même acabit et il se permit même un soupçon de sourire quand leurs doigts se frôlèrent. La main d’Irae Courtesy était tiède dans la sienne. Un effet latent de sa greffe ? Possible. Peu lui importait de toutes façons. Dès que le contact se fit, Bastian dessina un pas sur le côté. C’était d’une simplicité enfantine pour lui qui l’effectuait depuis des années, mais pour un non initié, le voyage s’avérait aussi brutal que troublant : lorsqu’ils se matérialisèrent à l’endroit qu’il avait choisi, il devinait qu’elle ressentait sans doute une forte nausée et qu’une migraine atroce lui vrillait les tympans. Sa main toujours dans la sienne, il tendit alors sa conscience vers la sienne.

Le contact fut aussi léger que lorsqu’il avait effleuré sa paume : une caresse de papillon n’aurait pas été plus délicate. S’il savait forcer un esprit, il reléguait cette basse besogne à la nécessité la plus prégnante, car pénétrer les pensées d’autrui n’était rien de moins qu’un viol. Bastian avait bien plus de manières qu’il le laissait croire, et son « intrusion » se rapprochait d’une main toquant doucement à la porte : il attendit que celle-ci s’ouvre pour laisser passer son message.

Les effets du voyage vont s’estomper dans une minute. Désolé pour ça, d’ailleurs. Je suis Bastian.

Il lâcha enfin sa main et se redressa pour observer les alentours : le soleil qui se levait zébrait les collines basses de rayons obliques, lesquels trouaient d’épaisses langues de brume pour éclairer de hautes herbes balayées par un vent puissant. Ils se trouvaient tout à faut au nord de la forêt d’Ombreuse, dont la masse sombre et maléfique s’étendait dans leur dos. Sur leur gauche, le profond sillon creusé par l’Ombre sinuait entre des terres désertiques, les hommes ayant abandonné l’idée d’établir champs et pâtures dans cette région malmenée de l’empire. Seuls vestiges de l’opiniâtreté de quelque fou, les ruines d’un vieux moulin s’élevaient devant eux, ombres fantomatiques dans le brouillard matinal.

Bastian releva le col de son long manteau pour se protéger des bourrasques cinglantes. Il avait choisi cet endroit peu hospitalier pour une raison très simple : la vieille piste ralliant Al-Chen à Al-Poll passait à moins d’une lieue de là. Un convoi charriant un chargement aussi précieux que des sphères graphes n’allait certainement pas emprunter la voie plus praticable, mais aussi plus visible qui contournait les plateaux d’Astariul par l’est ; non, si des cavaliers souhaitaient voyager vite et sans attirer l’attention, ils étaient contraints de se rapprocher d’Al-Far. Le mentaï tourna la tête dans la direction de la cité. Le mauvais temps empêchait de la distinguer, pourtant elle était toute proche. Son regard se posa à nouveau sur le moulin, dont les pales déchirées par la violence des éléments tournaient dans le vide.

Allons nous abriter dans les ruines.

La tour du moulin était pleine de courants d’air à cause de ses ouvertures béantes, mais par un improbable coup de chance, la grange attenante tenait encore bon et son toit n’était pas trop abîmé ; à l’intérieur, Bastian poussa un soupir de soulagement. Il laissa tomber son sac sur le sol couvert de paille. A en juger par l’odeur de chevaux et les traces de crottin, des voyageurs s’étaient abrités ici peu de temps avant leur arrivée. Trop peu nombreux pour qu’il s’agisse du convoi qu’ils traquaient, aussi le jeune homme ne s’inquiéta-t-il pas outre mesure : ils avaient le temps. D’après ses calculs, le convoi ne passerait pas ici avant plusieurs heures. Peut-être pas avant le lendemain. Il allait falloir patienter… ce n’était pas ce qu’il savait faire de mieux. Pour tromper l’ennui autant que le froid humide qui régnait dans la grange, Bastian réunit de quoi faire un feu.

Toi ou moi ? questionna-t-il au moment de l’allumer, son regard s’arrêtant brièvement sur les mains de l’envoleuse.

Il allait de toute façon devoir dessiner pour placer des alarmes autour des ruines, mais ce serait mentir que d’affirmer qu’il n’était pas intrigué par les capacités de sa compagne. Le regard qu’il lui lança brillait d’ailleurs de curiosité non feinte. Savait-elle dans quoi elle mettait les pieds, au moins ?


[Je suis partie du principe que ton personnage accepte la "poignée de main" de Bastian, mais si quelque chose te dérange, surtout, tu me sonnes ! Wink]
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeJeu 26 Déc 2019, 10:34

Sourire en coin. Ses yeux attiraient toujours les regards, et elle en était toujours aussi fière. Bien des Alaviriens les trouvaient étranges, préféraient s'en tenir éloigné, voire les craignaient... D'autres s'y brûlaient comme un papillon à la lueur d'une bougie. C'était ceux qu'elle préférait ; elle aimait jouer avec le temps d'une nuit, d'un oubli, avant, le plus souvent, de disparaître sans regrets.

Elle se demanda desquels Bastian faisait partie.

Nota qu'il la jaugeait, n'en prit pas ombrage. Elle-même l'avait fait, et continuerait probablement, le temps de le voir en pleine action. Elle avait hâte de voir de quel bois ce Mentaï était-il fait, et les prouesses dont il était capable. Curiosité qui lui était retournée ? Peut-être.

Brèves secondes. Elle se remémora les rumeurs qui disaient que les envoleurs l'accompagnant en mission avaient tendance à mourir. Heureusement pour elle, elle n'était pas du genre à tomber aussi facilement.

Main qui se tendit vers elle.

Elle la prit sans hésiter, avec fermeté. Sentit les cals de la main. Intéressant, nota-t-elle. Cela signifiant qu'il était également un combattant au corps-à-corps, et pas seulement un Dessinateur qui se contentait d'attaquer à distance.

Elle n'eut l'occasion de s'attarder dessus puisqu'ils firent un pas sur le côté. Elle tangua légèrement sur ses jambes à l'arrivée, une grimace sur les lèvres. Les effets secondaires de ce genre de transports lui feraient presque préférer la marche à pieds.

Caresse sur son esprit. Le voilà qui ouvrait la communication. Elle l'accepta, ouvrant la porte.

Les effets du voyage vont s’estomper dans une minute. Désolé pour ça, d’ailleurs. Je suis Bastian.

Elle hocha la tête en réponse, estimant que répliquer par l'esprit n'était pas nécessaire, et sentit la main la lâcher. Ébouriffant ses cheveux le temps de reprendre contenance, et ses facultés, amoindries par les effets du pas sur le côté, elle regarda autour d'elle. Ombreuse n'était pas loin d'eux, tout comme la rivière qui en partageait en partie le nom. Ils ne s'étaient donc pas beaucoup déplacés, mais avaient gagné du temps, et de la discrétion.

Elle rajusta les pans de sa veste, bien que peu gênée par le vent violent – sur l'Île des Femmes, certaines tempêtes avaient des allures parfois cauchemardesques, bien qu'elle s'en était souvent joué, avec d'autres gamins casse-cous du clan.

Bien qu'ayant repéré les ruines sans plus s'y attarder, Ìrae y prêta davantage attention quand Bastian proposa de s'y abriter. Comme dernier abri devant une quelconque fin du monde, le vieux moulin avait son petit côté improbable et presque pittoresque. Elle suivit le Mentaï jusqu'à la grange et, une fois dedans, prit le temps de longuement s'étirer, achevant de se remettre du pas sur le côté. Finissait-on par s'habituer à ses effets ? Elle supposa que oui, ou alors que ce n'était que l'apanage des Dessinateurs de pouvoir le supporter.

Laissant également tomber son sac sur le sol, Ìrae se tourna vers Bastian. Il allait falloir qu'ils discutent un peu plus avant de la mission qui leur était confiée, mais ce dernier semblait penser à autre chose – c'est-à-dire, faire un feu. Pas une mauvaise idée, songea-t-elle, peu habituée si l'on exceptait le vent à cette fraîcheur qui perdurait au-delà de son île.

Toi ou moi ?

Elle vit les yeux tombant sur ses mains, esquissa un sourire. Il savait pour sa greffe – ce qui ne l'étonnait guère – et semblait vouloir un exemple. Pourquoi pas, après tout ?

Je m'en occupe.

Bien que d'abord déstabilisant, elle se prêta aux mots par l'esprit sans problème. S'installant près du tas de bois, elle plaça les paumes dessus et fit appel à sa greffe, prenant son temps. Ses mains chauffèrent progressivement, jusqu'à produire des flammèches qui vinrent enlacer les branches entassées.

Un feu léger naquit bientôt sous ses doigts, avant de prendre de l'ampleur naturellement. Elle retira ses mains, de nouveau vierges de flammes.

Je peux faire ça plus rapidement
, indiqua-t-elle, mais comme nous avons le temps...

Et cela lui évitait de trop s'épuiser, également. Elle s'assit confortablement près du foyer, leva les yeux vers Bastian. Était-il satisfait de ce qu'il avait vu ?
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeLun 06 Jan 2020, 06:54

Je m’en occupe.

Bastian s’accroupit lentement près du petit bois destiné à les réchauffer, la voix légère de sa compagne résonnant sous son crâne. C’était lui qui permettait l’accès à ce langage mental, et la plupart des gens avaient besoin de quelques coups d’essais avant de savoir comment l’utiliser. Généralement, ils parlaient à haute voix en même temps, ou bien trop fort. Ìrae n’avait pas l’air embarrassée, tout juste surprise de communiquer de cette façon, aussi la curiosité du Mentaï s’accrût-elle et il baissa les yeux vers ses mains.

Il ne se passait rien. Du moins en avait-on l’impression mais au bout de quelques secondes, il sentit une vague de chaleur émaner des paumes de la jeune femme. Attentif, il observa le déploiement de la greffe sous la peau, la naissance des premières étincelles le long de ses mains, le départ des flammèches sur le bout de ses doigts ; c’était stupéfiant mais s’il s’était aventuré dans les Spires, il n’aurait pas trouvé Ìrae Courtesy : cette faculté n’était qu’une formidable extension de sa personne, un don sculpté par un artisan talentueux qu’il ne reconnut pas dans cette greffe. Les Mentaïs qu’il connaissait parmi ceux qui accordaient la greffe n’étaient pas doués à ce point.

La flambée ayant pris, l’envoleuse retira ses mains tout en expliquant qu’elle pouvait se montrer plus rapide. Bastian se contenta d’un hochement de tête. Il s’en doutait et il se demandait si elle avait pris son temps uniquement pour lui laisser tout le loisir de l’observer à l’œuvre. Il en doutait. Les greffes, pour extraordinaires qu’elles étaient, possédaient chacune leurs limites. Lui-même était parfois trop épuisé pour communiquer mentalement. Lorsque c’était le cas, il utilisait ses mains, mais alors peu de gens pouvaient le comprendre, et peu parmi ceux-là étaient capables de dialoguer par ce biais. La question ne se posait toutefois pas avec Galaad ; il avait appris ce langage avec Bastian et l’utilisait plus souvent que lui.

C’est en songeant à son ami que Bastian s’éloigna de la grange pour poser ses alarmes. Il s’agissait de petites balises issues de l’Imagination qui l’alerteraient si quelqu’un passait à moins de quinze mètres d’elles. Evidemment la pluie choisit cet instant pour tomber en un épais rideau glacé. Le Mentaï était trempé quand il rejoignit Ìrae à l’abri. Il ouvrit son long manteau sans toutefois l’ôter et vint s’asseoir près du feu. A l’intérieur de la doublure de son pardessus se trouvait une carte qu’il trouva et déplia entre eux.

Bon. On est ici, la route passe juste là,expliqua-t-il en désignant les points nommés du bout de son doigt. Mes alarmes me préviendront si quelqu’un arrive. Douze hommes, peut-être plus.

Bastian marqua une courte pause, le temps de passer une main dans ses courts cheveux ; Bô avait peut-être déjà donné ces informations à Ìrae mais il avait sa propre manière de fonctionner. Méthodique et efficace.

Le brouillard va être une gêne, notre moyen de communiquer un atout. Il faudra nous séparer pour éviter que le chargement nous échappe. Quand le convoi passera ici, tu les attendras là. Le sommet de cette butte te permettra d’y voir plus clair et le bosquet te protégera. Moi je resterai ici, dans le grenier.

En réponse à l’interrogation qu’il devina dans les yeux dorés de la jeune femme, Bastian écarta un pan de son manteau, révélant une mince arbalète fixée à sa ceinture.

Des questions ?

Il croisa à nouveau son regard limpide.


[Court, désolée ^^]
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeLun 06 Jan 2020, 19:58

Ìrae sentit le regard de son compagnon sur elle et ses mains, tandis qu'elle tendait sa greffe pour embraser le tas de bois. C'était toujours à la fois délicat et fabuleux de pouvoir créer des flammèches d'un frôlement doux de son esprit sur ses mains aux doigts fins.

Le feu, à l'unisson de ses yeux d'or liquide et de ses mèches cuivrées. Tu es une fille du feu, disait sa mère, une fille qu'on ne contrôle pas et que l'on n'oublie pas. Et Ìrae faisait tout pour cela. Elle se démarquait, rieuse, maligne, moqueuse, étrange et intelligente.

L'esprit, grâce auquel elle parlait avec Bastian. Elle ne pouvait se permettre d'être statufiée de surprise parce qu'elle communiquait autrement qu'avec ses cordes vocales. Il y avait des choses bien plus surprenante, elle l'avait appris en voyant les teintes tristes et mornes des cheveux et des regards des Alaviriens, comparés à ceux des habitants des Îles des Femmes. D'abord fascinée, elle en avait préféré au final son clan et les autres, tout comme elle chérissait les îlots et les rochers comparé au large continent de Gwendalavir.

Cela ne l'empêchait pas d'apprécier les découvertes qu'elle y faisait et ferait, mais son cœur demeurait là où elle était née, dans un monde insoupçonné des gens lambda, près de ses parents, de sa sœur aînée et d'une nièce jamais vue, avec une vue incroyable sur l'Océan.

Elle revint vite à la réalité. Elle n'oubliait pas le caractère crucial de la mission qui leur avait été confiée, et tâcherait, le temps de l'accomplir, d'être au meilleur d'elle-même. Cela revenait à demeurer sérieuse et efficace, et préserver ses forces pour les combats à venir. Se redressant, elle passa ses paumes sur le haut de son pantalon – vieille habitude. De son côté, Bastian partait remplir son propre rôle, et elle ne le questionna pas dessus. Plus tard.

Elle fit une série d'assouplissements le temps d'attendre que le mercenaire revienne, se préparant à l'attente comme à se battre. Ìrae Courtesy détestait restait passive. Si on la laissait trop longtemps immobile, elle risquait de mimer les flammes au bout de ses doigts et s'enflammer.

Le bruit de l'averse tombant brusquement, et l'apparition d'un Bastian trempé manqua de provoquer de la compassion voilé de rire chez elle, sentiment qu'elle refréna vite ; elle ne le connaissait pas assez pour cela, et les Mentaïs n'étaient guère réputés pour apprécier la pitié, ou que l'on se moquât d'eux. S'asseyant près du foyer, elle se pencha sur la carte qu'il avait déployée.

Bon. On est ici, la route passe juste là. Mes alarmes me préviendront si quelqu’un arrive. Douze hommes, peut-être plus.

Elle hocha la tête, pensive, ses yeux retraçant les lignes du dessin. L'envoleuse accomplie qu'elle était refaisait surface, attentive. Douze hommes. Beaucoup pour deux personnes, penserait n'importe qui ; une bouchée de pain pour une Maître Envoleuse et un Mentaï... sauf s'ils surestimaient leurs adversaires.

Le brouillard va être une gêne, notre moyen de communiquer un atout. Il faudra nous séparer pour éviter que le chargement nous échappe. Quand le convoi passera ici, tu les attendras là. Le sommet de cette butte te permettra d’y voir plus clair et le bosquet te protégera. Moi je resterai ici, dans le grenier.

Battement de paupières, pour imprimer la carte dans son esprit, et elle leva le regard sur Bastian. Rester dans le grenier ? Elle n'était guère au fait des prouesses des Dessinateurs, mais s'interrogeait sur ce qu'il y ferait.

Ses yeux redescendirent pour fixer son arme, une fraction de seconde ; il ne se contentait donc pas de l'Imagination, comme elle l'avait deviné en prenant sa main plus tôt. Bien. Elle appréciait les hommes d'action.

Des questions ?

Si elle avait des questions ?... Elle revint fugacement à la carte. Le brouillard allait également désavantager le convoi qu'ils visaient. Il avait une arbalète, elle était plutôt adepte du combat au corps-à-corps et n'avait donc pas d'armes à distance, excepté ses poignards qu'elle pouvait lancer.

Caresse de l'esprit.

Comment se déroulera l'embuscade ? Tu commences l'attaque, ou on fait ça simultanément ? Pourrais-tu, lorsque le convoi passera, jauger s'il y a un marchombre avec ton Don ?

Elle était curieuse des limites de l'Imagination et désirait connaître celles de son partenaire afin de s'adapter pour le combat à venir.

[j'espère que ce n'est pas trop mauvais de mon côté !]
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeSam 18 Jan 2020, 12:05

Bastian secoua la tête.

Ce sont mes yeux qui me permettront de le débusquer s’il se trouve un marchombre au sein du convoi. Cela dit, il y a plus de chances qu’il agisse en éclaireur et qu’il se montre avant.

La main gauche de Bastian glissa sur le manche de l’une de ses lames en un geste machinal qui traduisait toute son expérience. L’arbalète serait un début mais, s’il ne se trompait pas, il terminerait cette mission au corps à corps, comme d’habitude. C’était généralement à ce moment-là qu’il perdait de vue son frère d’arme. Résistant à l’envie de jeter un coup d’œil dans la direction d’Ìrae, le mentaï tapota la carte du bout de ses doigts.

En revanche, je serai capable de sentir la présence de Dessinateurs.

Et là aussi, tout pouvait se compliquer. C’était la raison pour laquelle il pouvait difficilement agir seul dans ce genre de mission : contraint d’arpenter les Spires pour affronter ses ennemis, il prenait le risque de ne pas être apte à se défendre si l’on s’approchait trop de lui. Il avait toutefois pris la décision de ne pas emmener Bart avec lui ; le gommeur l’aurait gêné dans l’embuscade.

J’ouvrirai le bal. Si tout va bien, l’effet de surprise me permettra de faire mouche une fois ou deux. Tu pourras agir à ta guise à partir de ce moment-là. Grille autant d’adversaires que tu veux mais l’essentiel de ta mission sera de trouver les sphères et de les subtiliser. Sans te faire tuer.

Inconsciemment, il avait signé sa dernière phrase avec ses mains. Il ne s’inquiétait pas spécialement pour cette femme, mais s’il revenait une fois de plus sans son acolyte, Bô allait le massacrer. Dans un soupir, il replia la carte, la rangea puis se leva.

Je vais dormir un peu. Réveille-moi dans deux heures pour que je veille à mon tour. Mais utilise le lien mental. Si tu me touches alors que je dors, je risque de te briser un bras avant d’avoir ouvert les yeux.

Ce n’était pas une menace mais une promesse : il avait le sommeil lourd et profond. Sa surdité lui garantissait un réveil brutal et des années d’entraînement avaient imprimé en lui toutes sortes de réflexes visant à se protéger du moindre danger. Un jour, il avait failli tuer Galaad quand celui-ci lui avait légèrement secoué l’épaule pour le tirer du sommeil.

Plantant là l’envoleuse, Bastian gravit souplement l’échelle qui menait au grenier. Le plancher grinça sous son poids. Il étudia l’ouverture dans le mur, observa le paysage humide et brumeux, vérifia mentalement ses alarmes, ôta son manteau, le plia et s’allongea la tête posée sur cet oreiller de fortune, ses armes à portée de main. Dormir était un passe-temps comme un autre lorsqu’il devait patienter avant de fondre sur ses proies. En l’occurrence, il avait passé la nuit à trier de la paperasse et à organiser la mission, aussi estimait-il nécessaire de privilégier le repos avant de passer à l’action.

De fait, il s’endormit rapidement et il dormit comme une masse. Aucun rêve ne vint peupler son sommeil. C’est une pression légère sur sa conscience qui lui fit ouvrir les yeux. Bastian réalisa alors deux choses. Un, la grande était plongée dans la pénombre. Deux, une de ses alarmes venait de se manifester. D’un bond souple il fut près de l’ouverture dans le mur, son arbalète à la main. Dehors, le soleil était masqué par de lourds nuages sombres et une brume épaisse. Le mentaï sonda les environs du regard.

Ìrae ?

Pas de réponse. De toute évidence, l’envoleuse avait éteint le feu et était sortie. Espérant qu’elle était toujours en vie et qu’elle s’était tapie à l’endroit prévu, Bastian arma l’arbalète et remonta sa coule sur son visage. Sous la capuche de son manteau, seuls ses yeux gris étaient visibles.
La perspective de ce qui allait suivre les rendait brillants.


[Affreusement court, affreusement désolée !!]
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeDim 02 Fév 2020, 00:13

Ìrae hocha la tête, attentive. Il était en effet plus que probable que celui-ci servit d'éclaireur. Si cela pouvait permettre de le tuer avant que le reste du groupe arrive, cela serait parfait – malheureusement, les marchombres mettaient du temps à mourir.

Instinctivement, ses yeux dorés suivirent la main de Bastian jusqu'à ses lames. Bien. Il ne se contenterait probablement pas d'attaquer de loin. Cela ajoutait du piment à la mission – elle trouvait toujours ennuyeux de se battre seule au corps-à-corps.

En revanche, je serai capable de sentir la présence de Dessinateurs.

Le principal problème de tout ceci. Un Marchombre se gérait à deux Envoleurs ; un Dessinateur risquait, cependant, de la mettre en difficultés pendant qu'elle se battrait. Elle n'avait que peu envie de se prendre un pieu dans le dos sans même savoir d'où il venait. Que le Mentaï s'occupe d'un possible Dessinateur l'arrangeait. Elle n'aimait guère cette engeance, et n'appréciait le Don que lorsqu'il était dans son camp.

J’ouvrirai le bal. Si tout va bien, l’effet de surprise me permettra de faire mouche une fois ou deux. Tu pourras agir à ta guise à partir de ce moment-là. Grille autant d’adversaires que tu veux mais l’essentiel de ta mission sera de trouver les sphères et de les subtiliser. Sans te faire tuer.

Sans me faire tuer, hein ? songea-t-elle pour elle-même. Il devait avoir l'habitude des compagnons qui tombaient au combat. Elle haussa les épaules. Elle était quant à elle déterminée à rester en vie. Ce n'était pas d’éventuels Dessinateur et Marchombre de pacotille qui allait l'en empêcher. Elle se mesura néanmoins. Il s'agissait quand même de formidables adversaires, et si elle devait lutter contre eux, elle se devait de garder l'esprit clair. Elle fanfaronnerait plus tard, quand il n'y aurait que des cadavres.

Subtiliser les sphères graphes, but de la mission, lui était échoué. Si tout se passait bien, elle pourrait égorger quelques personnes au passage. Presque une mission comme une autre.

Dans un coin de son esprit, elle avait également noté les signes de mains qu'avait effectué le mercenaire.

Je vais dormir un peu. Réveille-moi dans deux heures pour que je veille à mon tour. Mais utilise le lien mental. Si tu me touches alors que je dors, je risque de te briser un bras avant d’avoir ouvert les yeux.

Nouveau hochement de tête. Message reçu. Ne pas toucher le Mentaï, encore moins sans prévenir, surtout quand il dort. Dangereux, le bonhomme, mais après tout, il fallait bien qu'il compensât sa surdité d'une manière ou d'une autre, notamment pour se protéger.

Elle le suivit du regard quand il monta dans le grenier, pour revenir au foyer. Pliant et dépliant les doigts, elle eut l'envie fugitive de jouer avec sa greffe mais, sensée, ferma le poing. Inutile de se fatiguer maintenant.

Se redressant, elle effectua une série d'assouplissements pour réchauffer ses muscles en vue de la bagarre à venir. Un sourire flotta sur ses lèvres. Elle avait hâte, elle devait l'admettre. L'adrénaline que lui procurait les missions de cet acabit était comme une drogue délicieuse.

En attendant, elle se rassit près du foyer, s'appuya contre un pilier de la grange. En tailleur, mains jointes, elle mit ses sens en alerte, reposant néanmoins son corps. Les deux heures allaient être longues... Et, flamme vive, elle détestait l'attente.

Ce fut cependant avec surprise qu'il lui semblât entendre des bruits au-dehors. Sans prendre le temps d'éveiller Bastian, elle couvrit le foyer, l'éteignant, et se faufila hors de la bâtisse.

D'où elle était, elle put voir une masse floue fissurée de la lumière de torches dans la nuit sombre. Elle tendit sa conscience pour effleurer celle de Bastian et, sans prendre le temps de vérifier si cela l'avait réveillé, glissa parmi les ombres pour rejoindre le perchoire qu'on lui avait alloué. Elle le gagna vite et s'y allongea, observant en contrebas la procession. Quelques hommes portant des torches, une banale caravane – douze hommes se promenant dans la nature aurait été trop suspect – entourée néanmoins de la moitié de la troupe avec vigilance. Les sphères graphes s'y trouvaient probablement, calcula-t-elle. Quoique, il était possible que ce soit une diversion mise en place au cas où, ou encore qu'une autre personne se trouvât dans la caravane.

Chaque chose en son temps, songea-t-elle en s'enfonçant dans la terre humide pour se confondre avec son environnement. Bastian était probablement réveillé – elle n'attendait que son signal.

L'adrénaline commençait à pointer son nez, et elle attendait avec hâte le début des réjouissances.


[j'espère que tout est bon de mon côté !]
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeDim 02 Fév 2020, 15:25

La lumière d’une dizaine de torches s’acharnait à percer le brouillard et, de ce fait, indiquait clairement la présence du convoi. Bastian plissa les yeux. Où avaient-ils la tête ? Convoyer un chargement aussi précieux dans une région hostile nécessitait une immense prudence qui passait avant toute chose par une discrétion absolue ; c’était d’ailleurs à cela que servaient les éclaireurs. La furtivité et le bon sens de ces derniers devait servir à tracer la voie de ceux qui suivaient pour…

Les éclaireurs.

En un éclair, Bastian comprit ce qui avait poussé sa partenaire à s’éclipser plus tôt que prévu – et la raison pour laquelle le convoi paraissait trop visible. Les éclaireurs avaient bien joué leur rôle…

… ils étaient déjà là.

Dans un geste vif et précis, Bastian pivota : le carreau de son arbalète se planta dans le ventre de l’homme qui s’apprêtait à l’abattre dans le dos. La proximité du second l’empêchant d’avoir recourt à cette arme, Bastian plongea sur le côté, roula dans la paille et se releva tout en dégainant ses lames jumelles. L’acier chanta en rencontrant l’acier, puis mordit violemment la chair. L’homme que Bastian affrontait était plus âgé mais aussi plus expérimenté ; il grimaça à peine et, dans le même mouvement, s’enroula autour du bras de Bastian pour briser sa garde. Seul un réflexe prodigieux sauva le Mentaï lorsqu’il replia son coude pour parer in extrémis la lame qui avait jailli de nulle part, et qui sans cela aurait terminé sa course entre ses côtes. Une seule explication à ce dangereux duel : marchombre. Refusant de commettre la moindre erreur, à commencer par celle de sous-estimer son adversaire, Bastian parvint à se dégager et à bondir en arrière.

Le convoi est un leurre ! Ils sont déjà là.

Esquivant de justesse un nouveau coup de poignard, Bastian s’élança et atterrit souplement à l’étage inférieur. Le marchombre l’y rejoignit une demi-seconde plus tard. Violent, précis, le combat qui les opposait se déroulait à une vitesse ahurissante : un observateur extérieur n’aurait sans doute vu qu’une succession de gestes flous. C’était une bataille au cours de laquelle la moindre erreur serait fatale. La concentration exigée empêchait toute conversation mentale avec Ìrae. Bastian n’était pas spécialement inquiet à ce sujet : il la devinait vive d’esprit et capable de se débrouiller pour dénicher les sphères graphes. Mais il avait perçu une légère variation dans les Spires, signe que quelqu’un dessinait non loin de là ; il fallait à tout prix qu’il se débarrasse de ce marchombre pour mettre la main sur le ou les Dessinateurs.

Coup de pied, coup de coude, coup de lame.
Deux puissances rivalisant d’égale à égale.
Restait à voir de quel côté allait finalement pencher la balance.


*


Il enchaînait les parades sans réfléchir, laissant son corps se mouvoir de lui-même : c’était là tout le secret de l’entraînement intensif qu’il suivait depuis quelques années déjà. En face de lui, son « maître à danser », un Envoleur nommé Rage, répondait à ses attaques avec une férocité débridée. Puisqu’échouer n’était pas une option, un tel adversaire était plus que nécessaire à ce niveau de formation. Voilà pourquoi Bastian se battait comme si ça vie en dépendait. En un sens, c’était le cas. La veille, un apprenti avait succombé sous les coups de son propre mentor.
Telle était la voie qu’il s’était choisie.


Son torse nu dévoilant la ribambelle de ses tatouages aux entrelacs complexes, les muscles saillants sous l’effort, la peau brillante de transpiration, le jeune homme exécutait cette danse qu’il apprenait nuit et jour depuis qu’il avait rencontré Rage. Mais soudain, ses gestes perdirent en fluidité. Moins efficaces, ses attaques ne portèrent plus qu’une fois sur deux et une faille s’ouvrit dans sa garde. Ouverture béante dans laquelle s’immisça immédiatement son maître. La violence du coup fit voler Bastian en arrière. Il atterrit sur le dos. Un instant plus tard, Rage pressait son avant-bras contre sa gorge.

T’es mort. A quoi est-ce que tu joues ?
Attends.


Rage se redressa légèrement et jeta un coup d’œil en direction de la tierce personne qui venait de prendre la parole. Il s’agissait d’Ekiel, le « maître à penser » de Bastian. Un Mentaï redoutable. Celui-ci s’accroupit près d’eux, fixant Bastian de ses yeux bleu nuit.

Est-ce que tu essayes de te battre tout en investissant les Spires, jeune homme ?
Oui.
Je vois…

- C’est possible ? demanda Rage à son frère d’arme tout en relâchant sa prise pour se relever.
- Théoriquement non, mais…

Ekiel continuait de fixer Bastian. Ce dernier s’était assis. Le souffle court, il essuyait la sueur qui perlait à ses tempes. Comment ne pas prêter attention au feu brûlant dans le gris brumeux de ses yeux ?

Tu ne peux pas être dans les Spires et continuer à mobiliser ton corps dans cette réalité.
Si c’est vrai, alors dessiner ne me sert à rien.
C’est un point de vue.

Ekiel caressa pensivement les poils argentés de sa barbe taillée en pointe. Un Mentaï incarnait la puissance en tant qu’assassin capable d’utiliser l’Imagination, mais cette faculté était amoindrie par les lois du Dessin. Beaucoup avaient tenté de violer celles-ci sans succès. Rien ne prouvait que ce garçon pouvait y parvenir. Cela dit…

Qu’est-ce qui te fais croire que tu peux y arriver ?
Je suis encore en vie, non ?
Ha ! Tu serais mort depuis deux ans si j’avais pas retenu mes coups !

- Ne les retiens plus, dit soudain Ekiel.
- Hein ?
- Tant qu’il ne sera pas réellement en danger, il ne sera pas contraint de repousser ses limites. Je suis curieux de savoir jusqu’où il peut aller.
- Mais s’il dessine en plein combat, il va claquer !
- Pas si sûr. Tu peux te lâcher, Rage. Je suis prêt à intervenir si jamais ça tourne mal.


L’Envoleur hésita un bref instant. Bastian était déjà debout. Un autre que lui aurait vacillé sur ses jambes après autant d’heures passées à s’entraîner mais lui, il semblait fait d’acier. Il était prêt à recommencer. Un sourire naquit sur les lèvres de Rage.

Il se replaça en garde.



*


Tu ne peux pas être dans les Spires et continuer à mobiliser ton corps dans cette réalité.

Il existe deux sortes de gens. D’un côté ceux qui se plient à la raison, à la logique d’un monde régi par des règles de l’ordre du non négociable. De l’autre, ceux qui estiment qu’une règle est faite pour être contournée. Bastian faisait partie de cette dernière catégorie. Peut-être était-ce du au fait que dès l’enfance il avait renoncé à mourir parce qu’il était pauvre et sans le sou. Ou bien peut-être que sa surdité l’avait toujours obligé à voir les choses sous un angle différent.

Toujours est-il que cette impossibilité de dessiner en plein combat n’avait jamais été une fatalité pour lui. Ce n’était pas encore dans ses cordes. La seule présence d’Irae justifiait cette réalité à laquelle il n’avait pas trouvé de biais. Toutefois, Bastian n’avait pas cessé d’essayer depuis ce jour de formation aux côtés de Rage et d’Ekiel. Il continuait de chercher la solution à son problème et, faute de mieux, il avait développé une technique.

En moyenne, un Dessinateur avait besoin d’une minute pour parfaire un dessin relativement peu coûteux en énergie et surtout en volonté. Soixante secondes. Certains duels étaient plus courts. Cette idée fixe en tête, Bastian avait déployé des trésors de patience et de détermination pour s’entraîner à réduire ce temps jugé trop long. Il avait sculpté son Don, le rendant plus audacieux, plus dangereux – pour les autres comme pour lui… Le risque était grand et il avait déjà fait des dommages collatéraux qu’on ne lui pardonnait pas au Domaine. Ce n’était pas ce qui pouvait arrêter Bastian. Il avait choisi une vie d’exil au profit du succès et il ne le regrettait pas. Cette certitude au fond du cœur, il décida de mettre en pratique des années de travail.

Alors qu’ils roulaient au sol sur le plancher humide de la grange, Bastian envoya ses deux pieds dans le ventre du marchombre. Il parvint ainsi à le faire reculer de plusieurs mètres. A peine avait-il achevé son geste qu’il arpentait déjà les Spires. Les battements perceptibles de son cœur étaient comme un gigantesque chronomètre qui marquait les secondes ; il ne voyait pas le marchombre qui, en face de lui, venait de rétablir son équilibre. Il ne le vit pas prendre appui sur ses jambes, genoux légèrement fléchis. Il ne vit pas non plus les chaînes en acier trempé jaillir du creux de ses paumes. Il continuait de s’élever dans les Spires, toujours plus haut, toujours plus loin.

Tant qu’il ne sera pas réellement en danger, il ne sera pas contraint de repousser ses limites.

Les secondes défilent.
Les chaînes foncent en direction de Bastian toujours à terre.
Et soudain, s’évanouissent.

Le marchombre titube, baisse les yeux vers le carreau qui dépasse de sa poitrine, laisse échapper un rictus désabusé, puis s’effondre. En nage, les doigts crispés sur son arbalète, Bastian ferme les yeux. C’était moins une. Il avait compris qu’il pouvait dessiner et remporter ce combat, mais comme la logique faisait également partie de ce qu’il était, il avait choisi la tactique plutôt que le culot. Les deux options n’étaient de toute façon pas très éloignées. Bluffer ainsi, laisser penser qu’il était vulnérable parce qu’il dessinait, c’était une technique qu’il avait mise au point depuis longtemps déjà. Cela n’enlevait rien à sa quête personnelle. Dessiner en se battant ?
Il y arriverait. Un jour.

Pas maintenant.


*


Le convoi s’était arrêté. Les conducteurs d’attelage avaient immobilisé les bœufs. Suivant à la lettre le plan de défense prévu en cas d’embuscade, les gardes s’étaient placés tout autour des trois chariots. Droite sur sa selle, Paulina Kil’Naelnya sonda les environs du regard, maudissant une fois de plus le brouillard. Elle était capable de dessiner pour le disperser mais il les protégeait autant qu’il les gênait et, pour l’instant, il n’y avait aucune raison d’utiliser son Don. A l’avant du convoi, le général Ylsan Hil’Dredan lançait ses ordres avec une efficacité militaire presque déroutante en raison de son jeune âge. Mais s’il fallait aborder ce sujet glissant, Paulina ne pesait pas lourd dans la balance avec ses vingt-huit ans, alors elle abandonna le chef de l’expédition pour se concentrer sur sa propre mission : protéger les sphères. Coûte que coûte.

Une pluie fine s’était mise à tomber. Ecartant quelques mèches blondes et mouillées collées à son front, la jeune Dessinatrice chercha les éclaireurs du regard. Elle en repéra un à environ deux cent mètres du corps de ferme abandonné. Il semblait avoir repéré quelque chose – ou quelqu’un et courait, l’arme au clair. Soudain, il fut fauché net dans son élan par un trait qui avait jailli de nulle part. Paulina laissa échapper une exclamation. Alors que l’éclaireur basculait, elle remonta la trajectoire du projectile et fronça les sourcils. Quelqu’un se trouvait là-bas, dans cette grange. Qui que ce puisse être, elle allait s’en occuper.

Ses yeux verts se voilèrent lorsqu’elle bascula dans les Spires.


*


Bastian rechargea rapidement son arbalète et reprit sa position à la fenêtre. Il suivait des yeux la progression d’Ìrae. De là où il se trouvait, il avait tout loisir de jauger son niveau et force était d’admettre qu’elle était douée. Très douée, même. Son style était unique et elle n’avait pas froid aux yeux, mais même s’il n’avait pas été là pour la couvrir de ses tirs, elle se serait débrouillée. Il se surprit à espérer qu’elle ne meure pas au cours de cette mission périlleuse. Distrait le temps d’une fraction de seconde, il faillit ne pas sentir le dessin qui prit forme dans la réalité autour de lui. Le feu prenait à la grange ! Où que puisse se trouver le Dessinateur, il était passé à l’action. Bastian laissa tomber l’arbalète dans la paille et se concentra. Ìrae allait devoir continuer sans son aide, désormais.

Il était temps de rivaliser d’Imagination à Imagination !


[C'est excellent, même ! Je me régale !]
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeJeu 06 Fév 2020, 22:24

Ìrae guettait dans le silence l'éclat qui déchirerait la nuit et l'informerait que la fête commençait. La terre gorgée d'eau de pluie, la végétation autour exhalaient des odeurs presque apaisantes, familières. La senteur piquante de la menthe poivrée parvint à ses narines, et elle s'aperçut qu'elle s'était couchée sur une touffe de la plante. Distraitement, elle s'empara d'un brin qu'elle porta à ses lèvres.

Quelque chose n'allait pas ; ses sens affûtés d'envoleuse en étaient certains, mais elle ne parvenait à mettre le doigt dessus. Les lumières dansantes des torches du convoi attiraient irrésistiblement son attention. Il était étrange de déjà les voir sans avoir eu en amont les éclaireurs...

Elle manqua se taper le front en se traitant d'imbécile quand la voix de Bastian résonna dans son esprit. Les éclaireurs bien trop éclairés avaient vu l'embuscade et s’étaient déployés en réaction. Vu que personne ne la menaçait d'une lame, elle jugea qu'ils étaient sur le Mentaï. Elle allait donc jouer son rôle, soit exterminer le convoi et s'emparer des sphères graphes. Exterminer, parce qu'elle n'aimait pas se faire avoir, et avec la chance qu'elle avait, elle n'aurait probablement pas l'occasion de croiser le fer avec un possible marchombre.

Restait cependant la possibilité qu'il y ait un Dessinateur qui resterait lui en retrait, et qui se révélerait là comme son pire ennemi. Un marchombre, pas de problème. Quelqu'un capable par l'Imagination de vous épingler à un arbre, c'était autre chose.

Recrachant le brin de menthe poivrée, Ìrae se glissa doucement en bas de son promontoire, ombre parmi les ombres. La terre se soulevait à peine sous ses pas et, prédateur précédemment terré, elle allait passer à l'action. Il lui semblait presque sentir son cœur battre plus vite, exigeant du sang, du combat, de l'adrénaline.

Elle se glissa derrière un arbre, avisa ses futurs adversaires et reprit son sang-froid. Son souffle se fondait dans le brouillard, et elle put entrapercevoir à travers celui-ci trois carrioles et la douzaine d'hommes prévue, dont un qui donnait des ordres, et une silhouette immobile, à cheval.

Où pouvaient se trouver les sphères ? Dans les chariots, cela aurait été trop évident, ils n'étaient que leurres. Quelqu'un, parmi eux, possédait le butin convoité. Il ne manquait plus qu'à savoir qui...

Lente expiration.

Son cœur reprit son rythme habituel. Calme. Lent. Profond.

Douce inspiration. L'air de la nuit, de la pluie qui était tombée il y a peu. Des chevaux, des hommes, de l'air vibrant de la bataille qui allait se préparer. Savaient-ils, eux, qu'ils ne se battaient que contre deux ombres ?

Furtive, elle sortit de derrière l'arbre, approcha l'homme le plus éloigné du groupe. Sa lame chanta quand elle l'égorgea promptement, avant qu'elle ne recule d'un bond. Le reste de la troupe se tourna vers elle, et un sourire étira ses lèvres.

Il était temps de jouer.

* * *

Il était temps de jouer.

Heiren les avait amenés dans une ruelle, un cul-de-sac plus précisément. Il voulait la voir se battre contre plusieurs personnes, alors il en avait aussi ramené. Six, sept hommes, plus ou moins éméchés, plus ou moins en capacité de combattre – mais il savait que sous l'emprise de l'alcool, l'homme a des réaction parfois illogique, surprenante. Il voulait voir son élève confrontée à une bande de gars qui se battaient de façon différente d'un bandit, et ce, en groupe qui plus est. Il ne doutait pas de sa réussite, mais il était curieux de voir comment Ìrae allait s'en sortir.

Jeune femme débutant sur la voie qu'elle avait décidé d'arpenter, elle fut d'abord surprise par la façon désordonnée de se battre des hommes enivrés, et un brin vexée par leurs grivoiseries. Elle reprit cependant rapidement son aplomb habituel, et se lança dans le combat.

Heiren avait dit : pas de morts. Bien qu'elle les aurait tué sans sourciller, elle s'était soumise à l'ordre. Sinon, il trouverait pire comme épreuve dans la nuit, et elle avait juste envie d'un bain chaud et d'un lit, après une journée à parcourir en long, large et travers la majestueuse Al-Jeit. Qui, dans les nuit et ses mauvais quartiers, révélait un autre visage.

Le premier tenta un coup de couteau en biais. Elle sauta, haut, ses jambes se repliant pour éviter la lame, avant que son genou ne percute l'homme au niveau du menton. Il s'effondra, probablement assommé. Enfin, avec de la chance.

Reprenant pied sur terre, elle courut, sauta, posa la main sur le crâne d'un de ses assaillant pour se donner plus de hauteur, le faisant basculer en arrière par la même occasion, et abattit la tranche de sa main sur une gorge découverte. À peine le sol touché, elle se glissa sous une garde et une lame, faucha les jambes d'un autre, saisit un homme pour le rejeter avec violence d'un coup de pied dans l'estomac contre un dernier...

Feu follet, il ne restait personne quand elle se redressa en s'étirant avec langueur, l'air de rien.

Heiren secoua la tête. Ils avaient tous l'air plus ou moins vivants, elle avait gagné le pari. Même s'il ne pariait pas beaucoup sur leur survie sur le long terme, du fait de la violence qu'Ìrae mettait dans ses coups.

- Tu devrais calmer ton ardeur, gamine. Tu ne sais jamais si un adversaire n'en cache pas un autre, et si tu es épuisée, il pourrait bien t'être mortel.

Moue presque déçue. Bien que jouant souvent à le faire tourner en bourrique, elle prenait au sérieux chaque mot de son maître.

- Sauf qu'il n'y avait personne derrière, cette fois-ci. Alors à quoi bon me retenir ?


Il leva les les yeux au ciel en marmonnant. Cette élève allait le rendre fou. Ladite élève, elle, faisait déjà les poches des hommes éméchés et promptement assommés pour ceux qui papillonnaient encore des paupières. Heiren soupira. Il lui ferait la leçon une autre fois... sans doute.


* * *

Ìrae fit jaillir l'épée courte qu'elle portait dans son dos et l'abattit sans sourciller sur le premier homme qui, arme au clair, s'avançait vers elle. Sans se soucier du sang qui l'éclaboussa lorsque le guerrier s'effondra, gorge ouverte, elle pivota sur elle-même avec souplesse pour donner un second coup, plongea, feinta, se releva pour se fendre ; laissa son épée dans un corps pour saisir ses poignards quand la mêlée l'empêcha d'en user correctement.

Elle était vive, feu follet qui dansait au milieu de l'acier qui chantait sans jamais l'atteindre, quand ses lames faisaient des ravages sanglants. Elle menait une danse qu'elle imposait à ses adversaires, sans les laisser reprendre leur souffle, ne leur laissant voir que l'éclat de l'acier, brillant sous les torches tombées au sol.

Elle vit un trait d'arbalète se ficher dans une poitrine, et souffla sur une mèche tombant sur ses yeux. Au loin, un certain Mentaï avait décidé de la couvrir. Qu'il en soit ainsi.

And you're standing on the edge, face up 'cause you're a
Natural

Elle éclata de rire, ivre d'adrénaline et de puissance. Sa lame trouva une gorge pour, en arc de cercle, finir dans un torse. Le corps brutalisé, son poignard lui échappa ; d'un geste vif, elle porta sa main au visage de l'homme qui s'approchait d'elle, désirant s'engouffrer dans la brèche qu'il croyait déceler en la voyant à moitié désarmée. L'éclat de rire, quand la paume se posa sur sa peau, qui montait dans sa gorge y mourut pour devenir une plainte grossière lorsque la chair brûla sous l'effet de la greffe.

Arme comme lumière, le feu qui émergeait des mains de l'Envoleuse, s'il l'épuisait vite, pouvait se révéler mortel. Brûlant dans le creux de sa paume, il transperça la nuit, illuminant son expression ivre et joyeuse malgré le goût du sang et du métal flottant dans l'air. Elle acheva l'homme hurlant de douleur, mains sur son faciès, d'un revers sanglant.

A beating heart of stone
You gotta be so cold
To make it in this world

Les flammes dansant au bout de ses doigts s'éteignant, elle repoussa d'un vigoureux coup de pied un combattant s'avançant, reprit son poignard toujours planté dans le corps au sol. À moitié illuminée par les torches mourantes, elle semblait étinceler, ses cheveux s'irisant de métal en accord avec sees yeux.

Sourire. Elle se mit en garde, lames en main, éclatante de férocité. Si un des hommes ne s'y trompa pas et resta prudemment en retrait, un autre s'avança trop et finit gorge tranchée, pour être repoussé ensuite d'un coup de pied. Son corps sans vie, au visage éteint, s'écrasa dans la terre humide.

Rangeant ses poignards en un éclair pour reprendre son épée courte, elle voltigea parmi ses adversaires, danseuse enivrée, faite d'or et de cuivre. La pluie fine qui se mit à tomber ne la gêna pas plus que cela ; Envoleuse parfaitement formée, elle savait se battre quelles que soient les conditions météorologiques. Ce qui n'était pas forcément le cas de ses adversaires.

Yeah, you're a natural
Living your life cutthroat
You gotta be so cold
Yeah, you're a natural

Quand elle se redressa finalement, il ne restait personne autour d'elle. Ignorant les chariots qu'elle savait être un leurre, elle se concentra sur la grange et ceux restant. La cavalière, celui qui avait donné les ordres et qui commençait par ailleurs à aller vers elle, prêt à mourir sous ses lames...

La grange s'embrasant manqua de lui arracher un sursaut de surprise. La cavalière était donc la Dessinatrice du groupe, et probablement celle gardant les sphères graphes. Décidant de la laisser à Bastian – il se débrouillerait très bien tout seul –, elle releva ses lames face au chef du convoi.

Elle ne connaissait pas son nom, il ne connaissait pas le sien et il allait mourir ainsi.

Un sourire sinistre se dessina sur ses lèvres.
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeVen 07 Fév 2020, 19:07

L’eau qui se déversa soudain ne venait pas du ciel mais du dessin de Bastian. Assis en tailleurs sur le sol de la grange, à seulement quelques mètres du corps encore chaud du marchombre, le Mentaï se concentrait. Pour l’instant c’était un jeu de dupes : il ignorait à quoi ressemblait son adversaire et se contentait d’affronter une ombre dans les Spires, répondant coup par coup sans jamais le céder en puissance ni en subtilité. Virevoltant au cœur de l’Imagination, il n’avait conscience de rien d’autre.

Les portes de la bâtisse étaient ouvertes et le général, Ylsan Hil’Dredan, crut pouvoir régler facilement son compte à cet idiot qui ne prenait pas garde. Il avait déjà dégainé sa lourde épée et sentait la colère bouillir en lui – parce que ses hommes étaient morts et que le succès de sa mission ne tenait plus qu’à un fil. Un fil qu’il allait couper d’un revers de lame. Il fit un pas en avant.

Et puis son regard tomba sur la femme qui, sans un mot et le regard brûlant, s’était placée entre la grange et lui. Toi, songea-t-il, déchiré par un vif sentiment de haine. Il avait été mis en garde contre des guerriers de sa trempe. Urio, le marchombre qui les avait escortés, avait parlé de « mercenaires du Chaos » probablement à l’affût de leur précieux chargement. Ylsan se retint de palper le renflement de sa poche, sous son armure, et soutint le regard de l’impudente.

- Non, gronda-t-il lorsque Paulina esquissa un geste. Elle est à moi.

La Dessinatrice haussa les épaules, puis ses yeux verts glissèrent vers la silhouette toujours assise dans l’ombre de la grange. Mentaï. Leur première bataille dans les Spires l’avait laissée songeuse : il était doué mais elle s’était attendue à pire. Se pouvait-il qu’il se montre prudent, ou bien que son récent affrontement avec Urio l’ait amoindri ? Intriguée, elle se rapprocha des portes mais n’en franchit pas le seuil – elle savait ce qui l’attendait si elle se retrouvait à portée de lame de cet homme. Ils se fixèrent sans ciller, vert contre gris, éclat contre ténèbres, tandis que dans le dos de Paulina résonnaient les premières notes métalliques d’un rude combat.

Un frémissement. C’est tout ce que Bastian perçut dans la posture de son adversaire avant que celle-ci ne dessine une nuée de flèches à la pointe acérée. Rapides et mortelles, elles passèrent à travers la barrière érigée par le Mentaï… avant de se transformer en sable. Un vent chaud et puissant l’obligea alors à se lever pour résister, ébouriffant ses cheveux et faisant voleter son long manteau dont les larges pans claquèrent dans son dos. Il répliqua par un filet en mailles d’acier, elle le contra en créant sa propre barrière, lui envoya un pieu effilé qu’il stoppa au moyen d’un mur solide. Les dessins s’enchaînaient vite. Cette petite était fichtrement talentueuse. Considérant leur curiosité réciproque, ils auraient sans doute pu s’entendre dans d’autres circonstances, et échanger longuement au sujet de l’Imagination. Mais Bastian était un tueur. Le besoin de faire couler le sang ne le quittait jamais vraiment.

Petit à petit, il laissa la Dessinatrice s’approcher de lui. Ce fut long : il faisait en sorte qu’elle s’enhardisse, que ses propres dessins soient interceptés plus rapidement, et doucement, pas à pas, il recula tandis que doucement, pas à pas, elle avança. Pénétra dans la grange. Les yeux gris étincelèrent. Il quitta les Spires alors qu’elle faisait basculer une immense faux dans la réalité. Sans la quitter du regard il bondit, glissa sur le sol, laissant la lame passer à un cheveu de sa tête et le marquer d’un minuscule trait de feu sur le menton, bondit à nouveau et frappa. Geste vif et déterminé. Du sang brilla sur sa lame ; la gorge ouverte, Paulina émit un petit hoquet de surprise avant de s’effondrer lourdement dans la paille.

Alors, Bastian replia son bras et se redressa. Il effleura son menton, observa ses doigts rouges, haussa les épaules et prit le temps d’essuyer sa lame avant de la rengainer le long de son flanc. Il sortit ensuite de la grange et balaya les lieux du regard. Un vrai carnage ! Sa compagne d’arme n’y était pas allée de main morte… Il la chercha des yeux, refusant soudain de croire qu’elle avait pu mourir. Si d’habitude ce genre de réalité l’agaçait, il sentit son cœur se serrer et fronça les sourcils. Alors, quoi ? Il la connaissait à peine… Pour s’occuper les mains et l’esprit, il fouilla les cadavres en commençant par celui du marchombre. Crochets, poignards, vinrent s’ajouter à sa collection. La Dessinatrice avait peu d’objets sur elle, mais il trouva sur le corps d’un soldat une bourse de cuir contenant quelques pièces qu’il subtilisa.

Il en était là de son travail de détrousseur lorsqu’une ombre se dressa dans son dos. Silencieuse. Trop pour lui, qui ne perçut aucune vibration ni le moindre souffle. Une lame siffla, décrivit une courbe inexorable dont il prit conscience à l’ultime seconde.

Trop tard pour réagir…
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeSam 08 Fév 2020, 15:45

Eau. La grange s'éteignit, rassurant Ìrae. C'est qu'il était efficace et sympathique, ce Mentaï, ce serait dommage de le perdre. Elle le laissa aux méandres nébuleux du Dessin et de l'Imagination, se concentrant sur son propre adversaire.

Le son de la voix de l'homme – jeune homme, qui plus est – vibrait encore dans son corps, laissant un goût de sang sur ses lèvres et l'envie de le faire jaillir. Il était parvenu à déclencher sa colère, sauvage.

- Non. Elle est à moi.

Ìrae était individualiste, capable d'affronter la solitude, indépendante, ivre de découvertes. Elle n'appréciait donc guère qu'un simple homme d'armes parlât ainsi d'elle. Elle n'était à personne, et le lui ferait sentir dans la douleur.

C'était une promesse, qui dansait dans ses yeux dorés flamboyant. Elle releva davantage sa lame, sans prêter attention à la jeune femme qui passa près d'eux pour se diriger vers la pote de la grange ; elle avait assez confiance en Bastian pour savoir qu'il s'en occuperait avec efficacité.

Confiance surprenante, alors qu'elle ne le connaissait que depuis peu, mais le mercenaire lui semblait amplement compétent. Il suffisait de voir les corps dans lesquels étaient fichés des carreaux d'arbalète, ou sa réaction immédiate lorsque la grange qui s'était embrasée.

Elle est à moi.

Elle sourit, moqueuse, devant le regard haineux de son ennemi, et commença à danser avec sa lame. Les armes s'entrechoquèrent violemment et elle réévalua son niveau. Il n'était pas le chef du convoi pour rien ; il était doué.

Pas autant qu'elle, songea Ìrae en se fendant vivement, avant de sauter en arrière avec la légèreté d'un félin – ou d'un oiseau aux serres acérées.

Il parvint néanmoins, lors d'un revers, à tracer une ligne de sang sur sa joue, auquel elle répliqua vivement en cherchant à percer sa garde. Furieuse.

Ils dansèrent ainsi, inconscients du combat dans l'Imagination qui se déroulait non loin d'eux. Leurs esquives les amenèrent à s'éloigner peu à peu de la grange, s'enfonçant dans le brouillard qui semblait vouloir rester ici-bas.

Loin des torches, ce furent les autres sens de la mercenaire qui prirent le dessus dans le combat. Tourbillon fou, ses coups se multiplièrent, gagnèrent en vitesse tandis qu'elle imposait son rythme à son adversaire ; un rythme implacable qui le mena bientôt à se contenter de se défendre, à contrer, se concentrer sur sa garde...

Dans une explosion de puissance, Ìrae se rapprocha brutalement de lui, projetant sa lame contre la sienne dans un crissement désagréable, pour, déterminée, lui balancer un vigoureux coup de genou dans l'entrejambe. Elle profita de sa suffocation, sous la douleur, pour sortir un de ses poignards et l'égorger promptement.

Elle laissa le corps glisser lentement à terre, appuyé contre elle, sans se soucier du sang qui gorgeait sa chemise et sa veste, teintant l'écru de rouge et le brun de noir. Une fois le mort à terre, elle s'agenouilla pour le fouiller. Son regard s'éclaira quand elle tomba sur une petite bourse pleine des sphères graphes, qu'elle mit aussitôt dans sa propre poche.

S'apercevant qu'elle s'était largement éloignée de la grange durant son combat, elle revint vers elle, glissant dans les ombres au cas où la Dessinatrice serait toujours vivante. Il n'y avait cependant aucun bruit de combat, et elle fronça les sourcils. Qui avait gagné ?

Elle eut sa réponse en voyant Bastian faire les poches des morts. Elle s'en allait l'approcher pour le féliciter, et rapporter la prise des sphères, quand elle vit l'ombre. Quelqu'un, durant le combat qui s'était déroulé dans la pénombre, avait dû en profiter pour faire le mort, et s'approchait à pas de velours du Mentaï.

Du Mentaï sourd, qu'elle ne pouvait prévenir de vive voix.

Pas encore rodée à l'utilisation de l'Imagination pour communiquer, elle suivit ses réflexes et d'un bond, rejoignit les deux protagonistes, l'un inconscient de la présence de l'autre.

Quand la lame s'abattit, elle trouva celle d'Ìrae, qui se dégagea avec facilité avant de plonger la sienne dans la gorge offerte. Définitivement mort, l'homme s'effondra lourdement. L'Envoleuse se tourna vers le mercenaire. Malgré le fait qu'il soit passé à un cheveu de la mort, son humour caustique ne put s'empêcher de reprendre le dessus.

Tu devrais faire attention à tes arrières, Bastian, je ne serais pas toujours là pour sauver tes jolies fesses...

Elle nettoya soigneusement ses lames, les rangea, puis lui présenta le sac contenant les sphères graphes.

Je pense qu'on a réussi la mission.
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeSam 08 Fév 2020, 19:24

Trop tard pour se hisser dans les Spires.

Trop tard pour un pas sur le côté.

Trop tard pour dégainer.

Trop tard pour esquiver.

Trop tard, Bastian… !

Rempart. Les yeux de Bastian s’agrandirent alors qu’une silhouette se dressait soudain devant lui. Un geste, un souffle et puis, plus rien. Le corps de l’homme audacieux s’effondra aux pieds d’Ìrae. Sa voix moqueuse acheva de dissiper la torpeur dans laquelle l’instant l’avait plongé et il se releva lentement. Il ne la quittait pas des yeux. Son cœur battait un peu trop vite : c’était passé près, cette fois-ci… Ìrae venait de lui sauver la vie et donc, d’accomplir sa véritable mission. Les sphères qu’elle tenait dans sa main concernaient Bastian mais, pour puissant qu’il était, sa surdité demeurait un handicap que seule la présence d’une autre personne pouvait combler. Il était condamné à partir sur le terrain avec une escorte.

Enfin, condamné… C’est ce qu’il pensait, avant.

Je pense qu’on a réussi la mission.
Ça y ressemble, oui.


Bastian tendit la main et essuya un peu du sang qui coulait sur la joue de l’envoleuse. La blessure était sans gravité et rappelait la coupure qu’il avait récoltée au menton.

Félicitations, Envoleuse Courtesy : vous venez de réussir votre baptême du feu.

Il avait adopté un ton moqueur, lui aussi, mais il comptait bien valoriser son dossier une fois de retour au Domaine. Cette femme avait du potentiel et il y avait longtemps qu’il n’avait pas croisé quelqu’un de sa trempe. Ça changeait. Réalisant soudain que ses doigts frôlaient toujours la joue d’Ìrae, le Mentaï laissa retomber son bras.

On va fêter ça quelque part ? C’est lui qui offre, ajouta-t-il en donnant un petit coup de pied au corps qu’il venait de détrousser.



*


Pas de pas sur le côté cette fois : Bastian avait largement puisé dans ses réserves d’énergie pour garder son Don tranquille un moment. Ils prirent donc chacun un cheval du convoi, après avoir libéré les autres, et gagnèrent Al-Far sous une pluie battante. Dans la cité, ils dénichèrent une auberge que l’on rejoignait en suivant un tunnel souterrain, puis en se dépêtrant dans un réseau de galeries. La Tanière était un bon repère de malfrats. Parieurs, chasseurs de primes, voleurs venaient y accomplir leurs petites affaires sans trop craindre d’être pris la main dans le sac. Mais c’était aussi un endroit où l’on servait de bonnes pintes pour pas cher, et surtout, Bastian était sûr d’y trouver son vin favori.

La contrebande de Rouge-Abeille se fait principalement ici, expliqua Bastian en faisant tourner le liquide vermeil dans son verre. J’ai mes propres caisses…

Privilège de Mentaï ? Sans aucun doute, et Bastian étaient de ceux qui jouissent intensément de ce qu’ils ont sous la main. Sans doute était-ce dû à son enfance : il avait grandi en sachant la valeur d’un quignon de pain pour celui qui meurt littéralement de faim. Après tant d’années de privation, il se rattrapait même si ses goûts de luxe en matière de vin contrastaient avec sa vie dans les cachots du Domaine.

Santé, dit-il en trinquant avec Ìrae.

Il savoura une gorgée de vin puis se retourna pour s’accouder au comptoir et balayer la salle du regard. Des jeux, des rires, des regards en coin, de l’argent et même de la drogue glissée de main en main… Tout se déroulait dans le silence le plus profond. Il se contentait d’observer un tableau vivant. Il n’était toutefois pas indifférent à l’ambiance qu’il percevait avec tous ses autres sens : c’était le genre d’endroit qui lui plaisait bien. Tapi dans le ventre de la terre, à peine éclairé par quelques bougies, empreint de violence et de vie. Solitaire, il aimait observer les gens, deviner leurs émotions à leur façon de se tenir, de pencher la tête, de bouger. Il avait besoin de cette foule au sein de laquelle il savait voir sans être vu.

Il avait trouvé sa voie en suivant Galaad dans son apprentissage. Pas toujours en accord avec ses supérieurs, il était libre de faire ce qu’il voulait tant que les missions se déroulaient bien. La traque, l’assassinat, cette vie d’ombre lui convenaient parfaitement. Il était dans son élément. S’il le partageait volontiers et très souvent avec Galaad, son ami de toujours, profiter de ces instants avec de la compagnie n’était pas habituel, et c’est ainsi que ses yeux gris dérivèrent jusqu’à Ìrae.

J’ai une dette envers toi désormais, dit-il tranquillement, tout en buvant une gorgée de vin. C’est valable ce soir comme dans dix ans alors choisis bien.

Il pourrait se contenter de lui sauver la vie à son tour, mais quelque chose lui soufflait qu’il risquait d’attendre un bon moment.
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeMer 12 Fév 2020, 16:09

Goût du sang sur les lèvres. Retenant un soupir navré, elle observa sa tenue qui en était gorgée ; une douche et de nouveaux vêtements n'auraient guère été de refus. C'était le désavantage du corps-à-corps ; bien que plus passionnant que de se contenter d'attaquer à distance, c'était une pratique très salissante.

Ses yeux dorés se posèrent sur Bastian. Un Mentaï adepte du même genre de combat, c'était plutôt rare. Elle les voyait toujours agir de loin, d'ordinaire, presque un peu hautains quand les Envoleurs et autres mercenaires se salissaient les mains. C'était appréciable, comme changement. Il n'y avait pas le même sentiment lorsqu'on combattait de près que de loin.

Quant au fait qu'elle venait de le sauver, elle jugeait cela comme négligeable ; pas la vie de Bastian en lui-même, mais son acte en soi. Bien qu'individualiste, elle n'avait pas à cœur de laisser ses compagnons d'armes se faire tuer sous ses yeux. C'était sale, vexant, une preuve de faiblesse, une mauvaise image de soi donnée, et, enfin, une opportunité ratée de peut-être les apprécier.

Et Ìrae avait le sentiment qu'elle pouvait apprécier ce Mentaï peu commun.

Elle eut un regard un brin surpris vers lui lorsqu'il essuya le sang qui maculait sa joue. Blessure bénigne qui mettait en valeur les compétences du guerrier qu'elle avait affronté. Tout le monde ne pouvait se targuer d'ainsi la toucher.

En parlant de toucher, elle remarqua les doigts qui s'attardaient, mais ne dit mot, malgré la curiosité plus présente encore. Au point qu'elle faillit manquer les mots qu'il formula, toujours via l'esprit.

Félicitations, Envoleuse Courtesy : vous venez de réussir votre baptême du feu.

Elle eut un sourire en coin, qui s'accentua légèrement lorsqu'il cessa de toucher sa joue.

J'ai hâte de voir ce que cela m'apporte, rétorqua-t-elle faute de mieux.

Les doigts de sa main gauche se serrèrent et desserrèrent en battement, bref souvenir du feu qui s'en était justement échappé peu de temps auparavant. Peu de temps... Elle n'aurait su dire exactement combien exactement, toujours passionnée dans ses combats au point qu'elle en perdait cette notion. L'atmosphère pluvieuse ne se prêtait guère à une estimation du temps qu'ils avaient passé à se battre, de plus.

On va fêter ça quelque part ? C’est lui qui offre, ajouta-t-il en donnant un petit coup de pied au corps qu’il venait de détrousser.

Sourire plus franc.

Avec plaisir.

*

La pluie drue, s'infiltrant dans sa chemise écru et son serre-taille, la lava du rouge qui les imprégnait jusqu'alors. Jumelée au trajet en cheval, plutôt que de recroquevillée, frigorifiée et tremblante, elle se sentit fouettée jusqu'au sang ; elle n'était pas une femme des Archipels Alines pour rien.

Elle suivit Bastian dans l’entrelacs de ruelles et de souterrains d'Al-Far, une fois les chevaux délaissés, jusqu'à La Tanière. Elle-même préférait les auberges plus sages quand elle était juste en quête de détente, mais elle n'avait guère la tête de quelqu'un qui revenait d'une paisible promenade avec ses vêtements rougis et un brin débraillés, et si les pinte étaient peu chères...

Elle trinqua avec Bastian en souriant, les yeux étincelants, avant de plonger ses lèvres dans le liquide vermeil. Amatrice de vin, elle en apprécia le goût à sa juste valeur et nota le nom dans un coin de sa tête. Ainsi que le Mentaï avait ses propres réserves ; c'était toujours bon à savoir.

Gorgée de vin. Comme lui, elle regarda autour d'elle, la salle dans son ensemble. Foule mouvante et bruyante, pleine de vie – et de vices. Elle sentit des regards glisser vers elle, se détourner une fois parvenus aux lames qu'elle portait. Ici, on n'affrontait pas une jeune femme armée, à moins d'avoir un sacré coup dans le nez.

Songeuse, elle effleura le pendentif en bois en forme de loutre à son cou, signe de son clan natal, dont elle ne parvenait à se détacher. Là-bas, on ne trouvait pas de tels endroits, et ce qu'elle était devenue aurait probablement horrifié sa famille.

Il y avait un monde entre les îles battues par les vagues, et cette taverne mal famée, et elle se sentait malgré tout à sa place. Un jour, pensa-t-elle, il lui faudrait revenir vers les îles après plus d'une décennie d'absence, voir ce qu'ils étaient tous devenus. S'assurer qu'en partant, elle avait trouvé sa voie – bien qu'elle ne devrait pas avoir ce genre d'interrogation. Être Envoleuse était exaltant, lui donnait une formidable impression d'être vivante, mais la mélancolie la poussait vers la mer.

À travers quelques lettres échangées, elle avait parfois des nouvelles, mais ne voyait pas vieillir ses parents, grandir sa nièce, et le bonheur de sa sœur – qui, s'il venait néanmoins de son union avec quelqu'un qu'elle ne pouvait voir, lui tenait à cœur.

Son attention revint à Bastian, croisant son regard. Cela faisait longtemps qu'elle ne s'était amusée ainsi, et le Mentaï était une compagnie des plus plaisantes. Non, elle n'arrivait pas à s'envisager une autre vie.

J’ai une dette envers toi désormais. C’est valable ce soir comme dans dix ans alors choisis bien.

Elle sourit.

Une dette, hein ? Je retiens, même si je n'attendais rien de tel. Je saurais faire appel à toi quand j'en aurais besoin.

La vie ne lui mettant pas de bâtons dans les roues pour le moment, il allait attendre un bon moment... Même si c'était toujours agréable de savoir qu'on avait quelqu'un pour protéger ses arrières.

Nouvelle gorgée. Tout ceci avait été passionnant, et promettait de continuer à l'être.
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeVen 14 Fév 2020, 17:44

Bastian esquissa un sourire alors que son regard errait sans but dans la salle animée ; il s’était douté qu’Ìrae, si elle l’acceptait, ne comprendrait pas vraiment son désir de lui rendre la pareille. Ce n’était pas tellement la coutume, au Domaine, où régnait plutôt la loi du plus fort. Tu survis donc tu es plus fort. Ton camarade tombe parce qu’il est plus faible. Et rien dans son enfance ne venait contredire cette règle primitive… jusqu’à ce qu’un ramasse-mort le hisse sur sa charrette pour le sauver. Galaad, mais aussi « la vieille » et ensuite les résident du quartier des gardes lui avaient montré qu’il était possible de voir les choses autrement.

Il était loin d’être un saint. C’était même tout le contraire, mais Bastian avait développé un sens de l’honneur qui était devenu au moins aussi irréprochable que son appartement dans les cachots. Il paierait sa dette envers Ìrae, même s’il devait pour cela attendre l’équivalent d’une vie.

Ses yeux gris tombèrent sur le pendentif qu’elle tripotait machinalement. Il l’avait aperçu brièvement lors de leur premier véritable échange, dans la grange, et sa curiosité le poussa à l’observer plus attentivement : c’était une loutre finement taillée dans un bois bien plus sombre et lisse que ceux qu’il connaissait.

Mes derniers partenaires se sont fait tuer en mission, dit-il en reportant son attention sur la salle. Je n’ai pas tellement l’habitude d’en finir une sans être seul.

D’où leur présence ici. Bastian gratta distraitement sa blessure au menton, qui formait une petite croûte.

Ça te dérangerait de travailler avec moi, de temps en temps ? reprit-il en lui jetant un coup d’œil. J’avais oublié à quel point c’est agréable de pouvoir avancer avec quelqu’un de compétent. Et puis comme ça, je pourrai peut-être rembourser ma dette plus tôt que prévu…

Il ne cherchait pas à se débarrasser de celle-ci trop facilement, non, il pensait réellement ce qu’il proposait et il espérait qu’elle accepte : il savait que des envoleurs de sa trempe était rares. La plupart basculaient dans une suffisance qui, une fois sur le terrain, ne leur sauvait pas la mise. Et Galaad n’était pas toujours disponible.

J’ai besoin d’être sur le terrain, poursuivit-il. Ce genre de missions compliquées… c’est mon quotidien.

Autant qu’elle sache où elle mettait les pieds si d’aventure elle disait oui à ce drôle de partenariat. Espionnage, traque, assassinat… en l’accompagnant elle aurait son lot de dangers et de violence, mais aussi un bon salaire, puisqu’il partagerait volontiers le sien. Il chercha le feu de son regard pour lui demander dans les yeux :

Alors, petite loutre ? Tu en es ?


[court, mais un simple dialogue ne m'aurait pas suffi, là ^^]
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeMar 18 Fév 2020, 16:10

Sirotant doucement sa boisson, Ìrae observait la salle et son animation, à l'image de son compagnon. Bien qu'un brin mouvementée par la Dessinatrice, le chef qui lui avait laissé une jolie cicatrice, marque de guerre, et celui qui avait manqué de tuer Bastian, cette mission s'était révélée un régal. De l'adrénaline, des gens à exécuter sommairement, et un accomplissement parfait.

Non, songeait-elle, égarée dans ses pensées, pour rien au monde elle n'échangerait cette vie contre celle, calme et apaisée, de ses parents ou de sa sœur mariée. Si les tempêtes de son enfance et adolescence lui manquaient, tout comme l'océan, la vie trépidante qu'elle menait maintenant lui suffisait.

Bien qu'il faudrait qu'elle retourne se ressourcer un jour, près de la mer ou près des siens, qui sait ? Persuadés qu'elle était devenue ébéniste à Al-Jeit, cela ne justifiait pas une décennie sans aller les voir – même si les bateaux pour les Îles des Femmes  n'étaient pas des plus courants.

La « voix » de Bastian la fit revenir sur le plancher des vaches, et quitter ses rêves éphémères de houle et de sel.

Mes derniers partenaires se sont fait tuer en mission. Je n’ai pas tellement l’habitude d’en finir une sans être seul.

Elle en resta songeuse. Que répondre à cela ? Qu'elle était désolée ? Non, elle ne connaissait pas ces gens, ils étaient morts et Bastian ne semblait guère les regretter plus que cela. Qu'elle était ravie d'avoir survécu ? Il enchaînait avant qu'elle ne se décide sur la réponse à apporter.

Ça te dérangerait de travailler avec moi, de temps en temps ?  J’avais oublié à quel point c’est agréable de pouvoir avancer avec quelqu’un de compétent. Et puis comme ça, je pourrai peut-être rembourser ma dette plus tôt que prévu…

Ìrae tourna les yeux vers lui et croisa fugitivement son regard. Elle esquissa un sourire. Compétente, hein ? De la part d'un Mentaï de sa trempe, c'était un bon compliment.

Ce serait avec plaisir, ma foi. Il semblerait que nous fassions un bon duo. Et puis, j'ai hâte de te voir vraiment combattre autrement qu'à travers les Spires. Pour la dette, à voir, à voir...

Elle ne doutait pas de ses capacités sans pour autant être imprudente ; se faire sauver la vie n'était donc pas dans ses plans, mais elle pouvait toujours avoir besoin d'une telle dette. Personne ne lisait l'avenir après tout, et elle pourrait avoir besoin de Bastian, un jour.

J’ai besoin d’être sur le terrain. Ce genre de missions compliquées… c’est mon quotidien.

Je peux comprendre. C'est sans doute plus passionnant que de la paperasse, pas vrai ?


Elle n'avait pas peur de ce qu'il pourrait lui proposer. Elle était avide d'aventures, depuis toujours, et de découvertes. Avec le pas sur le côté, qu'il pouvait effectuer, elle pourrait presque voir le monde en entier. Non, décidément, elle appréciait le mercenaire sur bien des aspects. Il ouvrait une porte qu'elle était ravie de franchir, d'autant plus en si bonne compagnie.

Tête tournée vers lui, elle plongea brusquement dans ses yeux gris.

Alors, petite loutre ? Tu en es ?

Un bref instant, elle buta sur le petite loutre. Non qu'elle s'en défia, mais personne ne l'avait jusqu'alors surnommée ainsi. Contre toute attente, elle appréciait même.

Évidement.
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeSam 29 Fév 2020, 16:06

Bastian plissa les yeux et tourna la tête pour jauger son reflet dans le miroir. Ses cheveux bruns avaient poussé et passaient leur temps à être désordonnés mais humides et rabattus en arrière, ils apparaissaient déjà plus disciplinés. Comme il était rasé de frais, la petite cicatrice de son menton ressortait. Il la suivit pensivement du doigt. Cette entaille datait d’une semaine. Depuis son retour de cette mission avec Ìrae, il n’était plus sorti de son cachot, assommé par une montagne de paperasse à laquelle il n’avait pu échapper.

Il soupira, puis se passa de l’eau sur le visage et attrapa sa serviette, qu’il roula autour de son cou. Il faillit se raviser et passer une chemise, mais Galaad s’impatientait.

Allez, bouge-toi ! Tout le monde est déjà sur le terrain.
Mmmh.


L’envoleur aux cheveux blonds et aux yeux verts ouvrit la porte et ils s’engagèrent dans le couloir. L’air frais de la galerie sous-terraine ne fit pas frissonner les deux hommes, habitués qu’ils étaient à rôder dans cet endroit du Domaine, mais une fois à l’air libre, Bastian fit la moue : dans un ciel totalement dégagé, le soleil ne parvenait pas à réchauffer la terre de ses rayons et une bise glacée soufflait depuis le nord. Il fallait être cinglé pour organiser ce genre d’événement par un tel froid.

Mais les hommes et les femmes qui s’étaient rassemblés dans l’arène n’étaient-ils pas fous, justement ? Comme chaque année, Mercenaires et Envoleurs avaient répondu à l’appel et pris place dans les gradins à l’occasion de ce tournois annuel. Il s’agissait à la fois d’une façon de motiver les troupes, le spectacle étant toujours impressionnant, d’un entraînement pour les jeunes recrues comme pour les confirmées, et d’une compétition qui avait un certain poids dans l’avancement des membres de l’école.

Il fallait bien que cette arène serve à quelque chose.

Bastian et Galaad se séparèrent devant l’entrée des combattants. Une blessure empêchait l’envoleur de participer cette année, ce qui amoindrissait davantage l’enthousiasme du mentaï.

Fais pas cette tête, on dirait que tu as déjà perdu.
Rêve pas.
Sérieusement, j’ai parié gros sur toi alors soigne ton crochet du droit et protège-moi ton menton, d’accord ?


Dans la salle de préparation, Bastian s’échauffa tranquillement. Après tout ce temps passé à trier des papiers, cette récréation était l’occasion de dérouiller un peu ses muscles et de s’aérer l’esprit. Après quoi, il partirait en mission, à nouveau dans la province d’Al-Far. Saisissant une altère, il travailla les muscles de ses bras tout en réfléchissant aux modalités de cette expédition. Puis il s’assit sur un banc, le dos appuyé contre le mur, et entreprit de vider son esprit. C’était indispensable avant de s’engager dans un combat.

Les règles de celui-ci étaient simples : aucune arme, tous les coups étaient permis sauf celui qui pouvait être fatal. Raison pour laquelle les débutants n’étaient pas admis dans ce tournois : leur inexpérience ne leur permettait pas de retenir leurs coups ni de mesurer leur force. Et les affrontements avaient beau ne pas causer de morts, ils étaient parfois terribles. Jun dit l’Estropié qui faisait partie du conseil du Domaine avait perdu la mobilité de sa jambe droite en se battant dans cette arène. Evidemment, l’accès aux Spires était interdit, mais Bastian ne s’en formalisait pas : il aimait le corps à corps.

Jun l’Estropié organisait les jeux : c’est lui qui vint chercher les candidats. Il rappela les règles car des nouveaux faisaient partie des inscrits, puis il claudiqua en direction du banc et donna un petit coup contre le mur. Averti par les vibrations dans son dos, Bastian ouvrit les yeux et se leva. Il s’étira, sautilla, laissa le sang affluer au bout de ses bras et de ses jambes avant de suivre les autres. Le mentaï plissa les yeux lorsque la forte luminosité de l’extérieur le frappa. Ses pieds nus foulèrent le sable de l’arène. On l’accompagna dans l’espace qui serait le sien jusqu’à la finale, s’il tenait jusque-là. Avant de commencer, il se baissa et attrapa une poignée de sable dont il se servit pour frotter ses mains.

Ses yeux verts se fixèrent sur son premier adversaire et ne le quittèrent plus. C’était son repère : il ne sentait que vaguement la foule autour de lui puisqu’il ne l’entendait pas, et le signal du départ donné par Jun lui était transmis par l’attitude de son vis-à-vis. Son regard, alors, s’assombrit. L’aura qu’il dégageait était aussi tranchante que l’acier. C’était généralement ce qui surprenait ses adversaires : la plupart savaient qui il était ou bien le côtoyaient, mais sans jamais lui prêter grande attention. Bastian était le fantôme du Domaine. Insaisissable, il échappait aux regards et se fondait si bien dans le décor qu’on l’oubliait facilement.

Pourtant, il était là.

Et pour la troisième année consécutive, il le prouva en remportant tous ses combats. Au terme de l’avant-dernier, il était couvert de sueur : sa peau couverte de tatouages en était emperlée quand elle n’était pas couverte de poussière. Il respirait vite mais son cœur battait lentement dans sa poitrine. Le guérisseur qui vérifiait l’état des combattants l’avait rapporté à Jun l’Estropié. Celui-ci allait annoncer le dernier combat, mais alors que la foule en délire s’impatientait, le finaliste qui devait affronter Bastian s’effondra. Il avait vaincu en donnant toutes ses forces et n’en avait plus pour rester debout. C’était fâcheux : sans finale, les jeux perdaient de leur éclat. Mais Jun l’Estropié était un homme qui savait s’adapter. Galaad fut appelé pour traduire. Il utilisa pour cela le langage des signes, car il savait qu’en dépit des apparences son ami était fatigué : converser par la pensée lui coûterait davantage qu’agiter les mains.

« On dirait bien que je vais gagner mon pari… »
« Méfie-toi, tu vends la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Que veut l’Estropié ? »
« Il te propose de choisir ton adversaire dans le public. »
« Dommage que tu sois déjà abîmé… »

Le choix de Bastian se serait porté sur son ami, mais un simple coup d’œil en direction du bras de ce dernier acheva de confirmer l’évidence : Galaad n’était pas en état de l’affronter. Quitte à improviser cette finale, il fallait que cela en vaille la peine. Il balaya lentement les visages attentifs. Jun l’Estropié ayant déjà annoncé la suite, certains levaient le bras pour attirer son attention, désireux de se mesurer à lui. Il les ignora. Son regard glissa encore, jusqu’à s’arrêter sur une silhouette. Un petit sourire se dessina sur ses lèvres. Il tendit le doigt vers elle puis retourna sa main, paume vers le ciel, et replia les doigts en une invitation explicite.

- Ìrae Courtesy ! lança Jun l’Estropié. C’est toi que notre finaliste a choisie pour disputer ce dernier combat. Acceptes-tu le défi ?
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeSam 29 Fév 2020, 20:01

- Ìrae Courtesy ! C’est toi que notre finaliste a choisie pour disputer ce dernier combat. Acceptes-tu le défi ?

Ìrae se redressa, yeux fixés sur la main de Bastian. Se moquant des escaliers de l'arène, elle sauta sur le dos des sièges jusqu'à l'arène, descendant plusieurs rangées sans aucun regard pour les gens qu'elle frôlait au passage. Pieds une fois fichés dans le sable, elle accorda un sourire étincelant au Mentaï.

* * *

Ìrae souriait, allongée sur son lit au cœur du Domaine. Depuis sa dernière mission, elle n'avait pas grand-chose à faire de ses journées, qu'elle consacrait à un entraînement intensif. Il lui en fallait toujours plus, aller toujours plus loin, toujours plus haut, enchaîner les étirements et les pompes jusqu'à déborder de sérotonine à en sourire à la lune.

Elle n'avait pas revu Bastian, qui devait être pris par ses obligations de Mentaï. C'était presque ennuyeux ; elle avait le sentiment de pouvoir bien s'amuser en sa compagnie. Croisant les jambes, elle songea que si le Domaine ne lui donnait pas quelque chose à faire, elle allait finir par repartir faire un tour hors d'Ombreuse. La forêt lui était bien familière à présent – si tant est que cette masse sombre et pleine de dangers pouvait être familière à quelqu'un – et elle voulait porter ses yeux sur quelque chose de nouveau.

Mais pour le moment, un événement retenait son attention.

Roulant sur le côté, elle se mit sur pieds et alla jusqu'au miroir et la bassine d'eau de sa chambre sobre. S'aspergeant le visage, elle caressa le fin trait sur sa joue, souvenir de sa dernière mission, qui finirait par s'estomper mais pour le moment ressortait sur sa peau hâlée.

Après son brin de toilette fait, elle enfila une chemise écrue, un serre-taille en cuir noir et un pantalon gris pour finir sur sa veste après un coup d’œil par sa fenêtre pour juger la température. Elle descendit ensuite dans les cuisines pour chiper de quoi grignoter puis, frissonnant légèrement dans le vent froid, se mit en route pour l'arène.

L'arène. Si elle avait décidé de ne pas participer, peu désireuse de se donner en spectacle quand elle pouvait s’exercer seule dans son coin, elle aimait évaluer la force des autres mercenaires en les observant combattre. Elle trouvait cela instructif et un brin amusant, il fallait l'avouer. Dans les gradins, les paris filaient et flambaient, yeux rivés sur les adversaires, et cela l'amusait.

Prenant place parmi d'autres, elle mordit dans sa pomme, regard porté sur le sable qui dansait légèrement dans le vent. Des murmures couraient déjà, parlant des participants avec fièvre, pariant sur l'un, sur l'autre, jaugeant les capacités. Ne prenant pas part à ce théâtre porté par l'argent, Ìrae se pencha plutôt vers l'arène pour jauger les acteurs du spectacle qui allait se délivrer devant eux.

Elle assistait chaque année, pour sa part, au tournoi annuel. C'était distrayant, une raison de rester un peu au Domaine et se poser plutôt que d'aller par mont et par vaux chercher le danger et l'amusement. S'il se présentait à sa porte, elle n'allait certainement pas cracher dessus.

Elle ne fut que peu surprise de découvrir Bastian dans les combattants. Il avait déjà été présent les années précédentes, et de ce qu'elle avait décerné du Mentaï, c'était bien son truc que d'aller au corps-à-corps s'entraîner ainsi. Une pensée lui vint ; celle que l'homme n'était guère fait pour le combat à distance. Être Mentaï devait être compliqué pour lui.

Ignorant les autres combattants, attentive, son regard doré vint se poser sur lui. Il s'était déjà fait remarquer les années précédentes ; mais les années précédentes, elle ne le connaissait que de nom. Maintenant qu'elle avait vu davantage de lui, il lui en fallait plus.

Ses yeux glissèrent sur les tatouages, la musculature, et elle eut une moue appréciative. Il y avait définitivement bien des avantages à assister au tournoi.

Tout au long des combats, ses prunelles ne le quittèrent pas, observant chaque mouvement, jaugeant chaque attaque. Comme les années précédentes, il gagnait chacun de ses combats. Il se démarquait, même ; différent lorsqu'il était au repos de quand il était au corps-à-corps.

Elle s'aperçut qu'elle était fascinée par cet homme. Leur mission ensemble l'avait amenée à le cerner plus ou moins, à l'apprécier ; apprécier cette ombre du Domaine qui cumulait les partenaires morts au cours de ses missions, jusqu'à qu'il se heurtât à elle.

Les combats s'achevait, et les paris autour d'elle flambaient. Le final se présentait à eux. Devait se présenter à eux. De toute évidence, celui qui aurait dû être l'adversaire de Bastian avait déclaré forfait, ou n'était plus en état de combattre. Son cœur battant au rythme de la foule, elle aperçut les mains se levant, les yeux de Bastian dérivant sur eux...

Jusqu'à arriver sur elle.

Invitation.

* * *

- Ìrae Courtesy ! C’est toi que notre finaliste a choisie pour disputer ce dernier combat. Acceptes-tu le défi ?

Pieds fichés dans le sable, Ìrae souriait à Bastian, sans prendre la peine de répondre à Jun. Sa réponse était aussi explicite que l'invitation qui l'avait amenée là.

Alors comme ça, tu veux m'affronter ? Cela tombe bien, je rêvais de te défier pour mieux juger tes capacités.

Elle attrapa un ruban usé à sa ceinture et le laça autour de ses cheveux pour retenir ses mèches folles, lança sa veste sur le côté, qu'elle trouvait gênante pour le combat, puis se lança dans une rapide série d'assouplissements et d'étirements pour mettre son corps en état. Ceci fait, elle se mit dans une garde simple mais parfaite.

Elle pouvait sentir tous les regards sur eux, les battements de son cœur, le soleil se reflétant sur les grains sous eux, la bise qui soufflait sur sa peau, son sang exalté dans ses veines, sa profonde respiration.

Au signe du début du combat, elle s'élança, fine silhouette élancée, sauta et lança sa jambe en direction du visage de Bastian.

Brûlante dans le froid.
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeDim 01 Mar 2020, 13:09

Bastian répondit aux paroles d’Ìrae par un sourire. Il attendit patiemment qu’elle s’échauffe sans cesser de bouger pour éviter lui aussi de se refroidir. L’air vif mordait sa peau en sueur. Le soleil brillait toujours dans le ciel, pourtant il lui semblait moins éclatant que l’or qui scintillait dans les yeux de l’envoleuse. Comme une semaine auparavant il était saisi par ce regard brûlant. C’était dangereux.

C’était dangereux parce qu’il risquait de s’y brûler les ailes si jamais il s’approchait d’un peu trop près de cette source de lumière joyeuse et pétillante.

Lorsqu’Ìrae fut prête, ils se placèrent face à face. D’un léger mouvement de tête, Bastian salua son adversaire. Il pouvait sentir, cette fois, toute l’attention du public. Jun l’Estropié leva le bras pour donner le signal de départ. Il avait été surpris par le choix de Bastian, en avait témoigné le haussement de ses sourcils lorsque l’élue avait bondi à travers les gradins pour les rejoindre. Le Domaine était certes fréquenté par un certain nombre de femmes, il avait plutôt imaginé que ce grand gaillard choisirait un homme de son gabarit.

Appuyé contre le mur, près de la porte qui donnait sur l’arène, les bras croisés sur la poitrine, Galaad regardait les deux combattants se tourner autour. Deux fauves. Un tigre et une panthère. C’était ce que le spectacle lui inspirait. Lui n’était pas étonné par le choix de son ami et sans doute était-il le seul ! Mais il avait écouté, ou plutôt traduit le rapport de mission – et deviné aussitôt l’intérêt que le mentaï portait à cette femme. C’était rare que Bastian se montre aussi curieux. Tian était une exception, et elle était actuellement en voyage quelque part dans l’empire.

Il ne connaissait pas Ìrae Courtesy. Trop de monde, trop de missions. C’est en rentrant de la dernière, pas mal amoché, qu’il avait croisé l’envoleuse. Avant que Bastian ne lui en parle, il avait été frappé lui aussi par la lumière de son regard et la force tranquille qui émanait d’elle. Le jeune homme aux cheveux blonds soupira.

Il allait perdre son pari.

Ce n’était pas l’avis de Bastian. Alors qu’il se décalait lentement vers la droite, genoux fléchis, son profil assurant une garde solide, il était plus déterminé que jamais. Lui aussi avait envie de voir ce que cette femme avait dans le ventre. Ils avaient chacun affronté des adversaires lors de leur mission, mais jamais au même endroit. Il était franchement curieux de la voir à l’œuvre.

D’un point de vue purement physique, c’était un combat inégal. Trente centimètres et trente kilos supplémentaires, au moins, jouaient en sa faveur. C’était ce qui avait sans doute interpelé Jun, et la plupart des gens autour d’eux. Cela dit, compter uniquement sur cet avantage revenait à se planter une lame dans le pied. Il ne fallait pas sous-estimer les muscles fins et déliés qui roulaient sous la peau de la guerrière. En outre, Bastian avait essuyé quelques duels relativement épuisants avant celui-ci, alors qu’Irae était en pleine forme.

Prudence.

Ìrae s’élança la première. Son pied fouetta l’air et Bastian l’esquiva aisément, puis il se fendit d’un coup de poing particulièrement vif et précis. Il ne rencontra que du vide et eut à peine le temps de pivoter pour rétablir sa garde. Quelques techniques s’enchaînèrent, rapides mais tranquilles : ils se jaugeaient, mesuraient la marge de manœuvre, analysaient les réactions, identifiaient le style, la posture, les habitudes.

Ils apprenaient à se connaître.

Mais très vite, Bastian accéléra la cadence. Ils n’étaient pas là pour échanger des banalités, il y avait d’autres endroits pour s’entraîner ici ; ce duel, c’était un défi né d’une envie de se mesurer à l’autre et le jeu prit une autre dimension lorsque le coude du mentaï rencontra le plexus solaire de l’envoleuse. C’était très sérieux. Les parades redoublèrent d’efficacité, les attaques se firent plus menaçantes.

Il souriait. Un sourire concentré qui devenait parfois grimace quand il sentait le poing de la jeune femme chatouiller ses côtes d’un peu trop près, mais quand même : il appréciait vraiment ce combat. Rien à voir avec les précédents. A nouveau, ce qui lui avait plu dès leur première rencontre lui sauta aux yeux : cette femme avait un sacré potentiel ! Lutter avec elle était un véritable plaisir que seuls les combattants d’un certain niveau peuvent goûter.

Rapide et souple, Ìrae compensait aisément la différence de taille et de poids par une agilité dont il manquait. Lui se rattrapait dans le soin d’une technique pour le moins impressionnante, preuve d’années d’entraînement auprès de la garde d’Al-Jeit puis des Envoleurs au Domaine. Et puis, la formation d’un Mentaï était quelque peu différente de celle d’un mercenaire. Le corps était sollicité au même titre que l’esprit. Il fallait un mental d’acier pour survivre à cette épreuve ; le fait qu’un apprenti sur deux meure avant la fin de sa formation était assez révélateur.

Bastian était un tueur. Un maître assassin. Lorsque son regard s’assombrissait, il était peu probable que sa cible s’en tire sans dommages. Le gris de ses yeux demeurait clair – Ìrae n’était pas une cible – mais alors que le temps filait, ses gestes gagnaient en rapidité. C’était contraire à la logique, aux signaux de fatigue envoyés par son corps en nage. Et pourtant. Pourtant ses combinaisons étaient plus audacieuses. Il bondissait, plongeait, pivotait avec la puissance d’un fauve ; il parait, esquivait, bloquait avec la fulgurance d’un reptile. Son sang bouillonnant. Son cœur tambourinait. Encore quelques secondes.

Juste quelques secondes…


*


Alors, ça fait quoi de se faire éclater par une nana ?

Sans se démonter, Bastian frotta ses cheveux humides avec sa serviette.

Et ça fait quoi de perdre son pari ?

Galaad leva les bras au ciel.

Tu avais le dessus pourtant ! Je ne comprends pas comment tu as réussi à te faire battre de cette façon. Enfin. Je te l’avais bien dit, que ta garde n’était pas assez haute.

Assis sur un banc, la serviette toujours sur la tête, Bastian ne répondit rien. Il fixait le sol pensivement, suivant sans vraiment y faire attention les gouttelettes d’eau qui filaient dans les joints entre les dalles de salle des bains. La touffeur ambiante et la buée omniprésente apaisait les tensions de son corps.

Ça va ?
Oui. J’ai faim.
Alors là tu m’étonnes ! Avec ce que tu as fourni comme exercice ce matin… Habille-toi et rejoints-moi dans le réfectoire, je vais te préparer un plateau de roi.
A t'entendre, on ne dirait pas que tu viens de perdre de l’argent.
Ouais, ouais, je vais me faire un énorme plateau aussi. J’ai pas combattu mais j’ai besoin d’une certaine dose de consolation, là.


Bastian sourit en regardant son ami disparaître, puis il se leva et noua la serviette autour de ses reins. Il allait sortir à son tour pour récupérer ses vêtements, mais soudain, il se figea. Et fit demi-tour. Il n’entra pas dans les bains réservés aux femmes, il resta au niveau de la séparation, dans un espace neutre seulement pourvu de vasques et de placards. Il n’attendit pas longtemps. Dès qu’il sentit sa présence, il réagit.

Et plaqua Ìrae contre le mur.

Pas violemment. En fait, il avait seulement posé ses mains de chaque côté de sa tête, ce qui signifiait que si elle voulait se dégager elle n’avait qu’à se glisser sous ses bras. Elle pouvait aussi le castrer d’un coup de genou. Comme il n’y tenait pas, il ne tenta rien de dangereux et se contenta de se noyer dans les yeux qui avait causé sa défaite. Il avait dérapé dans ce regard, tout à l’heure. Plongé dans l’océan doré tête la première et marqué une minuscule hésitation, aussi infime que le battement de cœur d’une souris. Il n’en avait pas fallu davantage pour que l’envoleuse le mette au tapis.

Terrassé par un regard. De quoi fiche en rogne ! Alors pourquoi souriait-il ?

Joli combat. Tu as un style… ravageur, Ìrae Courtesy. Je plains ceux qui oseront t’affronter l’an prochain. Eh oui, s’amusa-t-il en déchiffrant son expression, ne t’en déplaise, tu es sacrée championne du Domaine. Pas mal du tout pour une petite loutre.

Leurs visages étaient assez proches pour qu’il puisse sentir son souffle chaud. Et rapide. Il frémit.

Se rappela de son objectif.

Si tu es toujours d’accord pour m’accompagner, on part demain pour Al-Far. A moins que ce combat m’ait fait dégringoler dans ton estime…

Il en serait déçu. Dans un regain de fierté typiquement masculine, il se dit qu’il s’était bien battu et jusqu’au bout. Jusqu’à ce satané échange de regards qui avait signé sa perte. Ce n’était pas une question de technique. Quoi, alors ? Incapable de répondre pour l’instant, il recula, salua la jeune femme d’un signe de tête qui rappelait le début de leur joute martiale, et partit s’habiller.

Il était affamé !


*


Il faisait si froid qu’un manteau de givre s’était déposé sur les murs et les tours du Domaine. Debout dans la cour, son manteau fermé et le col relevé jusqu’à son menton, Bastian attendait Ìrae. Comme une impression de déjà-vu, songea-t-il en faisant tranquillement les cent pas. Mais c’était assez plaisant que d’attendre quelqu’un, comme ça. Il ne s’en plaignait pas en tout cas.

Difficile, en le voyant ainsi, de croire qu’il avait passé la moitié de la journée à combattre, la veille. Rasé de frais, bien peigné, élégant dans son long manteau noir, il devait à une bonne nuit de sommeil sa forme et sa bonne humeur. Seul un hématome, dans le coin de sa mâchoire, témoignait de ses activités récentes. Et mieux valait ne pas regarder son torse de trop près. Une côte était sensible. C’était dur, la vie de guerrier...

Son attention fut attirée par une silhouette qui franchissait les portes de l’école. Bastian ne mit pas très longtemps à reconnaître l’homme : il n’en existait qu’un seul ici qui ne porte pas de chemise sous son tabard de cuir, même par ce temps. Alors comme ça le « loup » était de retour ? Pour le coup, il était bien content de partir en mission. Les sautes d’humeur de ce type n’étaient pas du genre à satisfaire sa patience. En revanche, il regrettait de ne pas pouvoir assister à la colère de Voïmakas, le mentaï qui se frottait à lui chaque fois qu’il était dans les parages. Peu souvent, donc. Voilà bien un an, au moins, que le bougre n’avait plus donné signe de vie. Où donc avait-il bien pu se terrer pendant tout ce temps ?

Une porte s’ouvrit et Bastian fut happé par un éclat doré. Il oublia alors complètement Giliwyn SangreLune.

Ne comptait plus que son partenaire de mission.

Et la mission.
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeVen 06 Mar 2020, 22:21

Souplesse, agilité, rapidité. Ìrae était comme de l'eau coulant entre deux mains jointes, s'échappant sans qu'on puisse la rattraper, fluide, à l’opposée de la force et des muscles du Mentaï. Une opposition qui avait donné un excellent duo en mission. Quant en était-il de la vie ordinaire – si tant est qu'on pouvait qualifier leur existence d'« ordinaire » – était une question qui mériterait d'être étudiée ; une autre fois cependant.

Échanges simple de coups, au début. Ils se testaient, se mesuraient, s'approchaient et se jaugeaient. Le rythme augmenta cependant rapidement ; ils étaient après tout deux très bons combattants, et n'étaient pas sur le sable de l'arène pour échanger des banalités.

Après un coup qui manqua de la plier en deux, elle se mit à se battre comme si elle avait voulu tuer Bastian ; elle lui faisait confiance pour se tenir à son niveau malgré les combats qu'il avait déjà livré. Elle ne s'attardait pas sur la douleur lorsqu'elle était touchée et répliquait dans une danse liquide.

Bastian.

Il avait fini par la fasciner plus que de raison. Le Mentaï sourd qui se bat au corps-à-corps et possède deux prunelles d'acier détonnait dans le Domaine. La mission, brillamment réussie, qu'ils avaient effectuée ensemble avait creusé sa curiosité.

Ce combat était un moyen de la combler un peu. Les gestes parlaient, parfois davantage que les mots, et c'était ce qu'elle avait aussi cherché en acceptant le défi. Cela, et au-delà du langage du corps, l'occasion de se mesurer à lui. Elle en brûlait d'envie depuis leur sortie.

Langue du corps.

Elle la décryptait peu à peu à chaque coup échangé, chaque manchette s'achevant dans le vide, chaque geste esquivé, le sable volant autour de leur danse fluide, le soleil se mêlant à l'air froid sur leur peau brillante de sueur.

Et le défi.

Elle mesurait ses capacités, à l'aune de sa fatigue due aux précédents combats, et était impressionnée. Il se donnaient mutuellement du fil à retordre et elle adorait ça, croquant dans la frénésie du combat comme dans un fruit interdit.

Ils dansaient à une vitesse hallucinante. Elle sentait le sang battre à ses oreilles, son souffle s’accélérer au rythme des passes qu'ils échangeaient. Peu à peu, la sueur trempait ses habits, à l'image de celle brillant sur le corps du Mentaï.

Chaque geste était une inspiration, chaque esquive une pensée. Désireuse d'en voir davantage, elle poussait son corps à bout, à sa limite, ressentant dans la vibration du combat qu'il en était de même du côté de son adversaire.

Elle se sentait incroyablement vivante.

Un bref instant, elle capta le regard gris. L'acier contre le feu de ses yeux.

Quelque chose passa.

La seconde suivante, Bastian était à terre.

Et elle, debout.

Brûlante.

* * *

Avec un soupir de soulagement, Ìrae se laissa glisser dans les bains du Domaine. L'eau chaude l'enveloppa doucement et soulagea ses muscles, la débarrassant du sable, de la poussière et de la sueur qu'elle avait accumulé. Pensive, elle s'observa à travers la clarté de l'onde ; quelques bleus figuraient ici et là, témoins du combat qui l'avait opposée à Bastian. Preuves d'un affrontement exaltant qui s'était conclu par sa victoire. Elle ne se faisait cependant peu d'illusions ; en pleine forme, le Mentaï était bien plus dangereux.

C'était pourtant juste un regard qui l'avait mis échec et mat et elle commençait à se poser de drôles de questions. Lentement, elle se laissa glisser dans l'eau jusqu'à qu'elle recouvrit son visage. Fermant les yeux, retenant son souffle, elle se laissa envelopper par le liquide.

Flottant, elle laissa ses pensées dériver ; immanquablement, elles revenaient au Mentaï. Ce dernier avait pris une place importante dans son esprit et elle ne savait qu'en penser.

Il était intéressant, certes, d'autant plus pour une curieuse-née dans son genre. Il était dangereux, ce qui attisait également son envie de défis - et il en était un de taille. Sa surdité ne l'handicapait qu'à peine, c'était un Mentaï de corps-à-corps...

Il y avait cependant autre chose, elle en était certaine, sans réussir à mettre le doigt dessus.

Se redressant, elle sortit de l'eau, secoua sauvagement ses cheveux trempés pour en chasser les gouttes qui y sinuaient. Elle attrapa une serviette qu'elle enroula autour d'elle après s'être séchée à la hâte. Sa simple pomme de ce matin ne suffisait pas à combler les calories qu'elle avait dépensé au combat et elle rêvait d'un repas un peu plus consistant.

C'est en pensant futilement à cela qu'elle sortit des bains des femmes, pour se retrouver plaquée contre un mur sans s'y attendre. Clignant des yeux de surprise, une gouttelette dérivant le long de sa mâchoire, elle observa Bastian, glissa sur son regard d'acier. Elle ne songea pas à se dégager, happée par l'instant et les prunelles qui lui faisaient face. Elle sentit son cœur accélérer.

Joli combat. Tu as un style… ravageur, Ìrae Courtesy. Je plains ceux qui oseront t’affronter l’an prochain.

Nouveau battement de paupières. L'an prochain ? Pensait-il qu'elle se risquerait à son tour dans l'arène pour le plaisir du combat ? Elle n'y avait pas songé.

Eh oui, ne t’en déplaise, tu es sacrée championne du Domaine. Pas mal du tout pour une petite loutre.

Légère moue. Elle n'avait pas pensé à cela en acceptant l'invitation dans l'arène. Mais pourquoi pas après tout ? L’expérience avait été amusante, autant s'engager sur le sable plutôt que de se contenter de contempler les combats comme d'ordinaire. Seule avait compté la possibilité d'un combat contre Bastian sur l'instant mais...

Bastian.

Qui se trouvait drôlement proche. Elle sentit son frisson, écho du sien, qui sinua le long de son échine. Revint à la réalité.

Si tu es toujours d’accord pour m’accompagner, on part demain pour Al-Far. A moins que ce combat m’ait fait dégringoler dans ton estime…

Sourire, cette fois. Joueur.

Pas du tout. Je suis heureuse de pouvoir t'accompagner de nouveau. J'ai comme l'impression que ça pourrait être passionnant.

Elle l'observa quand il la salua de la tête, l'observa quand il s'éloigna s'habiller et, longuement, réfléchit, toujours contre le mur, immobile.

Il y avait quelque chose, elle l'avait sur le bout de la langue...

Mais quoi ?

* * *

Le givre étincelait sur sa fenêtre, remarqua nonchalamment Ìrae, tandis qu'elle se vêtait. L'eau chaude, un repas consistant et une bonne nuit de sommeil l'avaient mise d'humeur joyeuse. Elle enfila sa veste, prévenant le froid – il y avait rarement de très basses températures sur l'Île des Femmes, qui bénéficiait d'un climat océanique lui donnant des hivers plutôt doux et humides. Tel n’était pas le cas lorsqu'on s'enfonçait dans l'Empire, mais depuis le temps, elle s'était faite aux caprices de la nature.

Elle boucla un manteau noir sur ses habits, attrapa son sac et descendit de sa chambre pour rejoindre Bastian. En sortant, elle croisa un homme aux curieux yeux vairons et au tabard de cuir malgré le froid. SangreLune, se souvint-elle en le laissant derrière elle. Il traînait une réputation de soufre qui ne pouvait que lui plaire, mais elle l'effaça de son esprit dès qu'elle aperçue Bastian. Elle le rejoignit en quelques pas.

Alors, c'est quoi le topo ?

Elle s'efforça de calmer son souffle rapide et décocha un de ses sourires étincelant.
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeDim 08 Mar 2020, 10:58

La première fois qu’ils s’étaient vus, Bastian avait attrapé le bras d’Ìrae pour l’entraîner, sans la prévenir, dans un pas sur le côté. Il y avait eu un peu de provocation mêlée d’agacement par anticipation dans ce geste : il avait voulu voir ce qu’elle avait dans le ventre tout en étant déjà persuadé qu’il allait être déçu.

Eh bien, claque phénoménale - pour lui, pas pour elle.

Alors cette fois-ci il ne commit pas d’erreur de jugement. D’abord, on ne fait pas le malin face à la championne en titre. Et puis surtout, contrairement à la première fois, il voulait profiter de cette mission. Les mains dans les poches, il fit quelques pas dans la cour, le long du mur d’enceinte. C’est drôle, il avait l’impression que, dans ce froid ambiant, la simple présence de la jeune femme le réchauffait. Un rapide coup d’œil en direction des mains de celle-ci lui confirma pourtant qu’elle n’avait pas activé sa greffe.

Infiltration, intimidation, vol et s’il le faut, assassinat. Le chaos habituel…

Encore que. Leur cible était un noble qui avait la main mise sur pratiquement toute la cité d’Al-Far, raison pour laquelle le meurtre serait la dernière solution à choisir. Axim Hucheloup était à la tête de trois mines, une de cuivre et deux de fer. Il alimentait non seulement Al-Far, mais aussi la région du Poll et ses marchandises convoyaient dans tout l’empire. Libre et influent, il avait déjà refusé par deux fois une entente avec l’Ordre. C’était assez remarquable pour que Bô se montre prudente. Elle avait donc choisi son meilleur élément en proposant la mission à Bastian.

Il avait choisi le sien en demandant à Ìrae de l’accompagner.

Hucheloup habite en ville, mais il possède un vaste domaine en bordure d’Al-Far et c’est là que nous nous rendons. J’ai fait quelques recherches cette semaine et j’ai eu une idée.

Une lueur d’amusement brilla dans les yeux de Bastian, mais il s’en tint là : il lui parlerait de son plan une fois qu’ils seraient arrivés là-bas. Il ramassa son sac et tendit la main à Ìrae.

Cette fois, il l’invitait à voyager !


*


Il neigeait. A croire que chacune de leurs missions était vouée à se dérouler dans les conditions climatiques les plus rudes. La petite cabane de chasseurs dans laquelle ils avaient établi leur « quartier général » ne semblait pas de taille à lutter contre le froid, pourtant il régnait à l’intérieur une douce chaleur depuis que Bastian avait mis en route le poêle à bois. L’unique pièce de vie était assez vaste pour contenir d’un côté une pile de peaux de bêtes et de l’autre, quelques meubles pour subsister le temps d’une chasse au cours de l’hiver : une table, un lit, une commode, un poêle.

Durant deux jours, les deux compagnons bâtirent leur mission. Ils examinèrent les plans du domaine jusqu’à les connaître par cœur, envisagèrent toutes les possibilités, y compris les plus extrêmes, réunirent le matériel, programmèrent leurs manœuvres, et répétèrent leur rôle.

C’était ça, l’idée de Bastian.

Le domaine d’Hucheloup était bien trop surveillé pour que l’on s’y glisse sans crainte de se faire repérer. Il y avait des hommes en faction devant chaque porte, dans chaque couloir. A moins de vouloir un bain de sang, pénétrer dans cette forteresse relevait de l’impossible.

A moins de jouer la comédie. Axim Hucheloup était un négociant. Il avait le marchandage dans le sang et son intérêt était sans bornes. Si un couple aisé venait montrer son tout nouveau filon, il était à parier que le noble allait tenter une alliance, voire même de racheter la nouvelle mine pour l’ajouter à son empire. Il allait falloir y aller au bluff, et simuler jusqu’à ce qu’ils soient seuls avec lui pour poser les conditions de l’Ordre.

C’est donc dans la peau du comte Ian Gil’Baste et son épouse que Bastian et Ìrae se présentèrent, le matin du troisième jour, à la porte du domaine. Le terrain était si vaste qu’on aurait pu y loger un village entier. Petit bois, ruisseau, pont, vallon, vignes, écurie : Hucheloup ne se refusait rien. Son manoir était à lui seul un petit bijou : taillé dans la pierre blanche aux allures de château, il se dressait au milieu des arbres, noble et imposant. Bastian, qui avait troqué ses habituels vêtements noirs pour un accoutrement très collet-monté qui les avait bien amusé au moment de les enfiler dans la cabane, jeta un coup d’œil à la ronde : la garde était doublée par rapport aux informations qu’il possédait.

Il avait eu raison de privilégier la ruse à la force brute.

Ìrae lui tenait le bras, comme le ferait la docile épouse d’un comte en visite. D’instinct, il posa sa main libre sur la sienne et sourit intérieurement en sentant, à travers la délicatesse de son gant, une chaleur qui n’appartenait qu’à elle. Avec n’importe qui d’autre cette mission lui aurait été pénible.

Mais il fallait garder la tête froide. Se montrer en plein jour pouvait bien leur revenir en pleine figure s’ils ne prenaient pas garde, auquel cas ils seraient dans une sacrée panade, étant donné la sécurité qui était mise en place ici. Concentré, Bastian se laissa entraîner jusque dans le hall d’entrée, spacieux, orné d’immenses tableaux et tentures, et surtout pourvu d’un grand escalier qui s’élargissait en atteignait l’étage à deux entrées.

Un homme grand et très mince, aux longs cheveux noirs retenus en catogan, descendait les marches, une femme aux magnifiques cheveux blonds à son bras. Axim et Leona Hucheloup.

Le jeu pouvait commencer.
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeSam 14 Mar 2020, 02:30

Ìrae observa longuement Bastian qui marchait, là, dans le froid. Elle-même souffla sur ses mains pour les réchauffer, et finir par sortir une fine paire de gants pour les protéger un peu. De légère gerçures pointaient leur nez au bout des doigts. Fichu temps.

Elle attendit avec une patience tranquille qu'il communiquât avec elle ; hocha la tête. Une de ses mains passa négligemment dans ses cheveux mi-longs, auxquels la lumière du soleil donnait une douce teinte de cuivre.

Infiltration, intimidation, vol et s’il le faut, assassinat. Le chaos habituel…

Cela changeait de la dernière mission, jugea-t-elle, où il s'agissait, certes, bien d'un vol et de meurtres, mais il avait parlé d'infiltration et d’intimidation, et la mort semblait être une hypothèse plutôt qu'une certitude absolue. Elle rangea ses mains dans ses poches, s'empêchant à regret d'activer sa greffe pour se réchauffer un peu.

C'était saugrenu de sa part, de vivre de feu quand elle avait vécu avec la mer, mais elle ne s'attardait que épisodiquement sur ce fait. Le feu et l'eau avaient donné ce qu'elle était et les deux éléments impossibles à mélanger s'étaient pourtant pour une fois unis pour donner une Envoleuse de talent.

Hucheloup habite en ville, mais il possède un vaste domaine en bordure d’Al-Far et c’est là que nous nous rendons. J’ai fait quelques recherches cette semaine et j’ai eu une idée.

Ìrae fit une moue déçue en comprenant qu'elle n'en saurait davantage pour l'instant ; tandis que son cœur battait d'exultation face à la surprise et à leur mission. C'est avec fermeté et un sourire en coin qu'elle prit la main que lui tendit le Mentaï.

* * *

Neige.

Ìrae appréciait la neige malgré tout.

Elle ornait ses cheveux de points blancs et fondait sur ses mains. Elle faisait se poser d'incroyables paysages blancs dont elle ne se laissait pas, même après une décennie à vagabonder dans Gwendalavir.

Il y avait cependant plus urgent à faire qu'une contemplation silencieuse et douce des flocons tombant doucement au-dehors.

Réchauffée par le foyer allumé par Bastian, elle était ravie. Bien que manquant d'action, ces deux jours en compagnie de Bastian lui semblât agréable ; et lors des pauses elle se défoulait dehors ou faisait des exercice d'assouplissement et des étirements pour ne pas engourdit ses muscles.

Bien que concentrée sur le plan, elle se sentait vaguement troublée de n'être que seule avec Bastian après les étranges événements qui s'étaient produits et qui tissaient dans sa tête une toile complexe qu'elle avait du mal à défaire. Le fixant de temps en temps, elle se demandait s'il en était de même pour lui.

Revenant aux plans, elle songea qu'elle avait déjà eu l'occasion de se grimer en femme ordinaire pour certaines missions ; pas de problèmes de ce côté-là, donc.

Elle vêtit l'habit et l'esprit de Saya Gil'Baste, à l'image de son partenaire, se féminisant un peu en ornant sa chevelure cuivre de quelques tresses, soulignant ses yeux de noir et se procurant pour l'occasion un jupon, qu'elle était prête à fendre d'un coup de poignard si cela était nécessaire.

Elle était vêtue d'un corset sombre en plus, avec un manteau épais couleur parme sur une chemise blanche virginale, quelques bijoux ornant ses oreilles et un de ses doigts ganté. Avec la jupe ample qui cachait son pantalon gris en dessous, elle se faisait sensuelle, prête à user de ses charmes sans remords.

Devant la demeure d'Hucheloup, elle détailla de ses yeux dorés les largeurs que se permettait le négociant ; cela l’écœurât. Mercenaire du Chaos ou non, elle avait déjà vu la pauvreté d'Al-Far, et que cet homme vive de façon si privilégiée lui retournait l'estomac. Elle ne laissa cependant rien paraître dans son visage, ses gestes devenus plus féminins.

Ses yeux caressèrent la demeure démesurément chère. Elle n'aimait pas Hucheloup, c'était définitif, mais n'en ferait pas échouer la mission pour autant. Elle glissa ensuite sur les gardes et approuva silencieusement leur choix. Elle voulait bien se faire tous ces gaillards, mais si l'on pouvait éviter de repeindre la pierre blanche de rouge...

Elle frissonna, sentant le bras de Bastian sous le sien. Frissonna encore quand il toucha sa main. Deux jeux semblaient s'entremêler, l'un entre eux deux, l'autre avec le négociant, et il lui faudrait faire preuve de sagacité pour ne pas s'y perdre.

Sagace, elle l'était.

Malgré une légère rougeur aux jours, qui pouvait être imputable au froid, elle suivit docilement, tentant de sembler négligeable malgré sa personnalité éclatante. Plus oubliée elle serait, mieux ce serait. Son regard courut sur les décorations intérieures, échos de la richesse étalée dehors.

Entendant un bruit de pas, elle leva la tête vers les escaliers.

Un homme et une femme. Son cœur battit avec force. D'un œil aigu, elle observa leurs protagonistes, leur conduite, pour adapter la sienne à celle de Leona. Elle n'avait guère la noblesse dans le sang et tenait à renvoyer une parfaite image d'elle.

Celle d'une femme aux cheveux cuivrés, aux yeux d'or hypnotiques et doucement aux côtés de son époux d'un instant. Elle espéra que ses particularités n'entraveraient pas la mission ; il était rare de croiser des gens de son genre. Seule une poignée de personne devait savoir qu'il s'agissait d'un signe de provenance des Îles des Femmes, laissant choir le masque de noblesse.

Qu'importait.

Calmant la flamme dans ses yeux, esquissant un sourire doux, elle se pencha légèrement en avant pour saluer leurs hôtes, observant à la dérobée Axim.

Battement de cœur.
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeVen 24 Avr 2020, 10:47

La réception était grandiose.
Bastian n’avait pas choisi cette date au hasard : tout avait été pensé, calculé, passé au peigne fin, de sorte qu’il ne restait pas de marge pour le hasard. Organisée en l’honneur de la prétendue donation de la société d’Axim à une fondation locale, elle réunissait toute une palette de la noblesse qui, de toute évidence, vivait dans un état de festivités permanent.

Habitué à observer puisqu’il ne pouvait entendre, Bastian nota le flegme des convives et la facilité déconcertante avec laquelle ils circulaient depuis le buffet jusqu’aux différents groupes de discussion. Celui de leurs hôte était évidemment le plus grand et le plus ponctué de rires - il voyait les commissures se surélever et les poitrines tressauter. Tout était illusion.

Mais pas plus qu’Ìrae et lui.

Quoique sur leurs gardes, ils se fondaient dans la masse des convives sans rien laisser paraître de leur véritable nature. Bastian était impressionné par l’audace et l’ingéniosité de sa compagne. Utilisant leur lien mental, elle traduisait ce qu’il ne pouvait percevoir et agissait exactement comme l’épouse idéale : tendre, prévenante, sensuelle. Bon nombres de regards suivirent son évolution dans la salle, et Bastian ne put s’empêcher de s’enorgueillir de l’avoir à son bras.

Mais il ne perdait pas de vue leur mission. Profitant de ce qu’un prestidigitateur animait la soirée - un Dessinateur moyen qui pataugeait dans les Spires, Bastian prétexta un détour par les commodités pour se faufiler dans le coeur du château. Ils avaient convenu qu’Ìrae resterait dans la salle principale et attirerait volontairement les regards, de façon à ce que l’absence du Mentaï ne soit pas perceptible avant un moment.

Dès lors qu’il fut hors de vue, les réflexes de ce dernier reprirent le dessus. Il se déplaçait sans bruit et parmi les ombres, évitant les rondes de la garde et les zones plus fréquentées par celles-ci ; le plan gravé dans sa mémoire, il manoeuvra jusqu’à atteindre les appartements privés d’Axim Hucheloup. Plaqué contre le mur, Bastian jeta un coup d’oeil dans le couloir. Deux soldats étaient de faction devant la porte.

Il s’immergea dans les Spires.

Un instant plus tard, un coup de vent faisait claquer une porte au fond du couloir, attirant l’attention des deux hommes - ils tournèrent simplement la tête dans la direction d’où leur était parvenu le bruit incongru, mais cela suffit à Bastian pour passer à l’action. L’acier d’un poignard soigneusement dissimulé brilla à la lumière des candélabres. Deux corps s’affaissèrent sans bruit. Sans perdre une minute, Bastian les enferma dans un petit cagibis,  crocheta la serrure de la porte et entra, puis referma le battant derrière lui.

Formé de toutes les manières possible pour devenir un espion et un assassin de l’Ordre, Bastian avait développé certaines capacités particulières, et notamment celle d’embrasser un ensemble pour n’en conserver que les détails essentiels, et ce en un laps de temps extrêmement réduit. Il parvint ainsi à évaluer la globalité de la pièce, assez spacieuse pour accueillir tous les invités de la réception sans qu’ils ne se touchent, et son attention fut retenue par deux éléments : le bureau placé sous une fenêtre qui laissait seulement entrer un rayon sélène, et un coffre entreposé dans un coin de la pièce.

Trouve et prends ce qui te paraîtra important, avait demandé Bô avant son départ. Tout ce qui pourra servir à compromettre ce chien qui croit pouvoir nous tenir tête. Bastian commença par inspecter le bureau. Il ouvrit les tiroirs, fouilla dans la paperasse, recopia quelques chiffres d’un livre de comptes, empocha un coupe-papier en cristal, exploitant efficacement chaque minute qui s’écoulait : il ne pouvait prendre le risque de demeurer trop longtemps à l’écart des invités, sous peine d’être soupçonné de quelque chose. Il espérait toutefois qu’Ìrae remplissait son rôle et continuait de lui offrir la diversion nécessaire.

Le bureau ayant donné tout ce qu’il avait, Bastian s’approcha du coffre. Il jaugea la serrure, sortit ses outils et entreprit de forcer l’ouverture. Il venait de déverrouiller le mécanisme quand l’alarme qu’il avait placée à l’entrée de la pièce s’agita dans son esprit. Vif comme l’éclair, il se glissa dans l’ombre d’une imposante armoire, juste à temps pour ne pas être repéré par la silhouette qui entra dans la pièce. Le coeur battant, Bastian tenta d’apercevoir l’intru mais celui-ci était déjà de l’autre côté de la pièce.

Sans bruit, le mentaï se décala et se pencha. Le dos d’Axim Hucheloup lui apparut dans la lueur de la lune : il semblait chercher quelque chose sur son bureau. Lorsqu’il pivota brutalement sur ses talons, Bastian comprit son erreur : le coupe-papier manquant avait alerté le noble ! Maudissant son initiative, il réagit promptement. D’une incursion rapide dans l’Imagination, il referma la porte, puis il se montera en pleine lumière.

- Gil’Baste ? s’étonna Axim, avant de froncer les sourcils. Que faites-vous ici ?

Je suis là au nom de l’Ordre.

L’homme aux longs cheveux noirs tressaillit ; au cours de la soirée, Bastian n’avait pas cherché à communiquer de cette façon, laissant Ìrae traduire ce qu’il voulait dire et grossissant le trait pour paraître un petit peu idiot. Puis Axim pâlit. Ce fut infime, et pourtant criant de vérité : il avait peur. Un mince sourire fleurit sur les lèvres de Bastian.

Vous avez la tête dure, Hucheloup. Refuser notre offre par deux fois… certains ont été éventrés pour moins que ça.

- Vous n’avez aucun moyen de faire pression, protesta le noble avec une véhémence déconcertante compte tenu de son affolement. Ni de sortir d’ici vivant.

Ne vous en faites pas pour moi. Inquiétez-vous plutôt de ce que ma présence signifie. Je peux très bien rapporter à mon organisation que vous avez repris vos esprits.

- Les mines sont à moi !

Et vous êtes à nous. Est-ce clair ?

Flottement. Axim Hucheloup était ordinairement celui qui faisait ployer les autres, et il était certain qu’il y prenait un malin plaisir, jouissant à la fois de fonds extraordinaires et d’une force militaire qui assurait sa protection tout en lui permettant nombre de bravades ; il n’avait pas l’habitude de se retrouver dans la peau de celui qui tremble.

- Je ne laisserai pas l’Ordre m’acheter.

Etrange : j’aurais pourtant parié que vous seriez intéressé par les mines de sel du Désert des Murmures.

C’était effectivement le projet fou de ce géant minier ; Bastian en avait vu les prémices dans les documents qu’il avait rapidement parcourus en fouillant le bureau.

L’Ordre a besoin de gens comme vous, Hucheloup. Réfléchissez bien : votre allégeance est dans notre intérêt à tous.

- Une allégeance ?

Totale.

Le noble s’accorda quelques secondes de réflexion, puis hocha lentement la tête.

- Si j’accepte, vous me laissez acquérir les mines de sel…

Nous vous aidons à les acquérir.

- Sous quelle forme se concrétiserait cet accord ?

Votre disponibilité à tout instant, et votre promptitude à accepter une demande explicite de l’Ordre.

- C’est tout ?

C’est tout.

Du moins, pour l’instant, songea Bastian en observant attentivement le visage de son interlocuteur. Finalement, celui-ci soupira, et il devina, dans son changement de posture, que l’accord était conclu.

Vous ne le regretterez pas, Hucheloup.

- Je l’espère. Entendu, dites à l’Ordre… que je lui prête allégeance. Et déguerpissez de mon château, Gil’Baste - ou qui que vous soyez réellement.

Non, je crois que je vais m’attarder encore un petit peu : vous avez le sens de la fête, Hucheloup. Je m’en voudrais de manquer cette soirée de festivités.

Le message était clair, la menace sous-jacente, et Axim Hucheloup pinça les lèvres en le comprenant.

- Faites ce que vous voulez alors, mais ne m’importunez plus.

Bastian lui renvoya un sourire flamboyant avant de quitter les lieux. Il rejoignit la salle pleine de monde et cligna les yeux, ébloui par la lumière autant que par l’agitation ambiante : les danses avaient commencé. Il ne mit pas longtemps à trouver Ìrae. Il se fraya un chemin jusqu’à elle et glissa un bras autour de sa taille.

Mission accomplie, chère amie ! Nous pouvons désormais nous détendre un peu et profiter de la soirée.

Hucheloup réapparut à son tour, visiblement préoccupé. Il glissa quelques mots à l’oreille de son épouse, laquelle foudroya Bastian du regard - et celui-ci se fit un malin plaisir de lever son verre à son attention. Jusqu’ici, tout se déroulait bien !

Alors, qu’est-ce que j’ai manqué ? demanda-t-il en s’efforçant de ne pas trop songer à la chaleur du corps sous son bras.
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeVen 24 Avr 2020, 21:29

Festivités.

Elle avait bien fait d'accorder de l'importance à son apparence. Ses yeux d'or vagabondèrent au hasard, détaillant chaque visage, chaque rire faussé, les sourires échangés, les regards brillants ou quelque peu éteints par les alcools que proposaient les buffets. Une de ses mains gantées vint remettre derrière son oreille une mèche tressée. Elle n'était pas poudrée, guère maquillée, mais ne faisait pas trop tache dans l'ensemble des dames. C'était l'essentiel.

Entre deux coup d’œil à l'ensemble de la salle, elle s'accrochait au bras de Bastian sous le couvert de la parfaite épouse. Sourires doux et tendres, douces pressions sur sa peau, regards dont l'éclat se cachait derrière une fausse dévotion, elle jouait de ses talents pour devenir ce qu'il était attendu d'elle ; un loup en habits de brebis.

Beware, beware, be skeptical
Of their smiles, their smiles of plated gold
Deceit so natural
But a wolf in sheep's clothing is more than a warning

De temps à autres, elle lui communiquait quelque sujet de conversation qu'elle avait intercepté, des phrases, des remarques, tout en se fondant contre lui et faisant la discussion pour eux deux. Un clignement de paupières, pour remarquer qu'ils l'étaient en retour. Elle en tira de la fierté. Remarquée, elle l'était souvent, mais cette fois-ci c'était sous un autre visage.

Cheveux cuivrés encadrant son visage, rehaussés par l'or de ses prunelles sur une peau hâlée : le blanc virginal de sa chemise faisant ressortir ses traits exotiques, il était difficile de la rater sans pour autant la considérer comme impropre à se tenir là.

De son avis, Bastian n'était pas en reste, bien apprêté également. Et puis, elle lui trouvait quelque chose, dans ses yeux gris, sa façon de se tenir et de savoir sans entendre ; mais il s'agissait peut-être là d'un autre sujet.

Il finit par partir pour la mission, la laissant, et elle s'apprêta à accomplir la sienne : attirer les regards sans faire remarquer l'absence à son bras. Pour cela, rien de plus simple ; ses allures exotiques attiraient déjà le regard, et c'est avec un sourire serein qu'elle s'affaira auprès de dames plus ou moins jeunes qui s'extasiaient sur ses cheveux tressés, qu'elle sourit sensuellement à des hommes captivés par ses yeux d'or.

À ceux et celles qui s'interrogeaient sur l'absence de son époux d'un soir, elle répondait d'un air soigneusement gêné qu'il était aux commodités. Elle faisait ensuite vite oublier cette question en engageant une conversation banale, s'extasiant sur la fête, pour exemple. Faisant de son mieux pour cacher l'intelligence vive qui brillait dans ses prunelles.

Elle en appris ainsi un peu plus sur le couple qui avait donné lieu à ce spectacle insensé qu'offrait cette cour distinguée et ce Dessinateur médiocre qui à son sens n'arrivait pas à la cheville des prouesses de Bastian. Elle observa quelques temps ses Dessins, avant de s'en lasser.

Elle en profita également pour réfléchir à son lien avec le Mentaï. Elle frôlait ce qu'il révélait sans vraiment le saisir. Cela la laissait songeuse et un peu sur ses gardes. Elle avait toujours placé sa liberté au-dessus du reste, au désespoir par ailleurs de son maître lors de son chemin avec lui. Malgré cela, elle avait brillé en duo avec Bastian lors de leur première mission à deux. Elle rechignait cependant à s'attacher mais le lien qui se tissait semblait s'en moquer.

Quant à savoir s'il était positif ou négatif, ce serait en s'appuyant dessus qu'elle en aurait la réponse. Elle était quasiment sûre qu'elle n'était pas la seule à s'interroger et en être déstabilisée.

Vint le temps des danses et elle s'y fondit, distribuant sourires, valsant avec quelques hommes sans visage auxquels elle devait accorder son rythme. Elle savait danser, pour l'avoir fait maintes fois sur son île natale, mais trouvait ce beau monde gauche et maladroit, affûtée qu'elle était par sa formation d'envoleuse. Quitte à danser, elle aurait préféré s'y essayer avec Bastian, mais ils auraient peut-être fait trop d'éclat au milieu de ces gens de la haute société.

Discutant de tout et de rien avec les hommes éphémères à son bras, elle eut le loisir d'entendre quelques noms de personnes présentes ici, tels que les Til'Arian. Elle jeta un coup d’œil au couple, venu d'Al-Jeit pour l'occasion, se recentra sur l'homme avec qui elle valsait. La noblesse ne l'intéressait guère, et ses complots avec, bien qu'il fallait souvent y tremper durant ses missions – comme celle-ci.

Ce n'était pas seulement son statut dans la société qui la poussait à s'éloigner de la haute, mais elle trouvait leurs comportements parfois tout aussi, si ce n'est plus, blâmables que ceux usités par les mercenaires du chaos. Eux, au moins, ne se cachaient pas derrière de belles paroles.

- Le saviez-vous ? narra cependant son danseur. Cela fait des années qu'on ne voit plus leur fille. Il paraît qu'elle est malade et doit garder le lit toute la journée... En tout cas, c'est un bijoux qui échappe à ceux qui voulaient se marier avec. L'on dit qu'elle était ravissante, enfant.

- Je n'en doute pas, répondit-elle doucement.

Bien qu'elle jouât son rôle à la perfection, elle préférait de loin intimider ou assassiner quelqu'un que les vanités et la superficialités de telles assemblées.

Elle commençait à se demander si Bastian s'en tirait quand elle le vit surgir dans la salle. Immédiatement, elle quitta l'homme qui se tenait alors à son bras pour revenir au sien, le regard flamboyant. Le bras qu'il glissa autour de sa taille manqua de la faire frémir.

Mission accomplie, chère amie ! Nous pouvons désormais nous détendre un peu et profiter de la soirée.

Elle sourit, joueuse.

Compterais-tu m'accorder une danse ?

L'air curieux, elle suivit du regard à qui levait son verre Bastian et aperçut le couple donnant la soirée, et l'air passablement de mauvaise humeur. Amusée, elle leur accorda un regard, puis revint au Mentaï.

Tu n'as rien raté. C'était une succession de discussions creuses puis des danses avec des hommes sans saveur. La noblesse s'étalant sans charmes aucun, donc. Et toi ?


[court et pas terrible désolééé]
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MessageSujet: Re: [-16] L'ombre du silence [Irae]   [-16] L'ombre du silence [Irae] Icon_minitimeSam 25 Avr 2020, 17:07

Hucheloup m’est tombé dessus quand je fouinais, répondit Bastian sans quitter le noble des yeux. On a papoté un peu.

Il était peu probable que leur hôte tente quelque chose maintenant - d’abord parce que leur arrangement était, croyait-il, dans son intérêt, et ensuite parce qu’il y avait trop de monde ; un coup d’éclat ferait courir des rumeurs que cet homme n’était pas prêt à affronter. Sûr de lui, Bastian baissa les yeux et plongea dans le regard flamboyant d’Ìrae. Il sourit en se remémorant sa première question.

Et toi, tu accepterais de danser avec un sourd ?

Sans attendre la réponse, il l’entraîna vers la piste. Au cours de son apprentissage, Bastian avait été formé à tout ce qui pouvait lui être utile en mission : l’étiquette, le paraître, l’art de juger une oeuvre, de nouer des relations, de leur servir un verre de vin ou bien une dose de poison… Il pouvait paraître curieux que la danse ait fait partie de cet enseignement, mais il suffisait de connaître un peu Bastian pour réaliser au contraire qu’il s’agissait d’une évidence.

Il avait appris à faire tout ce qu’un entendant pouvait faire.

Certes, ce soir-là il n’avait pas eu à masquer sa surdité, celle-ci faisant partie du personnage de Gil’Baste ; toutefois, il lui était arrivé de devoir faire illusion, en lisant sur les lèvres, en forçant sa voix (il détestait cela), en tournant la tête comme s’il réagissait à un son. En outre, danser ne supposait pas seulement d’écouter une musique et de la suivre. En matière de rythme, celui d’un combat était tout aussi cadencé !

Vibrations. Moins bien perçues que s’il s’était trouvé pieds nus, et pourtant, elles étaient là, tout autour de lui, qui le guidaient dans ses pas.

Contact. Physique d’abord, car il tenait Ìrae entre ses bras et il sentait qu’elle conduisait leur danse au moins autant que lui ; visuel ensuite, parce qu’il ne la quittait pas des yeux. C’est d’ailleurs au fond de ses prunelles qu’il lisait ce que ses oreilles lui taisaient.

Soudain coupé du reste du monde, il ne vit pas les invités qui les regardaient évoluer, subjugués par une cohésion unique et fabuleuse. Ìrae était une flamme entre ses doigts, captivante et malicieuse, insaisissable lorsqu’il la laissait tourbillonner, chaleureuse quand il la serrait contre lui. Difficile d’imaginer que ces deux-là aient pu s’affronter en duel quelques jours plus tôt !

Mais peut-être s’agissait-il d’un autre type d’affrontement… Le jeu était là, qui scintillait dans leurs yeux et illuminait leurs sourires ; le défi chevillé au corps, Bastian cherchait à lui donner le tournis, ou bien à se faire pardonner de l’avoir abandonnée à cette noblesse insipide le temps d’accomplir sa mission. Il voulait rendre cet instant inoubliable. Le tempo ralentit. Plaqué contre l’envoleuse, il inclina la tête et sentit son souffle chaud contre ses lèvres, exactement comme dans les bains, juste après leur duel de champions.

Alors, une main pressa son épaule, et il se retourna à contrecoeur pour dévisager Axim Hucheloup.

- Puis-je vous faire l’affront de vous subtiliser votre merveilleuse cavalière ?

Bastian réalisa que la danse était finie et qu’une autre était sur le point de débuter, qui exigeait un changement de partenaires. Son sourire, glacial, fit légèrement pâlir le noble, puis il inclina la tête et se détacha d’Ìrae.

Jouer la comédie ayant ses limites, il préféra aller se servir un verre plutôt que de regarder sa compagne virevolter au bras d’un autre. L’alcool apaisa ses pensées désordonnées, mais son agitation, qu’il décida de tromper en se laissant alpaguer par un groupe de gens odieusement guindés. Sans Ìrae pour rapporter ses paroles, la discussion l’ennuya rapidement et il y mit un terme pour sortir sur le large balcon.

L’air piquant de la nuit rafraîchit son visage. Les bras appuyés sur la balustrade, il sonda les ombres en quête d’une réponse à une question dont il ignorait pourtant la teneur. Son attention vaguement émoussée par l’alcool et la distraction, il ne perçut pas la silhouette qui se glissa dans son dos.


[Tu parles Charles ! Je me régale - et j'ai repéré le clin d'oeil à Emrys  Razz]
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