Groupe Kuyrhan - n°1

L'air songeuse, Ìrae regardait le tableau d'affichage des groupes du Domaine. Y était affiché, à côté de son nom, Ìrae Courtesy, celui de sa première élève. Sa toute première élève, Elinaïwenn El'Hassan. Une noble d'après le nom, une muette selon les rumeurs. Elle paraissait communiquer par le même biais que Bastian. Parfait, au moins elle savait à quoi s'attendre, après avoir rencontré le Mentaï.

Pensant à Bastian, elle poussa un léger soupir. Elle ignorait complètement où leur relation les mènerait et c'était assez... frustrant. C'était le genre d'homme à lui échapper complètement. Impossible de comprendre comment il fonctionnait.

Elle décida de ne pas s’appesantir sur cette question et le lien qu'ils avaient tissé et tourna les talons pour retourner dans sa chambre, dans le bâtiment réservé aux maîtres envoleurs.

Sur le chemin, elle repensa à son retour au Domaine, après sa dernière mission. Le Don du Mentaï était tout de même drôlement pratique pour s'éviter de longues chevauchées. Arrivée ici, elle avait pris le temps de se détendre, jusqu'à être convoquée pour avoir à sa charge sa toute première élève. Et une assez atypique, par-dessus le marché. Bon, il serait difficile de trouver des gens ordinaires ici-bas, parmi les mercenaires, mais tout de même.

Sa toute première élève, donc. Un sacré défi à relever en perspective. Sifflotant un air joyeux, elle parvint jusqu'à sa chambre et entreprit de faire un brin de toilette. Elle n'était pas narcissique ou coquette mais l'idée de prendre un peu de temps pour elle avant d'être avec son apprentie – elle n'y croyait toujours pas ! – lui ferait du bien.

Plongeant les mains dans sa bassine d'eau pour se nettoyer le visage, elle commença à réfléchir au parcours qu'elle pourrait faire suivre à son élève. Hieren avait commencé son apprentissage sur un bateau, quand elle avait quitté avec lui les Îles des Femmes, mais son cas était un peu particulier, et à part au Lac Chen, trouver des navires dans les environs serait compliqué.

De toute façon, Hieren et elle, c'était une histoire à part. Dernière apprentie du vieux mercenaire, et la plus brillante selon lui – entre deux jurons d'agacement parce qu'elle n'en faisait qu'à sa tête – il avait fait d'elle une femme libre et accomplie. Elle lui devait tout.

S'essuyant le visage, elle soupira légèrement. Hieren, avec son humeur parfois maussade, ses imprécations, son rire un peu sec lui manquait, mais rien ne le ferait revenir d'entre les morts. Il avait bien vécu et était tombé au combat en envoleur. Il ne servait à rien de s'appesantir dessus.

Tournant sur elle-même, elle chassa ses pensées pour ne retenir que le visage mi-joyeux, mi-exaspéré de Hieren et commença à rassembler des affaires dans un sac de voyage. Elle ignorait encore comment allait se dérouler l'apprentissage de la gamine qu'on lui avait refilée, mais ce qui était sûr, c'est qu'ils ne resteraient pas au Domaine. Ìrae était du genre à avoir la bougeotte et rester au même endroit plus de quelques jours ne lui plaisait guère. Eli, comme elle la surnomma avant même de l'avoir rencontrée, allait pas mal voyager.

Deux chemises et un pantalon plus tard, elle fit une razzia dans les cantines du Domaine, chipa quelques pommes, de la viande séchée et du pain, et fourra le tout ou presque dans son sac, gardant deux fruits à la main. Elle descendit ensuite dans l'écurie pour voir Écume, sa jument, qui l'accueillit avec un hennissement de joie à la vue des pommes qu'elle trimbalait avec elle.

- Sale bête, lui lança sa maîtresse en lui tendant une partie de son déjeuner. T'es contente de me voir uniquement quand je viens avec de la nourriture.

Cependant, elle rejoignit la superbe jument dans son box et, s'appuyant à la cloison, entreprit de manger son propre fruit, le sac à ses genoux.

- On va bientôt partir en balade, ma belle, ça faisait un moment qu'on était pas sorti, pas vrai ?

Avec les missions enchaînées aux côtés de Bastian, elles n'avaient guère eut le temps de faire un tour et cela lui manquait. Un coup de chanfrein contre son bras lui répondit, et elle glissa les doigts dans la crinière blanche.

- Tu m'attends là ?

Sans attendre d'hypothétique réponse de la part de sa monture, elle quitta le box, laissant le sac, et sortit des écuries.

S'adossant au mur du bâtiment, elle croisa les bras, et attendit. La lumière du jour dansait sur ses cheveux, exacerbant le cuivre pour le faire fondre et faisant pétiller ses yeux dorés qui ressortaient sur sa peau mate. Elle était vêtue comme à son habitude d'un serre-taille sur une chemise écrue, d'un pantalon gris, de bottes et d'une veste en cuir, un pendentif en forme de loutre dansant sur sa poitrine. Elle avait le sentiment de marcher sur les pas de son maître, et cela faisait battre son cœur plus fort.

Que lui avait-il dit, déjà ?

« On garde toujours un lien avec son apprentie, gamine, même avec les têtes de mule comme toi. »

Elle sourit dans le vent qui faisait danser ses mèches brillantes.

Elle attendait.

Elle l'attendait ; sa première apprentie.

Debout devant l’immense tableau d’affichage, je cligne des yeux. Plusieurs fois. Je n’ose pas encore y croire : à côté de mon nom en était apparu un autre. Irae Courtesy. Sans vraiment réaliser ce que cela signifiait, je fais rouler ces quelques lettres dans mon esprit. Je les caresse d’une pensée légère. J’en apprécie intérieurement les sonorités. Je me l’approprie. Et puis, soudain, mon cœur bondit dans ma poitrine : j’ai un maître ! Après de longues semaines d’attente, j’ai enfin un maître ! Souriant distraitement, je songe que ma plainte désespérée n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Ce Bastian n’était pas le premier Mentaï que j’ai rencontré, mais je dois bien avouer que tout comme Las’, il a forcé mon admiration. Je me demande un instant si mon maître leur ressemble, avant de secouer la tête toute seule.

∞

Ce sont les premières lueurs du jour qui m’ont réveillées, ce matin-là. Bondissant sur mes pieds avec agilité, j’attrape l’un de mes micro short négligemment abandonné la veille sur le dossier d’une chaise, ainsi qu’une brassière et la chemise à carreau de Lorik, unique souvenir de lui que je m’étais autorisée à emmener dans mon baluchon, quand j’avais quitté les Alines. Simplement vêtue d’un tee-shirt dix fois trop grand pour moi, je file à la vitesse d’un courant d’air dans la salle de bain réservée aux apprentis. L’eau chaude détendit tous mes muscles, me donnant l’énergie nécessaire pour démarrer la journée du bon pied.

D’humeur guillerette, je récupère quelques affaires que j’enfourne dans mon baluchon de voyage – je ne sais pas trop pourquoi, mais mon intuition me souffle que je n’aurais peut-être pas d’autre occasion de repasser par le dortoir aujourd’hui. D’un pas sûr et décidé, je m’autorise un petit crochet par les cuisines du Domaine : me faisant petite sourire, je parviens à chaparder un quignon de pain et une pomme sans que ce vieil ourson ronchon de Makhal ne s’en aperçoive. Sans plus traîner, je disparais au détour du couloir, tout en croquant à pleine dents dans ma pomme. D’un pas tranquille, je passe devant le panneau d’affichage sans m’arrêter. Je sais déjà que mon maître m’attend à l’entrée des écuries. Si l’idée de voyager à dos de canasson ne m’enchante guère, je suis tout de même plutôt contente de commencer enfin ma formation pour devenir Envoleuse. L’image de Las’ flotte un instant dans mon esprit, avant que je ne secoue toute seule la tête, faisant repasser ma longue tresse noire dans mon dos. Un jour, je serai aussi forte qu’elle !

Poussant la lourde porte d’entrée, je me glisse à l’extérieur. L’air du matin est frais et piquant. Fermant les yeux, je prends une longue inspiration. Mes poumons sont si pleins que j’en ai quelques petits picotements au bout des doigts. Soufflant légèrement, je reprends mon chemin. Les écuries n’étaient plus qu’à quelques centaines de mètres quand je distingue une silhouette adossée au mur. A mesure que je me rapproche, elle se précise, prenant des formes plus nettes et des couleurs plus vives. Littéralement. Pendant l’espace d’un instant, je me suis demandé si les cheveux de cette femme, aux reflets métalliques, étaient bien réels. Elle avait des yeux magnifiques aussi : dorés, comme certains dans les archipels Alines. Elle dégageait une aura puissante, dangereuse à la fois semblable à Las’ et Bastian, mais très différente aussi.

Un petit peu impressionnée, je n’en laisse rien paraître et plante fièrement mon regard noir dans celui de la femme. Une main posée sur ma hanche, je rejette de l’autre ma longue tresse d’un noir soyeux dans mon dos.

Je suppose que c’est toi, Irae, m’enquis-je, dans un effleurement de pensées. J’aime tes cheveux, décrétais-je, de but en blanc, sans aucun rapport, avant de demander, en haussant les épaules : bon, on va où ?

Oui, je suis comme ça. Quand j’ai envie de dire quelque-chose, je le dis. J’ai aucun filtre. C’est souvent surprenant pour ceux qui ne me connaissent pas. Pour les gens quoi ! Mais, je n’aime pas vraiment les gens, alors je m’en fiche de savoir leur avis sur moi. Le monde entier peut bien me trouver bizarre, ce n’est pas pour ça que je changerai. Le regard toujours planté de celui de la femme, j’attends sa réponse. J’espère quand même qu’elle n’aurait pas envie de me trucider avant de commencer…

[C'est parti mon kiki !! court

Par contre, à mesure que je découvre Eli, je me rends compte à quel point c'est un cas. Je crois qu'Irae va s'arracher les cheveux avec elle... Courage xD]

Ìrae n'eut pas à attendre bien longtemps. Une gamine toute frêle vint bientôt se présenter devant elle. Même pas la vingtaine, jugea-t-elle en regardant de haut en bas le petit mètre cinquante-cinq, les 45 kilos toute mouillée et la finesse du corps. Ses sourcils se haussèrent en voyant la brassière et le micro-short – cette fille n'avait jamais froid ? heureusement qu'elle ne comptait pas monter vers Al-Poll. Elle plongea ensuite dans les yeux charbonneux, encadrés par une longue tresse noire, et ce qu'elle vit lui plut.

Un sourire lui vint en avisant le baluchon qu'elle traînait. Prévoyante, cette gamine, mais cela tombait plutôt bien, même si elle n'avait pas l'intention de quitter le Domaine tout de suite. Cela éviterait au moins un aller-retour inutile – Ìrae n'était pas le genre de personne très patiente quand elle pouvait éviter de perdre du temps pour ce genre de futilités.

Peu dupe de l'effet qu'elle provoquait, elle décroisa les bras pour accueillir son apprentie. Elle ne l'aurait avoué pour rien au monde, mais elle était toute excitée à l'idée de former sa toute première élève. Elle avait la sensation de marcher dans les pas de son ancien maître et si cela la laissait aussi nostalgique, elle avait le sentiment qu'il était là, près d'elle, à l'encourager d'un ton bourru.

Fais-moi de cette fillette une envoleuse digne de ce nom, gamine.

Voilà ce qu'il lui aurait probablement dit, songea-t-elle. Et elle avait bien l'intention de réussir.

Effleurement de l'esprit.

Je suppose que c’est toi, Irae. J’aime tes cheveux. Bon, on va où ?

On commence bien, s'amusa-t-elle. Au moins la gamine était-elle directe. Ne l'avait-elle pas été également, avec Hieren ? Chassant cette pensée, elle effleura de l'esprit celui de la jeune femme, qui commençait déjà à lui plaire. Même si elle avait complètement grillé sa tentative de ne pas paraître impressionnée. Cela pouvait ne rien signifier, mais une telle fierté devait bien venir de quelque part, et il faudrait veiller à ce qu'elle ne soit pas un danger pour la demoiselle. Être sûr de soi est une chose, risquer sa vie par orgueil, une autre.

Tu as tout bon, gamine. Par contre, tu vas devoir laisser tes affaires dans les écuries. On ne part pas tout de suite.

Un grand sourire lui vint. Copier Hieren en surnommant la jeune fille « gamine » lui plaisait tout à fait.

Je ne connais rien de tes capacités, donc je te propose de m'en parler en courant. On va faire un petit tour dans Ombreuse, ça te dit ?

Sans attendre de réponse, elle fit volte-face et commença à s'éloigner, doucement le temps que la gamine la rattrape, puis se mit au pas de course, se calquant sur la vitesse d'Eli. L'avantage de la pensée par l'Imagination, c'est qu'on haletait pas en même temps qu'on parlait. Le désavantage, c'est que cela déconcentrait. Elle allait pouvoir estimer à quel point la jeune fille avait l'habitude de communiquer dans des situations de ce genre.

Puisqu'elle était muette, elle ne saurait l'appeler à l'aide autrement que par son Don – elle devait donc être capable de l'utiliser en toute circonstances, par réflexe, et cela commençait par la course.

Alors vas-y, parle moi un peu de toi, de ce que tu sais faire, fit-elle en augmentant sensiblement le rythme de la course. Elles avaient quitté le Domaine pour s'enfoncer dans Ombreuse et les racines, vicieuses, ainsi que la mousse glissante et les rochers cachés par la végétation guettaient chacun de leur pas pour les faire trébucher et tomber. Concernant Ìrae, elle les survolait comme si elle se contentait d'effleurer le sol du bout de la chaussure, aérienne.

Elle avait besoin de connaître ses capacités et limites afin de l'enjoindre à les dépasser. Bien qu'elle ne les connaîtrait vraiment qu'une fois qu'Eli serait mise à l'épreuve, avoir une idée de départ ne pourrait pas faire de mal. Et puis, elle pourrait connaître un peu plus son apprentie en même temps.

Un grand sourire transfigurait son visage. Elle ne revenait toujours pas d'avoir sa première et propre apprentie. Un frisson de ravissement monta le long de sa colonne vertébrale. Elle espérait sincèrement qu'elles s'entendraient toutes les deux.

[on va voir qui va s'arracher les cheveux Very Happy

]

Je déteste que l’on me prenne pour une gamine. Vraiment ! Cette femme semble s’amuser de mon agacement et, tandis que je la fusille du regard, elle reste parfaitement impassible. Fronçant légèrement les sourcils, j’arbore une moue boudeuse : je crois que je ne vais pas supporter longtemps qu’elle m’affuble de ce genre sobriquets insupportables ! Gamine ! Non mais franchement quoi ! J’ai passé l’âge, je ne suis plus une enfant et, en plus, j’en ai vu suffisamment dans ma vie pour que l’on me prenne au sérieux.

Sans me départir de mon air boudeur, je hoche légèrement la tête avant de m’engager sur le sentier à mon tour, en trottinant. Courir, je n’aime pas foncièrement ça : ça m’emmerde au bout d’un moment. Pour autant, je crois que je ne me débrouille pas trop mal : je suis petite, légère, rapide et le souffle ne me manque presque jamais. La piste est jonchée de racines, c’est assez piégeux. Parfois, ça glisse fort et je dois redoubler d’attention, surtout que je suis pieds nus – question d’habitude. Mais au bout de quelques minutes ma foulée est déjà plus sûre, plus fluide. Et c’est en balançant une pique contrariée que je réponds à mon maître.

Pour commencer, je n’aime pas qu’on me prenne pour une gamine… décrétais-je, sans détour, tandis que je croise un instant le regard d’Irae.

Le message est-il passé ? Sans doute. L’Envoleuse cessera-t-elle pour autant de me surnommer gamine ? Pas certaine. M’en fiche, je compte bien le lui faire comprendre d’une manière ou d’une autre, quitte à me prendre des coups de bâton. Fronçant légèrement le nez, j’accélère sensiblement le rythme pour rester à hauteur de mon maître. C’est vrai qu’elle file plutôt vite et avec une élégance rare. A côté d’elle, j’ai l’impression de faire autant de boucan que les marchands les jours de marchés, sur la place principale de Kallas. Et encore, c’est un euphémisme ! Secouant toute seule la tête, j’effleure à nouveau les pensées de la femme aux cheveux cuivrés.

Je n’aime pas spécialement courir, je m’embête au bout d’un moment, avouais-je en haussant simplement les épaules. J’ai un canasson, mais je ne suis pas vraiment à l’aise avec dessus. Je préfère encore me déplacer à pied, ajoutais-je ensuite, sans aucun rapport. Et je n’aime pas vraiment les gens, non plus. J’aime mieux être seule que mal accompagnée.

Au fond, qu’est-ce que j’aime finalement ? Réfléchissant quelques secondes, un petit sourire distrait flotte sur mes lèvres alors que le souvenir de la mer et de ses embruns s’impose à moi. Oui, ça par contre j’aime. La mer, le silence du monde sous-marin, la beauté de la vie marine.

J’aime l’eau par contre… concluais-je, de but en blanc.

Me renfrognant, j’essuie rageusement une gouttelette de sueur qui coule sur mon front. Bon, je commence vraiment à me demander depuis combien de temps nous courrons comme ça. Ce n’est pas que, mais l’ennui commence à poindre…

[Pari tenu xD]

Ìrae s'amusait.

Purement et simplement.

Elle savourait le plaisir de surnommer de gamine une fille qui n'en était plus une depuis longtemps. Après avoir longtemps été la gamine de Hieren, elle refilait le sobriquet à quelqu'un d'autre et franchement, elle comprenait pourquoi son maître adorait la surnommer ainsi rien que pour l'énerver.

Elle jeta néanmoins un coup d’œil surpris aux pieds nus de la jeune femme. Pas pratique pour courir, ça. Une habitude d'Eli, peut-être ? Mais il faudrait qu'elle se résigne à mettre des chaussures un jour ou l'autre. On ne chevauche pas sans des bottes aux pieds, et elle devait se blesser sur le sol forestier.

Pour commencer, je n’aime pas qu’on me prenne pour une gamine…

Je ne te prends pas pour une gamine, répondit-elle simplement.

Et c'était le cas. Mais il allait falloir qu'elle s'habitue à ce sobriquet. Qu'elle le veuille ou non, d'ailleurs. Elle retint un sourire devant l'air boudeur de son élève, puis jaugea sa course. Pas mauvaise, assez fluide, mais bruyante. Ìrae avait envie de voir ses limites, et accéléra encore.

Je n’aime pas spécialement courir, je m’embête au bout d’un moment, continua la jeune fille. J’ai un canasson, mais je ne suis pas vraiment à l’aise avec dessus. Je préfère encore me déplacer à pied. Et je n’aime pas vraiment les gens, non plus. J’aime mieux être seule que mal accompagnée. J’aime l’eau par contre…

Ìrae prit un instant pour digérer les informations, courant toujours avec fluidité et sans que sa respiration ne s'accélère. Elle répondit ensuite.

Que tu apprécies courir ou non, cela fait partie de la formation. De même pour ton canasson. Il va falloir t'y faire, que tu le veuilles ou non, ou c'est inutile de prétendre au titre d'envoleuse.

Les mots étaient durs mais c'était la vérité. Son apprentissage passait aussi par la chevauchée et la course. Elle décida néanmoins d'adoucir sa tirade.

Si la course t'ennuie, on peut discuter en même temps. Le cheval, il te faudra du temps pour t'y habituer de toute manière, mais c'est bien de savoir que tu en as déjà un. Quant aux gens...

Petit sourire lumineux.

Il y aura essentiellement moi. Tu penses y survivre ?

Elle accéléra encore le rythme, de manière à dépasser son apprentie. La gamine aimait l'eau, se remémora-t-elle. Il lui avait semblé déceler de la nostalgie dans la pensée effleurée. C'était une information intéressante, déjà parce qu'elle en savait davantage sur elle, mais aussi pour la formation. Si elle aimait l'eau, elle allait pouvoir la mettre à l'épreuve de ce que pouvait être véritablement l'eau ; tempétueuse, avide, farouche, brutale. Tout comme elle pouvait être limpide, douce et réconfortante.

Les deux faces d'une même pièce.

Alors qu’on continue de courir inlassablement sur le sentier, Irae répond coup sur coup à chacune de mes interventions. Je ne sais pas encore si je l’aime bien ou non, mais une chose est sûre, elle force mon respect cette femme. Et puis, elle n’a pas tout-à-fait tort non plus : il va bien falloir que je m’habitue à faire des choses que je n’apprécie pas forcément, si je veux devenir Envoleuse. Sans lui donner formellement raison, je hoche doucement la tête. Toutefois, en ce qui concernait le canasson, je ne suis pas certaine du tout de finir par l’apprécier. Enfin, à priori, ce n’est pas ce qu’elle me demanderait. Continuant de courir à un rythme soutenu, malgré le sentier glissant, je plisse un instant les yeux, avant d’échanger un regard avec mon maître.

Je ne sais pas encore, décrétais-je en me risquant à un brin d’humour mêlé à une grosse dose d’effronterie. Ça reste à voir. Et toi, tu survivras ? lui retournais-je, une ombre de sourire creusant ma joue.

A voir la tête d’Irae, je crois que si je pouvais rigoler, alors mon rire aurait résonné à travers tout Ombreuse. Réellement. Et puis à imaginer la mine déconfite de Rik et l’éclat dans les yeux de Las’, mon sourire s’élargit. Secouant la tête toute seule, j’accélère encore un peu le rythme, déterminée à ne pas me laisser distancer : c’est qu’elle est rapide, mon maître. Ma longue tresse noire flotte dans mon dos au rythme de mes pas, tandis que mes pieds s’enfoncent à chaque fois un peu plus dans la terre. Cela peut paraître étonnant, mais je me sens vraiment plus à l’aise, pieds nus. Je n’ai jamais vraiment porté de chaussures, sauf depuis que je suis arrivée sur le continent : l’hiver était rude dans certaines contrées, je porte alors des bottes fourrées pour me tenir chaud.

Soupirant un instant, je me demande combien de temps Irae compte me faire courir encore. Je commence vraiment à en avoir ras les écoutilles là ! Me rappelant des paroles prononcées par mon maître quelques minutes plus tôt, je m’assène une baffe mentale. Oui, pourquoi pas essayer de discuter pour tuer le temps. Bondissant agilement sur une racine traître, je réfléchis un instant, faisant le tri dans les milliers de questions et de pensées qui me trottaient dans la tête. Laissant filer quelques secondes, je me fais effleurement. Léger. Doux.

Tu viens des Alines, pas vrai ? J’ai grandi là-bas…

Je bien avouer qu’elle a raison, Irae. Le temps semble quand même passer un peu plus vite, quand on pense à autre chose. Quand on s’occupe quoi !

Les racines, les feuilles mortes, les petites flaques d'eau de pluie ; Ìrae survolait tout cela comme si elle volait réellement, son pas léger ne faisant aucun bruit sur le sol forestier. Le vacarme que faisait Eli, par contre, lui tira un sourire. Pour un peu, elle se serait retrouvée dans cette gamine à forte tête. Elle se retourna, captant le regard charbonneux de son apprentie.

Je ne sais pas encore. Ça reste à voir. Et toi, tu survivras ?

Un instant interloquée, un sourire plissa le coin des lèvres de l'envoleuse. Avec de la répartie, avec ça ! Elle était tombée sur un bijoux, elle en était persuadée. Un diamant brut qui ne demandait qu'à être taillé.

J'ai vu plus casse-pied que toi, gamine, crois-moi que je vais y survivre.

Elle parlait de Hieren, mais ses mots lui évoquèrent aussi le mari de sa sœur, qu'elle n'avait jamais supporté. Saeran. Son seul mérite était de l'avoir fait tante d'une enfant qu'elle n'avait jamais vue mais aimait de tout son cœur, parce que c'était la fille de sa sœur. Un brin de nostalgie passa, où elle se languit de sa famille, et elle se promit de leur envoyer un message dès son premier cour terminé.

Et qui n'était pas prêt de l'être, songea-t-elle.

Allez, un peu de nerfs encore. Marche pas aussi bruyamment, on dirait un troupeau d'ours élastiques. Allonge donc le pas un peu.

Coup d’œil sur les pieds en question.

Et ne marche pas sur des orties ou des ronces.

Entendant le soupir d'Eli, Ìrae eut un sourire ravi. Rien ne lui plaisait plus en ce moment-même qu'ennuyer son élève. Et ce serait certainement ainsi pendant un très, très long moment. Toujours, probablement.

Néanmoins, il fallait admettre que son apprentie tenait le rythme, et sans trébucher. Probablement rodée à la course, songea-t-elle. Elle était curieuse de voir ses limites et continua insensiblement à accélérer. Elle n'arrêterait que lorsque l'apprentie déclarerait forfait, et si elle devait y passer la journée, elle le ferait. Pousser à bout les gens, c'était son truc.

Tu viens des Alines, pas vrai ? J’ai grandi là-bas…

Étonnée, elle se tourna vers Eli, esquivant une branche basse avec souplesse.

Oui, je suis née dans les Îles des Femmes, dans le clan de la loutre. Mais tu n'as aucune caractéristique physique que j'ai pu y voir. À moins que tu ne faisais partie des pirates ? Peu de gens connaissent l'existence des Îles et des clans.

Elle était intriguée. Son élève viendrait du même coin qu'elle ? Ce serait une coïncidence amusante. Puis elle nota quelque chose. Eli avait dit « grandi » et non pas « née ».

Tu es née où ?

Autant qu'elle en sache le maximum sur son apprentie...

Soupirant imperceptiblement, je hoche doucement la tête tandis que la voix d’Irae résonne encore dans ma tête. Eviter les orties et les ronces, non mais merci quoi ! On dirait qu’elle me prend pour une incapable et cela m’agace fabuleusement. Fronçant le nez, je la fusille du regard mais elle semble s’en amuser. Elle se fiche de moi en fait ! Réalisant soudain que plus je laisse transparaître ma mauvaise humeur, plus mon maître s’en délecte, alors je me fais force d’adopter l’air le plus indifférent possible. Cependant, tandis qu’elle a le dos tourné, je lui tire vivement la langue. Non mais !

Le petit sourire qui creuse légèrement ma joue me trahit. En vérité, je crois bien que ces trois prochaines années – oui, j’ai cru comprendre qu’une formation pour devenir Envoleuse ne durait pas moins de trois ans – vont être particulièrement trépidantes. Je me réjouis d’avance à l’idée de faire tourner en bourrique cette femme qui ne se laisse pas démonter par mon sens de la répartie légendaire. Et même franchement insolent, aurait ajouté Rik. Mes pensées voguent un instant vers l’île où j’ai grandi : je dois bien avouer que Kallas me manque parfois. D’ailleurs, en songeant aux Alines, Irae confirme mon intuition concernant ses origines. C’est vrai que des yeux comme les siens, c’était quand même assez courant dans l’archipel, mais pas sur le continent.

Le désert des Murmures, répondis-je, dans un effleurement de pensées. Mais je ne suis pas sûre, j’ai peu de souvenirs avant mes cinq ou six ans et aucune famille qui puisse me le confirmer, ajoutais-je en haussant les épaules.

Je pris bien soin de taire les premières images nettes de mon enfance qui se dessinent dans mon esprit. Elles sont teintées de douleur et de peur. Je n’en parle pas. Je n’en parle jamais. Pas même à Rik. Tout ce que je sais, c’est qu’un jour, je me ferai un collier avec les tripes de ces infâmes pirates. Un éclat sombre brille soudain au fond de mes yeux, tandis que je secoue la tête toute seule.

Le clan de la Loutre ? m’enquis-je soudain, est-ce que ça veut dire que tu es capable de te transformer en animal, ou c’est seulement une sorte de symbole ?

La question est sincère, vraiment : elle me remémore cette conversation avec le Mentaï qui m’a amené à la confrérie de Tintiane, quand un groupe d’apprentis belliqueux m’ont tabassée dans la bibliothèque, une dizaine de jours plus tôt. Ma curiosité n’avait pas été complètement rassasié, ce jour-là. Revoyant fugacement l’éclat dans le regard de Bastian, je me demande soudain si ce n’est pas d’Irae dont il est amoureux. Si elle est capable de se transformer, alors c’est peut-être elle, son amoureuse. Et puis, le souvenir d’un portrait dépassant d’un carnet posé sur le bureau du Mentaï me revient en mémoire. Non, non, ça ne peut pas être Irae, son amoureuse. C’est plutôt cette femme, dont j’avais entraperçu le portrait. Bien que toute aussi jolie, mon maître n’arbore pas cette chevelure magnifique chevelure rousse dont je me souviens. Bah, peu importe…

∞

Je suis fatiguée de courir, on ne peut pas faire une pause ? demandais-je soudain, au bout d’un très long moment.

Non, c’est vrai quoi ! Je ne sais pas depuis combien de temps nous courons comme ça, inlassablement, sans cesser d’accélérer, mais je n’ai jamais couru aussi longtemps de toute ma vie – et pourtant, j’ai l’habitude. Mais là, je crois que mes jambes ne vont pas tarder à me lâcher si jamais on doit continuer comme ça encore un bout de temps ! Les mains sur les genoux, le cœur battant à toute pompe dans ma poitrine, à moitié vexée de devoir déclarer forfait, j’échange un bref coup d’œil avec mon maître. Qu’est-ce qu’elle allait bien trouver pour me faire rager cette fois ?

[Eli part vraiment dans tous les sens, c'est assez déstabilisant d'écrire avec elle Groupe Kuyrhan - n°1 2851059695

Enfin, j'avoue que les petites joutes verbales entre ces deux-là me font bien rigoler xD]

Ìrae sentait l'agacement de son apprentie et s'en amusait. Quand elle était elle-même élève, elle avait fait pas mal tourner en rond son propre maître qui, contrairement à Eli, manquait de sens de la répartie. Leurs petites joutes verbales promettaient trois années réjouissantes à la faire tourner en bourrique.

L'Envoleuse inspira profondément l'air frais et boisé dans lequel elles baignaient. Si elle préférait chevaucher à la course, cette dernière ne lui déplaisait pas pour autant. Elle sentait ses muscles chauffer, l'endorphine produite baigner son cerveau. Elle filait entre les branches sans qu'elles ne la frôlent, survolant presque le sol de racines entrelacées.

Elle se souvenait comme hier des courses auxquelles son propre maître l'avait astreinte, et son agacement premier, avant qu'elle n'y trouve également du plaisir. Courir était un excellent moyen de se vider la tête, de s'échauffer et tenir son corps en forme. Elle espérait que la tête de mule qui lui servait désormais d'apprentie le comprendrait aussi.

Le désert des Murmures, répondit Eli à sa question. Mais je ne suis pas sûre, j’ai peu de souvenirs avant mes cinq ou six ans et aucune famille qui puisse me le confirmer.

Attentive, Ìrae rangea cette information dans un coin de son cerveau. Pas de famille, hein ? Les sentiments qui ponctuèrent la tirade ne lui échappèrent pas, mais elle ne dit rien. Ce n'était pas encore le moment. Eli parlerait si et quand elle voudrait parler.

Songeuse, elle pensa à sa propre chance d'avoir grandi dans une famille aimante et unie. Certes, elle leur cachait son inclinaison au Chaos, s'était inventé une vie pour les rassurer et les garder loin de ses activités pour le moins... délicates, mais ses lettres fréquentes à sa sœur Dies et sa mère Aléa lui permettaient de garder un lien précieux, malgré sa virulence à l'égard de son beau-frère Saeran.

Revenant à son apprentie, son lieu de naissance expliquait son apparence physique, typique du désert des Murmures et de ses clans errant sous le soleil de plomb.

Le clan de la Loutre ? Est-ce que ça veut dire que tu es capable de te transformer en animal, ou c’est seulement une sorte de symbole ?

Ìrae eut un rire léger. Contre sa poitrine, le pendentif de bois en forme de loutre rebondissait, sa teinte foncée captant des reflets rouges foncés.

Non, c'est juste le nom de mon clan. Je ne peux pas me transformer en animal.

Pause.

Il existe d'autres clans, comme celui de l'Albatros ou du Dauphin. Je suis un croisement entre deux clans, celui de la Loutre par ma mère et de l'Albatros par mon père.

Elle avait toujours été fière de ce croisement qui lui avait donné un physique atypique, y compris dans les Îles.

Le reste de la course se passa dans un silence calme.

* * *

Je suis fatiguée de courir, on ne peut pas faire une pause ?

Ralentissant peu à peu le rythme, Ìrae hocha la tête. Cela faisait bien une heure qu'elles courraient, elle était plutôt satisfaite de l'endurance de son apprentie. S'arrêtant totalement, elle se tourna vers Eli. Effectivement, il était temps de faire une pause. Souriant doucement, Ìrae lui tendit une gourde d'eau.

Bois doucement.

Bras croisés, elle prit le temps, enfin, d'observer longuement son élève. Fine, cheveux et yeux noirs, peau mate... Elle était honnêtement jolie, mais quelque chose dans son regard interpellait son attention, à l'image de sa réplique sur son lieu de naissance. Quelque chose de sombre traînait dans sa toute première apprentie ; quelque chose qu'en temps que maître, elle estimait devoir aider à soigner.

Mais pas aujourd'hui. Pas tout de suite. Il lui fallait d'abord apprivoiser cette élève.

Quand tu auras repris ton souffle, escalade moi donc un arbre, intima-t-elle.

La forêt Ombreuse était un véritable trésor pour qui voulait entraîner son apprentie...

Tandis qu’Irae ralentit doucement le rythme, je ne peux m’empêcher de me sentir un brin soulagée : j’ai les jambes qui flagellent un peu quand même. Sans me le faire prier, j’attrape la gourde que me tend mon maître : trop obnubilée par ma gorge asséchée, je bois par grande goulée. Evidemment, ça ne manque pas ! M’étouffant toute seule, je toussote à la manière d’un chat mouillé pour tenter retrouver mon souffle. Tandis que je lui lance un regard noir, mon maître ne semble pas se départir de son hilarité. Lui tendant sa gourde, je l’interpelle d’un effleurement de pensées.

Si tu veux te débarrasser de moi, va falloir y aller avec plus de conviction, raillais-je, l’air faussement menaçante.

Je n’aurais peut-être pas dû dire ça, car quelques secondes plus tard, la bougresse m’enjoint à grimper à un arbre. Considérant mon maître l’air franchement dubitative, je fronce légèrement le nez. Grimper à un arbre ? Non mais franchement, elle me prend pour un singe ou quoi ? Secouant la tête toute seule, je m’approche de l’arbre le plus proche. Instinctivement, je lève le nez pour jauger de sa hauteur avant de baisser le menton avec une moue franchement dépitée. Attrapant la première branche à ma porte, je me hisse tout compte fait assez facilement. J’aime bien la mer, mais la hauteur ce n’est pas franchement mon truc je dois bien l’avouer.

Malgré tout, mes mouvements sont assez intuitifs – bon, j’évite soigneusement de regarder en bas, mais c’est un détail. J’ai assez vite compris que si je ne veux pas me fatiguer, il faut que je pousse plus sur mes jambes. En plus, comme je suis légère, je n’ai pas trop de mal à me hisser, peu à peu vers le sommet de l’arbre. Laissant mes pensées vagabonder librement, je les saisis une à une, me les approprie pour me contraindre à ne pas regarder vers le sol. Je me demande d’ailleurs un instant d’où est-ce que ça peut bien me venir ça, cette appréhension de la hauteur. Sur cette réflexion, mon regard glisse par mégarde vers le vide qui s’étend sous mes pieds.

Là, c’est la catastrophe ! Figée, complètement figée, je dois offrir un spectacle bien pathétique. Mais je n’y peux rien, mon corps refuse juste de m’obéir. Serrant les dents, je me maudis littéralement ! Maintenant, j’ai juste envie de me terrer dans un trou de souris et de ne plus jamais en ressortir.

Est-ce que je peux redescendre ? couinais-je, vraiment pas à l’aise sur mon perchoir.

C'était bien la peine de prévenir son apprentie, celle-ci s'était quand même jetée sur la gourde d'eau comme si elle revenait d'un périple de plusieurs jours dans le Désert des Murmures. N'essayant même pas de masquer son hilarité, Ìrae lui reprit la gourde pour prendre une gorgée d'eau. Voilà un merveilleux moment qu'elle ne manquerait pas de lui rappeler à l'avenir, songea-t-elle.

Si tu veux te débarrasser de moi, va falloir y aller avec plus de conviction, railla son apprentie.

Tu le fais très bien toute seule, rétorqua l'Envoleuse avec amusement, avant de l'envoyer grimper à l'arbre, souriant devant son air perplexe.

Un Envoleur doit être capable de se cacher partout, lui asséna-t-elle tandis qu'Eli grimpait à l'arbre. Derrière un mur, en haut d'un toit, ou au faîte d'un arbre. Il doit savoir se camoufler dans les feuilles lors d'une embuscade, par exemple. Tu n'y couperas pas.

Elle se tut le temps d'observer, pensive, la progression de son apprentie. Celle-ci ne se débrouillait pas trop mal, jugea-t-elle. Mais elle était encore loin de grimper avec aisance, et elle sentait la tension dans les épaules de son élève. Ce type d'exercice n'avait pas l'air d'être son fort, Ìrae devrait donc l'amener à le recommencer souvent. Elle n'attendait pas moins que de la perfection de la part d'Eli.

Perfection qui viendrait petit à petit, certes, mais qu'elle devrait avoir si elle voulait espérer devenir Envoleuse. Elle avait déjà compris qu'elle devait plutôt user de ses jambes que de ses bras, moins musclés puisqu'ils ne supportaient pas le poids du corps.

C'était, jugeait-elle, une progression plutôt correcte jusqu'à que l'apprentie regarde en bas. L'air terrifié qui passa sur son visage manqua d'arracher un soupir à Ìrae. Il allait falloir bien travailler cette peur de la hauteur, songea-t-elle.

Est-ce que je peux redescendre ? couinais-je, vraiment pas à l’aise sur mon perchoir.

Ìrae leva les yeux au ciel.

Oui, tu peux redescendre. Sans te casser la figure, sinon tu me le regrimpes, cet arbre.

Fausse menace. Elle ne guérirait pas la peur du vide de l'apprentie en la faisant regrimper aussitôt l'arbre. Elle allait plutôt y aller en douceur.

Elle savait que ce n'était pas forcément la politique de ses collègues, mais Ìrae préférait la bienveillance à la force qu'elle jugeait contre-productive. Elle tenait ça de Hieren, qui bien que râleur à ses moments, l'avait poussée en avant avec finesse.

Observant Eli redescendre de l'arbre, elle croisa les bras. Il allait falloir vaincre cette peur de la hauteur petit à petit. Par chance, les arbres ne manquaient pas là où elle allait l'amener, se réjouit-elle intérieurement.

Une fois Eli à terre, elle la laissa reprendre son souffle, puis asséna :

Prête pour une course pour rentrer au Domaine ? s'amusa-t-elle.

Je ne peux m’empêcher de pousser un petit soupir de soulagement quand Irae m’autorise, enfin, à descendre dans mon perchoir. Pour me raidir quasiment instantanément quand elle me menace de le gravir à nouveau si jamais j’avais le malheur de tomber. Alors là, si elle pense que je vais lui regrimper son arbre à la noix, elle se fiche le doigt dans l’œil : je préfère encore affronter une armée de Raïs entière. Vraiment ! Maudissant intérieurement mon maître sur dix générations au moins, j’entame ma longue et pénible descente.

Je suis tellement tétanisée que j’en ai presque mal aux muscles. Ce n’était pourtant pas gagné, mais je parviens à poser les deux pieds sur la terre ferme sans aucun dégât. Bon, j’ai quand même dérapé une fois ou deux, mais mon agilité et mes réflexes m’ont permise de me rattraper in-extremis. L’air boudeur, mais un peu plus sereine tout de même, je fusille Irae du regard. Qu’est-ce qu’elle allait bien inventer pour me torturer cette fois ? La réponse à ma question ne tarda pas à tomber, me tirant un petit haussement de sourcil inquisiteur.

Ouais, ça je peux faire, grognais-je.

Décidément, elle aime vraiment courir mon maître. Enfin, j’imagine que c’est une habitude à prendre et qu’à la longue ce genre d’exercice finira par ne plus trop m’emmerder. Et puis, je dois bien avouer que je préfère autant : l’idée de voyager à dos d’un canasson récalcitrant, ça m’enchante moyennement. Je me calque naturellement sur le rythme de l’Envoleuse – même si je n’aime pas vraiment courir, je dois bien reconnaître que j’ai une bonne endurance. Au bout de plusieurs longues minutes, je commence à en avoir déjà marre de ressasser ma mauvaise humeur alors je laisse vagabonder mes pensées autre part. De fil en aiguille, elles reviennent vers mon maître.

Dis, commençais-je, avant de demander de but en blanc, pareille à moi-même, tu m’apprendras à devenir forte ?

C’est indéniablement ce qui m’avait attiré, dans les propos de Las’. En devenant Envoleuse, je serai forte. En devenant Envoleuse, je serai libre de faire ce que je veux. En devenant Envoleuse, je pourrai dominer le monde pour le rendre meilleur, plus juste. C’était ça le deal, non ?

[Un peu court, mais... C'est Eli quoi x)]

Ìrae s'éclatait.

Il n'y avait pas d'autre mot pour qualifier les tortures qu'elle infligeait à son élève. Elle aurait su, elle serait devenu maître plus tôt – mais il y avait ce désir de vagabonder un peu partout dans l’Empire et au-delà... alors bon.

Regardant Eli descendre laborieusement de son perchoir, elle ne put s'empêcher de la taquiner.

T'as intérêt à aimer escalader parce que, crois-moi, des arbres, je vais t'en faire grimper jusqu'à que tu apprécies ça !

Et c'était vrai, puisqu'elle prévoyait de la faire cavaler jusqu'à la forêt de Baraïl. Des arbres, il y en aurait par dizaines, sur le chemin. Il fallait bien commencer à grimper quelque chose, manque de bol, cela avait l'air d'être tombé sur quelque chose que son élève détestait. Tant pis pour elle ! La prochaine fois, ce serait probablement des falaises. Est-ce que son apprentie apprécierait ? La réponse viendrait tôt ou tard.

Hilare, elle remarqua le regard que lui jetait la jeune brune. Décidément, elle aimait ce premier cours. Et la jeune fille également, même si elle ne le montrerait pas – pas encore. Ce petit bout de femme semblait avoir beaucoup vécu – il faudrait un moment pour qu'elle s'ouvre à elle. Alors, une vraie relation pourrait se poser.

Ouais, ça je peux faire.

Tant mieux, parce que tu vas aussi beaucoup courir !

Elle réprima un ricanement devant la tête de son élève et s'élança aussitôt, imposant un rythme moins soutenu qu'à l'aller, histoire de ne pas trop épuiser son élève avant de la faire se jucher sur un cheval – ce serait dommage qu'elle s'endorme et qu'elle ne puisse plus l'embêter...

Respirant avec délices l'air frais de la verdure, Ìrae courait à petites foulées. Le paysage d'arbres entrelacés pour former une voûte de pénombre l'enchantait. Elle aimait Ombreuse pour ses mystères et se souvenait de l'avoir appréciée dès son arrivée ici, avec Hieren. Lui aussi aimait courir... Des arbres, il n'y en avait pas tant que cela sur l'Île des Femmes, alors cette forêt dense avait été une véritable découverte qu'elle avait aimé comme elle avait aimé toutes ses leçons.

Elle espérait qu'il en irait de même pour Eli - qu'elle savourerait chaque mot, chaque épreuve, chaque tentative de se surpasser.

Et en parlant de se surpasser...

Dis, tu m’apprendras à devenir forte ?

Un brin surprise, Ìrae se tourna vers la jeune femme. Était-ce là son but en s'aventurant sur la voie des Envoleurs, devenir plus forte ? Quelles raisons se cachaient derrière cette demande ? Ralentissant un peu, elle se mit à la hauteur de son élève et plongea son regard doré dans le sien, noir comme les ténèbres.

Je t'apprendrai tout ce qu'il faut pour être forte. Cependant, tu dois savoir une chose. Il y aura toujours plus fort que toi. Il te faudra toujours te surpasser.

Ce serait sa première vraie leçon. Il y en aurait d'autres, évidemment, et de nombreuses leçons qui plus est, mais celle-ci était, à ses yeux, la plus importante.

Il y aura toujours plus fort que soi. Le but était de toujours se dépasser.

[Pas de soucis, je fais pas très long non plus !]

Sadique, grognais-je tandis que mon maître affirmait gaiement qu’elle comptait bien me faire grimper des tas d’autres d’arbres.

Le pire, c’est qu’elle semble s’amuser réellement à me torturer de toutes les manières possibles. Arborant mon éternelle moue boudeuse, je profite qu’Irae ait momentanément le dos tourner pour lui tirer vivement la langue. L’air de rien, presque innocemment même, je reviens au niveau de l’Envoleuse aux yeux dorés. Je profite du retour vers le Domaine pour observer du coin de l’œil cette femme qui serait mon mentor pendant au moins les trois prochaines années – enfin, du moins que je serais obligée de suivre sans broncher si je voulais devenir aussi forte que Las’. Si je voulais contribuer à éradiquer la misère et les inégalités dans tout l’empire.

Grande, élancée, elle est bâtie toute en muscles et en finesse. Son regard doré contraste joliment avec sa peau mate et ses cheveux aux teintes métalliques. Je crois qu’il faut bien l’avouer : c’est quand même une belle femme. En plus, elle dégage une espèce de force tranquille assez similaire à Las’ – et à l’autre Mentaï que j’ai rencontré. Bastian. Mais son assurance est aussi très différente, et m’inspire un certain respect malgré tout. Sans rien dire, je l’observe chercher ses mots pour répondre à ma question – pour une fois, elle n’est pas si saugrenue que cela. Je suis comme ça. Je n’ai aucun filtre. Va falloir qu’elle s’y habitue.

Fronçant légèrement les sourcils, je relève le menton tandis qu’Irae me répond enfin. Clignant des paupières, je prends le temps d’assimiler les paroles de mon maître. C’était certain, il y avait toujours plus fort que soi. Je le sais assez bien, j’ai eu mon lot d’expériences et de mésaventures. Alors, justement me dépasser, ça ne me fait pas peur. Je veux pouvoir contribuer à la construction d’un monde plus juste. Plus équilibré. Où les plus forts viennent en aide aux plus faibles au lieu de les dévorer comme des charognards sans pitié. Ce que je veux, c’est aussi la vengeance. Un jour, je retrouverai ces pirates qui m’ont volé mon enfance – et celle de milliers d’autres gamins. Un jour, je les tuerai.

Me surpasser, répétais-je en un effleurement de pensées presque délicat, je crois que c’est dans mes cordes. D’ailleurs, un jour, je te le ferai bouffer tes arbres à la noix !

Même si mon ton est celui de la plaisanterie, c’est bel et bien une promesse que je lui fais : celle de la surpasser et qu’un jour je devienne maître à mon tour. Un jour, c’est moi qui serai à la place d’Irae, en train de torturer un malheureux apprenti. Une petite lueur au fond de mon regard noir, j’accélère soudain le rythme sur le sentier à mesure que les murs du Domaine se devinent à travers l’orée de la forêt. Se surpasser, ça commençait maintenant !

Ìrae retint un rire devant la moue boudeuse et l'insulte d'Eli. Secouant la tête toute seule, elle continua à apprécier le rythme de la course et reprit le fil de ses pensées sur son maître. Un lien unique s'était créé quand elle avait décidé de le suivre, bien différent de celui qu'elle avait pour le moment avec sa jeune apprentie.

Avide d'apprendre et de découvertes, loin de son Île natale, elle avait eu une relation rythmée avec Hieren, où elle lui envoyait régulièrement des piques, qu'il esquivait avec un haussement d'épaules et un « Ah, la jeunesse ! » toujours adouci par un sourire amusé. Il avait ouvert grand les bras pour lui enseigner tout ce qu'il savait, et lui donner les clés des portes de ce qu'il ignorait encore. Elle-même avait conscience qu'il lui restait nombre de choses à découvrir et envisageait cette perspective avec joie. Le continent et ses frontières regorgeaient de merveilles qui ne demandaient qu'à être cueillies.

Mais pour que sa jeune élève puisse en faire l'expérience, elle allait devoir passer par les mêmes étapes qu'elle, et grimper aux arbres comme courir en faisait partie. Elle-même excellait à la nage, pour des raisons évidentes, et adorait ça. Elle avait hâte de montrer cette face d'elle-même à son – ses – élèves.

Parce que oui, un petit dernier allait bientôt arriver – un brin en retard par rapport à Eli, d'où le temps consacré à courir dans les bois entourant le Domaine. Une équipe composée de deux élèves allait être quelque chose ; déjà, pour les faire se battre, ce serait plus simple. Il n'y aurait qu'à les faire s'affronter et elle pourrait tranquillement noter les défauts à combler et qualités à aiguiser. De plus, un peu plus de gens autour d'elle ne ferait pas de mal à Eli, estimait-elle, qu'elle trouvait renfermée sur elle-même. Probablement pour de très bonnes raisons, mais qu'elle allait devoir démonter.

Elle sentit posé sur elle le regard de l'apprentie mais se contenta d'un sourire énigmatique, sans faire de commentaire. Elle allait être jugée autant qu'elle jugerait, elle le savait. C'était après tout son premier cours comme maître, et se voir à travers le regard de ses apprentis lui apprendrait également beaucoup sur elle-même.

Elle inspira profondément les saveurs boisées, un brin peinée de voir qu'elles arrivaient à la fin de leur course.

Me surpasser, je crois que c’est dans mes cordes. D’ailleurs, un jour, je te le ferai bouffer tes arbres à la noix !

Ìrae éclata de rire ; d'un rire vibrant de joie de vivre, qui emplissait l'espace et résonnait sous la voûte des arbres. Elle ne prêtait pas les paroles de son apprentie à la légère, loin de là, au contraire même ; elle sentait que ce bout de femme pouvait accomplir de grandes choses, et était heureuse d'être celle qui la formerait afin qu'elle en ait les capacités. Toujours amusée, elle la laissa la dépasser sans répondre à la pique, et la rattrapa finalement alors qu'elles arrivaient près des écuries quittées quelques temps auparavant.

Elle prit une longue gorgée à sa gourde d'eau, qu'elle tendit ensuite à Eli au cas où elle n'en aurait pas sur elle, puis enchaîna sur une série d'assouplissement pour soulager leurs corps – enfin, surtout celui de la jeune femme – de la tension de la course et de la grimpe à l'arbre. Alors qu'elles finissaient, elle reprit la parole pour une toute autre raison, cette fois-ci.

Nous allons accueillir un autre apprenti dans le groupe. Il ne devrait pas tarder à venir, nous allons l'attendre ici. Eh oui, vous allez être deux à me subir. Si tu veux, tu peux sceller un cheval en l'attendant. Dis-moi si tu as besoin d'aide. Nous allons pas mal galoper, aussi.

Croisant les bras, ses cheveux et ses yeux étincelant sous le soleil, elle attendit donc que le dernier du groupe se montre. Un certain Izy Zahoba, lui semblait-il. Des dires de la Mercenaire qui l'avait trouvé, un assassin qui privilégiait certaines cibles à d'autres. Un sacré spécimen aussi, donc. Elle avait hâte de le rencontrer.

Le cours allait être intéressant avec les deux énergumènes qu'elle se trimballait.

[arrangez-vous pour savoir qui répond en premier ! <3]

Izy avait suivi l’envoleuse, à travers la ville et la forêt sans un mot, l’envoleuse l’avait fait trottiner à côté de son cheval, Izy était épuisé mais essayait de garder le contrôle de son corps pour le dismuler. Quand il était arrivé au domaine , elle lui avait dit qu’elle ne serait pas son maître et qu’il fallait qu’il observe le panneau dans le hall pour découvrir le nom de celui ou celle qui le formerait, puis rejoindre l’écurie. Izy c’était pincé les lèvres, quel type de personne serait son maître. L’envoleuse l’avait rassuré avant de partir en disant que tout le monde ici visait un but commun, un monde meilleur et l’avait laissé là-devant le domaine. Le ciel se peignait de couleur rougeâtre, bientôt la fin d’après midi ensuite le crépuscule. Apprendre le nom de son maître, puis partir sûrement directement se former, quel était l’intérêt de l’avoir fait venir au domaine. Il s’étira rapidement, il n’était pas habituer à courir autant, sur la durée surtout et à bonne vitesse aussi. Il sourit en pensant aux courses poursuite contre les gardes, la vitesse n’était pas l’important, la ruse l’était plus.

Il traversa la porte du domaine, il fût étonné par le silence qui y régnait mais aussi légèrement calmé par celui-ci. Il s’approcha de ce qui semblait être le tableau d’affichage et chercha son nom. Il fut étonné par le grand nombre de noms, le tableau était immense. Au bout d’environ trente secondes il trouva le sien, il mit son doigt dessus et recula en vers la droite. Elinaïwenn El'Hassan.

El’

Le préfixe des nobles, son maître était une noble ? Il se crispa. Mais remarqua le second nom ensuite Ìrae Courtesy, au vu de la position du deuxième nom, elle devait être son maître. La noble était sûrement elle aussi une élève, il se pinça la lèvre. Il devait y avoir une explication logique, qu’est-ce que fessait une noble ici sinon. Il était venu jusqu’ici, il allait devoir faire confiance au chaos.

Il se retourna, chercha du regard une carte dans le hall, il en trouva une peu loin du panneau d’affichage, elle n’était pas très détaillée et elle ne signalait l’a présence que de deux lieux le dortoir et l’écurie. Il aurait adoré faire une sieste dans les dortoirs mais son petit doigt lui dit que ce n’était pas la meilleure façon de commencer une relation avec son maître que d’aller dormir plutôt qu’à un rendez-vous fixé. Il se dirigea vers l’écurie. Deux jeunes femmes si trouvait, l’une devait donc être son maître et leurs l’autre apprenti. La plus âgée des deux devait être la maître, l’autre avait l’air plus jeune que lui. Il devinait au fait d’être dans l’écurie, qu’il allait partir sûrement à cheval, une légère moue se dessina sur le côté de son visage, dans son apprentissage d’assassin, il avait appris à monter à cheval pour s’enfuir, mais il n’avait essayé qu’une fois sur une grande distance et il se souvenait encore de la douleur des courbatures.

Il observa la jeune femme sans prêter attention à l'autre apprentie, ses yeux d’or ressortait sur sa peau mate, il avait comme la sensation d’être transpercé par ceux-ci, il n’aimait pas la sensation d’être deviné ainsi pour lutter contre la sensation il la fixa dans les yeux, rien ne sert de fuir, un regard ne peut pas vraiment blesser. Elle savait forcément qui il était, elle était forcément la bonne personne. Il ne sut donc pas quoi dire poser la question « êtes-vous Ìrae ? », lui semblait stupide dire « Je suis Izy » aussi, il resta donc face à celle-ci, la fixant dans les yeux, dans l’attente d’un ordre, d’une phrase, il ne savait pas vraiment quoi.

On vient tout juste de s’arrêter devant les écuries lorsque mon maître me tend à nouveau sa gourde. Hochant doucement la tête, j’accepte sans broncher et profite de quelques gorgées d’eau qui me font le plus grand bien. Repoussant ma longue queue de cheval noire dans mon dos, je plante mon regard noir dans celui de mon maître, pressée de passer à la suite. Si seulement je m’attendais à ce qu’elle allait m’annoncer : apparemment, je n’allais plus être sa seule apprentie. Génial, un boulet ! Fronçant le nez dans une moue passablement contrariée, je fais volte-face sans rien dire pour aller sceller mon cheval.

Tempête piaffe dans son box. Elle sent que nous allons bientôt partir ; même si entre elle et moi ce n’est pas le grand amour, je commence tout de même un peu à la connaître. Repoussant sa grosse tête qu’elle voudrait bien pouvoir poser sur mon épaule, je m’occupe d’elle comme on me l’a appris. Là encore, pour le coup, je ne me débrouille pas trop mal. Il ne me faut que peu de temps avant de rejoindre Irae dehors, tout en conservant les rênes de mon cheval fermement de la main droite.

Apparemment, le retardataire s’est enfin décidé à se pointer. Arborant mon éternelle moue boudeuse, je scanne le garçon des pieds à la tête – on ne peut pas vraiment dire que ça soit un homme, ou en tout cas il n’en donne pas l’air. Des cheveux blancs, des yeux aussi clairs que ses cheveux, une allure mince voire même un peu trop maigre pour sa taille, on dirait presque qu’il voudrait disparaître si seulement c’était possible. De prime abord, comme ça, il n’a pas franchement l’air dégourdi. Ni très causant – mais ça, encore, c’est loin de me déranger, bien au contraire. Je ne sais pas trop s’il s’est déjà présenté. A vrai dire, je m’en moque comme de ma première panade.

Le poing gauche planté sur ma hanche, j’adresse un signe du menton à l’Envoleuse aux yeux dorés, sans me départir de mon audace naturelle.

C’est lui le nouveau ? demandais-je, de but en blanc, par pensées interposées, avant de hausser les épaules en secouant la tête. Oublies, je m’en fiche en fait. On va où ?

Sentant la brûlure d’un regard sur ma nuque, je recule d’un pas pour me tourner vers le garçon. Je plonge mon regard noir insondable dans le sien. Fronçant les sourcils, je le toise un instant. Avant de m’adresser à lui dans la langue des signes, parfaitement consciente qu’il ne pourrait probablement pas me comprendre – ça avait d’ailleurs un petit quelque-chose de satisfaisant.

« Quoi ? Tu veux ma photo ? »

Le mouvement de mes mains est tellement rapide qu’il faut bien maîtriser ce langage si particulier, pour saisir le sens de ce que je disais à cet instant précis.

[Bon, ça promet xD Par contre, je crois que c'est "il" le préfixe propre aux noms de famille de la noblesse. Du coup, Eli n'est pas noble du tout xD]

Les bras croisés, Ìrae attendait patiemment. Eli semblant savoir sceller un cheval seule, elle l'avait laissée accomplir cette tâche – elle-même scellerait son cheval quand le nouvel apprenti arriverait, au cas où il aurait besoin d'aide ou d'un exemple. Elle avait bien senti le désappointement de la jeune femme à l'annonce d'un autre apprenti, mais elle-même n'y voyait que des opportunités, et tant pis pour cette tête de mule.

Elle n'eut pas à attendre longtemps. Bien vite, un garçon fin, grand – plus qu'elle –, aux yeux d'un bleu clair infini et aux cheveux d'un blanc surprenant se présenta devant elle. Son physique lui fit penser à une autre apprentie – celle de Gil, lui semblait-il. Yeux clairs, mèches blanches, mais plus petite que son apprenti à elle.

De ce qu'elle en savait, toute ressemblance s'arrêtait là. Elle n'avait pas entendu parler d'un passé d'assassin pour l'apprentie de Gil, contrairement au sien, qui arborait en plus de grands cernes foncés.

Ses yeux acérés détaillèrent le corps musclé et tout en longueur, vêtu de noir et de gris. Son regard semblait comme perdu, vide, et comme pour Eli, elle se demanda ce qui avait bien pu arriver à un tel garçon pour qu'il finisse ainsi.

Un assassin, donc. Qu'allait-elle pouvoir apprendre à un garçon déjà baigné de sang ? Peut-être à se retrouver. Quelque chose lui soufflait qu'il en avait besoin.

Retenant un soupir – elle se retrouvait avec deux apprentis bien particuliers, pour son premier cours –, elle sourit au jeune homme, de son habituel sourire clair et joyeux.

- Izy, je suppose ? Nous t'attendions. Suis-moi, tu vas avoir besoin d'un cheval, nous ne restons pas sur le Domaine.

Eli sortit à ce moment-là de l'écurie, tenant un cheval par la bride. Ìrae jeta un rapide regard, apprécia le fait qu'il soit scellé correctement. Elle n'était pas novice dans l'équitation – tant mieux. Cela éviterait de partir de zéro.

C’est lui le nouveau ? l'interpella son apprentie. Oublies, je m’en fiche en fait. On va où ?

Retenant un sourire – cela allait être le feu et la glace entre les deux, apparemment – elle hocha néanmoins la tête.

On va aller dans ton futur endroit préféré, railla-t-elle, la forêt de Baraïl !

Étouffant un rire, elle enchaîna.

C'est Izy Zahoba, pour répondre à ta non-question.

Elle vit avec surprise la jeune fille signer à toute vitesse. Elle n'y compris rien, ne parlant pas la langue des signes, mais cela confirma ses « craintes » : les deux allaient avoir du mal à s'entendre. Tant pis, ils feraient avec et un point c'est tout, tout comme ils feraient avec elle, sans doute la plus joyeuse d'entre eux. Une tristesse, quand elle pensait à leurs âges respectifs.

- Bon, Izy, suis-moi, intima-t-elle.

Elle s'engouffra dans l'écurie sans vérifier s'il obéissait à son ordre. Une fois à l'intérieur, elle lui proposa de prendre le cheval qu'il souhaitait, et commença à sceller le sien, Écume. La jument, heureuse de pouvoir se dégourdir un peu, lui donnait de réguliers coup de têtes auxquels elle répondait par des caresses. Après avoir vérifié qu'Izy se débrouillait, et l'avoir aidé si besoin, ils conduisirent leurs montures à l'extérieur pour rejoindre son autre apprentie.

- Au fait, fit-elle, je te présente Elinaïwenn, ou Eli, se doutant que la jeune femme n'avait pas fait les présentations. Mais tu as peut-être vu son nom sur le panneau du bâtiment.

Elle se jucha sur Écume et les invita d'un geste de la main à faire pareil avec leurs propres montures. En quelques mots, elle critiqua d'emblée leur manière de s’asseoir, leur façon de mettre les pieds dans les étriers, puis s'étira longuement.

- Allons-y, décida-t-elle. Nous camperons hors d'Ombreuse pour cette nuit, cela ne vous fera cependant pas trop de trajet à cheval pour une première fois. Il faudra vous habituer à l'idée que nous allons beaucoup chevaucher, cependant, puisque nous allons dans la forêt de Baraïl.

Ils commencèrent donc leur chevauchée dans Ombreuse, dans la direction sud. Après deux heures passées à cheval, où elle critiqua leur assise, elle intima une halte au pied d'un petit bosquet. Elle prit un moment pour leur montrer comment panser leur monture, puis alluma un feu – à l'ancienne, comme elle aimait le penser depuis que sa greffe lui permettait de générer des flammes.

Elle attendit qu'ils soient tous réunis autour du feu de camp pour distribuer la nourriture qu'elle avait empaqueté, puis, tandis qu'ils mangeaient, posa son menton dans le creux de sa main, coude planté sur ses jambes croisées.

- Dis-moi, Izy, qu'est-ce qui t'amène sur la voie du Chaos ? J'ai déjà une petite idée pour Eli d'après nos conversations quand tu n'étais pas encore là, mais je suis curieuse te concernant.

Les flammes du feu crépitaient en s'enroulant autour des branches qu'elle avait réunies pour s'élancer vers le ciel nocturne.

[Eli, je ne sais pas si on peut communiquer par la pensée à trois via toi, tu me diras ! Et effectivement, El' ne me semble pas être un titre de la noblesse Izy ! Mais tu peux penser le contraire. Excepté cela, j'ai l'impression qu'Irae va bien s'amuser Very Happy

]

- Izy, je suppose ? Nous t'attendions. Suis-moi, tu vas avoir besoin d'un cheval, nous ne restons pas sur le Domaine.

Il hocha la tête.

Il remarqua comme un dialogue silence entre les deux jeunes femmes, Izy les observa, l’autre apprentie, ne ressemblait pas du tout à une noble, son regard se posa légèrement sur la nuque de celle-ci, avec une telle blessure elle devait être muette, elle s’approcha de lui et plonga son regard dans le sien.

Izy surpris baissa les yeux, la regardant toujours du coin de l’œil. Elle semblait s’adresser à lui avec les mouvements qu’elle faisait. L’homme qui tenait les comptes de son maître assassin était aussi muet, ils les avaient vu parler parfois, en langage des signes. Cependant il ne l’a jamais appris et ces mouvements sont bien trop rapides pour qu’il tentât de se souvenir des quelques mots qu’il comprenait. Cependant il eut l’impression de l’avoir vexé, d’une manière ou d’une autre. Elle ne lui plaisait pas, mais en même temps, il savait qu’il ne pourrait pas s’en débarrasser et qu’ils étaient a présent dans le même camp, voir dans le même bateau au vu du fait qu’ils allaient être formés par le même maître, ainsi il choisit de répondre, en relevant les yeux plongeant son regard dans le sien.

- Désolé.

Il brisa rapidement cet échange de regard, dès la fin de son mot, il n’appréciait pas de regarder les gens dans les yeux, heureusement pour lui l’envoleuse brisait rapidement la situation.

- Bon, Izy, suis-moi.

Il s’obtempéra, une fois dans l’écurie elle lui demanda de choisir un cheval si il n’en possédait pas un. Il observa rapidement les noms sur les box Hurcul, Impal…

Thunder capta son attention, sa tête était divisée en deux parties avec une trace blanche qui recouvrait la moitié de celui-ci, sa robe était assez claire et mélanger de poil plus foncé au niveau de la tête et des pâtes. Doucement il s’approcha pour la sceller. Il avait l’habitude de s’occuper des cheveux de son ancien maître moins de les monter, ou sur des courtes distances comme aux seins de la ville. Une fois qu’il eut fini, Ìrae vérifia et lui fit signe de conduire leurs montures à l’extérieur.

- Au fait, je te présente Elinaïwenn, ou Eli, Mais tu as peut-être vu son nom sur le panneau du bâtiment.

Il ne savait vraiment quoi faire, qu’elle était la démarche à suivre quand on rencontre une nouvelle personne et qu’on va sûrement devoir passer plusieurs années en sa compagnie, il ne voulait pas rendre ça pour difficile que nécessaire. Sans vraiment la regarder, il répondit.

- Enchanté, je suis Izy.

Elle l’est invita ensuite à monter à cheval et critiqua de suite leurs postures, leurs façons de s’asseoir. Izy souris, au moins il n’était pas dépaysé son ancien maître avait passé son temps à le critiquer, mais il ç’avait à présent qu’accepter ces critiques était le seul moyen de devenir meilleur.

- Allons-y, Nous camperons hors d'Ombreuse pour cette nuit, cela ne vous fera cependant pas trop de trajet à cheval pour une première fois. Il faudra vous habituer à l'idée que nous allons beaucoup chevaucher, cependant, puisque nous allons dans la forêt de Baraïl.

La remarqua le soulagea, si les distances étaient progressives, il ne devrait pas avoir des courbatures insurmontable, cependant il se demandait bien ce qu’il pourrait faire dans la forêt de Baraïl.

Elle passa leurs trajets dans Ombreuse à les critiquer pendant deux heures, cela lui provoqua un sourire malicieux, elle était encore pire que son ancien maître. Elle finit par leurs autorisés une halte, où elle leur montra comment nettoyer leurs chevaux, les faire boire, prendre soin d’eux. Izy se permit des étirements des jambes, la douleur commençait à se faire sentir, puis rejoins le feu de camp. Elle leur distribua de la nourriture, Izy y toucha légèrement, il avait l’habitude de manger très peu, habitude qu’il avait pris pour que sa sœur mange à sa faim, mais qu’il ne pouvait s’empêcher de garder, il mangeait juste pour que son corps continue de fonctionner normalement. Pendant qu’il grignotait, l’envoleuse s’arrêta de manger et le fixa, la tête dans le creux de sa main. Il frissonna, encore cette sensation que son regard doré le transperçait, pouvait comme voir à travers lui, il baissa la tête regardant ses mains.

- Dis-moi, Izy, qu'est-ce qui t'amène sur la voie du Chaos ? J'ai déjà une petite idée pour Eli d'après nos conversations quand tu n'étais pas encore là, mais je suis curieuse te concernant.

Il bredouilla :

- Je voudrais porter sur le monde un regard sans haine.

Une pause, une respiration. Plus assuré, il reprit, regardant toujours ses mains qui jouait avec le bout de nourriture.

- Et pour cela je veux le rendre plus équitable, meilleur, pour les oppressés.

Il ferma les yeux, pour toutes les Iris qui rêvent, pour toutes les petites filles et les petits garçons qui rigolait, toutes les vies détruites par la pauvreté, il essayerait. « il faut passer par le chaos pour tout reconstruire. » Avait dit la jeune femme, qu’il avait suivi, il espérait tout reconstruire.

[Oui désolé j'ai confondu ooups mais on va dire que c'est une erreur de mon perso!]

Bras croisés contre ma poitrine, je me détourne du nouvel apprenti comme si de rien n’était. Irae choisit précisément ce moment pour répondre à mes questions et ne parvient qu’à me tirer une grimace contrariée. La forêt de Barail ?! Génial ! Manquait plus que ça ! Non mais elle a quoi avec les arbres, sérieux ?! Il me tarde franchement d’être assez forte pour mettre ma menace à exécution. Un jour, elle se mangera un tronc d’arbre en pleine figure et j’en fais la promesse ! Passablement agacée, je lui tire la langue vivement pendant qu’elle accueille le nouveau.

En parlant de cet énergumène… Izy Zahoba. Mon maître me confirme également mes craintes concernant ce grand échalas qui vient seulement d’arriver. En plus d’avoir l’air coincé comme un manche à balais, il a aussi le culot de se pointer en retard. Bon, je dois bien avouer que l’idée de le faire tourner en bourrique en lui parlant exclusivement en langue des signes me console un petit peu. L’excuse que le garçon marmonne timidement me fait sourire. Il n’a pas l’air bien vaillant celui-là, avec un peu de chance il prendrait ses jambes à son cou avant même d’arriver dans la forêt de Barail.

L’Envoleuse aux yeux dorés termine les présentations. Pour être honnête, je ne me rappelle même pas de ma propre date d’anniversaire, alors retenir le prénom de ce grand dadais ? Faut pas trop rêver là ! Secouant toute seule la tête, je me hisse sur Tempête qui piaffe d’agacement. Sale canasson ! A peine installée, Irae critique déjà ma position sur la scelle. L’inspection est plus rapide que je ne le pensais et nous nous mettons en route à peine quelques minutes plus tard. Un petit sourire se dessine sur mes lèvres tandis que mon cœur cogne un peu plus fort dans ma poitrine : une nouvelle route s’étend, une nouvelle aventure m’attend et cela a quelque-chose de particulièrement excitant !

Nous ne chevauchons pas si longtemps que ça et tandis que les dernières lueurs du jour disparaissent à l’horizon, le campement est déjà en place. Les chevaux ayant été pansés, Irae nous invite alors à la rejoindre autour du feu crépitant. L’autre Face de Lune et moi mangeons sans un mot. C’est notre maître qui rompt le silence la première, d’un ton teinté de curiosité. L’air renfrognée, je pose mon regard noir sur le garçon aux cheveux blancs, vaguement curieuse tout de même de connaître les raisons de sa présence ici. Et sa réponse me tire un haussant de sourcil circonspect : en voilà un doux rêveur. Un monde plus juste et équitable ? C’est bien beau tout ça, mais je doute que ça existe un jour ! Moi, je n’en demande pas tant ; je veux simplement devenir forte, pour ne plus jamais avoir à être à la merci de types comme ceux qui ont tué ma famille, ou encore ces esclavagistes qui se font de l’argent sur les vies humaines. Je veux être forte pour rester libre.

[Un peu court, mais je réponds enfin ! Et Eli a trouvé un surnom à Izy, elle est infernale xDD]

Izy mangeait à peine, remarqua la maître Envoleuse. Allons bon, avait-elle un apprenti avec des troubles du comportement alimentaire sur les bras ou était-ce juste une habitude liée à son histoire ? Impossible de dire pour le moment. Elle le saurait en temps et en heure, elle n’en doutait point. Ìrae allait se faire un plaisir de creuser l’histoire et la personnalité de ses deux élèves, en plus de les former correctement.

Son cœur battait à grands coups réguliers. C’était une première que cette formation, pour elle comme pour eux. Elle espérait y arriver, sans faire part de ses doutes à ses apprentis. C’était une partie de la beauté de sa voie : elle apprenait tous les jours, et aujourd’hui, c’était comment former une tête de mule et un ancien assassin ! Hieren lui aurait dit un jour qu’elle formerait à son tour de jeunes gens, elle ne l’aurait pas cru. Après tout, seule apprentie de son feu maître, elle était vivement solitaire et indépendante. Alors s’attacher trois ans à des apprentis…

Mais elle était là, face à une fille muette aux longs cheveux noirs et à un garçon aux mèches blanches. La nuit et le jour, ou plutôt la nuit et la lune, songea-t-elle. Diamétralement opposés. Allaient-ils trouver ce qu’ils cherchaient dans cette formation, où comme semblait le souhaiter secrètement Eli à propos d’Izy, allaient-ils partir au bout de quelques jours ? Dans trois ans, où en seraient-ils, tous les trois ?

Elle se secoua. Eli avait l’air d’être du genre qui s’accroche avec l’énergie du désespoir, et Izy, même s’il semblait tomber des nues quelques fois, prenait bien le début de l’apprentissage, de ce qu’elle devinait au travers des sourires qu’elle avait perçu quand elle critiquait leur assiette et leur façon générale de se tenir sur les chevaux.

Pendant ce temps, Izy répondait à sa question, et sa tirade la surprit légèrement, tandis qu’il regardait ses mains comme un enfant pris en faute. Le Chaos, rendre le monde meilleur et équitable ? Certes, elle n’avait pas suivi son maître sans savoir qui étaient les mercenaires et le regard qu’ils posaient sur le monde, tout en se fichant de leur doctrine, mais… Elle doutait fortement de pouvoir le changer en bien en étant Envoleur. Izy poursuivait un rêve perdu d’avance, à son sens. La haine motivait bien des mercenaires, bien que cela ne fût pas son cas. Il aurait davantage eut sa place parmi les marchombres… Quel gros lot pensait tirer la mercenaire qui l’avait amené ici ?

Merwyn, que ses collègues la fatiguaient, parfois.

- Je vois, finit-elle par répondre. J’espère que tu trouveras ce que tu cherches en suivant ma formation.

Un garçon qui veut un monde meilleur, une jeune femme qui veut devenir forte… Auront-ils ce qu’ils souhaitent sous son égide ? C’était à elle de leur apporter les armes pour cela.

En parlant d’armes…

Voyant qu’ils avaient fini de manger, elle leur fit signe de se mettre debout. La nuit planait au-dessus d’eux, la lune leur souriait et le feu projetait une lueur douce… C’était le bon moment pour un petit combat à mains nues avant de s’étirer et d’aller se coucher !

Faisant sauter une pomme dans sa main, qu’elle croqua ensuite joyeusement, elle jeta son regard transperçant sur eux. Elle voulait avoir une idée de leurs compétences au combat, et cela commençait par ça.

- Debout, vous deux. On va profiter du fait que vous soyez en nombre pair pour que vous vous battiez l’un contre l’autre. Pas d’armes, juste vos poings, vos pieds, votre corps.

Ses yeux d'or brillaient, tandis qu’elle les plaçait l’un en face de l’autre, à distance raisonnable. Le foyer jetaient des lueurs cuivrées dans les cheveux blancs d'Izy, tandis qu'il soutenaient les siens, et gravait le regard noir d'Eli dans sa peau.

- Faites attention à votre défense ; un adversaire inexpérimenté est parfois plus dangereux qu’un guerrier entraîné, parce qu’il ne sait pas mesurer sa force. La réflexion dans le combat est le meilleur indice à donner à votre adversaire sur vos attaques. Ne prévoyez pas le combat, vivez-le.

Elle les scruta encore un peu, laissant les phrases sibyllines planer entre eux trois.

- Le premier à faire tomber trois fois l’autre remporte la partie.

Elle tapa dans ses mains.

-Commencez.

[un peu court, je m'excuse !]

- Je vois, finit-elle par répondre. J’espère que tu trouveras ce que tu cherches en suivant ma formation.

En réponse Izy tenta un sourire, cela ne pouvait pas être pire que de tuer la vermine de sa ville. Cela était appréciable au début, savoir qu’une autre personne ne souffrira plus une fois le travail effectué. Les remerciements, les larmes de joies parfois. Mais au bout d’un moment, cela était devenu répétitif, comme si les hommes n’arrêtaient jamais de faire du mal et la justice fermait les yeux en permanence, il avait l’impression d’être enfermé dans un cercle infini avant qu’elle, qui ne lui avait même pas donné son prénom, la femme en rouge ne l’emmène ici, enfin parmi les mercenaires du chaos. Il se demanda un instant ce qu'elle pensa de sa réponse mais son avis ne comptais pas vraiment à ses yeux actuellement, peut-être espérait-il trop et que les idéalistes ne durait jamais longtemps dans ce monde, mais il était toujours là.

- Debout, vous deux. On va profiter du fait que vous soyez en nombre pair pour que vous vous battiez l’un contre l’autre. Pas d’armes, juste vos poings, vos pieds, votre corps.

Il se leva et elle les plaça, l’un fasse à l’autre. Izy n’avait pas l’habitude d’attaquer sans raison, mais il n’avait pas non plus l’habitude d’attaquer en deuxième, ni de front ceci dit. Sa meilleure arme était la surprise.

- Faites attention à votre défense ; un adversaire inexpérimenté est parfois plus dangereux qu’un guerrier entraîné, parce qu’il ne sait pas mesurer sa force. La réflexion dans le combat est le meilleur indice à donner à votre adversaire sur vos attaques. Ne prévoyez pas le combat, vivez-le.

Ne pas réfléchir, drôle de conseil à l’inverse de ce qu’on lui avait appris. Déterminer son mouvement au millimètre, frapper et disparaître. Dans un combat au corps à corps, on ne peut pas tout miser sur un coup.

- Le premier à faire tomber trois fois l’autre remporte la partie.

Juste faire tomber, il n’avait jamais vraiment fait de corps à corps auparavant, s’il s’approchait suffisamment prêt ses victimes étaient déjà mortes ou des poivrots, mais il était facile de battre un homme rempli d’alcool, quelque chose lui dit que ça ne serait pas le cas de la jeune femme qui était en face de lui.

-Commencez.

Il se mit en garde au bruit de main instinctivement, respira un coup, se concentra sur le combat. Son ancien maitre disait que ses yeux changeaient pas de couleur, mais dans la détermination quand il démarrait une mission, la même détermination qu’il avait vue dans ses yeux quand il avait failli tuer son père. Aujourd’hui il ne devait tuer personne, juste ne pas tomber et la faire tomber. Pour cela il devait déterminer l’équilibre de son adversaire. Il la fixa attendit qu’elle frappe en premier, le plus stable sur ses appuis possibles, sur le qui-vive.

[un peu court aussi désolé,,]

Sujet: Re: Groupe Kuyrhan - n°1 Ven 23 Oct 2020, 19:57

Absolument impassible, je plante mon regard dans celui de Face de Lune. C’est quand même un drôle de type celui-là ! Avec une sensibilité autant à fleur de peau, je ne suis pas certaine du tout qu’il fasse long feu dans les rangs des Envoleurs. Enfin, on dirait que je ne vais pas avoir tellement le choix que de subir la présence de cet énergumène. Secouant toute seule la tête, je hausse un sourcil en réaction aux paroles d’Irae. Sans me le faire prier, je me lève d’un bond agile, tandis qu’un petit sourire de satisfaction étire fugacement mes lèvres.

Je m’avance doucement vers l’endroit désigné par mon maître, tout en observant à la dérobée l’autre apprenti. Mon adversaire semble soudain sérieux. Beaucoup trop sérieux. On dirait presque que sa vie dépend de ce duel - oui, on ne peut pas vraiment dire qu’il s’agit d’un combat. Aucun risque ici qu’on puisse réellement se faire du mal. Ce sera le bout des Alines si l’on écope de quelques bleus, par-ci ou par-là ! C’est pourquoi, moi, je suis plus détendue. Et puis, il faut bien l’avouer, j’ai l’habitude des bagarres de rues. La capitale des Alines est tristement connue pour ses violences quotidiennes et son taux de criminalité. Bon, je n’aime pas spécialement me battre, et d’ailleurs je suis bien plus douée pour échapper aux bastons d’une feinte agile. Mais quand il le faut, je parviens quand même très souvent à me sortir des situations les plus périlleuses.

Mon regard, d’un noir d’encre, glisse sur la silhouette menue de Face de Lune. Raide comme un manche à balais. Ca crève les yeux : il attends que j’attaque en premier pour pouvoir me jauger. Comptes là-dessus, marin d’eau douce, songeais-je fugacement. Juste avant de bondir. Ou du moins plonger littéralement pour faucher les jambes de mon adversaire. Bon, pour l’élégance et la subtilité on repassera, mais la surprise jouant, je parviens à faire tomber à la renverse Face de Lune une première fois.

Reculant de quelques pas, pour lui laisser le temps de se relever, je glisse une mèche de cheveu rebelle derrière mon oreille. Si mon regard noir brille de détermination, il n’en reste pas moins profondément insondable.

*

Notre duel n’a pas forcément duré très longtemps, mais il était relativement équilibré, je crois. Si je l’ai emporté cette fois-ci, ça aurait très bien pu être lui. Je dois reconnaître qu’il se débrouille pas trop mal, l’autre apprenti. Hésitant quelques longues secondes, je me décide à m’approcher de mon adversaire pour lui tendre la main et l’aider à se relever. Je ne dirais pas que c’est un geste forcément amical ; au contraire, cela s’apparenterait plus à une forme d’acceptation de sa présence ici.

Tu te défends pas trop mal pour une face de lune, décrétais-je d’un effleurement de pensées.

Sans rien ajouter de plus, je le plante là et je me tourne vers Irae, un sourire en coin sur les lèvres.

Vas pas croire que je l’apprécie hein ! Mais je devoir le supporter, alors bon,...

Je vois bien la lueur moqueuse dans le regard de l’Envoleuse. Fronçant le nez, je lui réponds tirant la langue. Enfin, malgré tout, je suis quand même curieuse d’entendre ce qu’elle a à dire.

[Désolée du retard, promis je tâcherai à ce que ça n'arrive plus Surprised

]

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